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» des lèinences;d’innnortajité que-, vous répandez
” bans tous leç coeurs. Les fruits en font plus
» précieux que l’o r , que l’amitié des parens, que
» le fcmm-ail le plus tranquille. Pour vous le divin
» Hercule 8c les fils dq Léda fupportèrent mille
,J tr^vaux , de le fuçcès de leurs exploits annonça
** votre piiiflance. C ’eft par amour pour vous qu’A-
V chille 8c Ajax descendirent dans l’empire de
>?. PUuoru dec’çft en vue de votre, célefte. beauté,
” que .le prince d’Atarne s’eft aufîi privé de la'
n lumière ciufpleii. Prince à jamais célèbre par fes
»> allions , les filles; de Mémoire chanteront fa
» gloire toutes les fois qu’elles chanteront le culte
» de Jupiter hofpitalier, & tè prix d’une amitié ;
« durable 8c fincere. »
_ Toutes leurs, chanfons morales n’étoient pas"fi j
graves que celIe-là.En voici une d’un goût différent, i
tiré® d’Atbénée. .
r Le premier de tous les biens efi la fanté, le
» fécond la beauté , le troisième les richefies amaf-
53 feeç fans fraude, & le quatrième la jeunelfe qu’on.
» pafie avec fes amis. »
Quant, aux feolies qui roulent furi’amour 8c le
vm , on en peut juger par les fôixante & dixod.es
cl Anacréon qui nous refient. Mais dans ces fortes
de chanfons même, on voyoit encore briller cet
amoiir de^ la patrie & de la liberté dont tous les
Grées étoient tranfportés.
" ” Du vin & dé la fanté , dit une de ces chanfons,
h pour ma Çlitagora 8c pour moi, avec le fecours
u des Thefîaliens. » C’efi qu’outre que Çlitagora
était Thefîalienne,.les Athéniens avoierit autrefois
reÇu dtr fecours, de Thefîaliens , contre la tyrannie
des Pffîftra'idesVJ " . 1 1 - vtrier
Ijs ayqient aufîi des chanfons pouf les diverfés
proféflions. Telles étoient les chanfo/udts bergers
dont une efpèce, appelée Bucotiafmë, éfoit le véritable
chant'de ceux qui conduifôieht le bétail ; & j
d é i f i e , qui efi proprement la pafioralè , en croit
l'agréable imitation : la chanfàn des moiflbnneùrs
appeilée le Lytierfe, du nom; d’un fils deMidas’ 1
s’occupoit par goût à faire la moifîon : la chan- ' ;
f i * des meuniers appelKe Hymcc ou Epiauüe ■ \
comme celle-ci tirée dé Plutarque ; Moitié^ meule\
mÔuHe'ffr-car Pittacus qui règne dans raiigujù Mity-
lène, aime à moudre ; parce que Pittacus étoit grand
mangeur r la chahfon des tiflerands , qui as’appelloit
Blme : la chanfon Yüle des ouvriers- en lainb • l
celle des nourrices, qui s’appelloit Catabaucalèfe 1
(mNunnie : la chanfon des amans, appellée N ôm io n j
celle^des femmes. j> appelléeCafyce; Harpdlice j
celle des fil les. Ces deux dernières, attendu le fexe* :
étoient aufii des chanfons d’amour. y j
: poiJr des oecafîons particulières, ils aVoie-nt la I
chanfon des noces , qui s’appelloit Hyméfiée, 'mu- !
tkaiame : la chanfon dé< D'atis ' pour des occafions I
joyeiifes.: les lamentations, VI.ilènîe; & 'le Linos •
pour des occafions funèbres 8c triftes. CQLinos*{é ;
enamoif aufîi chez, les E g yp tien s& s’appelloit par •
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eux Maneros, du nom d’un de leurs.princes, au,
deuil duquel il avoit .été chanté. Par un pafîW
d’Euripide, cité par Athénée , on voit que le Luiof
pouvoit aufîi marquer la joie.
Enfin , il y avoit encore des hymnes ou chanfons
en l’honneur des dieux & des héros. Telles étoient
les lûtes de Gérés & Proferpine , la PhiLelie d’Apollon
, les Upinges de Diane , 8cc.
Ce genre p a fia des Grecs aux Latins, & plu-
; heurs odes d’Horace font des chanfons galantes ou
bacchiques. Mais cette nation , plus guerrière que
fenfuelle , fit, durant très-long-teins, un médiocre
ufage de la mufique & des chanfons , & n’a jamais
approche, fur ce point, des grâces de la volupté
j Srecqu.e. Il paroît que le chant refta toujours rude
■ grofîier chez les Romains. Ce qu’ils chantoient
aux noces etoit plutôt des clameurs que des -chan-
\ fons » & il n’eft guère à préfumer que lès- chanfons
fatynqnes-^es^foldats ,“ aux-triornphes de leurs
généraux, eufîent une mélodie fort agréable.
Les modernes ont aufîi leurs, chanfons de dif-
| férentes efpèces, félon le génie 8c le goût de cha-
: que nation. Mais.les.François l’emportent fur toute
1 Europe , dans l’art de les compofer ,-finon pour la
tour 8ç.la mélodie des airs , au.moinS' pour le fel,
la grâce & là finefîe des paroles ; quoique pour
■ 1 ordinaire l’eiprit & la fatyre s’y montrent bien
mieux encore, que le fentiment & la volupté. Ils fe
; hont plus à cet amufement & y ont excellé dans tous
| les tems , témoin les anciens Troubadours,^ Cet
: heureux peuple, efi toujours g a i, tournant tout en
j plaifanterie : les femmes y font fort galantes , les
I hommes fort diflipés , & le pays produit d’éx-'
céllent viri-J le moyen; de n?y pas chanter fans
èefîe ? Nous avons èncôre d’anciennes chanfons de
Thibault, comte de Champagne , l’homme le plus
galant de fon fiëcle, mifes en mufique par Guillaume
de Machaut. Marot en fit beaucoup qui nous
reftent, & grâce aux airs d’Orlaiide & de Claudin,
nous, en avons aufï» plufieurs de . la Pleyade de
Charles IX. Je ne parlerai ’point des, chanfons plus
modernes , par lesquelles lés muficiens Lambert,
du B.oufiet, la Garde & autres , ont acquis un
nom & dont on trouve autant de poètes qu’il
y a de gens de plaifir parmi le peuple du mondé
qui s’y livre le plus, quoique non pas tous aufii
célèbres que le comte de Coulange & l’abbé de
Lattaignant. La Frovence & le Languedoc n’ont
point non plus dégénéré de leur premier talent*
Gn voit toujours regner dans ces provinces un
air:de’ gaieté qui porte fans cefîe leurs habitons
au chant 8c a la danfe. Un Provençal menace»,
dit-pn , fon ennemi d’une, chanfon, comme un
Iîalreir menaceroit le fien d’un, coup deffilet; cha-
eun a fes .'armes. Les autres pays ont aufii leurs
provinces chanfonniéres; en Angleterre c’efîTE-
eoÛç. en. Italië- c’eft Vénife; ( Voyete B'arçarolles.')
' Nos-chanfons font de plufieurs fortes ; mais en
général elles roulent ou fur l’amour, ou furie vin,
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ou Curia fatyre* Les chanfons d’amour font les "airs
tendres, qu’on appelle encore airs férieux; les
romances, dont le cara&êre efi d’émouvoir lame in-
fenfiblement par le récit tendre 8c naïf de quelque
Jiifloire amoureufe 8c tragique; les chanfons pafio-
^-ales 8c ruftiqnés , dont plufieurs font faites pour
danfer, comme les muleites , les gavottes,, les
branles, 8cc,
Les chanfons à boire font a fiez communément
des airs de baffe ou des rondes* de- table : c’eft avec
beau .oup de raifoû qu’on en fait peu pour lès def-
fus ; car il n’y a pas Une idée de débauche plus
crapafeufe 8c plus vile ■ que celle d’une femme
i v r e . g S
A l’égard‘des charifons i,atyriqueSj’elles font com-
prifes fous le nôm de VâüdèVMes, 8criancent;indrf-
féremment leurs traits ! fur te vice 8c-fur la vertu;,
en les; rendant également ridicules ; 'ce^’qui doié
proferire' le Vaudeville-de là bouché des gens dé
bien.' I :vij' ; 3.--
Nous avons encore une efyèce &e'chanfon qu’on
appelle parodie.Ce font des parolés ajufiées comme
on peut fur des airs de violon, ou d’autres infirumens
, 8c qü’o'n fait rimer tant,bien .que mal, fans
avoir égard à la mefure des vers ,’ ni au caractère
de l’air, ni au Cens des paroles , ni le plus Couvent
à l’honnêteté. (Voyez Parodie.) (/. J. Rouffeaul)
Les vers dos chanfons doivent être aifés , fimples,
coulans 8c naturels. Orphée, Linus, &c. commencèrent
par faire des chanfons ; c’étoient des
chanfons que chantoit Eriphânis , en fuivarit les
traces- du chaffeur Ménalque ; e’étôit une chanfon
que les femmes de Grece chantoient auflî pour
rappeller les malheurs de la jeune C alicé , qui
mourut d’amour pour l’infenfible Evaltus. Thefpis
barbouillé de lie 8c monté fur des trétàux, célébrait
la vendange, Silène 8c Bacchiis par des chanfons
à boire. Toutes les odes d’Anacréon ne font que
des' chanfons : celles de Pindare en font encore ,
dans un ftyle plus élevé. Le premier efi prefque
toujours fublime' par les images ,' le fécond ne
l’eft guère foùvent que par l’expreflion. Les poéfies
de Sapho n’étoient que dets chanfons vives 8c
paflionnées , le feu de l’amour qui la confumoit
animoit fon ftyle 8c fes vers.
Les chanfons ont fur-tout réufîi en France. Le
commerce libre établi entre les hommes 8c les
femmes;cette galanterie aifée qui règne dans les
fociétés ; le mélange ordinaire des -deux fexes ;
dans tous les repas ; le carâéière même d’efprit
de§ François ont dû porter rapidement chez eux
ce genre, à fa perfection. ( Cahufac f .
■ Chanson. La plus ancienne chanfon, non pas
rrançoife , màis des François , qui nous foit reftée , ,
d?te du feptiè.me fiècle. Elle efi en mauvais latin
rime ; ce fut le chant de viétoire de l’armée de
J^lotaire I I , après une bataille ..contre, les- Saxpns.
Un y voit que lès vaincus envoyèrent à Clotaire
Mufique* Tome /,
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des ambafiadeurs qui auroient été ' mafiacrés par
le Roi dp France, fi lallufire Faron-, d’origmip
Bourguignone, ne les eût fauves, 8c fi Dieu ne leur
eût infpiré de paffer par la ville de Meaux où
commandoit fans doute ce Faron.
I.
De Clotario efi canere rege francorurn,
Qui ivit pîignare cum gente Saxonum,
Quarn graviter proyeiiiffet. mijfis Saxonum.
Si nonfuijfet inclitus.FARO degenteBurgundionuml
I L
Quando veniunt in terram francorurn ,
- |F4R0 uhi eratpiànceps 9 mijfi fqxonum 9
In f in Bu dei tranfejunt per urbem Mel4 oium,
v Ne initerficiapturà rege francorurn ,& c .
Nos annales difent que cela fut chanté à pleine
v o ix , magna vociférâtionc, par tout le royaume.
CharlemagneFuyant l’abbé de Vértqt ( 1 ) , avoit
fait une collection d’anciennes clianfons gauloifes,
Eginhart, fon: hiftorien, nous ouvre une fource
de regrets, en nous apprenant que Ges chanfons,
qui étoient prefque toutes militaires, formoient,
comme celles des Germains, la principale partie
de l’hiftoire de France. On y célébroit les exploits
8c la mort héroïque des Rois 8c des principaux
chefs.( Les foldats les chantoient en choeur, en
marchant à l’ennemi. Charlemagne étoit palîïonné
pour ces chants belliqueux ; non-feulement il les
fit ' recueillir avec foin , mais il les favoit par
coeur.
Ses exploits effacèrent ceux de fes prédécefleurs »
8c il fut lui-même,, ainfi que fon neveu Roland ,
le fujet des chanfons nationales. La chanfon de
Roland devint fur-tout fameufe. Mais quoiqu’elle
ait été répandue dans toute la France-, 8c chantée
par les foldats dans toutes les batailles jufqu’au
quatorzième fiècle , elle ne s’eft point confervée.
M. de Paulmy n’en a pu retrouver que des frag-
mens dans nos anciens romanciers, 8c il en a conv:
pofé cette chanfon connue :
Soldats François, chantons Roland, &c.
Où , fuîvant I’expreflion d’un auteur anglais y
( M. Burney ) femble refpirer..le véritable efprit
national 8c militaire des François.
Le Comte de Trefîan avoit appris d’autres détails
fur cette même chanfon , du Marquis du Vi
viers Lanfac, dont la terre, fituée dans les Pyrénées^
étoit depuis plus de fix cents ans dans fa
famille. Ce M.' du Viviers avoit cru recbnnoître
des fragmens originaux de la chanfon de Roland
E f
(y) d?i Litt.