par une paffion violente : il y a beaucoup plus à
compter fur celui qui , connoiflànt les fondements
& les avantages de la vertu, l’horreur & les dangers
du vice , perfévère en connoiflànce de caufè à
faire le bien & à fuir le mal : mais le comble du
mérite, c’eft d’y perflfler nonobftant la fougue des
paflïons & maigre les perfécutions des méchants.
{ M . B e a u z é e . )
(N-.) CONTINUER , POURSUIVRE. Synon.
C ’eft ajouter à ce qui eft commencé, dans l’intention
d’arriver à la fin & de faire un tout complet
: le premier de ces deux mots ne dit rien de
plus ; mais le fécond fùppofê que les additions faites
au commencement font dans les mêmes vues, ont
les mêmes qualités, & fè font de la même tenue.
Ainfî , l’on peut continuer l’ouvrage d’autrui,
parce qu’il ne faut qu’y ajouter ce qui paroît y
manquer : mais il n’y a que celui qui l’a commencé
qui puiflè le pourfuivre y parce qu’un autre ne peut
avoir ni toutes fès vues ni les mêmes vues, que
chacun a ton faire diftingué de tout autre , & qu’il y
a interruption dès que l’ouvrage paflè dans des mains
différentes. _
' Continuer marque Amplement la fuite du premier
travail : Pourfuivre marque, avec la fuite,
une volonté.déterminée & confiante d’arriver à la f i n .
Quand un difcours eft commencé, s’il vient à être
interrompu, & que celui qui le prononce ait pris
part à l’interruption ou que fans cela elle ait été
longue ; il le reprend pour continuer : s’il ne donne
ou s’il affefte de ne donner aucune attention ’à l'interruption;
il pourfuit, parce qu’alors l’interruption
éft nulle par rapport à celui qui parle, & qu’il tend
à la fin nonobftant l’interruption.
On continue'Qm voyage après avoir féjourné dans
une v ille, dans une cour étrangère : on le pourfuit
nonobftant les dangers de la route, les difficultés
des chemins, & les incommodités de la faifèn.
Quand on a commencé , il faut continuer ; autrement
, on court les rifques de paffer ou pour étourdi
ou pour inconftant. Quand on a bien commencé, il
f a u t pourfuivre, pour ne pas fè priver du fùccès qui
eft dû au début. { M . jB e a u z é e . )
CONTINUITÉ , ( Belles - Lettres. ) Dans le
Poème dramatique, c’eft la liaifon qui doit régner
entre les différentes fcènes d’un même afte.
On dit que la Continuité eft obfervée, lorfque
les fcènes qui compofènt un aâe fè fuccèdent immédiatement
, fans vide, fans interruption , & font
tellement liées que la fcène eft toujours remplie.
Voye\ T ragédie*
Ôn d it, en matière de Littérature& de Critique ,
qu'il doit y avoir une Continuité, c’eft à dire, une
connexion entre toutes les parties d’un difcours.
Dans le Poème épique particulièrement, l’adion
doit avoir une Continuité dans la narration , quoique
les évènements & les incidents ne fèient pas
«ominus. Si tôt que le poète a entamé fon fujet
8c qu’il a amené fès perfonnages fur la fcène , l’aCJ
tion doit être continuée jufqu’à la fin;- chaque caractère
doit agir, & il faut abfblument écarter tout
perfonnage oifif. Le Paradis perdu de Milton
s’écarte fouvent de cette règle, dans les longs discours.
que l’auteur fait tenir à l’ange Raphaël, &
ui marquent à la vérité beaucoup de fécondité
ans l’auteur pour les récits, mais nuifènt à l’adion
principale du Poème, qui lè trouve-comme noyee
dans cette multitude de difcours. Voye\ A c t io n .
L e P. le Boffù remarque qu’en retranchant les
incidents infipides & languiflànts, & les intervalles
vides d’adion qui rompent la C o n t i n u i t é , le
Poème acquiert une force continue qui le fait couler
d’un pas égal & foutenu : ce qui eft d’autant plus
néceffaire dans un Pocme épique, qu’il eft rare que
tout y fbit d’une même force ; puifqu’on a bien
reproché à Homère, & avec vérité, qu’il fommeil-
loit quelquefois ; mais auffi l’a-t-on excufe fur l’étendue
de l’ouvrage. { L ’ a b b é M a l l e t . ) r -
(N4 CO N TR A C TE , adj. Ce terme n’eft d’ufâge
que dans la Grammaire grèque : nom contracte ,
déclinaifbn contracte. On appelle Noms contractes,
ceux qui reçoivent une contradio-n en quelques-uns
de leurs cas: & Déclinaifôns contractes , les décli-
naifôns des noms qui reçoivent contradion. V.oye\
les Grammaires grèques, fpécialement la Nouvelle
méthode dé P. R. & Y Introduction pour les cinquièmes
du P. Giraudeau.
Les verbes font également fùfceptibles de con-
tradion : cependant on ne les nomme point contractes
, non plus que la eonjugaifbri qui les concerne;
on dit Verbe circonflexe , Conjugaifon circonflexe.
Voye\ C ir c o n f l e x e . ( M . B e a u z é e . ) ;
^CONTRACTION, f. f. (fEfpècede Métaplafme
par Mutation, qui change le matériel primitif d’un
mot en faifant une feule fyllabe de deux voix con-
feeutivés qui, dans le premier état, fe prononçoient
en deux fyllabes. ) ( M. jB e a u z é e , )
Ce mot eft particulièrement en ufage dans la
Grammaire grèque. Les grecs ont des déclinaifôns
de noms contractés ; par exemple , on dit fans
Contraction rov Aepoâéveoç en cinq fyllabes, & par
Contraction AepoS-tyouç en quatre fyllabes..L’un &
l’autre eft également au génitif , & lignifie de
Démofthène. Les grecs font auffi ufâge de la Contraction
dans les verbes, On dit fans Contraction
vrottco , fa d o , & par Contraction %<nï>, &c. Les
verbes qui fè conjuguent avec Contraction-, font
appelés Circonflexes, à caufè de leur accent.
Il y a deux fortes de Contractions : l’une qu’on
appelle Simple; c’eft lorfque deux fyllabes fè réuniC-
fènt en une fèule, ce qui arrive toutes les fois que
deux voyelles qu’on prononce communément en
deux fyllabes, font prononcées en une feule , comme
lorfqu’au lieu de prononcer OptpYi en trois fyllabes,
on dit Of><pii en deux fyllabes. Cette forte de Cori-
iraCtion eft appelée Synchrèfe, Il y a une autre forte
Se Contraction que la Méthode de P. R. appelle
Mélée , & qu’on nomme Crafe , mot grec qui
fignifie mélangé ; c’eft lorfque, les deux voyelles fe
confondant enfènible, il en réfulte un nouveau fon,
comme , mûri, & par Crafè Tuy,*> en deux
fyllabes. Nous avons auffi des Contractions en François
; c’eft ainfî que nous difbns le mois dlOuft au
lieu d'Aouft. Du eft auffi une Contraction, pour
de le ; au pour à le ,• aux pour à les , &c. L ’em-
preffement que l’on a à énoncer la penfée, a donné
lieu aux Contractions & à l’Ellipfè dans toutes les
langues. Le mot générique de (uontraction fiiffit,
ce me fèmble, pour exprimer la réduction de deux
fyllabes en une, fans qu’il foit bien néceffaire de
fe charger la mémoire de mots pour diftinguer
fcrupuleufèment les différentes efpèces de Contractions,
(M . du Mars aïs.) '
(N.)CONTRAINDRE, FO R C ER ,V IO L EN TER.
Synonymes.
Le derftier de ces mots enchérit fîir le fécond,
comme celui-ci fur le premier; & le tout aux dépens
de la liberté , qui eft également ravie par
l ’adion qu’ils lignifient. Mais celui de Contraindre
femble mieux convenir pour marquer une atteinte
donnée à la liberté (îans le temps de la délibération ,
par des oppofitions gênantes ; qui font qu’on fè détermine
contre fà propre inclination , qu’on fùivroit fi
les moyens n’en étoient pas ôtés. Le mot de Forcer
paroît proprement exprimer une attaque portée à
la liberté dans le temps de la détermination, par
une autorité puiffante, qui fait qu’on agit formellement
contre fà volonté, dont on a grand regret de
ri’être pas le maître. Le mot de Violenter donne
l’idée d’un combat livré à la liberté dans le temps
de l’exécution même , par les efforts contraires d’une
adion vigoureufe, à laquelle on effaie en vain de
réfîfter.
, Il faut quelquefois ufèr de Contrainte à l’égard
des enfants ; de Force , à l’égard du peuple ; & de
Violence, à l’égard des libertins.
Le fèxe le plus foible & le plus docile eft celui
qui aime le moins à être contraint. Il y a des occa-
fions où l’on n’eft pas fâché d’avoir été forcé à faire
ce qu’on ne vouloit pas. L ’ancienne politeflè de la
table alloit jufqu’à violenter les convives pour les
faire boire & manger. (L'abbé Girard.)
CONTRAINDRE, OBLIGER, FORCER. Syn,
Termes qui défîgnent en général quelque chofè que
l ’on fait contre fon gré. On dit : le refped me force
à me taire , la reconnoiffance m’y oblige , l’autorité
m'y contraint. Le mérite oblige les indifférents à l ’ef-
timer , il y force un -rival jufte , il y contraint l’envie.
On dit une fête d’obligation, un confëntement
forcéy une attitude contrainte. On fè contraint foi-
même , on force un pofte, & on oblige l’ennemi
d’en décamper. (M . d'A lemrert,)
CO N TR A S T E , Belles-Lettres , art Oratoire,
Nous allons donner fur cette matière un extrait des
réflexions judicieulès que nous avons tirées d’un
ouvrage intitulé, Recherches fu r ie fty le , par M.
le marquis de Beccaria , l’auteur du célèbre & éloquent
Traité des délits & des peines.
Cet ingénieux auteur dit que le Qontrafle des idées
eft une des fources les plus abondantes du ftyle ; que
l’idée de Contrafle nous rappelle que les deux objets
que l’on confïdère s’excluent mutuellement; que
l’exiftence de l’un détruit l’exiftence de l’autre. Telles
font les chofès que l’on appelle en langage de philo-
fopliie , privantia, coniradicentia, contraria, op*-
pofita. Dans tous ces cas on fùppofê une troifièma
idée moyenne, à laquelle on compare les deux idées
qui contrajlent'y cette idée moyenne doit être néceffai-
rement l’idée principale : ainfî, les Contrajîes ne doivent
être formés qu’entre les idées accefièires , & non
pas avec l‘idée principale. Tout Contrafle qui manque
d’idée moyenne principale, exprimée ou fous-
entendue, eft donc un Contrafle vicieux: ainfî, torique
l’on d it , V enfer eft dans J on coeur , le ciel efl dans
j fesyeux, le Coûtrafle manque d’idée moyenne ; mais
fi l’on ajoute ou l ’idée ou le (ujet dé la comparai fon,
alors le Contrafle eft admiffible; par exemple, 1.'enfe
r efl dans le coeur, le ciel efl dans les yeux de l ’hypocrite.
Les Contrafles p la in t à l’imagination,
parce qu’ils donnent plus d’éclat, plus de brillant aux
objets, & plus d’occupation à notre fènfibilité ; ils excitent
plus fortement l’attention; ils l’aident, ils en
déterminent la comparaifon , en faifant parcourir rapidement
les idées acceffoires : par ce moyen l’on obtient
l’effet principal du ftyle, qui eft de procurer la
plus grande quantité de fènfations poffibles à la fois ,
dans le moindre intervalle de temps poflïble, & avec
le moins de paroles poflïble.
Le Contrafle des objets phyfîques plaît moins que
celui des objets phyfîques & moraux , que l’on met
en comparaifon.
Les Contrafles entre des idées obfeu res ou trop
compliquées-, embarraflènt, rendent incertain, &
par conféquent déplaifènt au ledeur.
Les idées qui comraflent doivent réveiller dans l’e£
prit à peu près une quantité égale d’idées acceffoires,
L ’on ne doit point faire contrafler & jouer les mots
avec les mots, ou les mots avec les chofes ; il faut
qiie les Contrafles fèient entre les idées d’un même
genre, ou pour mieux dire, qui appartiennent au
même organe de nos fèns.
Il ne fùffit pas que le Contrafle Coït vrai; il faut
outre cela que le Contrafle fbit néceffaire, & qu’il pa-
roiflè tel : l’efpritaime mieux appercevoir les analogies
que les différences ; c’eft pourquoi le ftyle rempli
d’antithèfès fréquentes & recherchées , nous laiïè &
nous ennuye à la fin ; au contraire, le ftyle qui contient
une multitude de chofès qui ne comraflent point,
mais qui nous conduit pas à pas enfin à un Contrafle
préparé & rendu facile à fai fi r , nous frappe d’ur.e vive
lumière ; il nous plaît beaucoup, parce qu’il nous
rappelle dans l’inftant une longue fuite d’idées.
Dans tous les Contrafles, il faut obferYer fi e’eft