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d’Ange Politien , dans (a fable d’Orphée; "maïs quel
mérite peut-il y avoir à dire en vers : Je veux boire.
Qui veut boire ? La montagne tourne , la tête me
tourne. Je chancèle. Je veux dormir, &c?
La vérité, la reffèmblance n’eft pas le but de
l’imitation; elle n’en eft que le moyen : Sç s’il n’en
réfùlte aucun plaifir pour les fens, pour l’efprit,
ou pour l’ame ; c’eft un badinage infipide, c’eft de
la peine & du temps perdus.
Nos anciens poètes du temps de Ronlârd, qui
faifoient gloire de parler grec en françois, ne manquèrent
pas d’effayer auffi des Dithyrambes ; mais
ni notre langue, ni notre imagination, ni notre
goût ne fe font prétés à cette da&e extravagance.
Nos chanfonniers, au lieu de Bacchus , ont pris
pour leur héros Grégoire , perfonnage id éa l, dont
le nom a fait fortune , à caufe qu’il rimoit à Boire,
Mais nous n’avons jamais attaché aucun mérite fe-
ïieux à ces chanfons nées dans l’ivreiïe & dans la
gaieté de la table, quoiqu’il y eût prefque toujours
de la v erv e, un tour original, & des traits d’un
badinage ingénieux. ( M. Marmontel,)
DITHYRAMBIQUE , adj. Belles-Lettres. Ce
qui appartient au Dithyrambe. Voye\ D ithy r ambe.
On dit Vers dithyrambique , poète dithyrambique,
flyle & feu ou enthoujiafme dithyrambique. Un
mot compofé & dithyrambique a quelquefois fa
beauté , ainJî que l’obferve M. Dacier ; mais ce
ne peut guère être que dans les langues grèque &
latine : les modernes font ennemies de ces compo-
fitions hardies qui réuffiiïbientfi bien autrefois. Quelques
uns appellent dithyrambiques des pièces, faites
dans le goût de l’Ode , qui ne font point diftinguées
par ftrophes, 8c qui font compofees de plusieurs
fortes de vers indifféremment; mais ce méçhanifme
île conflituoit pas uniquement chez les anciens la
Poélîë dithyrambique , il n’en faifoit que la moindre
partie.
La Poéfîe dithyrambique^ née, comme nous Pavons
déjà dit, de la débauche & de la Joie, n’admettoit
d’autres règles que les faillies, ou, pour mieux dire,
les écarts d’une imagination échauffée par le vin.
Les règles n’y font pourtant pas totalement négligées ,
mais elles-mêmes doivent être conduites avec art
pour modérer ces faillies qui plaifont à l’imagination
; & l’on pourrait en ce fons appliquer aux
Vers dithyrambiques, ce qu’un de nos poètes a dit
de l’Ode :
Son ftyle impétueux fouvent marche au hafard,
Chez elle un beau détordre eft un effet de l’art.
Boileau, Art poct.: ch. ij.
Voye\ Pin d a r iq u e . ( Vabbé M a l l e t . ) __
(N.) DITROCHÉE , C m. Terme de la Poéfie
,jçrèque & latine : il eft fynonyme de Dicho/êe.
poye\ ce mot, [M* Be&uzêe.I
d i u
(N.) DIURNE , QUOTIDIEN , JOURNÆ-
LIER. Synonymes.
Ces trois mots défignent tous un rapport à tous
les jours, mais fous des afpeéts allez différents pour
ne devoir pas être confondus.
Ce qui eft diurne revient régulièrement chaque
jour, & en occupe toute la durée, foit qu’on entende
par là une révolution entière de vingt quatre
heures , foit qu’on ne défigne que la partie de cette
révolution que le foleil ou toute autre étoile eft
for l’horifon.
Ce qui eft quotid ien revient chaque jour, mais
fans en occuper toute la durée , & fans autre régularité
que celle du retour.
Ce qui eft jo u r n a lie r fo répèteComme les jours
mais varie de même ; il peut en occuper ou n’en
pas occuper toute la durée.
D iu r n e eft un terme didactique, parce qu’il
n’appartient qu’aux foiences rigoureufes d’apprécier
les objets avec l’exaétitude que comporte la lignification
totale de ce mot. Ainfî , l’on dit en Aftro-
nomie , La révolution d iurne de la terre, pour
défigner fâ révolution autour de fon aie en vingt
quatre heures; Arc diurne, pour défigner l ’arc que
le foleil, la lune, ou les étoiles décrivent ou paroiflènt
décrire chaque jour entre, leur lever & leur coucher.
Q u o t id ien eft un terme du langage commun , mais
confâcré à caraétérifer ce qui ne manque pas de
recommencer chaque jour,quoiqu’aceidentellement..
C’eft pour cela que dans. l’Oraifon dominicale il
eft mieux de dire ; Notre pain q u o tid ie n , que de
dire, Notre pain de chaque jour ; parce que nos
befoins , foit temporels foit fpirituels , renaiffent
en effet tous les Jours; « Et pour marque , dit le P.
» Bouhours {R em . n o u v . f u r la la n g u e fra n ç o ife ..
» Tom. I. ) , que ce pain q u o tid ien eft une expref-
->> fion confàcrée , c’eft qu’elle a paffé en proverbe
» pour exprimer une chofo ordinaire C’e ft, dit-
» on , fon pain q u o tid ien ». On appelle auffi fièvre
q u o tid ie n n e , une efpèce de fièvre intermittente, qui
vient & celle tous les jours, & eft fuîvie de quelques^
heures d’inteqniffion-
J o u rn a lie r appartient abfolumentau langage commun
, & s’applique à toutes les autres choies qui fo-
répètent tous les jours avec des variations accidentelles.
Ainfî, l’on dit, L ’expérience journalière} D e s
occupations jo u rn a liè r e s , Un travail jo u rn a lie r ', pour
marquer une expérience, des occupations, un travail,
qui recommencent chaque jour : & l’on ne pourroit
pas y employer les termes de D iu r n e ou de
Q u o t id ie n , qui excluraient l’idée de variation. Cette!
idée eft fi propre au mot J o u r n a l ie r , qu’il s’emploie
même pour la marquer uniquement; & nous»
difons, Une humeur jo u rn a liè r e , Les armes font
jo u rn a liè r e s ; pour dire une humeur changeante , les
armes font fojettes à des variations. Quelquefois
ôn dit J ou rn a lie r pour D iu r n e , parce qu’on fait
âbftradion de la régularité ; Le mouvement jo u r n
a lie r du ciel : mais on ne peut jamais dire Jo.ups
n a lie r pour Q u o t id ien *.
t) i v
Le F. Bouhours traite de bifârrenes difficiles a
(«expliquer, ces diftin&ions dont il me fèmble que
Reviens de rendreraifon. Combien defois. les grammairiens
ont-ils regardé comme des caprices dé-
raifonnables de l’Ufage, des expreflions très-fines
dont ils n’appercevoient pas le fondement! L’Ufàge eft
fouvent plus éqlairé qu’on ne penfè. (JL.Beauzée.)
(N .) DIVISER , PARTAGER. Synonym es.
L ’un & l’autre de ces mots lignifient que d’un
Tout on en fait plusieurs parties ; mais celui de
D iv i f e r ne marque prècifément que la défunion du
Tout pour former de fimples parties ; & celui de
Partager 7 outre cette défunion du Tout, a de
plus un certain rapport à l’union propre de chaque
partie , pour en former de nouveaux Touts particuliers.
. • # . '
La différence des intérêts d iv ife les princes; celle
des opinions p a r ta g e les peuples.
On d iv ife le Tout en fes parties ; on le p a r ta g e
en fo s portions. Voilà pourquoi l’on dit , D iv i j e r
un cercle, P a r ta g e r on héritage. (L ’a b b é Girard.)
(N.) DIVISION, f. f. {Be l le s -L e t t r e s , A r t o rat.)
Rien de plus vain que l’affectation de d iv ife r un
fujet fîmple, un fujet que l’efprit embraffè, pour
afiifi dire, d’un coup d’oeil; Quand l’orateur a bien
conçu le fien, & qu’il l’a pénétré dans toute fâ
profondeur & dans toute fon étendue , s’il ëft obligé
d’y;_chercher une D i v i f i o n , c’eft un ligne infaillible
qu’il n’en a pas befoin. Les D iv i j io n s nécefi-
faires font celles qui fe préfontent naturellement &
fans peine: où il n’y a point dé mafTesj diftindes,
il ne faut point, de D iv i f io n éxpreffe ;; il ne
faut que.de l’ordre, de la méthode, de Ja- pro-
greffion dans ‘»le.dèvelopement des idées; C’eft fatiguer
l’efprit de l’auditeur, plus tôt que delefou-
lager , que de lui préfontèr des D iv i j io n s fùbtiles
qui lui échapent malgré lui ; & plus elles font
fugitives , plus elles étoient fùperfluesî. ,
. C’eft-contre cette économie, puérilement recherchée
, d’un difoours dont le cara&ère répugne à
l’affeâation;, que Fénelon-s’eft élevé; c'eft de cet
arrangement fymméfrique & curieufoment compafté,
que la Bruyère a fait fontir le ridicule. Mais autant
il y a dé petitefîè d’efprit à affefter une D iv i f io n
inutile, autant il y aurait de négligence à laitier
confondre les parties d’un fujet vafte & compliqué.
. I l f a u t , dit Platon , regarder comme un d ieu ce-
lu i q u i f a i t bien d éfin ir & b ien divifor. L’un &
l’autre en effet fùppofe un efptit, qui non feulement
embraffè lés objets dans toute leur étendue, mais
qui les pénètre à fond dans tous les points , qui
non feulement en conçoive nettement la nature &
l’efiènee , mais qui les voye fous toutes les faces
& en fàififlè tous les rapports.
Ce n’eft donc pas un art futile que Cicéron
nous a prefcrit, lorfqu’il a fait de la D iv i f io n on
des préceptes de fà méthode ; R e B è h a b ita in caufd
D I V 63?
pdrtitià illùfirem & perfpieuam totdm efiîcit ora-
tionem. ( I. De Inv. xxij. 3 1 .) f
I l diftingue deux fortes de Divifions, L ’une eft
celle qui fépare de la caufe ce qui eft convenu »
& la réduit à ce qui eft en queftion. Par exemple,
s’il s’agiffoit, d it-il, d’abfoudre Orefte du meurtre
d e là mère, fon défenfour dirait; « Que la mere
i» ait été tuée par le fils , c’eft un fait dont je con-
» viens avec mes advérfàires ; qu’Agamemnon ait
» été tué par ,fa femme , c’eft encore un fait dont
» mes adverfàires conviennent avec moi » {Ib.). La
controverfo ou*l’état deila eaufo fo réduit donc alors
à favoir fî T e fils eft coupable d’avoir vengé foix
père, & à quel- point il eft coupable : c eft à quoi
fè doit attacher l’attention des juges & 1 Éloquence
de l’qrateur. L ’autre eft celle qui , dans la eaufo
même réduite au point de la queftion , expofo^ en
peu de mots la diftînftion des chofes dont il im*
porte de parler, ? 1 ■»
La première défigne à l’auditeur l’objet dont il
doit s’occuper, 6c délivre fon attention de ce qui
ne fait plus de difficulté dans la eaufo; La fécondé
lui marque , dans le plan du difoours, des points
fixes , pour appuyer fon attention & fa mémoire,
& lui trace la route que l’orateur va fùivre & va
lui faire parcourir avant d’arriver a fon but. Or
pour l'attention de l'auditeur : car 11 ^nen k eft plus
décourageant pour le voyageur qu une route inconnue
, for laquelle il ne fait jamais le chemin
qu’il a fait & celui qui lui refte^ à faire ; rien
de même n’eft plus pénible pour 1 auditeur, qu un
long difoours , -dotït il. ne coïinôît ni L etendue ni
le terme ; & au contraire 6’ eft pour l’un _ & F autre
un délaffement véritable , que de' pouvoir mefurer
leur progrès. „
La première efpèce de Divifion que Uceroa
preforît, n’eft proprement qu’une redudion de la
caufe à fon point de difficulté & de controverfoi
La féconde , & la véritable , eft celle qui, dès
l’expofitfon du fujet, le difttibue en fes parties eC-
1 . x.cx . - -i’y admet que . -
cefîairês; aucune circonlocution , aucun ornement
étranger. Obfervons en paffant qi^e , contre cetta
règ le , le plus grand nombre de nos prédicateurs
aftedent de tourner & d’amplifier leur Divifion , d a
manière qu’ils rendent trouble ce qu’il doit y avons
de plus clair ; qu’ils rendent vague ou confus, c<*
qu’il doit y avoir de plus précis & de plus fîm-*
pie ; & qu apres avoir fa it, en écoliers , leur thème
de plu fi eu r s façons , ils ne laiffent dans les^ efprits
qu’un fatiguant amas de Synonymes & d Antithefos.
Ces Divijions laborieufes font communément celles
dont nous avons parlé , & qui , n’étant pas ^données
par la nature , font le travail futile, de 1 efprit &
de l’art. Celle qui fe préfente d’elle-même a la
rêflpvînn . «’énonce en peu de mots ; 8c * comme les