
de fineflè dans la louange , c’eft encore le vieux
Marot. Ce n’eft pas qu’il ait fait un grand nombre
de ces Epigrammes heureu les : mais lorfqu’il y
réuflit, il y excelle ; & lors même qu’il ne fatisfait
pas un goût délicat, il l’éclaire , en indiquant toujours
comment on fera mieux que lui.
Une allufion jufte , amenée par la refïèmblancei
des noms, eft dans le ftyle une grâce de plus, fur-
tout dans Y Ép igramme.
Ce plaifant val que l’on nomraoît Tempe
Donc mainte hiftoire eft encore embellie,
Arroféd’eau, fi. doux, ftattrempé,
Sachez que plus il n’eft en Theflàlie *
, Jupiter roi, qui les. coeurs gagne & lie,
L’a de Theffàie en France remué,
Et quelque peu fon nom propre mué
Car , pour Tempé, veut qu’Eftampes s-’appelle :
Ainfî lui plaît, ainfi l’a lkué,
Pour y loger de France la plus belle.
Et quoiqu’un fimple jeu de mots ne foit jamais qu’un
badinage allez frivole , il me fèmble que dans
1 ’Epigramme il eft permis plus que partout ailleurs,
s’il eft aufli joliment employé que dans celle-ci,
jour une demoifèlle qui s’appeloit la Roue.;
Peintres experts, votre, façon commune
Changer vous faut plus tôt hui que demain r
Ne peignez plus une roue à fortune
Elle a d’Amour pris 1er dard inhumain;.
Amour aufli a pris la Roue en main,
Et des mortels par ce-moyen fe joue;.
O l’homme heureux-, q ui, de L’enfent'humain.,.
Sera pouffé au deflus. de la Roue;
Roulfeau , en imitant Marot, l’a ftirpafle du. cote
du goût, de la précifîon, de la correction du ftyle.
Mais la facilite, la fîmpl'icitê', la grâce naïve, qui
.eft celle de çe ftyle, font des- dons naturels qui ne
s’imitent point. Après., Marot, la Fontaine eft le fèul
qui les ait eus dans un haut degré; & c’eft. dans un
degré fi haut ; qu’en l'aiftant fön modèle loin au
dellous de lu i, il a prefque interdit à Ce s imitateurs
toute efpérance de FatteindreO (M. M armobtel.)
( N.).Epigramme. Ce. mot veut dire proprement
ïnfçription ; ainfî , une Épigramme devoit être
courte. Celles de l’Anthologie grèque. font pour la
plupart fines & gracieufès ; elles n’ont rien des
images groflières que Catulle & Martial ont prodiguées
, & que Marot & d’autres ont imitées. En
voici quelques-unes traduites avec une brièveté
d°m on ? Auvent reproché à la langue, françoifè
«Têjre privée. L ’auteur eft inconnu.
Sur les Sacrifices à Hercule*
Un peu'de miel, un peu de lait-,
Rendent Mercure favorable j
ffereule eft bien plus cher, il eft bien moins traitable *
Sans deux agneaux par jour il n’eft point fatisfait»
On die qu’à mes moutons ce dieu fera propice«
Qu’il foit béni ! mais entre nous
Ceft un peu trop en facrifie ;
Qu’importe qui les mange ou d’Hercule ou des loups 1
Sur LaiSy qui remit fon miroir dans le temple
de f^énus*
Je le donne à Vénus, puifqu’elle eft toujours belle J.
11 redouble trop mes ennuis :
Je ne faurois me voir dans ce miroir fidèle,
Ni telle que j’étois-, ni telle que je fuis.
Sur une Statue de Vénus*
O u i, je me montrai toute nue
Au dieu Mars, au bel Adonis ,
A Vulcain même , & j’en rougis 5
Mais Praxitèle! qù m’a-t-il vue?
Sur une Statue de Niobé*
Le fatal cou-roux, des dieux
Changea cette fèmme en pierre y.
Le fculpteue a fait bien*mieux.,
II a fait tout le contraire.
Sur des fleurs yà une fille grèque qui paffoit pour
être fiere.
Je fafs bien que ces fleurs nouvelles.
Sont loin d’égaler vos appas ;
Ne vous enorgueilliflez pas
Le:temps vous fannera commeelles*.
Sur Léandre, qui nageait vers■: la tour d’Here*
pendant une tempête*
( Epigramme imitée depuis par Martial:.)
Léandre, conduit par l’Amour ,■
En nageant , difoit aux orages.:.
Laifiez-moî. gagner fe? rivages,.
Ne me noyez qu’à mon retour«..
A travers là fbiblefïè de. la tradudion , il efbaifê
d’entrevoir la dëlicatefîè & les grâces piquantes de
ces Épigrammes. Qu’elles, font différentes des
groflières images trop fôuvent peintes dans Catulle
8c dans Martial 1.
Marot en a fait quelques-unes où l’on retrouve-
toute l’aménité de la Grèce*.
Plus ne filis. ce que j’ai été
Et ne le (aurai jamais être-,
Mon beau printemps & mon été -
Ont fait le faut.par la fenêtre.
Amour , tu as été mon maître
Je t’ai fervi fur tous les dieux».
Oh ! fi . je po.uvois deux fois, naître.-*,
Comme je te fervirois mieux!
Sans le printemps & l’été qui font le faut par la
fenêtre, cette Épigramme fèroit digne de Calli-
xnaque.
Je n’ofèrois en dire autant de ce rondeau, que tant
de gens de lettres ont fi fôuvent répété.
Au bon vieux temps un train d’amour régnoit,
Qui fans grand art & don$ fe dèmenoit,
Si qu’un bouquet donné d’amour profonde-,.
C’étoit donner toute la terre ronde ;
Car feulement au coeur on fe jfrenoit:
Et fi par cas à jouir on venoit,
Savez-vous bien- comme on s’entretenoit ?
.Vingt ans trente ans,. cela duroit un monde
Au bon vieux temps.
Or eft pafls'ce' qu’Amour ordonnoit, (<*) .
Rien que pleurs feints, rien que changes on n’oit î-
Qui voudra donc qu’à aimer j.e me fonde,
Il faut premier que l’amour on refonde.
Et qu’on le mène ainfi qu’on le menoic
Au bon vieux temps.
Je tJirois d’abord que peut-être ces rondeaux,
dont le mérite eft de répéter à la fin de deux couplets
les mots qui commencent ce petit poème,. font
une invention gothique & puérile, & que les grecs
& les romains n’ont jamais avili la dignité de leurs
langues harmonieufès par ce* niaifèries difficiles.
Enfûite, je demanderois ce que c’eft qu’wra train
a amour qui règne , un train qui f e démène fans
dons• Je pourrois demander fi venir à jouir par
cas y font des expreflions délicates & agréables ; fi
s 1entretenir & f e fonder à aimer, ne tiennent pas
un peu de la barbarie du temps, que Marot adoucit
dans quelques-unes de Ces petites Poéfîes*
Je penfèrois que refondre tamour eft une image
bien peu convenable y que fi on le- refond on ne le
mène pas; & je dirois enfin que les. femmes pou-
voient répliquer à Marot : Que ne le refonds>-tu
toi-même ? quel gré te fâura-t-on d’un amour tendre
& confiant, quand il n’y aura point d’autre amour?
Le mérite de ce petit ouvrage fèmble confîfter
dans une facilité naïve. Mais que de naïvetés dégoûtantes
dans prefque-toufr les ouvrages de la Cour
de François I !
Ton vieux couteau, Pierre Marre! ,, rouillé
i Semble ton v . ja retrait &. mouillé.
Et le fourreau tant laid où tu l'engaines ;
C’eft que toujours as aimé vieilles gaines...
Quant à là corde à quoi' il eft lié
C’eft qu’attaché feras & marié. :
Au manche aufli de corne connoît-on-
Que tu.-feras cornu comme-un mouton*
(a) Il eft évident qu’alors on prononçoit tous les oi rude-
fltènt, prenoit , dèmenoit, ordonnoit, & non pas ordonnait3.
démenait, prenait ; puisque ces terminaifons rimoiént avec-
voit. Il eft évident .encore qu’on fe germetwitles bâillements:
8c les. hiatus*
Voilà le fens , voilà la prophétie
De ton couteau, dont je te remercie.
Eft-ce un courtifàn qui eft l’auteur d’une telle
Epigramme ? eft-ce un matelot ivre dans un cabaret
î Marot malheureufèment n’en a que trop fait
dans ce genre.
Les Épigrammes qui ne roulent que fur des
obfcénités , font méprifées des honnêtes gens. Elles
ne font goûtées que par une JeunefTe effrénée à qui
le fujet plaît beaucoup plus que le ftyle. Changez,
d’objet, mettez d’autres adeurs à la place; alors
ce qui vous amufôit paroîtra dans toute fa laideur»
( Voltaire*.)
ÉPIGRAPHE, C. f. Belles - Lettres. G’eff un.
mot, une fèntence, foit en profe foit en vers, tirée
ordinairement de quelque écrivain connu, & que
les auteurs mettent au frontifpice de leurs ouvrages
pour en annoncer le but; ces Épigraphes font devenues
fort à la mode depuis quelques années. M. (fe-
i Voltaire a mis celle-ci à la tête de Ci Mérope, d’o®
il a banni la paffion de l’amour
Hoc legite , Äußertcrimen amorts abeß.
Les Épigraphes rre font pas toujours juftës', 8r
promettent quelquefois plus que l ’auteur ne donne».
On ne court jamais de rifque à en choifîr de mo—
deftes. {IJabbé Mallet.)
ÉPILOGUE , ’ f. m. B e lle s - Lettres: Dans
Fart oratoire, conclufîon ou dernière partie d’un>
difeours ou d’un traité, laquelle contient ord inal
rement la récapitulation des principaux points répandus
& expofés dans le corps du difeours ou d'e.-
l’ouvrage* Voye% Pé r o r a iso n -
É p il o g u e ,. dans là Poéfie dramatique y fîgnîL-
fioit chez les anciens ce qu’un des principaux adeurs.
adreflôit aux fpedateurs lorfque la pièce étoit finie r
& qui contenoit ordinairement quelques réflexions;
relatives à cette même pièce, & au rôle qu’y avoit
joué cet adeur*.
Parmi les-mpdemes ce nom & ce-rôle font inconnus
; mais à VÉpilogue des anciens ils ont fùbftitue-
l’ufà^e des petites pièces où comédies qu’on fait
fùceeder aux pièces' férieufes*, afin , dit-on, de-
calmer les- pallions,, & de diffiper les idées triftes.
que- la tragédie auroit pu exciter. Il eft douteux:
que cette pratique foit bonne & mérite des éloges z
un auteur ingénieux la compare à une-gigue qu’ort,
joueroit fur une orgue après un fèrmon touchant ^
afin de renvoyer l’auditoire dans le même état où iL
. étoit venu. Mais quoique C Épilogue , confîdéréfbus-;
ce rapport ,.. foit aflèz inconféquent, il eft appuyé-
fur la pratique des anciens, dont l ’éxode , c’èft à,
dire la fin la fbrtie des- pièces,. exodium y étoîtr
une farce pour effuyer les larmes qu’on avoit verfees*-
pendant la reprélèntaticm de la tragédie : mê qaid~.
I quid lacrymarum ac trifiitiæ cepijfent- ex tragieiss
| ajfeclibushujus fpeclaculL rifus. deterg^reti^dkiàe