
i?2 A N A
d’y employer l’artifice de la Métaphore ou delà Cir-
conlocutioru
Lorfqu’Égifte, parlant à Mérope, veut lui donner
de fâ naiiTance l’idée noble qu’il en a lui-
même ; il ne lui dit pas, Mon père efi un honnête
villageois : il lui dit,
Sous Tes rufliquès toits , mon père vertueux
Fait le bien , fuit les lois , Se ne craint que les dieux.
Lorfque Don Sanche d’Arragon , avec plus, de
hauteur & plu> de fieité , veut reconnoître fàns détour
l’obfcufité de l’on origine, il dit avec fran-
chifo :
Je fuis fils d’un pêcheur.
Ces deux exemples font allez fontir dans quelles
circonftances il elî avantageux d’employer le mot
propre , & dans quelle autre la Métaphore ou la
' Circonlocution.
Mais où le mot propre a l’avantage & ne peut
être foppléé , c’eft dans les choies de fontiment,
à caufo de Ion énergie , c’eft à dire , à caufo de la
promptitude & de la force avec laquelle il réveille
l ’impreffion de lôn objet. Voyez cette exclamation
de Boiïuet, qui fit une fi forte imprelfion for Ion
auditoire dans l ’oraifbn funèbre d’Henriette : M a dame
Je meurt, madame ejl morte !
Comme les lieux qui nous ont vu naître j & que
nous avons habités dans la ge de l’innocence & de
la fonfibilité, nous rappellent de vives émotions,
& occafîonnent des retours intérefîants fur nous-
mêmes ; ainfi, & par la même raifon, notre première
langue réveille en nous, à tous moments,
des affections perlônnelles dont l’intérêt Ce réfléchit.
Ce qu’on nous a dit dès nos plus jeunes ans, ce
que nous avons dit nous-mêmes d’affedueux & de
fenfible , nous touche bien plus vivement, lorfque
nous l’entendons redire dans les mêmes termes
& dans des circonftances à peu près fomblables:
Ha mon père ! ha mon fils ! {ont mille fois plus
pathétiques pour moi qui fuis françois , qu'Heu
pater ! heu f i l i ! & l ’expreffion s’affoiblit encore
fî l’on traduit les noms de fils & de père par ceux
de nate & de genitor, dont le fon n’eft plus refile
mblant.
L ’abbé du Bos explique l’affoibliftèment de la
pensée ou du fontiment exprimé dans une langue
étrangère , par une efpèce de tradudion qui fê fait ,
dit-il , dans l’efprit : comme lorfqu’un fr ah cois
entend le mot an g lois God, il commence par le
traduire , St fo dit à lui-même Dieu ; en'foite il
penfè à l’idée que ce mot exprime , ce qui ralentit
l’effet de l ’exprelïion , & par conséquent l’affoi-
blit.
Mais la véritable caufo de cette affbibliiïèment,
c ’eft que le mot étranger , quoique je l’entende à
merveille , fans réflexion ni déiai, n’eft pas lié dans
ma pensée avec les mêmes impreffions habituelles
& primitives, que le mot de ma propre langue;
& que les émotions qui fê renouvellent au fbn du
A N A
mot qui les a produites, ne fè réveillent pas de
même au fon d’un mot étranger & , fî j’ofbis le
dire, inoiite à mon oreille & à mon ame. Ainfi,
quoiqu’il y ait beaucoup à gagner, du côté de
l’abondance & de la nobleffe , à écrire dans une
langue morte, parce qu’elle n’a rien de trivial pour
nous ; il y a encore plus à perdre du côté de VAnalogie
& de la lênfibilité.
Tour ce qui regarde le ftyle métaphorique &
C Analogie des images^, (bit avec la pensée , fbit
avec elles-mêmes; voye\ Im a g e s , Be lle s -L e ttr e s .
( M. Marmontel. )
ANALOGIQUE, adj. Conforme aux vues de
l’Analogie. Ayant rapport à l’analogie. Pour aider
le fuc cé s des mots nouveaux qu’on a hefoin <Tintroduire
dans une lan g u e, i l fa u t leur donner
une forme analogique ; c efi ce qui efi appelé dans
Horace præfons nota. ( M . B eauzée ),
ANALOGUE, adj. Correfpondant. Soumis à la
même Analogie. Suiceptible des mêmes formes,
des mêmes procédés analogiques. D e s termes analogues.
Cette fécondé phraje efi analogue à la
première. L e s langues françoife , ejpagnole, <5*
italienne fo n t plu s analogues à l’ ancien celtique ,
qu’ au latin dont on les prétend fille s .
M. l’abbé Girard ( F r , princ. Difc. I. tonfi,
j . pag. 23. ) divife les langues en deux efpèces
générales, qu’il appelle analogues & tranfpofitives,
& auxquelles je conforverai les mêmes noms ,
parce qu’ils me paroifîent en caradérifor très-bien
le génie diftindif.
Les langues analogues font celie's dont la Syntaxe
eft fbumifo à l’ordre analytique , parce que
la fbcceftion des mots dans le difcours y fuit la
gradation analytique des idées : la marche de ces
langues eft donc effedivement analogue & en
quelque forte parallèle à celle de l’efprit même,
dont elles fuit pas à pas les opérations. Le
françois, l’italien , l’efpagnol , font des langues
analogues.
Les langues tranfpofitives font celles qui donnent
aux mots des terminaifons relatives à l’ordre analytique
, & qui acquièrent ainfi le droit de leur faire
fuivre dans le difcours une marche indépendante
de la fucceflion naturelle des idées. Le grec , le
latin, l’allemand , font des langues tranfpofitives.
F'oye1 L angue.
Cette diftindion eft de la plus grande conséquence
par rapport à la méthode d’étudier & d’enfoigner
les langues. Poye\ Méthode. {M . B e a u z é e , )
A N A L O G U E , ANALOGIQUE. Syn.
Les Didionnaires définiflent de la même manière
les deux adjedifs analogue & analogique,
qui font pourtant bien éloignés d’être parfaitement
fynonymes. C ’eft une caufe intrinsèque qui rend
les chofès analogues ; c’eft une caule extrinsèque
qui les rend analogiques. Sous le premier afped,
A N A
files tiennent à un principe eftenciel; fous le fécond,
•a un principe accidentel. Elles peuvent être analogues
fans être analogiques y parce qu’elles
peuvent être fufceptibles de l’influence de l’Analogie,
fans en avoir reçu i’impreftion : mais les chofès
analogiques font nécellàirement analogues éntrej
elles ; parce que l’Analogie n’influe en effet que
fur des objets correfpondants & pareillement fournis
à .fon influence.
Le françois On d it , le latin Dicitur , & l’italien
Si dice , font trois expreftions analogues y parce
qu elles énoncent la même pensée , que i’urae peut
fèrvir de tradudion à l’autre , & que le même tour
pouvoit être adopté dans chacune des trois langues :
mais elles ne font pas analogiques y parce que le
’tour de l’expreflion eft different d’une langue à
l’autre, & que l’une nefâuroit être la verfîon littérale
de l ’autre, on d it, il efi d it , i l fe dit,
■ Mais le françois On dit ^ & l ’allemand Man fa g t ,
font deux expreftions analogues & analogiques :
analogues * parce qu’elles fe correfpondent dans les
deux langues pour énoncer la même pensée , &
que l’une eft la tradudion fidèle de l’autre : analogiques
, parce que le tour eft fèmblable dans les
deux langues , & que l ’une des deux phrafës eft
la verfîon littérale de l’autre ; le mot françois on
vient par Apocope de hom, qui fo difbit anciennement
pour homme y & le mot allemand man eft de
même venu de rnann ( homme ).
Les étrangers, qui commencent à parler notre
langue , emploient à la vérité des mots françois ; •
mais | rapportant les deux langues à la même pensée
, ils jugent avec raifon que les deux expreftions
font analogues : ils en concluent, que les deux
tours doivent être analogiques, ou conformes aux
vues de la même Analogie ;• & ils fè . trompent.
Les procédés de l’Analogie dans une'langue, ne
reiïernbleiit ni ne peuvent rèflbmbler à ceux qu’elle
autorifo dans une autre; parce.que les Ufâges different
neceflairement dans les deux idiomes, & que
1 Ufàge dans chacun fort de fondement à l’Analogie
qui lui eft propre. Les étrangers parlent donc alors
leur langue avec des mots empruntés d’une autre ;
püifqu ils foi veut l’Analogie de leur langue, & que
c’eft l’Analogie qui en caraétérifo l’efprit : & c’eft
ainfi que plufieurs latiniftes modernes, en n’employant
que des mots latins, mais avec des tours
analogues a ceux de leur idiome, parlent françois
en France, allemand en Allemagne , polonois
en Pologne , & ne parlent nulle part un latin analogique.
( M, B eauzée. )
ANALYSE. C. f. Ce moteft grec, A’vctXvmç • formé
de «.vu ( rurfum & dans la compofîtion re ) , &
de Xva ( folvo ) : l’équivalent eft dpnç refolutio
( refolurion ) y & c’eft én effet la réiqlutiôn ou la
decompofîtion d’un Tout en fos parties , dans la vue
de mieux connoître ce Tout au moyen delà c-on-
nojftance détaillée de fos parties 8c de leurs combi-
natfons.
À N A
UAnalyfe, en Chimie , eft la réfolution des
corps en leurs parties compofàntes , afin de connoître
la nature & la quantité refpeftive des principes
de leur compofîtion , & les effets phyfiquea
qui doivent en réfolter.
L’Analyfe\ en Logique & en Mathématiques,
confifte également dans la décompofîtion ou foparation
des id é es, pour les comparer les unes aux autres
de la manière la plus favorable aux découvertes qu’on
envifàge.
Il y a auffi une Analyfe relative à l’art de la
parole ; & c’eft de celle-là principalement qu’il
doit être queftion ici. Or pour ne pas confondre
les idées , il faut , conformément aux règles de
l’Analyfe logique , diftinguer entre Difcours &
Oraifon. Le Difcours eft une foite de penfées rendues
fonfiblës par l’Oraifon ; 8t l’Oraifon eft la
manifeftation des penfées par la parole: ainfi, les
penfées font la matière du Difcours , l’Oraifon en
eft la forme. ( Voyeç O r a iso n . )
Relativement à l ’art de la parole , il faut donc
diftinguer deux fortes d’Analyfes : l’une, qui dé-
compofo les parties du Difcours ; & l’autre , qui
décompofo les parties de l’Oraifon.
I. La première efpèce d’Analyfe\ que je nommerai
particulièrement Analyfe rationnelle, confifte
à faire, d’un ouvrage, un précis , un abrégé
fidèle, capable de le faire connoître en raccour-
-ci. Il faut, pour y réuffir , faifir avec jufteiïè le
. véritable efprit de l’auteur ; expofor, fidèlement
& avec clarté , la manière dont il a traité fon fo jet 'y
développer fbn plan ; faire connoître l ’ordre qu’il a
fîiivi , la difpqfition des parties, les rapports des
objets entre eux; mettre dans tout leur jour la conduite
de l’ouvrage, le but de l ’auteur , & les
moyens qu’il a pris pour y parvenir. Cette forte
èf Analyfe peut fe faire de deux maniérés, que je
nommerois volontiers, l’une didaclïque, & l’autre'
critique:
1 • L’Analyfe didactique préfonte , sèchement
& d’un ftyle en effet didaétique j le fojet de l’ou-
vrage,< le plan général de l’auteur , fos divifîons
& foudivifîons, les principes qu’il pofo dans chaque
partie, les conféqüences qu’il en déduit, la nature
de chacun de fos raifofinements, & à mefore les
différentes figures remarquables qui caradérifont le
ton de chacune des parties de l'ouvrage, les divers
mouvements pathétiques qui refultent die cette variété
des tons & du ftyle, & enfin la manière dont l’ouvrage
eft terminé.
Cette Analyfe n’eft, pour ainfi d ir e , que le
fquelette de l’ouvrage , abfolument dépouillé des.
chairs qui lui donneroient une forme décidée y
dénué du fang qui l’animeroit & le colorerait,
privé de la chaleur qui le vivifierait. Mais il en
eft de ce fquelette, comme de celui du corps humain
préparé par un anatomîfte habile : c’eft un
ouvrage de l’art, qui en facilite l’intelligence , &
qui en favorife les progrès. Il paroît en effet que
c’eft ie but «que fè font proposé les auteurs des