
ment un féns total que les logiciens appellent Propofition
compofée ; 8c ces propofîtions qui forment
le tout, font chacune des proportions partielles.
L’aflèmblage de differentes proportions liées entre
elles par des conjonctions ou par d’autres termes
relatifs, eft appelé Période par les rhéteurs. Il ne
lèra pas inutile d’en dire ici ce que le grammairien
en doit lavoir.
De la période. La période eft un affemblage de
proportions liées entre elles par des conjonctions , &
qui toutes enlèmble font un fèns fini : ce fèns fini eft
auffi appelé S en s complet. Le lèns eft fini , lorfque
l ’efprit n’a pas befôin a autres mots pour l’intelligence
complette du lèn s, en forte que toutes les parties
de l’analyfè de la pensée font énoncées. Je fuppofè
qu’un leCteur entende là langue , qu’il fôit en état de
déméler ce qui eft fujet & ce qui eft attribut dans
une propofition , & qu’il connoifïè les fignes qui rendent
les propofîtions corrélatives. Les autres con-
îioilïances lont étrangères à la Grammaire.
Il y a dans une période autant de proportions
qu’il y a de verbes , furtout à quelque mode fini ;
car tout verbe employé dans une période marque ou
un jugement ou-un regard dejl’efprit qui applique un
qualificatif à un fujet. Or tout jugement lùppofè un
ïujet, puilqu’on ne peut juger, qu’on ne juge de quel- I
qu’un ou de quelque chofe. Ainfi, le verbe m’indique
ïiéceflairement un fujet & un attribut : par conséquent
Il m’indique une propofition, puilque la propofition
n’eft qu’un affemblage de mots qui énoncent un !
jugement porté lûr quelque lu jet. Ou bien le verbe j
m’indique une énonciation, puilque le verbe marque j
l ’aCtion de l’elprit qui adapte ou applique un qualificatif
à un fujet, de quelque manière que cette ap- i
plication lè faffè.
J’ai dit furtout à quelque mode fini ; car l’infinitif
eft fôuvent pris pour un nom , Je veux lire : & lors
même qu’il eft verbe > il forme un lèns partiel avec
un nom, & ce lèns eft exprimé par une énonciation
qui eft ou le l u jet d’une propofition logique , ou j
le terme de l’aâion d’un verbe, ce qui eft très-ordinaire
en latin. Voici des exemples de l ’un & de
l ’autre ; & premièrement d’une énonciation , qui eft
le fujet d’une propofition logique. Ovide fait dire
au noyer , qu’il eft bien fâcheux pour lui de porter
des fruits , Nocet ejfe feracem, mot à mot : Être
fertile efi nuifible à moi , où vous voyez que ces
mots, être fertile, font un lèns total qui eft le f u j e t
de e f i nuifible, nocet. Et de même Magna ars efi
non apparere artem ; mot à mot, Part ne point paraître
eft un grand an : c’eft un grand art de cacher
l ’art, de^ travailler de façon qu’on ne reconnoifle
pas la peine que l’ouvrier a eue ; il faut qu’il lèmble
que les choies lè lôient faites ainfi naturellement.
Dans un autre lèns, cacher l’art, c’eft ne pas donner
lieu de <è défier de quelque artifice ; ainfi -Part
ne point paroître , voilà le lu jet dont on dit qué
c’eft un grand art. Te duci ad mortem , Catilina,
jam pridem oportebat. ( Cic. primé Catil. ) mot à
m ot, toi être mené à la mort , efi c$ qu’on auroit
du faire il fa. long temps. Toi être mené à la mort >
voilà le fujet ; & quelques lignes après Cicéron
ajoûte : Interfeclum te eJJ'e , Catilina, convenu :
toi être tue , Catilina, convient à la république :
toi etre tue , voilà le fujet ; convient à la république ,
c eft l’attribut. Homineni ejfe folum s non eft bonum :
homtnem ejfe folum , voilà le fujet ; non eft bonum,
c’eft l’attribut.
z°. Ce lèns formé par un nom avec un infinitif,
eft auffi fort lôuvent le terme de l’aâion d’un verbe :
Cupio me ejfe clementem : ( Cic. prim. Catil, fub.
initio.) Cupio\ je defire : & quoi? me ejfe clementem,
moi etre indulgent : où vous voyez que me ejfe clementem
fait un lèns total qui eft le terme de l’action
de cupio. Cupio hoc , nempe me ejfe clementem.
Il y a en latin un très-grand nombre d’exemples de
ce lèns total, formé par un nom avec un infinitif;
lèns qui, étant équivalent à un nom, peut également
être où le fujet d’une propofition, ou le terme de
i’aâion d’un verbe.
Ces fortes d’énonciations qui déterminent un verb
e , & qui en font une application , comme quand
on dit Je veux être fage ; être fage , détermine, je
veux : ces fortes d’énonciations, dis-je, ou de déterminations
ne lè font pas feulement par des infinitifs
, elles lè font auffi quelquefois par des propofî-
tions même, comme quand on. d it, Je ne fais qui a
fait cela ; & en latin Nef cio quis fecit, nef cio
uter, &c.
Il y a donc des propofîtions ou énonciations qui ne
lèrvent qu’à expliquer ou à déterminer un mot d’une
propofition précédente : mais avant que de parler de
ces fortes de propofîtions , & de quitter la périod
e , il ne fera pas inutile de faire les oblèrvations
iuivantes.
Chaque phralè ou affemblage de mots qui forme
un lèns partiel dans une période , & .qui a une certaine
étendue, eft appelée Membre de la période ,
Si le lèns eft énoncé en peu de mots , on l ’appelle
incife, xi pua, fegmen, incifum. Si tous les fèns
particuliers qui compolèntla période font auffi énoncés
en peu de mots , c’eft le ftyle coupé ; c’eft ce que
Cicéron appelle ineifim dicere, parler par incilès.
C’eft ainfi, comme nous l’avons déjà vu , que M.
Fléchier a dit : Turenne eft mort ; la victoire s’arrête
; la fortune chancelle ; tout le camp demeure
immobile : voilà quatre propofîtions qui ne font regardées
que comme des incilès , parce qu’elles font
courtes ; le ftyle périodique employé des phrafès plus
longues.
Ainfi, une période peut être compofee, ou feulement
de membres , ce qui arrive lorfque chaque
membre a une certaine étendue ; ou fèulement d’in-
cifès, lorfque chaque lens particulier eft énoncé en
peu de mots ; ou enfin une période eft composée de
membres & d’incifès.
III. P ropofition explicative , propofition déterminative.
La propofition explicative eft différente
de la déterminative j en ce que celle qui ne fèrt
qu’à expliquer un mot, laifle Je mot dans toutej là
râleur fins aucune reftriâion ; elle ne fert qu’à faire
remarquer quelque propriété, quelque qualité de
l’objet : par exemple, l’homme, qui eft un animal
raijonnable, devroit s’attacher à réglerfes pafftons ;
qui eft un animalraifonnable, c’eft une propofition
explicative qui ne reftreint point l’étendue du mot
d’Homme. L’on pourroit dire également, L’homme
devroit s’attacher à régler fes pafftons : cette pro-
pofîtion explicative fait feulement remarquer en
l ’homme une propriété, qui eft une railôn qui devroit
le porter à régler lès paffions.
Mais fi je dis , L’homme qui m'eft venu voir ce
matin \ ou l’homme que nous venons de rencontrer ,
ou dont vous ni 'ave\ parléy eft fort Javant ; ces trois
propofîtions font déterminatives; chacune d’elles ref- :
îreint la lignification dlHomme a un lèul individu
de l ’efpèce humaine ; & je ne puis pas dire Simplement
L’homme eft fort f avant, parce que l’homme
lèroit pris alors dans toute Ion étendue , c’eft à dire
qu’il feroit dit de tous les individus de l ’efpèce humaine.
Les hommes, qui font crées pour aimer Dieu,
ne doivent point s’attacher aux bagatelles ; qui font
créés pour aimer Dieu, voila une propofition explicative,
qui ne reftreint point l’étendue du mot d Hommes.
Les hommes qui font complaifants fe font aimer;
qui font complaifants, c’eft une propofition déterminative,
qui reftreint l’étendue d’hommes a ceux
qui font-complaifants ; en lôrte que l’attribut fe font
aimer n’eft pas dit de tous les hommes , mais fèulement
de ceux qui font complaifants. ..
■.Ces énonciations ou propofîtions, qui ne lônt qu explicatives
ou déterminatives, lônt communément lices
aux mots qu’elles expliquent ou à ceux qu elles déterminent
par qui, ou par que , ou par dont, duquel,
Sic.
Elles font liées par qui, lorlque ce mot eft le fujet
de la propofition explicative ou déterminative ; Celui
qui craint le Seigneur, &c. Les jeunes gens qui
étudient, ,&c.
Elles font liées par que; ce qui arrive en deux
manières.
r°. Ce mot que eft lôuvent le terme .de l’aftion dû
verbe qui fuit : par exemple, le livre que je lis ; que
eft le terme de l’aâion de lire. C’eft ainfi que dont,
duquel, de f quels, à qui, auquel., auxquels , fervent
auffi à lier les propofîtions , félon les rapports que ces
ronoms relatifs ont avec les mots qui fuivent,
i° . Ce mot que eft encore lôuvent le reprefènta-
tif de la propofition déterminative qui va fuivre un
verbe : Je dis que j que eft d’abord le terme de l’action
je dis, dico quod ; la propofition qui le luit eft
l ’explication de que; Je dis que les gens de bien font
eftimés. Ainfi, il y a des propofîtions qui lèrvent à
expliquer ou à déterminer quelque mot avec lequel
elles entrent en fuite dans la compofîtion d’une période.
IV. Propofition principale, propofition incidente.
Un mot n’a de rapport grammatical avec un autre
mot, que dans la même propofition : il eft donc efi
lènciei de rapporter chaque mot à la propofition particulièrô
dont il fait partie, lurtout quand le rapport
des mots lè trouve interrompu par quelque propofition
incidente , ou par quelque incilè ou lèns détaché.
La propofition incidente eft celle qui lè trouve
entre le'fujet perlônnel & l’attribut d’une autre propofition
qu’on appelle Propofition principale, parce
que celle-ci contient ordinairement ce que l’on veut
principalement faire entendre.
Ce mot Incidente vient du latin incidere , tomber
dans : par exemple , Alexandre, qui étoit roi de
Macédoine, vainquit Darius ; Alexandre vainquit
Darius, voilà la propofition principale ; Alexandre
en eft fujet ; vainquit Darius, c’eft l ’attribut ; mais
entre Alexandre & vainquit il y a une autre propofition
, Qui étoit roi de Macédoine ; comme
elle tombe entre le fujet & l’attribut de la propofî-
i tion principale, on l’appelle Propofition incidente ;
qui en eft Ielûjet : ce qui rappelle l’idée dé Alexandre
qui, c’eft à dire, lequel Alexandre ; étoit roi
de Macédoine , c’eft l’attribut. Deus quem adora-
mus eft omnipotens , le Dieu que nous adorons efi
toutpuiflant : Deus eft omnipotens, voilà la propofition
principale ; Quem adoramus , c’eft la propofition
incidente ; Nos adoramus quem Deum, nous
adorons lequel Dieu.
Ces propofîtions incidentes font auffi des propofîtions
explicatives , ou des propofîtions déterminatives.
-
V . P ropofition explicite, propofition implicite
ou elliptique. Une propofition eft explicite , lorfque
le fujet & l’attribut y font exprimés.
Elle eft implicite , imparfaite, ou elliptique , lorlque
le fujet ou le verbe ne font pas exprimés, &
que l’on fe contente d’énoncer quçlque mot q u i, par
la liaifon que les idées acceffôires ont entre elles , eft
deftiné à réveiller dans l ’efprit de celui qui lit I#fèns
de toute la propofition.
Ces propofîtions elliptiques font fort en ufâge dans
les devifès & dans les proverbes : en ces occafîons les
mots exprimés doivent réveiller aifiément l ’idee des
autres mots que l’ellipfè fùpprime.
Il faut obfèrver que les mots énoncés doivent être
préfèntés dans la forme qu’ils le feroient fi la propofition
étoit explicite ; ce qui eft fènfible en latin : par
exemple, dans le proverbe dont nous avons parlé,
Ne fus Minervam ; Minervam n’eft à l’accufàtif,
que parce qu’il y fèroit dans la propofition explicite,
à laquelle ces mots doivent être rapportés ; Sus ne
doceat Minervam, qu’un ignorant ne fè mêle point
de vouloir inftruire Minerve. Et de même ces trois
mots Deo optinio maximo, qu’on ne défîgne fôu-
vent que par les lettres initiales D. O. M. font uné
■ propofition implicite dont la Conftruclion pleine eft ,
Hoc monumentwn, ou Thefis hoec , dicatur , vove-
tur, confecratur Deo optimo maximo•
Sur le rideau de la comédie italienne on lit ces
mots tirés de l’art poétique d’Horace r Sublato
jure nocendi, le droit de nuire ôté. Les circonftan-
l ces du lieu doivent faire entendre au le&eur intelj
j ! i