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par lâ réflexion ; cependant combien peu de per-
ionnes ont quelques lumières for iè méchanifme des
organes desfèns! C’eft bien de' quoi on fo met en
peine ! Id populus curcu fcilicett Ter. And. acl.
JL fc. 2. BM 8B
' Âpres tout a-t-on befoin de ces connoiffances pour
& propre conforvation , & pour fè procurer une forte
de bien-être qui fiiffit ?
Je conviens que non : maïs d’un autre cô té , fi
l ’on veut agir avec lumière & connoître les fondements
des foiences & des arts qui embellifiènt fa
fociété, & qui lui procurent des avantages fi réels
& fi confidérables ; on doit acquérir les porcnoif-
lances phyfîques qui font la bafe de ces foiences &
de ces arts , & qui donnent lieu de les perfectionner.
C’étoit en xonféquence de pareilles obfèrvations,
que vers la fin dü dernier fiècle un médecin nomtné
Amman, qui réfidoit en Hollande , apprenoit aux
muets à parler, à lire , & à écrire. Voye\ VArt de
parler du P. Lamy , pag. 193. Et parmi nous M.
Pereyre, par des recherches & par des pratiques
encore plus exa&es que celles d’Amman , opère
ici (à Paris) les mêmes prodiges que ce médecin
opéroit en Hollande.
Mon deffein n’eft pas d’entrer i c i , comme ces
deux p h i l o f o p h e s , dans l’examen & dans le détail
de la formation de chaque lettre particulière , de
peur de m ’ e x p o f o r aux railleries de Madame Jourdain
& à celles de Nicole. yoye\ le Bourgeois
gentilhomme de Molière. Mais comme la méchani-
que de la voix eft un fujet intérèffant; que c’eft
principalement par la parole que nous vivons en
f o c i é t é ; que d’ailleurs un d i d i o n n a i r è e f t fait pour
toutes fortes de perfonnes, & qu’il y en a un a l l e z
grand nombre qui foront bien aifos de trouver ici
for ce point des connoiffances qu’ils n’ont point
acquifos dans leur jeuneffè ; j’ai cru devoir les dédommager
de cette négligence , en leur donnant une
idée générale de la mécnanique de la voix : ce qui
d’ailleurs fera entendre plus aifément la différence
qu’il y a entre la Confonne & la voyelle.
D ’abord il faut obforver que l’air qui fort des
poumons eft la matière dé la voix , c’eft à dire, du
chant & de la parole. Lorfquff la poitrine s’élève
par l’adion de certains mufoles , l’air extérieur entre
dans les véficules des poumons , comme il entre
dans une pompe dont on élève le pifton.
Ce mouvement par lequel les poumons reçoivent
l’air , eft ce qu’on appelle Infpiration.
Quand la poitrine s’affaiflè, l’air fort des poumons
; c’eft ce qu’on nome 'Expiration.
Le mot de Refpiration comprend l’un & l’autre
de ces mouvements *, ils en font les deux efpèces.
L e peuple croit que le gofîer fert de paffage à
l’air & aux aliments;! mais l’Anatomie nous apprend
qu’au fond de la bouche commencent deux tuyaux
ou conduits différents, entourés d’une tunique commune.
„
L’un eft appellé Efophagê , oiro<p»y»ç , e’eft^ à
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dire, porte-manger, c’eft par où les alîiftertfS paffe
de la bouche dans l’eftomac ; c ’eft le gofîer.
L ’autre conduit, le foui dont la connoiffance ap^
par tienne à notre fujet , eft fitué à la partie an-<
térieure du cou; c’eft le canal par où l’air exté-4
rieur entre dans les poumons & en fort: on l’ap*
pelle Traché-artère ; trachée, c’eft à dire, rude, à
caufo defos' cartilages ; Tpetgstu^ féminin de rpet^us^
àfper ; artère, d’un mot grec qui fignifie Réceptacle*
parce qu’en effet ce conduit reçoit & fournit l’air qui
’fait la voix : âpryplu va. pu t0 ùtpuTvpetv, garder l’air•
On confond communément l’un & l’autre de ces
conduits fous le nom de Gofîer, guttur, quoique
ce mot ne doive fo dire que de l’éfophage ; les
grammairiens même donnent le nom de gutturales
aux lettres que certains peuples prononcent avec
une afpiration forte, & par un mouvement par-s
ticulier de la trachée-artère.
Les cartilages 8c les mùfoles de la partie fopé-i
rieure de la trachée-artère forment une efpèce de
tête, ou une forte de couronne oblongue qui donne
paffage à l’air que nous refpirons ; c eft ce que le
peuple appelle la Pomme ou le Morceau d’Adam•
Les anatomiftes la nomment Larynx, Aapvyt, d’oui
vient yapvÇa“, clamo , je crie. L’ouverture du larynx
eft appelée Glotte, yXarja ; & fuivant qu’elle eft
refferrée ou dilatée par le moyen de certains muA
clés, elle forme la voix ou plus grêle ou plus;
pleine.
Il faut obforver qu’au} deflùs de la glotte il y a
une efpèce de foupape , q u i, dans le temps du paA
fàge des aliments, couvre la glotte ; ce qui les
empêche d’entrer dans la trachée-artère : on l’apn
pelle jÉpiglotte; \vi^fuper, for, & y baria ou ybarDs.
M. Ferrein , célèbre anatomifte, a obforvé à chaque
lèvre de la glotte une efpèce de ruban large
d’une ligne , tendu horifontalement ; l’adion de l’aie
qui patte par la fente ou glotte, excite dans ces
rubans des vibrations qui les font fonner comme les
cordes d’un infiniment de mufique : -M. Ferreira
appelle ces rubans cordes vocales. Les mufoles dut
larynx tendpnt ou relâchent plus ou moins ces cordes
vocales ; cé qui fait la différence des tons dans le
chant, dans les plaintes, & dans les cris. Voyer^
le Mémoire de M. Ferrein , Hiftoire de VAca-\
démie des Sciences, année 1 7 4 1 , pag. 409.
Les poumons , la trachée-artère , le larynx , I2
glotte, & fos cordes vocales, font les premiers organes
de la v o ix , auxquels il faut ajouter le palais ,
c’eft à dire,la partie fopérieure & intérieure d e là
bouche, les dents, les lèyres , la langue , & même
cés deux ouvertures qui font au fond du palais,
& qui répondent aux narines ; elles donnent paffage
à l’air quand la bouche eft fermée.
Tout air qui fort de la trachée-artère n’excite pas
pour cela du fon; il faut, pour produire cet effet,
que l’air foit pouffé par une impulfîon particulière ,
& que dans le temps de fon paffage il foit rendu
fonore par les organes de la parole : ce qui lui
arrive par deurç caufes différentes.
Premièrement,
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Premièrement, l’air étant pouffé avec plus oU
moins de violence par les poumons, il eft rendu
fonore par la foule fituation où fo trouvent les organes
de la bouche. Tout air pouffé qui le, trouve
refferré dans un paffage dont les parties .font dif-
pofées d’une certaine manière, rend un fon ; c eft
ce qui fo paffe dans les inftruments à vent, tels que
l’orgue, la flûte , &c.
En fécond lieu , l’air qui fort de la trachee-ar-
tère , eft rendu fonore dans fon paffage par 1 ac- j
tion ou mouvement de quelqu’un des organes de
la parole ; cette adion donne à l’air fonore une
agitation & un trémoufièment momentanés, propre
à faire entendre telle ou telle Gonfonne: voila deux
caufes qu’il faut bien diftinguer; i° . fimple fituation
d’organes; 20. aftion ou mouvement de quelque
organe particulier fur 1 air qui fort de la trachée
artère. •
Je compare la première maniéré à ces fentes qui
rendent fonore le vent qui y paffe ; & je trouve qu il
en eft à peu-près de la féconde, comme de l’effet que
produit l’action d’un corps folide qui en frappe un
autre.-C’eft ainfî que la Conjonne n eft entendue
que par l’adion de quelqu’un des organes de la
parole for quelque autre organe , comme de la
langue for le palais ou for les dents, d ou refolte
une modification particulière de l’air fonore. _
Ainfî , l’air pouffé par les poumons , & qui fort
par la trachée-artère , reçoit dans fon paffage differentes
modifications & divers tremouffèments , foit
par la fituation , foit par l’adion des autres organes
de la parole de celui qui parle ; & ces tré-
mouffements, parvenus jufqu’à l’organe de l’ouie de j
ceux qui écoutent, leur font entendre les diffé- |
rentes modulations de la voix St les divers fons des
mots, qui font les lignes de la penfée qu’on veut
exciter dans leur efprit.
Les differentes fortes de parties qui forment 1 en-
fomble de l’organe de la v o ix , donnent lieu de
comparer cet organe, félon les différents efféts de
ces parties , tantôt à un infiniment à vent, tel que
l’orgue ou la flûte ; tantôt à un inftrument à corde ;
tantôt enfin à quelqu’autre corps capable de faire
entendre un fon , comme une cloche frappée par
fon battant, ou une enclume for laquelle on donne
des coups de marteau.
Par exemple , s’agit-il d’expliquer la vo y e lle ,
on aura recours à une comparaifon tirée de quelque
inftrument à vent. Suppofons un tuyau d’orgue
ouvert, il eft certain que tant que ce tuyau
demeurera ouvert, & tant que le foufflet fournira
de vent ou d’air, le tuyau rendra le fon- qui eft
l’effet propre de l’état & delà fituation où fo trouvent
les parties par lefquelles l’air paffè. Il en eft de
même de la flûte : tant que celui qui en joue y
fouffle de l’air , on entend le fon propre au trou
que les doigts laiffént ouvert : le tuyau d’orgue
ni la flûte nagiflent point ; ils ne font que fo prêter
à l’air pouffé, & demeurent dans l’état où cet air
les trouve.
L ittêrat. et Gramm, Tome I, Partie II.
C O N 4 7 ?
Voilà précifément 1, voyelle. Chaque voyelle
exige que les organes de la bouche-foiew dans la
fituation requile pour faire prendre à l’air qui lort
de la trachée-artère, la modification propre a exciter
le fort de telle eu telle voyelle. La fituation
qui doit faire entendre l’a , n’eft pas la même que
celle qui doit exciter le fon de l’i; amfi des autres.
Tant que la fituation des organes fubfifle dans le
même é ta t, on entend la même voyelle aufli long
temps que la relpiration peut- fournir d air. Les
poumons font à cet égard ce que les foufUets lont
à l’orgue. .. - .
Selon ce que nous venons d’obforver, il luit
que le nombre des voyelles eft bien plus grand
qu’on ne le dit communément. "
Tout fon qui ne réfuite que d’une fituation d organes,
fans exiger aucun battement ni mouvement
qui furvienne aux parties de la bouche , & qui peut
être continué auffi long temps que l’afpiration peut
fournir d’air ; un tel fon eft une voyelle. Ainfî a ,
a é é, ê, j , o , ô, u ou eu , & fà foible e muet ,
8c les nazales an , en, &c. tous ces fons-là font
autant de voyelles particulières, tant celles qui ne
font écrites que par un foui caraâère, telles que
n , e , i , o , u que celles qui, faute d’un caraffère
propre , font écrites par plufieurs lettres , telles que
ou, eu, oient, & c. Ce n’éft pas la manière d’écrire
qui fait la voyelle, c’eft la fimplicité du fon
qui ne dépend que d’une fituation d organes, &
qui peut être continué: ainfî au, eau, ou, eu ,
ayent , &c. quoiqu’écrits par plus d’une lettre ,
n’en font pas moins de fimples voyelles. Nous ayons
donc la voyelle n & la voyelle ou ,* les italiens
n’ont que l’ou , qu’ils écrivent par le fimple u ,
Nous avons de plus la voyelle eu ,feu, lieu j 1 e
muet en eft la foible , & eft auffi une voyelle particulière.
Il n’en eft pas de même de la Confonne ; elle
ne dépend pas, comme la voyelle , d une fituation
d’organes qui puifîe être permanente ; • elle eft
l’effet d’une affion paffagère , d’un trémoufièment,
ou d’un mouvement momentanée [ écrivez momentanée
par deux ee : telle eft l’analogie des mots
françois qui viennent des mots latins en eus ;
c’eft ainfî que l’on dit les champs elifees , les monts
Pyrénées , le colifée, & non le colifé, le fleuve
Alphée, & non le fleuve Alphé, ftuvius Alpheus.
Voye\ le dicîionn. de l’Académie , celui de Trér
voux & celui de Jouhert aux mots momentanée
& fpontanée ] de quelque organe de la parole,
comme delà langue, des lèvres i &c. en forte que, ff
j’ai comparé la voyelle au fon qui refolte d’un tuyau
d’orgue ou du trou d’une flûte, je crois^ pouvoir
comparer la Confonne à l’effet que produit le battant
d’une cloche, ou le marteau for l’enclume :
fourniffèz de l’air à un tuyau -d’un _ orgue ou au
trou d’une flûte, vous entendrez toujours le même
fon ; au lieu qu’il faut répéter les coups du bat^
tant de la cloche & ceux du marteau de l’enclume,
pour avoir encore le fon qu’on a entendu la pre-
Ooo