
fucceffîfs ; le dernier, l’exiftence de plufîeufS individus
d’une même efpèce fous des états en partie
fèmblables, en partie différents , ou d’un même individu
fous plufîeurs états différents.-
Il ne faut qu’avoir paffé d’un fèul état à un autre
pour avoir changé : c’eft la fûcceffion rapide
fous des états différents qui fait la Variation : la
Variété n’eft pas dans les a étions , elle eft dans les
êtres ; elle peut être dans un être confidéré fblitai-
rement, elle peut être entre plufîeurs êtres confi-
dérés colleétiv-ement.
I l n’y a point d’homme fi confiant dans fès prin-
cipes , qu’il n’en ait changé quelquefois : il n’y a
point de gouvernement qui n’ait eu fès Variations :
il n’y a point d’efpèce dans la nature qui n’ait une-
infinité de Variétés, qui l’approchent ou l’éloignent
d’une autre efpèce par des degrés infenfibles. Entre
ces êtres., fi l’on confidère les animaux -, quelle que
iôit l’efpèce d’animal qu’on prenne, quel que fôit
l’individu de cette efpèce qu’on examine -, on y .
remarquera une Variété prodigieufè dans leurs parties
, leurs fonétions, leur organifàtion. Voye\ V a -
tia tion , V ar ié t é , Syn. & V ariation , C hangement.
Syn. f M . D i d e r o t . )
CH A N SO N , fi f. L in . & Mufiq. C ’eft une
efpèce de petit poème fort court auquel on joint
un air, pour être chanté dans des occafîons fami?
lières, comme à table avec fes amis , ou feul pour
s’égayer & faire diverfîon aux .peines du travail ;
objet qui rend les Chanfons villageoifès préférables
à nos plus favantes compofitions.
L ’ ufage des Chanfons eft fort naturel à l’homme :
il n’a fallu , pour les imaginer, que déployer fes
organes,.& fixer l’expreflion dont la voix eft capab
le , par des paroles dont le fens annonçât le feri-
timent qu’on vouloit rendre ou l’objet qu’on vou-
loit imiter. Ainfî, les anciens n’avoient -point encore
l ’ufàge des lettres , qu’ils avoiènt celui des Chanfons
: leurs lois & leurs hiftoires, les louanges des
dieux & des grands hommes furent chantées avant
que d’être écrites ; & de là vient, félon Ariftote ,
que le même nom grec fut donné aux lois & aux
Chanfons. ( J . J . R o u s s e a u . )
Les vers des Chanfons doivent être ailes , fîm-
ples, coulants, & naturels. Orphée, Linus , &c.
commencèrent par faire des Chanfons : c’étoient
des Chanfons que chantcit Eriphanis en fùivant les
traces du chafleür Ménalque : c’étoit une Chanfon
que les femmes de Grèce chantoient aufïi pour rappeler
les malheurs de la jeune Calicé, qui^ mourut
d’amour pour l’infènfîble Evaldus : Thefpis^ barbouillé
de lie & monté fur des tréteaux, célébroit
la vendange, Silène, & Bacchus, par des Chanfons
à boire : toutes les Odes d’Anacréon ne font que
des Chanfons : celles de Pindare en font encore
dans un ftyle plus clevé ; le premier eft prefque
toujours fubiime par les images, le fécond ne l’eft
guère fouvent que par l’expreffion : les Poefîes de
papho n’éfoiçnt que des Chanfons vives & pafïionnées
; le feu de l’amour qui la confûmoïC, ànimoiï
fon ftyle & les vers. ( A n o n y m e . )
En un mot, toute la Poéffe lyrique n’étoit proprement
que des Chanfons : mais nous devons nous
borner ici à parler de celles qui portoient plus particulièrement
ce nom, & qui en avaient mieux le
caraéfère.
Commençons par les airs de table. Dans les
premiers temps, dit M. de la Nauze, tous les convives
, au rapport de Dicéarque, de Plutarque, &
d’Artéinon , chantoient enfèmble & d’une feule
voix les louanges de la Divinité : ainfî, ces Chanfons
étoient de véritables P céans ou Cantiques fàcrés.
Dans la fuite , les convives chantoient fucçefïi-
yement, chacun a fon tour , tenant une branche de
myrthe, qui paffoit de la main de celui qui yenoit
de chanter à celui qui. chantoit après lui.
Enfin , quand la Mufique fé perfectionna dans
la Grèce & qu’on employa la lyre dans les^feftïns ,
il n’y eut plus, difént les trois écrivains déjà cites9
que les habiles gens qui fuflèn’t en état de chantes
à table, du moins en s’accompagnant de la lyre ;
les autres , contraints de s’en tenir a la branche de
myrthe, donnèrent lieu à un proverbe grec, par
lequel on difôit qu’w/i homme chantoit au myrthe 9
quand on le vouloit taxer d’ignorance.
Ces Chanfons accompagnées de la lyre , 8c dont
Terpandre fut l’inventeur , s’appellent fcolies, mot
qui fignifie oblique ou tortueux , pour marquer la
difficulté de la Chanfon, félon Plutarque, ou la
; fituation irrégulière de ceux qui chantoient, comme
le veut Artémon : car, comme il faïloit etre habile
pour chanter ainfîchacun ne chantoit pas a fon
rang, mais feulement ceux qui fàvoient là Mufique ,
- lefquels fé trouvoient difperfes cà & là , placés obli-*
quement l’un par rapport a l’autre.
Les fujets des fcolies fé tiroient, non féulement
de l ’amour & du v in , comme aujourdhui,- mais
encore de l’Hiftoirè, de la guerre, & meme de la
Morale. Telle eft cette Chanfon d’Ariftote fur la
mort d’Hermias fon ami & fon allie , laquelle fit
accufér fon auteur d’impiété. _ ,
« O vertu q ui, malgré les difficultés que vous
préféntez aux foibles mortels , etes 1 objet charmant
de leurs recherches ! vertu pure & aimable ! ce fut
toujours aux grecs un deftin digne d’envie, que de
mourir pour vous, & de fouffrir fans fé rebuter
les maux les plus affreux. Telles font les fèmences
d’immortalité que vous répandez dans tous les
coeurs ; les fruits en font plus précieux que l ’or,
que l’amitié des parents, que le fommeil le plus
tranquille: pour vous le divin Hercule & les fils de
Léda eflüyèrent mille travaux , & le fuccès de leurs
exploits annonça votre puiffance. C eft par amour
pour vous qu’Achille & Ajax allèrent dans 1 Empire
de Pluton ; & c’eft en vue de votre aimable beauté
que le prince d’Atârne s’eft aufïi privé de la lumière
dujfôleîl, Prince à jamais célèbre par fes fixions !
les filles de mémoire chanteront fa gloire toutes les
fois qu’elles chanteront le culte de Jupiter hofpitafcer,
K é f, <JU le prix d’une amitié durable^ S fincefe fl.
Toutes leurs Chanfons morales n’étoient pas fi
graves que celle-là'î en voici une d un goût différent,
tirée d’Athénée. f
« Le premier de tous les biens eft la fànte j le
.fécond, la beauté ; le troifième , les richefles amaf-
fées fans fraude ; & le quatrième, la jeuneffe qu’on
paffé avec fès amis ».
Quant aux fcolies qui roulent fur 1 amour & le
v in , on en peut juger par les foixante & dix Odes
d’Anacréon qui. nous relient : mais, dans ces fortes
de Chanfons même , on voyoit encore briller cet
amour de la patrie & de la liberté dont les greçs
étoient tranfportés.
« Du vin & de la fànté, dit une de c es Chanfons,
pour ma Clitagora & pour moi, avec le féçours des
theffaliens.'; » C ’eft qu’outre que Clitagora, étoit
theffalienne , les athéniens avoient autrefois reçu
du fécours des theffaliens contre la tyrannie des -
piÇftratides.
Ils avoient auffi des Chanfons pour les diverfés
profèflïons: telles étoient les Chanfons des bergers,
dont une efpèce , appelée Bucoliafme, étoit le
véritable chant de ceux qui conduifoient .le bétail ;
& l’autre, qui eft proprement la P a f orale, en étoit
l ’agréable imitation : la Chanfon des moiffonneurs ,
appelée le Lytierfe, du nom d’un fils de Midas qui
s’occupoit par goût à faire la moifîbn : la Chanfon
des rpeûniers, appelée Hymée ou Épiaulie, comme
celle-ci tirée de Plutarque: Moule\, meule, mou-
le^i car Pittacus , qui règne dans Vaugufle Myti-
lène, aime à. moudre ,* parce que Pittacus étoit
grand mangeur : la Chanfon des tifferands , qui
s’appeloit Pline : la Chanfon Jule des ouvriers en
laine : celle des nourrices , qui s’appeloit Catabau-
calèfè ou Nunnie : la Chanfon des amants , appelée :
Nomion : celle des femmes, appelée Calyce ; &
Harpalyce , celle des filles : ces deux dernières
étoient aufïi des Chanfons d’amour.
Pour des occafîons particulières , ils avoient la
Chanfon des noces, qui s’appeloit Hyménée , Epi-
thalame : la Chanfon de Datis, pour des occafîons
joyeufés : les lamentations, Vlaléme & le Linos ,
pour des occafîons funèbres & trilles : ce Linos fé
chantoit auffi chez les égyptiens, & s’appeloit par
eux Maneros, du nom d’un de leurs princes. Par
un paffage d’Euripide, cité par Athénée, on voit
que le Linos pouvoit aufïi marquer la joie.
Enfin il y avoit encore des Hymnes ou Chanfons
en l’honneur des dieux & des héros : telles étoient les
Jules de Cérès & de Profèrpine, la Philélied’Apollon,
les Upinges de Diane, &c. ( J . J . R ous s e au ).
Ce genre paiïà des grecs aux latins ; plufîeurs
des Oaes d’Horace font des Chanfons galantes ou
bachiques.^
Les modernes ont aufïi leurs Chanfons de différentes
efpèces , félon le génie & le caraâère de
chaque nation : mais les fr an cois l ’emportent fur
tôus les peuples de l’Europe, pour le fèl & la grâce
de leurs C h a n fo n s ils fé font toujours plus à cet
Gjujum. e t L it téra t i Tome 7.
'amufeffietit, & y ont toujours excellé ; témoin le»
anciens troubadours. Nous avons encore des Chanfons
de Thibaut , comte de Champagne. L a Provence
& le Languedoc n’ont point dégénéré de leur
premier talent : on voit toujours régner dans ces
provinces un air de gaieté qui les porte au chant &
à la danlè ; un provençal menace ion ennemi d’une
Chanfon , comme un italien menaceroit le lien d’un
coup de ftylet : chacun a fes armes. Les autres pays
ont auffi leurs provinces chanfonniéres : en Angleterre,
c’eft l’E cofle; en. Italie, c’eft Venife.
L ’ulâge établi en France d’un commerce libre
entre les femmes & les* hommes, cette galanterie
aifée qui règne dans les fectétés, le mélange ordinaire
des deux- fexes dans tous les repas, le caraftère
même d’elprit des français, ont dû porter rapidement
chez eux ce genre à fa perfection. ( A nonyme.)
Nos Chanfons font de plufîeurs efpèces î maie
en général «elles roulent , ou fer l ’amour ; ou fer
le vin; ou fer la fatyre : les Chanfons d’amour
font les airs tendres , qu’on appelle encore A ir s
fê r ïeu x : les Romances, dont le caraftère eft d’émouvoir
l’ame par le récit tendre & naïf de quelque
hiftoire amoureufe & tragique : les Chanfons pal-
torales , dont plufîeurs fent faites pour danfer ,
comme les mufettes , lei gavottes , les branles , &c.
On ne connoît guère les auteurs des paroles de
nos Chanfons françoifes'; ce font des morceaux peu
réfléchis, fertis de plufîeurs mains, St que , pour
la plupart, le plaifir. du moment a fait naître: les
muliciens qui en ont fait les airs fent plus connus,
parce qu’ils en ont laiffé dès recueils complets ; tels
fent les livres de Lambert, de DuboufTet, & c .
Cette ferte d’ouvrage perpétue dans les repas le
plaifir à qui il doit fa naiiïançe. On chante indifféremment
à table dès : Chanfons tendres , bachiques
, ftc. Les étrangers conviennent de notre fepé-
riorité en ce genre : le françois, débarraffé de feins ,
hors du tourbillon des affaires qui l’a entraîne toute
la journée , fe délaffè le (bit, dans des feupers aimables
, de la fatigue & des embarras du jour la'
Chanfon eft fon égide contre l’ennui, le Vaudeville
eft fen arme offenfîvé contre, lë ridicule ; il s en
fert auffi quelquefois'comme d’une efpèce de_ feu-
lavement des pertes ou des revers qu’il effuie : il
eft fatisfait de ce dédommagement ; dès qu’il a
chanté, là haine ou la vengeance expirent.
Les Chanfons à boire fent allez communément
des airs de baffe , ou des rondes de table. Nous
avons encore une elpece de Chanfon qu on appelle
Parodie ; ce fent des paroles qu’on ajufte fer des
airs de violon-ou d’autres inftruments, & que l ’otr
fait rimer tant bien que mai i fens avoir égard à la
mefere des vers.
La vogue des parodies ne peut montrer qu un
très-mauvais goût ; car , outre- qu’il faut que la
voix excède & paffé de beaucoup là jufte portée
pour chanter des airs faits-pour les inftruments, la
rapidité avec laquelle on fait paffer des lyllabes
dures & chargées de confondes fur des doubles
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