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que fur des voyelles; parce qu’en effet il n’y a que
les voix qui foient fufoeptibies de l’efpèce de modulation
indiquée par les accents , laquelle eft très-
différente de l’explofion indiquée par les confonnes.
Au contraire , ce que la Grammaire grèque nomme
aujourdhui E fp r it , fo trouve quelquefois fur des
confonnes. Dans le premier cas , il en eft del’efo
prit fur la voyelle comme de. la confonne qui la
précède: & l’on voit en effet que l ’efprit s’eft
transformé en confonne ou la confonne en efprit,
dans le paifage d’une langue à une autre ; le j?p,
des grecs eft devenu ver eh latin , le fabulari des
latins eft devenu hajlar en efpagnol : on n’a pas
de pareils exemples d’accents transformés en confonnes
ni de confonnes métamorphofées en accents.
Dans le fécond cas, il eft encore bien plus évident
que l’efprit eft dè même nature que la confonne :
ils ne font aftociés , que parce que chacun de ces
caractères repréfènte une Articulation ; & l’union
des deux lignes eft alors le fymbole de l’union des
deux caufès d’explolion for la même voix autant
que cette union eft poffible dans les fyllabes ufoelles.
Une nouvelle preuve de cette conclufîon , c’eft
que non feulement les grecs ont placé l’efprit rude
for des confonnes, mais qu’ils ont encore introduit
dans leur alphabet des caractères repréfontatifs de
l ’union de cet efprit avec la confonne , comme ils
en ont admis d’autres qui repréfontent l’union de
deux confonnes. Ils donnent, aux caractères de la
première elpèce, le nom de Confonnes afpirées ,
£ s 6 y & à eeux de la féconde, le nom de Confonnes
doubles De part & d’autre , ce font
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d’abord les trois mêmes confonnes lîmples tt , » ,' r
ou <JS: toutes trois, dans la première clalïé , 'font
foivies de 1 ' Afpiration ; & c’eft pour cela qu’on
les nomme afpire'es : toutes trois, dans la fécondé
clalïé, font .foivies du lîfflement; & cela auroit pu
& dû les faire nommer fifflantes. Les unes & les
autres font donc également doubles, & fedécom-
pofont en effet de la même manière : phénomène
que les accents n’ont opéré ni pu opérer nulle paru
Il paroît donc que d’attribuer I’introduétion de
la lettre H dans l’alphabet à la prétendue indo*«
lehce des copiftes , c’eft une conjecture hafordée en
faveur d’une opinion à laquelle on tient par habitude
, ou contre un féntiment dont on n’avoit pas
approfondi les preuves , mais dont le fondement fo
trouve chez, les grecs, mêmes, à qui l’on prête
alïéz légèremenr des vues tout oppofées. UAJpira-
tion eft donc une véritable Articulation ; & la
lettre H , qui la repréfènte, une véritable confonne.
Voye^ H.
Dans l’expofîtion que je viens de foire des Ar ticulations
, je n’ai prétendu montrer que le lÿf*
terne des Articulations françoifès. Qui pourroit
être en état de dèveloper le méchanifme de toutes
celles des langues étrangères? Et li par impuif-
fonce on eft forcé de paflér fous lîlence les Articulations
de plulîeurs idiomes, pourquoi fortir des
bornes de fo langue naturelle ? C ’eft aux fovants
de chaque nation à dèveloper à leurs compatriotes
le lÿftême de leurs Articulations propres. Voici
le tableau du fyftême des nôtres.
I ft
S
h
CONSTANTES. VARIABLES.
m
N /
m ^ NASALE .
F oibles. Fortes.
M
D
s i PQ
H^ -"f
ORALES -
f MUETTES. . . B. Baquet, P. Paquet.
J<1 im ( NJASATF. .
0 cd
O
3
2 <^
Cd) 1
'MUETTES
( DENTALES . . . 4 •
[ gut tu r a le s..................
D.Dome.
G . Gai,
T . Tome.
' Q. Quai. §i ^ORALES <" SIFFLANTES
^ DENTALES......................
^PALATALES * .
Z . Zône.
J, Japon.
S. Saône,
CH. Chapon
f L . Loi.
i i i i i i i ................... \ r . âoï-.
v ASPIRÉE H. Haine;
S e c t i o n III. Les propriétés générales des A r ticulations
méritent d’être oblèrvées. Les Articulations
organiques, fous l ’impreflion 'de la mênjp
force expullîve , font des exploitons proportionnée
aux obftacles qui embarralfent l ’émilfion de la voix s
’Articulation alpirée eft une exglofîon lîmplemen*
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proportionnée à l’augmentation de la force expullîve
: toutes produilènt le meme effet general for
les voix ; elles opèrent, entre les voix confécutives 9
une diftinCfion qui empêche de les confondre quoique
pareilles. Quand nous difons , par exemple ,
la halle, le fécond a eft diûingué du^ premier aufli
fènlîblement par l’Articulation alpiree H , que par
XArticulation organique B, M,ou S , quand nous difons
la balle, la malle, la falle y quoique ces diftinc-
tions foient différentes comme les Articulations.
'C e t effet euphonique, cette propriété de lier les
voix confécutives & d’en empêcher^ la couru lion ,
eft nettement délîgnée par le nom d Articulaùon,
qui ne veut dire autre chofé que Dijlinction des
membres , c’eft à dire , des parties élémentaires de
la parole. Nous pouvons donc conclure enfin ,
que les A r t ic u l a t io n s font les différents degrés
diftihetifs d’explojion que peuvent recevoir les voix
élémentaires de la parole ,par le moyen des^diverfes
opérations de l'organe avant Vinjlant de l emijjion.
D’où il foit qu’il eft de l’eflénce de toute A r ticulation
, de précéder la voix qu’elle modifie ; parce
que le fon, une fois échapé, n’eft plus en la difo
pôfîtion de celui qui parle, pour en recevoir quelque
modification. r .
La çholé eft évidente d’abord à l’égard des A r ticulations
organiques. Comme elles ne procurent
l ’explolîon aux voix que par l’interception , qui
amèneroit un véritable lîlence lî. elle éontinuoît ;
la voix ne peut être entendue, que quand 1 obstacle
qui la retenoit eft levé : & c’eft au moment
même où il eft le v é , que la voix éclate ; le paf-
foge une fois libre, la. voix coule fons aucune im-
pétuolité marquée , l’explolîon ne fé faifont féntir
qu’au départ. os La confonne , dit l’auteur du Traite
des fons de la langue françoife ' ( P art. ^ i . ch.
ij. Art. z, §, $. pag. 40.)» n’eft qu’un éclat de
33 voix , qu’on peut très-bien comparer à cet éclat
33 qu’on entend, lorlque le vent vient a enfoncer
»3 un morceau de papier ou quelque autre chofé qui
33 lui fermoit le palîàge ; éclat qui palïé dans 1 inf-
33 tant, après quoi on n’entend plus que le bruit
33 fourd que fait le vent en entrant par le palfoge
33 qu’il s’eft ouvert. 33 En effet , li en chantant on
veut faire une tenue, par exemple, fur la féconde
fyllabe de tempête, on ne pourra jamais la faire
que for ê , la prononciation du p étant necelfaire-
ment inftantanée.
Pour ce qui eft de XArticulation afpirée, comme
elle eft le produit d’une affluence extraordinaire d’air
fonore, il n’eft pas moins clair qu’elle doit egalement
précéder la voix afpirée ; parce que, lî la voix
étoit une fois partie, l’afpiration ne pourroit plus
la modifier: l’augmentation de la force expullîve
doit évidemment précéder l’expullîon & par conséquent
l ’explolîon de la voix, comme la caufé doit
précéder l’effet.
Le P. Lami, qui dans fo Rhétorique a approfondi
autant qu’il a pu le méchanifme de la parole,
s’explique ainlî for la différence des voix &
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des Articulations, qu’ il délîgne par les noms de
Voyelles & de Confonnes, conformément au langage
ordinaire & peu réfléchi des grammairiens : « On
3, peut dire que lçs Voyelles font au regard des lettres
ij qu’on appelle Confonnes, ce qu’eft le fon d’une
33 flûte aux différentes modifications de ce même
03 fon que font les doigts de celui qui joue de cet
03 infiniment. » ( Rhét. III. iij» )
M. du Marfois , parlant le même langage , a vu
les chofés fous un autre alpeéf .dans la meme com-
paraifon prilé de la flûte. Voye\jj C o n s o n n e .
o> Tant que celui qui en joue, dit-il, y fouffle
03 l’air, on entend lé fon propre au trou que les
3» doigts laiffènt ouvert... Voilà precifomen la
33 Voyelle. La lîtuation qui doit faireg entendre
os T a , n’eft pas la même que celle qui doit ex-
03 citer le fon de Fi. Tant que la lîtuation des or-
33 ganes foblîfte dans le même état, on entendra
os même Voyelle aufli long temps que la refpiration
os peut fournir d’air. j> Ce qui marquoit, félon la
P. Lami , la différence des Voyelles aux Confonnes
, ne marque, félon M. du Marfois, que la
différence des Voyelles entre elles ; & cela eft beaucoup
plus jufte & plus vrai. MaisTencyclopédjfte
n’a rien trouvé dans la flûte , qui put caraéterifor
les Confonnes, ou plus tôt les Articulations j il
les a comparées à l’effet que produit le battant d une
cloche, ou le marteau for l’enclume.
M. Harduin, dans un eDiffe nation fur les Voyelles
& les Confonnes, qu’il a publiée en 1760 à l’oc-
calîon d’un extrait critique de l’Abrégé de la Grammaire
françoife par M. de W a illy , a repris (pag.
7. ) la comparaifon du P . Lami ; & en la rectifiant
d’après des vues lémblables ^ à celles de^ M.
du Marfois , il étend .ainlî la lîmilitude jusqu’aux
Confonnes. 33 La bouche & une flûte, dit-il, font
33 deux corps, dans la concavité defquels il faut
» également faire entrer de l’air , pour en tirer du
» fon. Les Voyelles répondent aux tons divers caufés
» par l’application des doigts for les trous de la
» flûte ; & les Confonnes répondent aux coups de
» la langue qui précèdent ces tons. Plulîeurs notes
» coulées for la flûte font, à certains égards, comme
« autant de Voyelles qui fe foivent immédiate-
*» ment ; mais lî ces notes font frappées de coups de
os langue, elles relfemblent à des Voyelles entre-
30 mêlées de Confonnes. », ' j f
Il me femble que voilà la lîmilitude amenee au
plus haut degré de juftelfe dont elle foit fofeepti-
ble : & j’ai appuyé volontiers for cet objet , afin
de rendre plus lènfîble la différence réelle des
Voix lîmples & des, Articulations , & de montrer
en même temps , par un exemple frappant, la
manière lente dont procède l’efprit humain dans
fos découvertes.,:' ,
Cette dernière confidération, de la lenteur naturelle
des progrès de l’efprit humain , eft/la foule
réponfo que je ferai & que je puiffè faire à M.
Thiébault : mais en lui avouant 1 impûiffanee ou
je fuis de lç fotisfaire, je rapporterai fidèlement