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organes de la génération, les deux fymboles de la
vie. Nous en rions ; nous efons traiter ces peuples
d’idiots barbares, parce qu’ils remercioient Dieu
innocemment de leur avoir donné l’être. Qu’auroient-
ils dit, s’ils nous avoient vus entrer dans nos temples
-Avec l’inftrument de la deftruâion à notre côté ?
' A Thèbes on repré fontoit les péchés du peuple
par un. bouc. Sur la côte de Phénicie, une femme nue
avec une queue-de poilïbn étoit l’Emblème de la
Nature.
Il ne faut donc pas s’étonner lî cet ufàge des
Symboles pénétra chez les hébreux, lorfqu’ils eurent
formé un corps de peuple vers le défort de la Syrie*
Un des plus beaux En,blêmes des livres de l’É criture
eft ce morceau de' l ’E.cclefiafle :
Quand lès travailLeufes au moulin feront en
petit nombre & oijîves, quand ceux qui regardaient
par les trous s*obscurciront, que Eamandier
fleurira, que la faute relie s'engraiflera , que lés
câpres tomberont, que la cordelette d*argent fe
enflera, que la bandelette d'or fe retirera, . . . . &
que la cruche fe brifera fu r la fontaine. , . • .
Cela lignifie que les vieillards perdent leurs
dents, que leur vue s'affaiblit, que leurs cheveux
^lançhiffënt comme la fleur de l’amandier , que
leurs pieds s’enflent comme la fàuterelle, que leurs
cheveux tombent comme les feuilles du câprier,
qu’ils ne font plus propres à la génération, & qu’a-
lors il faut fè préparer au grand voyage.
Hérodote nous raconte qu’un roi des feythesenvoya
pour préfont à Darius un oifêau , une fou-ris,
une grenouille, & cinq flèches. Cet Emblème fïgni-
fioit que , fi Darius ne fuyoit auflï vite qu’un oifêau ,
qu’une grenouille , qu’une fouris, il foroit percé par
les flèches des feythes.
C ’eft ain/i que Sextus Tarquinius, confùltant
fon père , que nous appelons Tarquin le fuperbe
fur la manière dont il devoit fè conduire avec les
gabiens, Tarquin, qui fe promenoit dans fon jardin,
ne répondit qu’en abattant les têtes des plus hauts
pavots. Son fils, l’entendit & fit mourir les principaux
citoyens. C ’étoit VEmblème de la tyrannie..
( V oltaire.)
(N.) EMMI, anc. prép. Au milieu de. Dans. Emmi
les champs, ou au milieu des champs. On trouve
cette phrafê deux fois dans le roman de Daphnis-
& Chloé par Amyot.
Cette prépofition valoit mieux que la phrafê au
milieu de, & elle dit autre chofè que dans ou en ;
Emmi fait naître accefïbiremeut l’idée d’un être
ifolé, ou négligé , ou abandonné. Cette maifon efl
emmi les champs ( maifon ifolée ) ; Ce troupeau
paifloit emmi les bois ( troupeau abandonné à fon-
caprice ) ; i l avoit laiflèfa vieille pannettère emmi
les prés ( pannetière négligée , abondonnée ) : que
dans ces exemples on mette Dans au lieu d’Emmi,
les idées accefloires difparoiffent ; qu’on mette A u
milieu de, c’eft quelquefois le même défaut , & toujours
une. longueur traînante.
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Pourquoi abandonner un mot néceflaire ? pour-
quoi le juger mauvais pour n’avoir pas été employé?
n’eft-ce pas une faufle délicateflè? Ce mot
n’eft pas plus mal fonnant que Parmi, qui n’a pas le
meme fêns, quoi qu’en dite le diétionnaire de T ré voux
: je connois mieux l ’énergie d'Emmi, parce
qu’il eft encore ufité dans le patois de ma province.
Parmi c’eft par mi ( par le milieu , à travers le
milieu , per medium ) : Emmi c’eft en mi ( en milieu,
in medio ). L e premier eft relatif aux choies
nombre es , Parmi mes livres, Parmi les hommes :
le fécond, à un efpace déterminé, Emfni. les champs,
Emmi les prés. .
Que quelques-uns de nos poètes ofênt rifouer
Emmi dans la Poéfie paftorale,. & il rentrera aife-
ment en honneur : MuLta renafeemur ques jam ce-
cidêre. Hor. de A rtepoét. 70., ( M. B e a u z è e . ).
(N.) EMPHASE, fi f. Ên latin Emphafls, en grec
"Efctpxmç , mot composé de ê» ( in ) & de tyalva
(■ oflendo ) i il lignifie donc littéralement action démontrer
en évidence , illujlration. Ce mot, dans,
notre langue, a plufteurs acceptions : on le prend
tantôt pour la magnificence, la pompe, l’éclat du
ftyle ; quelquefois pour une recherche minutieufe-
dans’ l’élocution ou dans la déclamation.
Dans le premier fê n sM . Crévier appelle Em-
phafe, l’emploi d’un mot qui dit beaucoup dans la-
place où il eft , & qui donne plus à pen for qu’il n’exprime
; altiorem proebens intelleclum quam queni
verbaper fe ipfà déclarant, dit Quintiiien, ( lnft.
v in . iij. ) Ainfî, dans le tranfport de la foreur,
Mithridate, fè voyant refufor par Monime qu’iWeut
élever au rang de fon époufo, s’écrie (Mithridatey
iv. 5. ) :
Eft-ce Monîme l Et fuis-je Mithridate ?
C ’èft comme s’il difoit: Quoi, Monime ^ fa ite pour
être mon efçlave, à qui j'accordâts là faveur la.
plus fignalée qu'elle dut jamais• efpérer, ofe me
braver ! Efl-ce bien Monime qui me parle ? Suis-
je Mithridate, cet homme que la crainte précède
toujours & que Monime eût dû ne point refliflr?
Les noms de Rome & de Romain font fouvent
employés, avec Emphafe, & par lés anciens & par
les modernes. Sërtorius, dans là tragédie de fort
nom par Corneille, ( 111, 2. ) dit à Pompée :
Vous me pourriez fans doute épargner quelque peine ,
Si-vous vouliez avoir l’ame toute romaine 5
Une ame toute romaine eft une ame en qui règne-
l ’amour- de- la liberté, qui facrifie tous.les autres
intérêts à celui-là foui; capable de fè dévouer pour
la gloire de fà patrie, comme Régulus, Mutius, &c ;
& qui, dans le cas dont il s’agit, fe- détermincroit à
quitter Sylla, oppreffeur de la liberté, pour fè réunir
au parti de ceux qui la vengent; Toutes ces.
idées font ici renfermées dans le feul mot d\ame
romaine,.
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G’eft en ce fêns que Corneille ( China, m . 4.)
fait dire par Émilie :
Pour être plus qu’un roi, tu te crois quelque chofe l ,
Aux deux bouts de la terre en eft-il un fi. vain,.
Qu’il prétende égaler un citoyen romain»
L 'Emphafe, d’après l’idée qu’on en donne i c i ,
ne diffère guère de ce qu’on nomme Énergie, u
ce n’eft la même chofe.
Dans le fécond fens, Emphaf .Ce prend en mau-
vaifè part, & marque un défaut, foit dans les paroles
foit dans Faction de l ’orateur. On dit d’un
prédicateur, qu’il prononce avec Emphafe, qu’il
y a beaucoup d’Emphafe dans fès. compofitions ;
ce qui, loin d’être un éloge , eft au contraire la
critique d’une affeétâtion déplacée, foit dans la pro-y
lionciation foit dans les tours de l’élocution. Quel
j upli.ee, dit La Bruyère ( Ch. I. ) , que celui d'entendre
déclamer pompeufèment un froid difeours ,
ou prononcer de médiocres vers avec toute l'Em-
phafè d'un mauvais poète l ( M . B èAuzée. )
(N.) EMPIRE, RÈGNE. Synonymes, Empire a
une grâce particulière lorfqu’on parle des peuples ou
des nations. Règne convient mieux à l’égard des
princes. Ainfî, l’on dit, U Empire des afly riens , &
X Empire des turcs; le Règne des Céfàrs , & le
Règne des Paléologues. Le premier de ces mots,.
outre l’idée d’un pouvoir de gouvernement ou de
fouveraineté , qui eft celle qui le rend fynonyme
avec le fécond, a deux autres lignifications : l’une
marque Fëfpèce ou plus tôt le nom particulier de
certains Etats , ce qui peut le rendre fynonyme avec
Je mot de R o y aum e {voy.e\ l’article fùivant ) ;Tau-
tre marque une forte d’autorité qu’on s’eft acquifè ,
ce qui le rend encore fynonyme avec les' mots d’A ut
o r it é & de P o u v o ir . ( Foye^ A u t o r it é , P ouv
o ir , E m p ir e . Syn. ) Il n’eft point ici queftion de
ces deux derniers fêns ; c’eft feulement fous la première
idée, & par rapport à ce qu’il a de commun
avec le mot Règne, que nous le confîdérons à prêtent,
& que nous en faifons le caractère.
L ’époque glorieufè àe.XEmpire des. babyloniens
eft le Règne de Nabuchodonozor ; celle de XEmpire
des perfès eft le Règne de Cyrus ; celle de
XEmpire des grecs eft le R ègne d’Alexandre ; celle
de l'Empire des romains eft le Règne d’Augufte :
ce font les quatre grands Empires prédits par le
prophète Daniel.
Donner à Rome XEmpire du mondé, c’ëft une
penfée faufïë dans le fêns littéral ; & quelque beauté
qu’on y trouve dans le figuré, elle font toujours
la dépendance d’ün fùjet, qui parle de fos maîtres
ou du moins, de ceux qui l’ont été. Je ne crois pas
qu’un orateur ruflîen ou chinois s’en forvît en faifant
l’éloge des romains; nous-mêmes nous ne nous en
forvons point en parlant de XEmpire dés- autres
nations fous. la puilfance dèfquelles nous n’avons-
pas été, quoiqu’elles ayent étendu leur domination
aüfli. loin & for d’aufïi vaftes contrées que l’a fait.
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Rome. Louer ufl prince par le nombre des guerres
& des vidoires arrivées fous, fon Règne, c’ eft
faifîr ce que la gloire a dç brillant : le louer par
i la douceur, par l ’équité, & par la fàgeflè de Con
I Règne, c’eft choifir ce que la gloire a de fôlide.
Le mot d'Empire s’adapte au gouvernement do-
meftique des particuliers, auffi bien qu’au gouvernement
public des Souverains : on dit d’un père y
qu’il a un Empife dëfpotique for fos enfants ; d’un
maître, qu’il exerce un Empire cruel for fos va-«
lets ; d’un tyran, que la flatterie triomphe, & que
la vertu gémit fous fon Empire.
Le mot de Règne ne s’applique qu’au gouvernement
public ou général, & non au particulier y
on ne dit pas qu’une femme eft malheureufo fous-
le Règne, rtiaîs bien fous XEmpire d’un jaloux. II
entraîne meme dans, le figuré cette idée de pouvoir
Ibuverain & général : c’eft par cette raifon qu’on
; d it, Le Règne, & non XEmpire de la vertu ou du
i vice ; car alors on ne foppofo ni dans l ’un ni dans
l’autre un Ample pouvoir particulier, mais un pouvoir
général fur tout le monde & en toute occa-
fïon. Telle eft aufli la raifon qui eft caufo d’une
exception' dans l ’emploi de ce mot, à l’égard des
amants qui fè foccèdent dans un même objet, de
ce qu’on qualifie du nom de Règne le temps pafla-
ger de leurs amours-; parce qu’on fuppofo que , félon
l’effet ordinaire de cette aveugle paflïon , chacun
d’eux a dominé fur tous, les fontimentsde la perfonne
qui s’eft foccefïivement laifté vaincre.
Ce n’eft ni les longs Règnes ni leurs fréquents:
changements qui câufont la chute des Empires ; c’eft
l’abus de l ’autorité.
Toutes les épithètes qu’on donne à Empire pris;
dans le fons ou il eft Anonyme avec R ègne, conviennent
aufli à celui-ci : mais celles qu’on donne
à Règne ne conviennent pas toutes à Empire, dans
le fons même où ils font fynonymes.. Par exemple,.
-, on ne joint pas avec Empire, comme avec Règne %
les épithètes de L ong & de G l o r ie u x ; on fo fort d’uit
autre tour de phrafê pour exprimer la même chofo-
L,'Empire des romains a été d’une plus longue
durée que XEmpire des grecs; mais la gloire de celui—
. ci a été plus brillante par la rapidité des conquêtes. L e
Règne de Louis X IV a été le plus long & l’un des;
plus glorieux de la monarchie. (L'abbé G irard.)
(N.) EMPIRE, ROYAUME. Synonymes. C e
font des noms qu’on donneà différents États, dontles
princes prennent le titre d’Empereur ou de Roi; c e
n’èft pourtant pas cela foui qui en fait la différence*.
Il me fomble que le mot d’Empire fait naitre
Ridée d’un État vafre & eompof^de plufieurs peuples^
que celui de Royaume marque un État plus borné,,
& fait fontir l ’unité de la nation dont il efl. formé*.
C ’eft peut-être de cette différence d’idées que. vient
la différente dénomination de quelques États 8c le:
titre qu’en ont pris. les. princes: je- remarque dib.
moins que, fi ce n’en efl pas là caufo-,. eeîa foi-
trouve ordinairement ainfi ; comme an le voir dans;