
286 C L A
vibratfon , a fait imaginer de pincer les cardes
avec de petits morceaux de plumes au’on a fixés
a des languettes à reflort, enchaffées dans la partie
iupeneure de petits morceaux de bois minces &
plats nommés irmereaux. Il y en a un ü côté de
chaque corde , & on les dirige perpendiculaire-
ment jufquau clavier qui les fait mouvoir. On
applique au bord de chaque fautereau un petit
morceau de drap dont l’effet eft d’arrêter la
vibration des cordes, quand on quitte la touche.
• flCette n0Mvc^c Invention fut adaptée à deux
marumens qui ne différaient que par leur forme :
la virginale, quarrée comme les petits piano-forte,
~ Ijpmette, qui reffemble à une harpe couchée
horilontaleraenr. Ces deux im'irumens & le clavi-
çhorde paroiffent avoir été fouis en ufage jufque
vers la fin du foiziçme fièclç , temps ou le clavecin
prévalut. 11 ne refie plqs de virginales ;
les eptnettes dtfparoiffent , on les démolit pour
employer fours vieilles tables à la çonft ruéiiou d'inf
îçiijnecs plus modernes.
-, ^*e clavedn conftnùt fur le modèle de l’épir-eîte,
n eh eft , pour amfi çh*e » que l'amplification. Une
plus grande capacité , deux cordes à l’unhTon .pour
chaque note , plus de longueur dans les cordes :•
voilà ce qui en a fait long-temps la feule difïe-
fence. Hans Ruckers donna à cet infiniment un
fon plus for t, plus brillant & plus animé , en
joignant aux deux cordes à Punïften un trolfième
rang de cordes plus fines plus courtes que les
autres-, & accordées à Poâave fupérieure : cm
1 appelle la pente oéïave. HansR,uckers moqta fes
clavecins, moitié en cordes de cuivre poyr les ions
graves, & moitié en cordes de fer pour les ions
aigus. Il fit à l’imitation de l’orgue un fécond rang
de touches dont l’objet fut de produire des nuances,
en faifant entendre trois cordes fur un clavier
& une feule fur l’autre. Il porta l’étendue du clavier
à quatre octaves (Tut à ut y en ajoutant quatre
fons graves aux quarante-cipq dont il étoit pom-
pofé avant lui.
Ce qui a fur-tout diftingué cet habile faâeur eft
la qualité , la plénitude & l’égalité de fon qu’il
a données à fes clavecins, par d’heureufes proportions
, par un foin extrême dans le choix du bois
dont il fermoit les tables de fes infti umens ; par l’at
teption avec laquelle il rapportait les fils du bois •
de ces tables pour que rien n’interceptât la vibration
, & par la gradation qu’il obfervoit dans leur
épaifieur, proportionnée aux différens nombres de
vibrations'entre les fons graves & aigus.
Les premiers clavecins de Hans Ruckers font
de la fin du feizième fiècle. Ce fadeur avoir été
menuifier à Anvers ; il çnitra fon premier métier
peur s’gdonngr entièrement à la fabrication des
Clavecins. Cette circonftance prouve que ces inf-
tnimens étoient fort répandus alors. Hans & fes
Jean & André prefq|fau$î babfles que lui ■ -
C L A
énemoyerenfun nombre prodigieux1 en France, en
Ltpagne , en Angleterre & en Allemagne*
Les Italiens ne profitèrent pas des nouveaux
progrès du clavecin , & continuèrent à faire les
leurs à deux unifions & un clavier. Comme ces"
mit rumen s ne font guère deftinés chez eux qu’aux
compoliteurs, & font particuliérement employés
a accompagner la v oix , on n’y recherche qii’une
harmonie douce. Les meilleurs fadeurs d’Italie
ont été le Prêtre, Zanetii, le Crotone, Farini,
tous du commencement du dix-feptième fiècle.
Le dernier de ces fadeurs a monté quelques uns
de fes clavecins en cordes de boyaux. Il en exifte.
encore dans plufieurs villes d’Italie qui attellent
1 avantage de ces cordes fur celles de fer ou de
cuivre, pour la qualité du fon.
En France, Richard & d’autres fadeurs, vers le
meme temps, acquirent de la réputation. Cent ans
apres » Blanchet les furpaffa par le fon agréable de
les clavecins , & principalement par la légèreté
extreme de fes claviers, qui contribua beaucoup
aU£ P;°§r®s d.e cet inhument en France. Blanche.*
refit des claviers à un grand nombre de clavecins
dçs Ruckers, auxquels il ajouta quatre notes graves
oc autapt,d’aigues.
L etendue du clavier a depuis été portée à cinq-
odaves. D ’après plufieurs. efiais faits depuis quelque
temps , on peut conjedurer que les bornes,
de çette etendue feront bientôt reculées.
Te l eft à peu près l’état où le clavecin's’efc
maintenu, malgré tout ce qu’on a fucceffivément
tente & execute d’heureux ou d’abfutde pour en
veloutçr ou en varier le fon véritable, qui a toujours
paru aigre aux oreilles délicates. On a fait
des clavecins qui ont plus de vingt changemens
pour imiter le fon de la harpe, du luth, de la
mandoline , du baflon , du flageolet, du hautbois,
du violon & d’autres inflrumens. Les fons qui ont
ete découverts dans le cours des expériences , &
auxquels on n’a pu attribuer d^anaiogie avec ceux
d inftruniens connus, pnt eu des noms nouveaux,
comme jeu célejlei &c. Dans ce nombre de jeux, il
en eft qui aqroient mérité d’êrre cohfervés, fi leur
peu de folidité n’en çmpêçhoit l’ufage général.
Pour produire ces divers effets, on a multiplié
les rangs de fautereaux , & an fieu de plumes
quelques uns ont été armés des matières les plus
propres à rendre l’Intention. Celui qui exécute peut
fans s’interrompre faire entendre ces diffère ns jeux,
ou feparement, eu plufieurs réunis , au moyen de
refforts qu’il fait mouvoir par des boutons à là
portée des genoux,& par des pédales. Quelquefois,
pour faciliter encore les combiraifons , on a à jouté
un tfoiîlemé clavier. ’Enfin on a imaginé de placer
un buffet d’orgue fous le clavecin & de faire communiquer
les tuyaux avec le clavier de ce dernier
infiniment. L’Orgue 8c le clavecin peuvent être
entendus, enfembie ou féparés. Bn réunifiant
C L A
variété de jeüx adaptée au clavecin, aux divers
jeux d’orgue dont l’efpace eft fufceptible, le nombre
en devient prodigieux.
Les nuances manquoient au clavecin : l’on n a
pas trouvé d’autre manière .après celle des deux
claviers , d’augmenter ou diminuer le fo n , que
d’avancer ou reculer fuccefliveinent par des'ref-,
forts les divers rangs de fautereaux , afin de les
mettre hors de la portée des cordes, ou de les
en rapprocher. Les Anglois ont cependant ajouté
un autre moyen à celui-là, par un couvercle placé
au-deffus des cordes & divifé en lattes bien jointes,
qu’une pédale écarte & rapproche à tous les
degrés , pour faire fortir ou pour renfermer le
fon.
Tant de complications dénotent l’imperfeâion
du clavecin. Elles exigent trop d’adrefle dans les
ouvriers , & de patience dans ceux qui exécutent :
les refforts en font trop gênans & les réparations
trop fouvent néceffaires , pour que les inflrumens
où on les a entafles ne foient pas très-rares.
Eft-ce d’ailleurs par des imitations fauffes & puériles
que l’on doit chercher à nous attacher? Un inf-
trument ou l’unité, la pureté de fon & tous les
degrés défirables de force & de douceur, parlent
au coeur fans bleffer l ’oreille , remplit bien mieux
le but de la mufique. (Voyez Piano-forte.)
Parmi cet amas d’inventions l’on doit diftinguer
les peaux de buffle, fubftituées aux plumes, & qui
produifent un fon moelleux & rond, bien différent
de celui que donnent les plumes.sCes peaux, épaiffes
à l’endroit où elles font fixées aux fautereaux, &
amincies à l’autre extréipùé, peuvent, parleur flexibilité,
forcer & adoucir le fon. On a joint dans
un grand nombre de clavecins, aux trois rangs
de plumes un quatrième rang de fautereaux garnis
de ces peaux de buffles. Elles donnent à ces
clavecins une beauté de fon qui aiiroir dû détruire
i’ufage des plumes^ mais l’habitude arrête trop fou-
vent le progrès des arts.
On ne doit pas non plus omettre, l ’invention
d’un double fond, au moyen duquel on applique
au-deffous du clavecin, ou du piano-forte, des cordes
frappées par des marteaux, que font mouvoir des
pédales femblables à celles de l’orgue. Silbermann
à Strasbourg & Peronard à Paris ont exécuté très-
heureufement cette idée, due à Schobert, célèbre
clavecinifte. Elle enrichit le clavecin de deux octaves
de fons graves & d’une infinité de reffpurces
d'harmonie.
Le clavecin partage le défaut de jufleffe des autres
inflrumens a touches , & de, ceux dont L'intonation
eft fixe. On a tenté de diminuer cette deffec-
tuofité ep donnant la différence entrp fes dièzes &
les bémols par une addition de toiiCHes. Ce genre
d amélioration aura de la peine à s’introduire, à
caufe des difficultés qu’il prefente aux exécutans &
aux accordeurs.
C L A 2*7
L ’efpace que les clavecins occupent en a fait
conftruire autrefois dont le corps élevé perpendiculairement
forme un angle avec le davier.
Dans ces inflrumens, le clavier & le fautereau
tiennent enfcmble. La foiblefl'e de leur fon à toujours
fait préférer les clavecins horifontaux.
On a effayé, pour prolonger les fons du cLa*
vecin, de fubftituer aux fautereaux des efpèçes
d’archets. La qualité de fori qui en eft réfultée
n'a pas procuré une grande rcufïite à cette invention.
Une recherche plus ingénieufe, dont l’avantage
feroit inappréciable , & qui a déjà excité l’émulation
de plufieurs arriftes , eft celle d’une machine
jointe au clavecin , qui pût noter les idées de celui
qui exécute à mefure qu’il les rend. Cette machine
n’a donné encore que des réfultats qui
font defirer de nouveaux efiorts & efpérer de plus
heureux fuccès.
Il n’eft pas étonnant que l’on fe foit tant occupé
à perfedionner un infiniment qui, depuis deux
cents, ans eft fi généralement répandu en Europe,
qu’il eft devenu un des premiers -objets d’agrément
qui entrent dans l’éducation des femmes.
Les fuccès du clavecin doivent d’abord aypir été
fort lents. Les organiftes l’auront long-temps dédaigné.
Ses fons courts èc foibles rendoient infigni-
fiant ou ridicule tout ce qui faifoit un bon effet
fur l’orgue , dont les fons purs , maieftueux , pro*
longés, convenoient mieux au ftyle fimple & grave
de l’ancienne mufique On n’à pu fentir les avantages
du clavecin, que quand le goût de la rxu-
fique inftrumentale fe répandit & donna plus de
feu & de légèreté au chant & à l’harmonie. Alors
les organiftes s’en occupèrent , & quelques-uns
déployèrent une exécution furprenante. On en
trouve des preuves dans un livre contenant des
pièces pour la virginale , à l’ufage de la Reine
Elifubeth. A peine pourroit-on comparer les difficultés
imaginées dans le dix huitième fiècle, à celles
de plufieurs morceaux de ce recueil.
A mefure que la mufique inftru tuent aie s’eft p*r~
feélionnée le ftyle du clavecin à éprouvé des chaa-
gemens. Il fe reflentoit encore trop , il y a' 6a
ans, de celui de l’orgue. On a fait depuis une
diftinélion plus jufle entre ces deux inflrumens*
On a donné à la mufique de clavecin le genre
d’harnionie & cf exécution, la grâce & la légèreté
qui lui conviennent. Alberti , Scarlatti, Rameau „
Mütel, Wagenfeil, puis Schobert, ont prefau’en
même temps opéré cette révolution. Les différeras
ftyles de ces auteurs ont fervi pendant plus dç
vingt-cinq ans de modèle à ceux qui après eux ont
compofé pour le clavecin. Emanuel Bach, par fa
mufique favante, agréable & piquante, meriteroit
peut-être la première place parmi les arriftes originaux;
mais comme il compofoit pour le piano-
forte , ufué en Allemagne ayant d’être pour ainfi