
Mais autant elles forvent d’aflaifonnement dans
tous les genres de l’énergie efthêtique pour donner
plus de force à la penfoe , autant font - elles infî-
pides lorfqu’elles n’ont pas ce but. Rien n’eft
plus défàgréable qu’un ftyle rempli d’Epithètes
foibles, vagues, ou oifoufos ; même lorfqu’elles
ne font pas oi f îyesle ftyle ne laiflè pas d’être
mauvais , fî ces Épithètes expriment des idées ac-
cefToires qui ne font rien au but principal], & qui ne
fervent qu’à étaler l’ëfprit du poète & la lîngularité
bizarre de fon imagination..
Comme la Poéfîe en général parle plus aux fons
que l’Éloquence, le poète fait aufli un plus fréquent
utage des Épithètes que l’orateur ; mais cette
confédération même doit le rendre plus réforyé à ne
les pas prodiguer fans néceflité. Il ne doit pas fo
permettre de les employer à remplir le vers. La
longueur des vers alexandrins eft très-propre à
l’ entrainer dans cet ulage vicieux ; & il ne foroit
que trop aile d’en citer plulieurs exemples, leur
grand nombre nous difpenfo d’en rapporter ici.
( M . Szïlzer. )
É PITOMEI f. m. Bettes-Lettres.. Abrégé ou
rédudion des principales matières d’un grand ouvrage
, reflerré dans un beaucoup moindre volume.
On reproche fouvent aux auteurs d'Êpitome, que
leur travail occasionne la perte des originaux. Ainfî,
on attribue à YÉpitome de Juftin, la perte de l’Hifî
toire univerfolle de Trogue- Pompée ; & à l’Abrégé
de Florus , celle d’une grande partie des Décades
de Tite-Livg. Voyez les raifons for lefquelles
eft fondé ce reproche, au mot A brégé. ( L'abbé
M a l l e t .)
É P ITRE , ü fi Bettes-Lettres. Ce- mot vient
du grec vréi, fur. , & du verbe ç-txxai. , f envoie.
Ce terme n’eft prefque plus en ufàge que pour
les Lettres écrites en vers , & pour les dédicaces des
livres.
Quand on parle des Lettres écrites par des auteurs
modernes, ou dans les langues vivantes, &
fortout en profo, on ne fo fort point du mot Epitre :
ainfî, l’on dit, Les Lettres du cardinal d" O f a t , de
B a lza c , de Eoiture , de madame de Sévigné,
& non pas les É.pitres du cardinal. d’Oflat , de
Balzac, &c.
Au contraire, on fo fort du mot Epitre, en
parlant des Lettres écrites par des anciens , ou dans
une langue ancienne : ainfî, l ’on d it , L e s Êpitres
de Cicéron, de Séneque, &c. Il eft pourtant vrai
que les modernes fo font forvis du terme de Lettresy
en parlant de celles de Cicéron & de Pline.
L e mot Épitre paroît encore plus particulièrement
reftraint aux écrits de ce genre, en matière
'de religion : ainfî, l ’on dit, Les Épitres de S. Faut,
de S. Pie rie , de S. Jean, & non les Lettres de
S. Paul, &c. ( L ’abbé M allet.)
* On attache aujourdhui à YÉpitre l’idée de la
réflexion fie du travail> & on ne lui permet point
les négligences de la Lettre. Le ftyle de la Lettre
eft libre, fîmple , familier. Epitre n’a point de
ftyle déterminé, elle prend le ton de fon fojet, &
s’élève ou s’abaiflè foivant le caractère des per-
fonnes. Épitre de Boileau à fon jardinier, exi-
geoit le ftyie le plus naturel ; ainfî, ces vers y font
déplacés , foppofé même qu’ils ne fuflent pas mauvais
partout t
Sans eeffè poursuivant ces fugitives fées
On voit fous les lauriers haleter les Orphées.
Boileau avoit oublié en les compofànt, qu’Antoine
devoit les entendre.
L 'Épitre au roi for le paflage du Rhin, exigeoit
le ftyle le plus héroïque : ainfî , l’image grotefque
du fleuve ejfuyant Ja barbe, y choque la décence..
Virgile a dit d’un genre de Poéfîe. encore moins,
noble , Sylvceflnt confule dignee..
Si dans un ouvrage adrefle à une perfonne illuftre
on doit annoblir les petites chofos, à plus forte raifori
n’y doit-on pas avilir les grandes ; & c’eft ce que-
fait à tout moment dans Les Épitres de Boileau, le
mélange de Cotin avec Louis^-le-Grand , du fucre
& de la canette avec la gloire de ce monarque. Un.
bon mot eft placé dans une Épitre familière ; dans,
une Epitre férieufe & noble, il eft du plus mauvais
goût.:
Boileau n’étoît pas de cet avis i i l lui en coûta
de retrancher la fable de l ’huître, qu’i l avoit mifo
à la fin de fo première Epitre au ro i, pour delà f e r ,
difoit-il, des lecteurs qu'un fublime trop férieux
peut enfin fatiguer.. Il ne fallut pas moins que Je
grand Condé pour vaincre la répugnance du: poète
à ;focrifier ce morceau.. Il a dit dans fon A r t poétique
:■
Heureux, qui', dans tes vers, fait, d’une voix légère ,,
Pafler du grave au doux , du plaifant au .févère !
L e paflage dit grave au doux eft toujours placée
celui du plaifant au févère eft permis & prefque
toujours convenable : mais cela n’èft pas réciproque *
& pour un ouvrage férieux , il ne. me fomble pas
vrai de dire :
On peut être à la fois &: pompeux & plaifant..
En général , les défauts dominants des Êpitres
de Boileau font la fochereflè & la ftérilité, des-
plaifonteries parafîtes, des idées foperficielles, des
vues courtes, & de petits defleins. On lui a appli-t
qué ce vers t
Dans fon génie étroit il eft toujours captif.
Son mérite eft dans le choix heureux des termes
& des tours.. Il fo piquoit fortout de rendre avec
grâce & avec noblefle des idées communes , qui
n’avoient point encore été rendues en Poéfîe. Une
des chofos, par exemple qui le flattoient le plus *
comme il l’avoue lui-même, étoit d’avoir exprime
poétiquement fa perruque*
E P I
Au contraire , la bafleflè & la bigarrure du ftyle
défigurent la plupart d es Épitres de Roufleau.
Autant il s’eft élevé au defliis de Boileau par fos
Odes, autant il s’eft mis au deflous de lui par fos
Épitres. ■ _
Dans l’Épitre philofophique, la partie dominante
doit être la juftefle & la profondeur du raifonnement.
C ’eft un préjugé dangereux pour les poètes & 'injurieux
pour la Poéfîe, de^ croire qu’elle n’exige ni
une vérité rigoureufo, ni une progreflion méthodique
dans les idées. Nous ferons voir ailleurs que
les écarts même de i’enthoufîafme ne font que la
marche régulière de la raifon. yoye\ Ode &
E n th o u s ia sm e . ,
Il eft encore plus inconteftabïe , que dans 1Epitre
philofophique on doit pouvoir prefler les idees fons
y trouver le vide , & les creufor fons arriver au
faux. Que foroit-ce en effet qu’un ouvrage raifonné,
où l’an ne feroit qu’effleurer l’apparence foperfi-
cielle des chofos? Un fophifme revêtu d’une exprefo -
fîon brillante, n’eft qu’une figure bien peinte &
mal deffinée. Prétendre que la Poéfîe n’ait pas befoin
de l’exa&itude philofophique , c’eft donc vouloir
que la Peinture puifle fo pafler de la correction du
deflein. Or qu’on mette à l’épreuve de l ’application
de ce principe, & les Épitres de Boileau & celles
de Roufleau , & celles de Pope lui-même. Boileau,
dans fon Épitre à M. Arnaud , attribue tous les
maux de l ’humanité à la. honte du bien. La mau-
vaifo honte, ou plus tôt la foiblefîè en général, produit
de grands maux
Tyran qui cède au crime & détruit les vertus.
JSenriade.
Voilà le vrai. Mais quand on ajoute , pour le
prouver, qu Adam ,. par exemple, n a été malheureux
que pour n'avoir ofé foupçonner f i femme ,•
Voilà de la déclamation. Le défîr de la louange & la
crainte du blâme produifont tour à tour des hommes
timides où courageux dans le bien, foibles ou audacieux
dans le mal'; les grands crimes & les grandes
vertus émanent fouvent de la meme fource : Quand?
E t comment ? E t pourquoi ? voila ce qui-foroit de
la Philofophie.
Dans YÉpitre à M. de Seignelai, la plus eftiméè
de celles de Boileau , pour démafquer la flatterie,
le poète la foppofe flupide & groflière, ahforde &
choquante au point de louer un Général d’armée
for fa défaite , & un miniftre d’État fur fos exploits
militaires ; eft-ce là préfenter le miroir aux flatteurs ?"
Il ajoute que rien n’eft beau que le vrai ; mais confondant
l’homme qui fo corrige avec l’homme qui
fo déguifo, il conclût qu’il faut foivre la nature.
C’eft elle feule en tout, qu’on admire & qu’on aime. .
Un efprit né chagrin, plaît par fon chagrin même.
Sur ce principe vague, un-homme né groftier plaira
donc par (à grerffièreté J uit impudent, par fon impudence
? &l't
Qu’auroit. fait un poète philolôphe 1 qu’auroitfait,
par exemple , l’auteur des Difoours fu r Légalité
des conditions , & fur la modération dans les
défirs ? 11 auroit pris le naturel inculte & brute ,
comme il l’eft toujours ; il l’auroit comparé à
l’arbre qu’il faut tailler, émonder, diriger , cultiver
enfin y pour le rendre plus beau , plus fécond ,
& plus: utile. Il eût dit à l’homme r » Ne veuillez
» jamais paroître- ce que vous n’êtes pas, mais
» tâchez de devenir ce que vous voulez paraître ï
» quel que foit votre cara&ère, il eft voifîn d’unt
» certain nombre de bonnes & de mauvaifos qualL
» tés y fi la nature a pu vous incliner aux mauvaifos,
>y ce qui eft du moins très-douteux, ne vous décou»
» ragez point, & oppofez à ce penchant la conten-
» tion de l’habitude. Socrate n’étoit pas né foge,
» & fon naturel, en fo redrefant, ne s’étoit pa*
». efEropié »-.
On n’a befoin que d’un peu de Philofophie, pour
n’èn trouver aucune dans les Épitres de Roufleau^
Dans celle à Clément Marot, il avoit à dèveloper
& à prouver ce principe des Stoïciens, que Y erreur
eft la fource de tous les vices, c’eft à dire, q uW
n'efl méchant que par un intérêt mal entendu. Que
fait le poète ? il établit qu'un vaurien eft toujours;
un fo t fous le mafque ; & au lieu de citer au tri»
"bunal de la raifon un Ariftophane, un Catilina , uni
. Narcifle , qu’il auroit eu bien de la peine à faire
pafler pour d’honnêtes gens ou pour des fots ; if
prend un fat, mauvais plaifant, dont l ’exemple ne
conclut rien | & il dit de ce fat, plus fot encore.?
A fa vertu je n’af plus grande fot
Qu’à fon efprit. Pourquoi cela ? Pourquoi ?
Qu’eft-ce qu’efprit ï Raifon affaifonnée ,
Qui dît efprit, dit fel de la raifon :
De tous les- deux fe forme efprit parfait,.
De l’un fans l’autre un monftre contrefait.
Or quel vrai, bien-d’un monftre-peut-il naître^
Sans la raifon puis-je vertu connoîcre i
Et fans lé fel dont il faut l’apprêter
Puis-je vertu faire aux autres goûter Jfj
Faflonfr for le ftyle ; quelle Logique f L a
raifon fans f e l fa it un monftre y incapable de
tout bien : pourquoi ? parce qu’èlle eft fade nourri—
tare, quelle naffaifonne pas la vertur & ne lev"
fa it pas goûter aux autres. D’où iL1 conclut qu’un;
homme qui n’a que de. la raifon', & qu’il appelle*
un fo t y ne fouroit être vertueux. Molière , le plus;
philofophe de tous les poètes, a fait un Honnête*
homme d’Orgon , quoiqu’il en ait fait un fot, ÔE
n’à pas fait un fot de Tartuffe, quoiqu’il en ait faik
un méchant homme.
( f Roufleau,. dans YÉpitre dont je viens dè parler-a,
débute ainfî
Ami Marot,.FKonncur dè mon1 pulpièrev
Mon premier Maître * acceptez cette; Egtim