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bien aigulle, qu’il ait un vol meforé à fon b u t,
qu’une main sûre le décoche , & qu’un oeil jufte le
eonduife. ) ( M. M armoxtel.. )
AM U SER, DIVERTIR , Syn.
Divertir, dans la lignification propre tirée du latin
, ne lignifie autre choie que Détourner Ion attention
d’un objet en la portant for un autre ; mais
l’ulàge prélent a de plus attaché à ce mot une idée de
plainrqu’on prend à l’objet qui nous occupe. Amufer,
au contraire, n’emporte pas toujours l’idée de plaifir;
& quand cette idée s’y trouve jointe, elle exprime un
çlaifîr plus foible que le mot Divertir. Celui qui
s'amufe peut n’avoir d’autre fentiment que l’abfence
.de l’ennui ; c’eft là même tout ce qu’emporte le mot
Amufer pris dans là lignification rigoureufe. On va
à la promenade pour s amufer ; à la comédie pour
le divertir : on dira d’une choie que l’on fait pour
tuer le temps, Cela n’eft pas fort divertijfimi ; mais
cela la amufe : on dira aulïi, Cette pièce m’a allez.
amufe ; mais cette autre m’a fort diverti.
Ce qu’il y a de fîngulier, c’èft qu’au participe,
Aniufant dit plus qu'Amufer ; le participe emporte
toujours une idée deulailir que le verbe n’emporte
jjas nécefiairement. <^uand on dit d’un homme, d’un
livre, d’un fpectacle , qu’il eft amufant, cela lignifie
qu’on a du moins eu certain degré de plailir à
le lire ou à le voir : mais quand oh dira, Je me fuis
mis à ma fenêtre pour m’amufer , Je parfile pour
m'amufer ; cela lignifie feulement pour me défen-
fjuyer, pour m’occuper à quelque choie.
On ne peut pas dire d’une tragédie qu’elle amufe,
parce que le genre de plaifîr qu’elle fait eft lerieux
& pénétrant; & qu’Amufer emporte une idée de
frivolité dans l’objet, & d’impreflion légère dans
l ’effet qu’il produit : oh peut dire que le jeu amufe,
que la tragédie occupe, & que la comédie divertit.
Amufer dans un autre fens, fignifie aulïi Tromper ;
on dit Amufer les ennemis. Philippe, roi de Macédoine,
difoit qu’on amufoit les hommes avec des
ferments. ( M . d’Alej&bert. )
(N .) AN , ANNÉE. Syn.
Un fervice particulièrement deftiné au calcul, eft
l’acceffoire qui cara&érife & diftingue le mot A n :
voilà pourquoi il fe place ordinairement dans les
dates avec les nombres, & qu’il fe trouve rarement
avec des épithètes qualificatives ; au lieu que le mot
Année eft plus propre à être qualifié, & ne figure
pas de fi bonne grâce avec les nombres*
Cet ouvrage parut pour la première fois Y A n
3718 : ainli, il y a vingt-neuf A n s (a) que j’ai eu
la hardielïè de me livrer au Public.
Les Années fertiles doivent, dans un État bien
policé, empêcher la difette defe faire fentir dans les
Années ftériles.
L ’Année heureufe eft celle que l’on pafïe (ans
ennui & fans infirmité. (U abbé Gir a r d . )
A N A
L 'A n , me paroît être un élément détermine du
temps ; il eft dans la durée ce que le point eft dans
l’étendue. De 'là vient que l’on dit A n pour marquer
une époque, ainfî que pour déterminer l’étendue
d’une durée. Comme on confïdère le point
làns étendue , on envifage Y A n fans attention à là
durée.
Mais Y Année eft envilàgée comme étant elle-
même une durée déterminée, & divifible en fes
parties : Y Année a douze mois, 365 jours , quatre
làifons. De là vient que l’on qualifie Y Année par
les évènements qui en ont rempli la durée. Voye\
J o u r , J o urn ée , Syn. ( M . B eauzée. )
AN A , Littérature. On appelle ainfî des recueils,
des penfées, des difeours familiers , & quelques petits
opufoules d’un homme de Lettres, faits de fon vivant
par lui-même , ou plus fouvent après là mort par fes
amis. Tels font le Menagiana, le Boloeana , &c. &
une infinité d’autres. On trouve dans les Mémoires
de Littérature de M. l’abbé d’Artigny, tome I , un
article curieux for les livres en Ana , auquel nous
renvoyons : tout ce que nous croyons à propos d’ob-
lerver , c’eft que la plupart de ces ouvrages contiennent
peu de bon, allez de médiocre, & beaucoup de
mauvais ; que plufieurs déshonorent la mémoire
des hommes célèbres à qui ils femblent conlàcrés ,
& dont iis nous dévoilent les peiitefTes, les puérilités
, & les moments foibles; qu’en un mot, felon
l’expreflion de M. de Voltaire, on les doit, pour la
plupart, à ces éditeurs qui ^vivent des fottifes des
morts. ( A nonyme*)
(N.) A N A , ANECDOTES.
Si on pouvoit confronterSuétone avec les valets de
chambre des douze Célàrs, penfe-t-on qu’ils feroient
toujours d’accord avec lui ? & en cas de difpute, quel
eft l’homme qui ne parieroit pas pour les valets de
chambre contre l’hiftorienf
Parmi nous, combien de livres ne font fendes que
lur des bruits de v ille, ainfî que la Phyfîque ne fut
- fondée que for des- chimères, répétées de fîècle en
fîècle julques à notre temps !
Ceux qui fe plaifent à tranforire le foir dans leur
cabinet ce qu’ils ont entendu dans le jour, devroient,
comme S. Auguftin , faire un livre de rétractations
au bout de l ’année.
Quelqu’un raconte au grand audiencier l’Étoile,
que Henri IV , chalfant vers Creteil, entra feul dans
un cabaret où quelques gens de loi de Paris dinoient
dans une chambre haute. Le roi, qui ne fe fait pas
connoitre, & qui cependant devoit être très-connu ,
* leur fait demander par l’hotelfe , s’ils veulent l’admettre
à leur table , ou lui céder une partie de leur
rôti pour fon argent. Lesparifîens répondent, qu’ils
ont des affaires particulières à traiter enfemble , que
leur diner eft court, & qu’ils prient l’inconnu de les
exeufer.
Henri IV appelle fes gardes, & fait fouetter 011-
trageufeenent les convives, ffl) Ceci provye que l’auteur écrivait cet article en 1747. pour leur apprendre, dit
A N A
l ’Étoile, une autre fo is à être p lu s courtois à Ven-
droit des gentilshommes.
Quelques auteurs, qui, de nos jours, fe font mêles
d’écrire la vie de Henri IV , copient l’Étoile fans
examen, rapportent cette Anecdote ; & , ce qu’il y a
de pis, ils ne manquent pas de la louer comme une
belle adion de Henri IV.
Cependant, le fait n’eft ni vrai ni vraifemblabl'e;
& loin de mériter ces éloges, c’eût été à la fois dans
Henri IV l ’adionla plus ridicule, la plus lâche , la
plus tyrannique , & la plus imprudente.
Premièrement , il n’eft pas vraifemblable qu’en
lé o z , fjenri IV , dont la phyfîonomie étoit fi remarquable,
& qui fe montroit à tout le monde ave« tant
d’affabilité, fût inconnu dans Creteil auprès de Paris.
Secondement, l’Étoile, loin de conftater ce conte
impertinent, dit qu’il le tient d’un homme qui le te-
noit de M. de Vitry. Ce n’eft donc qu’un bruit de ville.
Troifîèmement, il feroit bien lâche & bien odieux
de punir d’une manière infamartte des citoyens aflem-
blés pour traiter d’affaires, qui certainement n’avoient
commis aucune faute en refufant de partager leur
diner avec un inconnu très-indiferet, qui pouvoit fort
aifément trouvera manger dans le même cabaret.
Quatrièmement, cette adion fî tyrannique , fî indigne
d’un roi & même de tout honnête homme, fî
punillàble par les lois dans tout pays, auroit été auffi
imprudente que ridicule & criminelle ; elle eût rendu
Henri IV exécrable à toute la bourgeoifîe de Paris,
qu’il avoit tant d’intérêt de ménager.
Il ne falloit donc pas fouiller l’hiftoire d’un conte
fi plat ; il ne falloit pas déshonorer Henri IV par une
fî impertinente Anecdote.
Dans un livre intitulé Anecdotes Littéraires, imprimé
chez Durand en 1 7 5 1 , avec-privilège, voici
ce qu’on trouve, tome 3, page 183. « Les amours de
» Louis X IV ayant été jouées en Angleterre ,-ce
» prince voulut aulïi faire jouer celles au roi Guife
*> laume. L ’abbé Brueys fut chargé par M. de Torcy
» de faire la pièce. Mais quoiqu’applaudie, elle ne
» fut pas jouée , parce que celui qui en étoit l’objet
» mourut for ces entrefaites, »
Il y a autant de menfonges abfordes que de mots
dans ce peu de lignes. Jamais on ne joua les amours
de Louis X IV fur le théâtre de Londres. Jamais
Louis X IV ne fut aiïèz petit pour ordonner qu’on fit
une comédie for les amours du roi Guillaume. Jamais
le roi Guillaume n’eut de maitrelfe ; ce n’étoit pas
d’une telle foiblelfe qu’on l’accufoit. Jamais le marquis
de Torcy ne parla à l’abbé Brueys. Jamais il ne
put faire , ni à lui ni à perfonne , une propofîtionfî
indifcrete & fî puérile. Jamais l’abbé Brueys ne fit
la comedie dont il eft queftion. Fiez-vous, après cela,
aux Anecdotes.
Il eft dit dans le même livre, que Louis X I V f u t
f i content de V opéra rf’Ifîs, qu’i l f it rendre un arrêt
du Confie i l, par lequel il ejtpermis à un homme de
chanter à l’Opéra & d'en retirer des gages, fans déroger.
Cet arrêt a été enregifiré au Parlement de
Paris.
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Jamais il n’y eut une telle déclaration enregiflrée
au Parlement de Paris. Ce qui eft vrai, c’eft que
Lulli obtint, long temps avant l’opéra d 'ifs , des lettres
portant permiftïon d’établir fon Opéra en 1671 y
& fit inférer dans fes lettres que les gentilshommes &
les demoifelles pourvoient chanter fur ce théâtre fans
déroger. Mais il n’y eut point de déclaration enre-
giftree.
De tous les Ana , celui qui mérite le plus d’être
mis au rang des menfonges imprimés, & for tout des
menfonges infîpides, eft le Ségraifiana. Il fiit compilé
par un copiûe de Ségrais, fon domeftique, &
imprimé long temps après la mort du maître.
Le Ménagiana revu par la Monnoye, eft le feul
dans lequel on trouve des chofes inftrudives.
Rien n’eft plus commun dans la plupart de nos
petits livres nouveaux , que de voir de vieux bons
mots attribués à nos contemporains, des infcriptions,
des épigrammes faites pour certains princes, appliquées
à d’autres.
Dans un Mercure de France du mois de Septembre
1769 , on attribue à Pope une épigramme faite en
impromptu for la mort d’un fameux uforier. Cette
épigramme eft reconnue depuis deux-cents ans en Angleterre
pour être de Shakelpeare. Elle fut faite en
effet for le champ par ce célèbre poète. Un agent de
change nommé Jean Dacombe, qu’on appeiloit vulgairement
D ix pour cent, lui demandoit en plaifèn-
tant quelle épitaphe il lui feroit s’il venoit à mourir;
Shakelpeare lui répondit :
Ci gît un financier puiflànt,
Que nous appelons Dix pour cent ;
Je gagerois cent contre dix
Qu’il n’eft pas dans le paradis.
Lorfque Bejzébut arriva
Pour s’emparer de cette tombe,
On lui dit, Qu’emportez-vous là ?
Eh l c’eft notre ami Jean Dacombe.
On vient de renouveler encore cette ancienne pial*
fenterie :
Je fais bien qu’un homme d’Êglife ,
Qu’on redoutoit fort en ce lieu »
Vient de rendre fon ame à Dieu ;
Mais je ne fais fi Dieu l’a prife.
Il y a cent facéties, cent contes qui font le tour du
monde depuis trente fîècles. On farcit les livres de
maximes qu’on donne comme neuves, & qui fe retrouvent
dans Plutarque , dans Athénée, dans Sénèque
, dans Plaute, dans toute l ’Antiquité.
Ce ne font là que des méprifes auffi innocentes que
communes: mais pour les fàulïetés volontaires, pour
les menfonges hifforiques, qui portent des atteintes à
la gloire des princes & à la réputation des particuliers
, ce font des délits lerieux.
De tous les livres groffïs de fàulfes Anecdotes,
celui dans lequel les menfonges les plus abfordes font
entaffés avec le plus d’impudence ? c’eft la cooepi