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une femme, un vieillard fans bien : le p a u v r e
prince , la pauvre reine , les pauvres innocents ;
expreffions de çompafïion ou de tendreflè : un pauvre
orateur, une pauvre comédie, de pauvre v in , une .
pauvre chère ; expreffions de dédain & de mépris.
Cependant il arrive fouvent que Pauvre, dans fon
(ens primitif, fè place après le nom , fur tout fi on
le met en opposition avec Pauvre dans le fens de
dénigrement. Exemples :
Un homme riche eft fouvent un pauvre homme,
obligé de recourir aux- lumières d’un homme pauvre
qui vaut mieux que lui.
Linière, voyant enfèmble Chapelain & Patru,
dit que le premier étoit un pauvre auteur ; & le
fécond, un auteur pauvre.
La langue laponne eft une langue -pauvre ,
parce qu’elle n’a pas tout ce qui feroit néceilaire à
l ’expreflion de nos penléees. La langue des hotten-
tots eft à tous égards une. pauvre langue, parce
u’outre la difètte des termes, elle n’a ni douceur
ans fes mots , ni analogie dans Ces procédés, ni
finefïès dans fes tours, ni aptitude à être écrite. ^
Un perfonnage plaifant, eft celui dont le rôle
eft rempli de traits divertifïànts, de faillies fines,
de bons mots , de réparties ingénieurs, & c . Un
plaifant perfonnage, eft un impertinent méprifàble.
Une comédie plaifante_, eft une comédie pleine
de Ce 1 , d’incidents réjouiffants , de faillies divertif-
fantes , & c . Une plaifante comédie, eft une pièce
qui-pèche contre lés règles, & dans laquelle il n’y a
rien de comique que la prétention de l’auteur.
Un conte plaifant, eft un conte bien récréatif,
& propre à amufer agréablement l’imagination. Un
plaifant conte, eft un récit fans vérité ni vraifènv
blance, digne de mépris.
Termes propres. Propres termes.(Voyçz ces mots.
Syn.) ;
Seul, avant le nom , exclut les autres individus
delà même efpèce; après le nom, il exclut tout
accompagnement. Un feu l homme peut lever ce
fardeau , & aucun autre ne petit le lever : un homme
fe u l peut lever ce fardeau , fans aucun fècours
étranger. Un feul l i t , & non plufieurs, étoit préparé
pour le repos de la famille entière : un lit f e u l ,
fims aucun autre meuble , étoit dans cette chambre.
Un vilain homme , une vilaine femme , c eft un
homme ou une femme défagréable par la figure ,
par la malpropreté, par les manières, ou p.ar des
vices : un homme vilain , une femme v i la in e c eft un
homme ou une femme avare, qui vit mefquinement
& épargne d’une manière fbrdide. ( M. de Wailly.)
Il faut pourtant obferver qu’on ne dit pas abfôlu-
ment un homme vilain, une femme vilaine , & qu’on
ne veut que marquer ici Ja fituation de C adjectif
après le nom : mais on diroit, voilà un homme bien
vilain ; on m’a adreffé à une femme exceftivement
vilaine. , ,
Je finirai par une remarque generale du meme
M. de Wailly. cc Quelques a d je c t i f s , dit-ij,
» & X dans propre, & le pre-
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» cèdent dans le figuré. On dit au propre, homme
» ju j le , repas cher, plancher bas , fruit mûr : &c.
» mais au. figuré , il faut dire , jujle prix , cher
» ami , bas prix , une mûre délibération. » ) ( M . ë e a u z é e .)
A l’égard du genre, il faut obferver qu’en grec
& en latin, il y a des adjectifs qui ont au nominatif
trois terminaifons; , bonus ,
bona, bonum : d’autres n’ont que deux termînaifôns,
dont la première fèrt pour le mafculin & le féminin
, & la féconde eft çonfacrée au genre neutre ;
o qfj jj luéulpûiv, to toé'uiftcov, heureux ; & en latin
hic & hoec fortis & hoc fo r te , fort. Clenard & le
commun des grammairiens grecs difènt qu’il y a
aufli en grec des adjectifs qui n’ont qu’une ter-
minaifon pour les trois genres : mais la lavante Méthode
grèque de P. R. allure que les grecs n’ont
point de ces adjectifs , Liv. I. ch. j x . règle X lX .
Avertiffemenu Les latins en ont un grand nombre,
prudens , f i l i x , f i r a x , tenax, &ç.
En françois nos adjectifs font terminés.: i° . eu
par un e muet, comme fa g e , fidèle, utile, fa cile
, habile , timide , riche, aimable, volage, troi-
fième, quatrième, & c. alors Yadjectif fèrt également
pour le mafculin & pour le féminin ; un amant
fidèle, une femme fidèle. Ceux qui écrivent fid e l,
u til, font la même fauté que s’ils écrivoient fa g
au lieu àe f ig e , qui fè dit également pour les
deux genres.
Si Yadjectif eft terminé dans fa première
dénomination par quelqu’autre lettre que par un e
muet, alors cette première terminaifon fèrt pour
le genre: mafculin : pur, dur, brun, favant, fo r t,
bon• m . . .
A l’égard du genre féminin, il faut diftinguerc
ou Yadjectif finit au mafculin par une voyelle ,
ou il eft terminé par une confonne.
Si Yadjettif mafculin finit par une autre voyelle
que par un e muet, ajoutez feulement Ye muet
après cette voyelle, vous aurez la terminaifon féminine
de YadjeBif; fcnfç , fenfée ; j o l i , jolie ;
bourru, bourrue. ■ /
Si YadjeBif mafculin finit par une confanne , détachez
cette confonne de la lettre qui la précédé,
Sc ajoutez un e muet à .cette confonne détachée ,
vous aurez la terminaifon féminine de Yadjectif •.
p u r , pu-rt ; fa in t , fain-te ; fain , fai-ne ; grand,
gran-de; f o i , fo-te ; bon, bo-ne.
Je fai bien que les maîtres à écrire, pour multiplier
les jambages dont la fuite rend 1 écriture plus
unie & plus agréable à la vû e , ont introduit une
féconde n dans bo-ne , comme ils ont introduit une
m dans ho-me : ainfî on écrit communément bonne ,
homme, honneur, &c. mais ces lettres redoublées
font contraires à l’analogie , & ne fervent qu’à multiplier
les difficultés pour les étrangers & pour les
gens qui apprennent à lire. . . . .
Il y a quelques adjeétifs qui s’écartent de la réglé :
en voici le détail. t 7 i n
On difôit autrefois au mafculm m , nouvel , f o l ,
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tnbl, & au féminin félon la règle, belle, nouvelle,
fo lle , molle; ces féminins Ce font confèrvés : mais
les mafculins ne font en ufàge que devant une voyelle : '
un bel homme, un nouvel amant, un f o l amour :
ainfi , beau, nouveau ,fo u , mou, ne forment point
de féminin : mais efpagnol eft en ufàge , d’où vient
espagnole, félon la règle générale; blanc fait blanche
; franc, franche ; long fait longue ; ce qui fait
voir que le g de long eft le g fort que les modernes
appellent gue : il eft bon dans ces occafions
d’avoir recours à l’analogie qu’il y a entre Yadje
c t if & le fùbftantif abftrait ; par exemple, longueur,
long, longue ; douceur , doux, douce;
jaloufie , ja lo u x , jaloujè ; fraîcheur, frais , fraîche
; sècherejfe, f e c , sèche.
Le f & le v font au fond la même lettre divifée
en forte & foible ; le ƒ eft la forte , & le v . eft
la foible : de là naïf, naïve ; abufif, abufive ; chét
i f chétive ; defenfefy défitfive ;■ paffif, pajjive ;
négatif, négative ; purgatif, purgative ; neuf,
neuve ; &c.
On dit mon , ma ; ton , ta ; fo n , fa : mais devant
une voyelle on dit également au féminin , mon ,
ton , fon ; mon ame , ton ardeur, fon épée : ce
que le méchanifme des organes de la parole a introduit
pour éviter le bâillement qui fè feroit à la
rencontre des .deux voyelles, ma ame, ta épée,
fa époufi ; en ces occafions, fon , ton, mon , font
féminins, de la même manière que mes, tes , f e s ,
les, le font-au plurier, quand on d it, mes filles ,
les femmes, &c.
Nous avons dit que Yadje ctif doit avoir la ter-
minaifbn qui convient au genre que l’ufàge a donné
au fùbftantif: fur quoî on doit faire une remarque
fîngulière, fur le mot gens; on donne la termi-
naifèn féminine à Yadjectif qui précède ce mot,
& la mafculine à celle qui le fuit, fut-ce dans la
même phrafè: i l y a de certaines gens qui font
bien fots.
. A l’égard de la formation du pluriel, nos anciens
grammairiens difènt qu’ajoutant s au fîngulier,
nous formons le pluriel , bon, bons» ( Acheminement
à la langue françoifè par Jean Maffet. )
L e même auteur obfèrve que les noms de nombre
qui marquent pluraliié, tels que quatre , cinq xf i x ,
fep t, Si c. ne reçoivent point s, excepté vingt & cent,
qui ont un pluriel : quatre-vingts ans, quatre-
cents hommes
Telle eft auffi la règle de nos modernes : ainfî,
on écrit au fîngulier bon, & au pluriel bons", fort
au fîngulier, forts au pluriel; par conféquentpuif-
qu on écrit au fîngulier gâté, gâtée, on doit écrire
axi pluriel gâtés, gâtées j ajoutant Amplement l’r
au pluriel mafculin, comme on l’ajoute àu féminin.
Cela me paroitplus analogue que d’ôter l’accent aigu
au mafculin , & ajouter un ? , gâte^ : je ne vois pas
que le ^ ait plus tôt que l\r le privilège de marquer
que Ye qui le précède eft un e fermé : pour moi, je
ne fais ufàge du * après IV fermé , que pour la
fécondé perfonne plurièle du verbe, vous aime\;
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ce qui dîftingue le verbe du participe Si. de Yad-
jectif-, vous êtes aimés, les perdreaux font gâtés,
vous gâte\ ce livre. -
Les adjectifs terminés au fîngulier par une s ,
fèrvent aux deux nombres; i l eft gros & gras; ils
font gros & gras•
Il y a quelques adjefiifs qu’il a plû aux maîtres
à : écrire de terminer par un x au lieu de s ,
qui finiflànt en dedans ne donne pas à la main
la liberté de faire de ces figures inutiles qu’ils appellent
traits ; il faut regarder cet x comme une
véritable s : ainfî , on dit : i l eft ja lo u x , & ils font
jaloux ; il eft doux, & ils font doux ; Vépoux ,
les époux , &c. L 7 final fè change en aux , qu’on
feroit mieux d’écrire aus : égal, égaus ; verbal,
verbaus ; féodal, féodaus ; nuptial, nuptiaus , & c.
A l’égard des adjectifs qui finifïeht par ent ou
ant au fîngulier, on forme leur pluriel en ajoutante
, félon la règle générale , & alors on peut
laiffer ou rejeter le t : cependant lorfque le t fèrt
au féminin, l’analogie demande qu’on le garde :
excellent, excellente ; excellents, excellentes.
Outre le genre, le nombre, & le cas , dont
hous venons de parler, les adjectifs font encore
fîijets à un autre accident, qu’on appelle les degrés
de comparaifon, & qu’on devroit plutôt appeler
degrés de qualification, car la qualification
eft fufceptible de plus & de moins : bon , meilleur,
excellent; f avant, plus Javant, très-fivant. Le
premier de ces degrés eft appelé p o f i t if , le fécond
comparatif, & le troifîème fiperlatif- nous
en parlerons en leur lieu.
Il ne fera pas inutile d’ajouter ici deux obfer-
vations : la première, c’eft que les adjectifs le
prennent^ fouvent adverbialement. Facile & difficile
, dit Donat, quce adverbia ponuntur, nomina
potiùs dicenda fu n t , pro adverbiis pofita : ut eft,
torvum clamat; horrendum refonat : & dans Horace,
turbidum laetatur ( Liv. II. Od. x jx . v. 6. ) ;
fè réjouît tumultueufèment, reftènt les faillies d’une
joie agitée & confùfè : perfidum ridens Fenus ( L iv •
III. x x v ij. v. 67. ) ; Vénus avec un fourire malin.
Et même primo, ficundo, tertio, poftremo ,
fe ra , optato, ne font que des adjectifs pris adverbialement.
Il eft vrai' qu’au fond Yadjectif con-
fèrve toujours fà nature, & qù’ences occafions même
il faut toujours foufèntendre une prépofition & un
nom fùbftantif, à quoi tout adverbe eft réductible :
ainfi, turbidum lætatur, id eft, loetaturjuxta ne•
gotium ou modum turbidum : primo, ficundo, id
eft, in primo velficundo loco; optato advenis,
id eft, in tempore optato, &c.
A l’imitation de cette façon de parler latine, nos
adjectifs font fouvent pris adverbialement ; parler
haut, parler bas , fentir mauvais , voir' c lair,
chanter f a u x , chanter ju fte , &c. on peut en ces
occafions foufèntendre une prépofition & un nom
fùbftantif : parler d’un ton haut, fentir un mauvais
goût, voir d’un oeil clair, chanter d’un ton
fa u x ; mais quand il fèroit vrai qu’on ne pourrait