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tivement fur le nom même & non for l’objet nommé J
homme prêtante toujours la même idée de la nature
humaine dans toute ces phralës , P a r le r en hom m e,
C e t homme e f l in c o n n u , P lu fieu r s hommes s 'y fo n t
m épr is , L 'h om m e eft m o r t e l, quoique l’étendue,
la valeur, l ’acception du nom (oit bien différente
de l’une à l’autre. Il y a donc des a d je [ t i f s qui modifient
les objets nommés , fans rien déterminer
lût l’étendue. Mais la façon dont s?énoncent le
grammairien encyclopédie & l’académicien , tend
à confondre les deux efpèces, en faifànt croire que
les uns & les autres qualifient les noms de la même
manière. Ce que les deux efpèces A 'a d je c tifs ont de
commun , c’efl de modifier la lignification des noms
appeliatifs : ce qui les diflingue , c’eft que les uns
modifient la lignification en qualifiant l’objetnommé,
ce qui change la compréhenlîon du nom -, les autres
modifient la lignification en l’appliquant aux individus
, ce qui. détermine l ’étendue du nom. ) C
H ea vzé e . ) ---
Au Heu que fi je dis lib e r P é t r i , P é t r i fixe à h
vérité l ’étendue de la lignification de lib e r : mais
ces deux mots prélèntent à l ’elprit deux objets différents
, dont l’un n’eft pas l’autre ; au contraire,
quand je dis le beau l iv r e , il n y a la qu un o b jet
r é e l , mais dont j’énonce qu’il eft beau. Ainfi, tout
mot qui fixe l’acception du lûbftantif, qui en étend
ou qui en reftreint la valeur, & qui ne préfeate qoe
le même objet à l’efprit, eft un-véritable a d je c tif.
Ainfi, n e c e jp tir e , a c c id en te l, p o jjib le , impoffible ,
t o u t , n u l , quelqu e , au cun , chaqu e , t e l , q u e l ,
c e r ta in , c e , c e t , c e t t e , m o n , m a , t o n , ta ,
v o s , v ô tre , nôtre , St même le , la , l e s , font de
véritables a d j e S i f s métaphyfiques, puifqu’ils modifient
des lùbftantifs , & les font regarder fous des
points de vite particuliers. T o u t homme prérente
homme dans un fëns général affirmatif : n u l homme
l’annonce dans un fens général négatif : q uelqu e
homme préfente un fens particulier indéterminé : f o n ,
f a , f e s , v o s , &c. font confidérer le firbftantif lous
un'fens' d’appartenance & de propriété ; car quand
je dis meus e n f i s , meus eft autant fimple a d j e c t i f
qu'E v a n d r iu s , dans ce vers de Virgile :
Nam tih i, Timbre, caput Evandrius abjhilit enfis.
Æn. Li.v. x. V. 394*
meus marque l’appartenance par rapport à moi ,
& E v a n d r iu s la marque par rapport à Ê v a n d r e .
Il faut ici obferver que les mots changent de valeur
félon les différentes vîtes que l’ufage leur donne
à exprimer : boire , manger font des verbes ; mais
quand on Ait le b o ir e , le m a n g e r , &c. alors boite
St manger font des noms. A im e r eft un verbe aftif :
mais dans ce vers de l’opéra d’Atis.
J'aime, e’eft mon deftin d’aimer toute ma vie.
pime r eft pris dans un fens neutre. M ie n , tien , J le n ,
étoient autrefois adjectif s t on difôit un f ie n frère, un
mien ami : aujourd’hui, en ce lèns, il n y a que mon,
ton , f o n , qui foient a d je c t if s -,m ien , l i e n , f i e n , font
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de Vrais fubftantifs de la claffe des pronoms, te mien
la tien, le fien. La Difcorde , dit ia Fontaine,
vint,
Avec, Que-Ji-que-noit, fon frère}
Avec , Le-tien-le-mien, fon père.
Nos , vos y font toujours adjectifs : mais vôtre, nôtre
font fouvent adjectifs, & fouvent pronoms, le
vôtre, le nôtre. Vous & les vôtres ; voilà le vôtre%
voici le fien & le mien : ces pronoms indiquent alors
des objets certains dont on a déjà parlé.
Ces réflexions fervent à décider fl ces mots Père
R o i, & autres fomblables, font adjectifs ou fobfi-
tantifs. Qualifient-ils? ils font adjectifs. Louis X V I
eft roi, roi qualifie Louis XVI ; donc roi eft la
adjectif. Le roi efl à Varmée ; le roi défigne alors
un individu il eft donc fobftantif. Ainfi, ces mots
font pris tantôt adjectivement, tantôt fobftantivement;
cela dépend de leur forvice, c’eft à dire 1 de la
Valeur qu’on ’ leur donne dans l ’emploi qu’on en
fait.
Il refte à parler de la fyntaxe des adjectifs. Ce
qu’on peut dire à ce fiijet, fe réduit à deux points :
i. la terminaifon de l’adjectif ; z. la pofition de
l 'adjectif
i°. A l’égard du premier point, il faut fe rappeler
ce principe dont nous avons parlé ei-deflus ,
que Y adjectif & le fobftantif mis enfemble en confo
truâion, ne présentent à l’efprit qu’un foui & même
individu, ou phyfique, ou métaphyfique.^ Ainfi ,
Vadjectif n’étant réellement que le fobftantif même
confidéré avec la qualification que Y adjectifknonz^y
ils doivent avoir l’un & l’autre les mêmes lignes des
vues particulières fous lefquelles l ’efprit confidère
la chofè qualifiée. Parle-t-on d’un objet Jtngulier ?
Vadjectif doit avoir la terminaifon deftinée à marquer
lé fîngulier. Le fobftantif eft-il. de la clafiè
des noms qu’on appelle mafeulins ? l’adjectif doit
avoir le ligne deftiné à marquer les noms de
cette claffe. Enfin y a-t-il dans une langue une
manière établie pour marquer les rapports ou points
de vue qu’on appelle cas 1 1’adjectif doit encore fo
conformer ici au fobftantif : en un mot il doit énoncer
les mêmes rapports, & fo préfonter fous les
mêmes faces que le fobftantif, parce qu’il n’eft
qu’un avec lui. C ’eft ce que les grammairiens appellent
la concordance de ly adjectif avec le fiibfian-
t if \ qui n’eft fondée que for l’identité phyfique de
Yadjeéîif avec le fobftantif. ’f
xq, A l’égard de la pofition de Y adjectif y c’eft
à dire, s’il faut le placer avant ou après de fobfo
tantif, s’il doit être au commencement ou à la fin
de la phrafo , s’il peut être féparé du fobftantif par
d’autres mots : je réponds que dans les langues qui
ont des cas, c’eft à dire, qui marquent par des
terminaifons les rapports que les mots ont entre eux,
la pofition n’eft d’aucun ufàge pour faire eonnoître
l’identité de Y adjectif wez fon fobftantif ; c’eft J’ou-
yrage , ou plus tôt la deftination de la terminaifon,
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elle feule a ce privilège. Et dans ces langues ou
confulte feulement l’oreille pour la çofition de .ad-
je é li f , qui même peut être féparé de fon lubf-
tanrif par d’autres mots.
Mais dans les langues qui n’ont point de cas,
comme le fiançais, VadjeAif n’eft pas féparé de
Ion fobftantif. La pofition fopplée au defaut des cas.
Larve , nec invideo , fine me , Liber, ibis in urbem.
Ovid. I. Tcift.j. i.
Mon petit Livre , dit Ovide , tu iras donc a
Rome fans moi? Remarquez qu’en francois \ adje
c t i f eü. joint au fobftantif, mon peut Livre; au
lieu qü’en latin parve , qui eft 1 adjectif de Liber,
en eft féparé , même par plufieurs mots : mais parve
a la terminaifon convenable pour faire eonnoître
qu’il eft le qualificatif de Liber.
Au refte, il ne faut pas croire que dans les -langues
qui ont des cas, il foit néceflàire de foparer
Yadjettifàu fobftantif; car d’un côté les terminai-
fons les rapprochent toujours l ’un de l’autre , & les
préfèntent à l’efprit qui ne peut jamais les feparer.
D ’ailleurs fi l’harmonie ou le jeu de l’imagination
les fopare quelquefois, fouvent aufli elles les rapproche.
Ovide, qui dans l ’exemple ci-deffos fopare
parve de Liber y joint ailleurs ce même adjectif avec
fon fobftantif.
luque cadis ; pairiâ, parve Learche , manu»
Ovid. IV. Faft. V.
En francois Y adjectif n’eft féparé du fobftantif
que lorfque Y adjectif eft attribut ; comme Louis
eft jufie , Phébus efl fourd_, Pégafe efl r é tif ; &
encore avec rendre y devenir y paroîtrey & c.
Un vers étoit trop foible , & vous le rendez dur.
3’évite d’être long-& je deviens obfcur.
Defpréaux , art. Poët. ch. j*
Dans les phrafos, telles que celle qui foit, les
a d je c t ifs qui paroiflènt ifolés , forment fouis par
ellipfo une propofition particulière. '
Heureux , qui peut voir du rivage
Le terrible Océan par les vents agité.
Il y a là deux propofîtions grammaticales , celui
( qui peut voir du rivage le terrible Océan par
U s vents agité) eft heureux, ou-vous voyez que
heureux eft l’attribut de la propofition principale.
Il n’eft pas indifférent en françois , folon la fyn-
taxe élégante & d’ufàge, d’énoncer le fobftantif avant
Yadjeéïifon Y adjectifmntle fobftantif. Il eft vrai
que, pour faire entendre le fons , il eft égal de dire
bonnet blanc ou blanc bonnet ; mais par rapport à
l ’élocution & à la fyntaxe d’ufàge, en ne doit dire
c^xe.bonnet blanc. Nous n’avons for ce point d’autre
règle que l’oreille exercée, c’eft à dire, accoutumée
au commerce des perfonnes de la nation qui font
le bon ufàge. Ainfi, je me contenterai de donner ici
des exemples qui pourront fèrvir de guide dans les
•«c-aftons analogues. On dit habit rouge ; ainfi, di-
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tes h a b it b le u , h a b it g r i s , & non b leu h a b i t , g r i s
ha b it. On dit mon liv re ; ainfi , dites tonlivre^ y f o n
liv r e y leu r liv r e . Vous verrez dans la lifte foivante
\one tor ride ; ainfi, dites par analogie \one tempérée
& \one g la c ia l e ; ainfi des autres exemples.
L I S T E D E PLUSIEURS A D J E C T TV 8
q u i ne v o n t q u ap rès leu r s fu b f ta n t if s dans le s
e x em p le s q u o n en donne ic i .
A c c e n t g a fe o n . A c tio n baffe. A i r in d o len t, Air^
modefle. A n g e ga rdien. B e a u t é p a r fa it e . B e a u t é
romaine• B i e n réel. B o n n e t bla n c . C a n i f a ig u ife .
C a s direct. C a s o bliq u e . C h a p ea u n o ir . Chemin
ra b o teu x . Chemife blanche. C o n tra t c land efiin.
C o u leu r ja u n e . Coutume ab u fiv e . D ia b l e b o iteu x .
D îm e ro yale. D în e r p ropr e. D i f c o u r s co n c is . E m p
ir e ottoman. E fp r i t in v ifible. É t a t ec clé fia fliq u e .
É t o i l e s f i x e s . E x p r e ff io n lit t é r a le . F a b le s ch otfies.
F ig u r e ronde. F o rm e ovale. G a g é tou ch é. G én ie
fu p é r ieu r . Gomme arabique. Grammaire raifonnée«
Hom m ag e rendu. Homme in flru it . Homme ju fie^
l i e déferte. Iv o ir e blanc. Iv o ir e ja u n e . L a in e blanche.
L e t t r e anonyme. L i e u inaccejfible . F a i t e s une
lig n e droite. L iv r e s ch o ifis . M a l néceffaire. M a tiè
re conbu flible. M é th o d e la tin e . M o d e f r a n ç o ife ,■
M oru e fr a îc h e . M o t e xp r e jfif. M u feq u e ita lien n e •
N om fu b f la n t i f . O ra ifo n d ominicale. O ra ifo n men*
ta ie . P é c h é m or tel. P e in e in u t ile . P en fé e recherchée,
P e r le contrefaite. P e r le or ien ta le. P i e d f o u r ch
u, P la n s dejfinés. P la n t s p la n té s . P o in t M a thém
atiqu e. P o ijfo n f a l é . P o lit iq u e angloife. P r in cipe
obfcur. Q u a li t é o c cu lte . Q u a lité fe n fib le . Qu ef-
lio n m étaphyfiqu e. R a ifin s J e c s . R a ifo n décifiv e.
R a ifo n pérem ptoire . Raifonnement recherché. R é g
im e a b fo lu . L e s Scienc es exactes. S en s f ig u r é .
S u b f ia n t if m afeu lin. T a b lea u o r ig in a l. Terme a b f-
tra it . Terme obfcur. Terminaifon fém in in e . Terre
labourée. T erreur p a n iq u e . T o n dur. T r a it p iq u a n t .
U r b a n it é romaine. U rn e fa t a l e . U fiig e a b u fif.
V e rb e a c t i f V e r r e - concave. V tr r e co n v e x e . V e r s
ïambe. V ia n d e tendre. V in blanc. V in cu it. V in
verd . V o i x harmonieufe• V û e courte. V it e baffe.
D e s y e u x n o ir s. D e s y e u x fe n d u s . Z onetorridey & c .
Il y a au contraire des a d je c t ifs qui précèdent
toujours les fobftantifs qu’ils qualifient, comme
Cer ta in es g en s . Grand Général. G ra n d capitaine»
M a u va ife habitude. B r a v e f o ld a t . B e l l e f i tu a t io n .
J u f ie défenfe. P e a u ja r d in . B e a u g a r ço n . B o n
ouv r ier . G ros arbre. S a in t R e l ig i e u x . S a in te T h e -
rèfe. P e t i t anim al. P r o fo n d refpecl. J eun e homme.
V ie u x p éch eu r . Che r am i. R é d u it à la dernière
mifère. T ier s -Ordre. T r ip le allianc e.
Je n’ai pas prétendu inférer dans ces liftes tous
les a d j e c t i f qui fo placent les uns devant les fobfo
tantifs, & les autres après : j’ai voulu foulement
faire voir que cette pofition n’étoit pas arbitraire.
Les a d je c t ifs métaphyfiques comme le y la y U s y
ce y cet y quelqu e , un y touty chaque y t e f q u e l y f o n y
f a y f e s y v o tre y n o s y leu r y fo placent toujours avant
fos fubftamifs qu’ils qualifient.
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