
eurrent qui y montait & qui lui demanda fi chiz
le roi il y a voit quelque choie de nouveau : Rien
du tout, répondit-il,finon que je défends & que vous
monter. L e (eus propre de Défendre & de Monter
marquoit la fituation phyfîque des deux afteurs ;
le Cens métaphorique défignoit leur fituation morale
à l’égard du prince. .
A cet exemple j’en ajouterai un autre de meme
mérite parce qu’il tient auflî à la circonftance du
moment. Un curé'de Paris très-diftingué , ayant
fu qu’un feigneur domicilié fur fa paroiflë avoit
Élit à un couvent de carmes , dans (on tellament,
un legs confidérable (ôus le prétexte d’une fondation
alla chez ce feigneur, & tourna fi bien fes
remontrances qu’il l’engagea à révoquer ce legs
pour l’appliquer à fa parodie. Comme il fortoit de
chez ce feigneur après l’operation, il trouva à la
porte deux carmes qui fe prélêntoient pour y entrer :
3. (ê fit de part & d’autres de grandes politelfes
pour le pas; enfin le curé les termina en difant:
Je ne v'ajjemi qu’après vous, mes Pères ; vous
h e s de t'ancien teflament, & j e fu is du nouveau.
I l voiloit ainfi ce qu’il indiquoit des deux tefta-
ments du malade , par ÏA llu fo n qu’il faifoit à l'opinion
des carmes, qui fe prétendent difciples d’Elie,
prophète de l’ancien tellament.
r Charlemagne (celloit les traites avec le pommeau
de (cm épée, où il y.avoit apparemment un cachet ;
Je les ferai tenir ,-difoit-il, avec lapoime ; équivoque
qui ne demande point d’explication.
" On a des exemples à’Allufions fiir des noms
propres , rappelés, par une équivoque affeSée ,
au fens appellatif qu’ils ont eu avant de devenir
propres. Cicéron a bien tiré parti en Ce genre du
nom de l’infime Verrès, mot latin qui lignifie en
francois Verrat ou Pourceau. L ’orateur romain
raconte d’abord la manière jufle & défintéreffée
dont Verrès s’ étoit conduit, à l’égard de fin quef-
teur Cécilius & d’une certaine Agonis ; puis il
ajoute ( In. Q. Coecil Divinat. xvij. 57 ) :
E j l aiiic , i i V L0‘}
vos omnes admirari video
, noti Verres , fed
gnam partem ad fe ver-
tit , mulieri reddidit
quantulum vifum ejl.
Q. Mutius : quid emm
fiicere potuit elegeintius
ad hominum exifiima-
tionem > cequius ad le-
vandam mulieris cala-
mitatem, vehementius
ad quaftoris libidinem^
coercendam ? Summe
hcec omnia mihi viden-
tur ejfe laudanda. Sed
repente e vefiigio, ex
homine, tanquam ali-\
quo circceo poculo , fac-
tus eft V erk e s ; redit ad
fe , ad mores fitosj nam
f t t t pwwid ma-
; argent , il s’en appliqua
; une grande partie & en
I rendit à la femme fi peu
I qu’il jugea à propos.
Jufqu’ici, Vous le voyez
tous avec fùrprifè, ce n’eit
pas Verrès, c’eft un O.
Mutius : car que pouvoit-
il faire de plus propre à
lui concilier l’eftime uni-
verfèlle, de plus équitable
pour adoucir le malheur
de cette femme , de
plus vigoureux pour réprimer
la cupidité de fôn
quefteur ? Tout cela- me
paroît digne des plus grands
.éloges. Mais tout à coup
comme par l’effet du breuvage
Cette double Allufion t au nom Verrès & à ce que
la Fable raconte des enchantements de Circé , me
paroît également naturelle & heureufè.
Dans un autre difeours, ( de Signis. xxv. 57- )
Cicéron fait, avec encore plus de dignité & de
décence, une double Allufion à deux noms très-
oppofés;
de Circé, .Vhomme
fe changea en F e r r â t ;
il revint à fôn caraétère, à
fes moeurs 5 car de tout cet
Ridiculum ejînunc de II eft ridicule que je par-:
Pierre me dicere, quum le maintenant de Verrès ,
de Pifonefrugi dixerim. après avoir parlé, du ver-
Ferumtamen quantum tueux Pilon. Confidérez
interfit viçLete : ifie , cependant combien ils dif-
quumaliquotabacorum fèrent l’un de l ’autre : ce
face ret vafa aurea, non Verrès, faifànt faire des
laboravit quîd , non vafes d’or pour plufîeurs
modo in Siciliâ , fed buffets, ne le mit pas en
etiam Romoe in judicio peine de ce qu’on en diroit,
audiret ; iUe, in auri non feulement en Sicile ,
Jemunciâ, totam Hifpa- mais à Rome même dans
niam feire voluit unie les tribunaux: Piton, pour
proetori annulus fieret : une demi-once d’or, vounimirum,
ut hic nomen lut que toute l’Efpagne sût
fuum comprobavif, fie d’où venoit à Ion préteur
ille , cognomen. la matière d’un-anneau : fi
bien que l’un a pleinement
jufiifié le nom qu’il porte ; & l’autre, le furnom qu’op
lui a donne.
Broflètte , qui a commenté Boileau , étoit lié
avec le jélùite Tournemine ; celui-ci abandonna
BrofTette, pour le livrer à la nouvelle connoifTance
qu’il venoit de faire avec Voltaire , qui n’ai-
moit pas 'BrofTette : l’ami de Boileau fit à ce
fujet un diftique latin, où il lé plaint agréablement
de la défe&ion du jéfuite par une Allufion
ingénieufe à Ion nom :
Qiiam bene de fade verfâ tibi nomen, amicis
Tarn cito qui faciem vertis, Amice, tuis !
Quelquefois Y Allufion Ce marque par la lubf-
titution d’un mot à la place de celui qu’on envilà^ge,
& dont il ne diffère que par une lettre de même
organe. Sénèque le rhéteur, père du philolophe *
nous a conlèrvé ( Proem. Lib. X . Controv. ) une
Allufion nominale de ce genre:
Labie'nus étc^t un grand
orateur, qui , après avoir
lutté contre mille çbftacles,
parvint enfin à la réputa-.
tion d’homme d’efprit par
l’aveu forcé bien plus que
par la.faveur du Public.
Il étoit très-pauvre, en-
(jèrement perdu de répu. Uhnsts,
Labienus , magnus
orator , qui, permulta
impedimenta eluclatus,
ad famam ingenii con-
fitentibus magis homi-
nibus pervenerat quam
volentibus. Summa egefi
tas erat, fumma infa-
mia yfummum odium
libertas tanta ut liber-, i ration, généralement dé-
taiis nomen excederet ; i t e l i é & d’une liberté
u t, quia pajfim ordines ! excefiive qui alloit jufqu’à
hominefque laniabat , la licence ; de forte que ,
Rabienus vocaretur. comme il déchiroit tout le
monde, fans diftindion de
rangs ni de perfônnes, on le nommoit Rabténus.
Ce nom, tiré du latin Rabies ( r a g e ) , peignoit à
merveille un homme qui, comme une bête enragee,
mordoit impitoyablement tout le monde.
Les deux confonnes B & V , toutes deux labiales
foibles, fe changent aifément l’une pour l’autre ;
& les gafconss’y méprennent continuellement : Jules-
Céfàr Scaliger, qui apparemment ne les aimoit pas,
fit à ce fujet une épigramme, où par Allufion il
leur reproche l’ivrognerie :
JVon temerl antiquas mutas, Vafconia , voces,
Cui nihil ejl allud vivere quam bibere.
M. Crévier ( Rhét. f r . Part. III. ch. iij. tom.
II. page 148. ) accufè M. Fléchier d’avoir fait une
mauvaifê pointe dans le texte même de fon Panégyrique
de S. Benoit. « Comme le nom de ce
fàint, dit-il, eft en latin Benediclus, l ’orateur
» a pris pour texte ces paroles de Dieu à Abraham
3> ( Genef xij. ) Egrederè de terra tuâ , & de
cognatione tuâ , & de domopatris tui... Faciam-
9} que te in gentem magnant , & benedicam tibi,
os & magnificabo nomen tuum , erifque j&enedic-
33 t u s . Dans l’original, le mot B enedictu s fîgnifie
33 Béni -, ici il rappelle le nom de Benoit. Je ne crois
3» pas que,cette pointe faflê envie à aucun orateur ju-
33 dicieux. »
Je ne crois pas , moi, qu’une remarque fi peu
judicieufè faife envie à aucun Critique fage & rai-
fônnable ; & je fuis perfuadé que Fléchier n’a pas
même penfe à Y A llu fion que fon cenfèur relève ici.
i° . Il ne faut pas croire que l’orateur ait fait imprimer
B e n e d ic t u s en capitales pour y faire faire
attention, comme le rhéteur l’a fait imprimer dans fà
Rhétorique .pour le ridiculifèr : z°. le prélat z
traduit fon texte conformément au fêns de l’original
, tel que l’indique M. Crévier ; erifque bene-
di&us, & vous ferez béni : ce qui ne marque aucune
envie de faire fentir Y A l lu f io n , qu’il a plu
au Critique de remarquer & de cenfùrer : 3*. le
texte a été évidemment choifî pour être le germe
& le précis du plan de tout le difèours. Voici comment
le trace l’orateur lui-même : 33 La fidélité de
33 faint Benoit à fuivre la loi de Dieu , & la fi-
3y délité de Dieu à reconnoitre & à glorifier fàint
os Benoit; voila tout le fujet de ce difeours. 33 C ’eft
précifement l’efprit & prefque la lettre du texte.
JDixit autem Dominus ad A b ram : ( car M. Fléchier
commence ainfi) Egredere de terra tu â , & de cogna-
tione tua y& de domo patris tui..,. On reconnoit ici
la voix de Dieu, qui, par application, & pour me (èrvir
des termes mêmes du panégyrifte, 33 conduifît fàint
» Benoit dans les voies de la perfe&ion chrétienne ,
C ramm. e t L i t t é r a l Tome / ,
as en le féparant du monde pour mettre en sûreté
as fa vertu naiflànte, en l’attirant à la folitude
33 pour l ’y fortifier dans les exercices de la péni-
33 tence: » c’eft le premier point. Voici tout aufïi
clairement le fécond dans la fuite du texte: Faciam-
que te in gentem magnam, & benedicam tibi, &
magnificabo nomen tuum, erifque benediclus. Ne
reconiioît-on pas à ces traits la fidélité de Dieu
à reconnoitre & à glorifier l ’ame fidèle qui obéit
à fa voix? Comment ofè-t-on après ces obfèrvations
fè perfùader, ou du moins vouloir perfuader , que le
choix de ce texte n’eft dû qu’à la miférable Allufion
de l ’adjedif benediclus au nom latin Benediclus du
faint que le fàge orateur entreprenoit de louer ?
On peut rapporter à Y Allufion nominale, celle
qui auroit trait aux pièces d’armoiries , ou au
fymbole adopté par quelqu’un.
C ’eft par une Allufion aux armoiries, que Boileau,
dans fôn Ode fu r la prife de Namur, défîgne les
hollandois , les impériaux, & les anglois :
En vain au Lion belgique
I l voit VAigle germanique
Uni fous les Léopards.
Les hollandois s’attribuoient dans le temps tout
l’honneur de la paix conclue à Aix-la-Chapelle.
Jofiié Van-Beuninghen , leur plénipotentiaire au
congrès tenu dans cette v ille , fe fit, dit-on, re-
préfenter dans une médaille fous l’emblème àeJofué
arrêtant le fo le i l, avec cette infeription S ta f o l
( Soleil, arrête-toi) ; parce que Louis X IV avoit
pris pour emblème le fo leil avec ces mots , Nec
pluribus impar ( fùffifant encore pour plufieurs ) .
Quelque douteufe que fbit l’exiftence de cette médaille
, Y Allufion du moins qu’on imagina dans
le temps prouve que , dès la première _guerre que
fit pour fôn propre compte Louis XIV , il avoit
infpiré à l’Europe une étrange terreur ; puifqu’on
s’üpplaudiffoit avec tant de fafte , de l’avoir engagé
à poîer les armes prefque auffitôt qu’il les avoit prifês.
Cette Allufion eft tout à la fois hiftorique &
nominale : hiftorique , ‘parce qu’elle rappelle un
trait connu de l’hiftoire fàinte ; nominale, parce
qu’elle fait penfèr nommément à Louis X IV , en
montrant l’emblème qu’il avoit adopté.
- Gn doit être fort diferet dans l’ufiige des AU*
lufions. Le ftyle grave & élevé les admet bien
rarement ; & il faut, pour y être admîtes , qu’elles
fbient très-ingénieufès & qu’elles réveillent des
idées graves & analogues à celles que l’on traite :
mais avec de la délicatefïè , elles peuvent plus
aifenjeîit avoir lieu dans la converfation , dans les
lettres, les épigrammes , les madrigaux , les impromptus,
& autres petites pièces de ce genre
M. de Voltaire a pu dire à M. Deftouches \
Auteur folide, ingénieux,
Qui du Théâtre êtes le maître ;
Vous qui fices le Glorieux ,
11 ne tiendroiç qu’à vous de l’être^
S