
& avec perfévérâncecontre les Anomalies nouvelles,
qui ne s’introduiront que trop lôuvenr dans les langues
; c’eft à eux à faire valoir &* à maintenir les
droits de l’Analogie , lorfqu’il en eft encore temps :
par exemple, il me (emble qu’ils doivent, en F rance,
défendre j e peux & j e vas contre j e puis & je vais
( Voye\ A halogie ). Mais quand l’autorité d’un
Ulage univerfel & confiant a confiera l'Anomalie, les
gens de Lettres, comme les autres, doivent s’y
conformer ; il ferait abfiirde & ridicule de vouloir
dire aujourdhui analogiquement, j 'a lle , lu ailes ,
i l aile , ils aliéné, au lieu de j e vas , tu vas , il
v a , ils vont.
Je crois les droits des gens de Lettres plus étendus
, quand il s’agit des Anomalies purement orthographiques.
11 eft queftion, dans l’Orthographe,
de peindre avec fidélité , & la prononciation des
roots & leurs caraétères analogiques quand cela
peut Ce concilier avec la prononciation. D’ailleurs
l ’Ortographe des langues vivantes efi, comme l’Ufege
qui crée les mots & les phrafès, dans un état perpétuel
d’ieftabilité ; la rapidité de la parole donne
moins de temps à la réflexion , & le torrent de
rU fio e entraîne les plus habiles comme les autres ;
mais l’écriture , plus lente & plus paifible , laide
réfléchir & permet à la rai ion d'ufer de fes droits :
feroit-ce donc, en ce point, à la multitude ignorante
& non réfléchie , qu’on accorderait la prépondérance
fiir les dédiions éclairées Sc analogiques des
gens de Lettres ! Non, c’eft à eux à diriger la mul-
ritude, mais à la diriger par l’Analogie.
Par exemple , faut-il écrire , je pus , lupus , il
p ut, du verbe puer ? C’eft un ufege généralement
adopté , contre lequel j’oferai toutefois rédamer.
C ’efi une Anomalie inutile, ifolée , & qui ne peut
.opérer que l ’équivoque : inutile , puifqu’il efi égal
d’écrire j e pue , tu pues , i l pue ; îfolee , puifque
ce verbe efi le iëul des verbes en er, de la dallé
la plus nombreufe de nos verbes, qui ne le conforme
pas à l’Orthographe analogique de cette conjugailôn ;
qui ne peut enfin- opérer que l’équivoque , puifqu’en
effetj e p u s , tu pus , i l put appartient aufli à pouvoir.
Je crois donc qu’il faut en revenir à écrire
analogiquement, je pue , tu pues , i l pue, venant
de puer, comme je fu e , tujues , ïlfu e , venant de
fue r ; & ce fera toujours ma pratique. ( M.
z t E . ) ,
terrôf Ie§ florîi's des auteurs dont les ouvrâgei font
anonymes. .
» Parmi les auteurs, dit M. Baillet, les uns fop-*
priment leurs noms , pour éviter la peine ou la con-
fufion d’avoir mal écrit, ou d’avoir mal choifi un
fojet ; les autres, pour éviter la récompenfe ou la
louange qui pourroit leur revenir de leur travail :
ceux-ci, par la crainte de s’expofor au Public & de
faire trop parler d’eux ; ceux-là, par un mouvement
de pure humilité, pour tâcher de fo rendre utiles:
au Public (ans en être connus : d’autres enfin, par
une indifférence & un mépris de cette vaine réputation
qu’on acquiert en écrivant, parce qu’ils con-
fidèrent comme une bafïefïè & comme une efpèce de
déshonneur ( il fàlloit plus tôt dire comme un fôt orgueil
) de palier pour auteurs ; de même qu’en ont
ufé quelquefois des princes ^ en publiant leurs propres
ouvrages fous le nom de leurs domeftiques, »
Jugem. des Savants , tom. I.
11 réfùlte ordinairement deux préjugés de la précaution
que les auteurs prennent de ne pas fo nommer
r une eftime exceffive, ou un mépris mal fondé
pour des ouvrages fans nom d’auteur ; parce qu’un
nom pour certaines gens efi; un préjugé qui leur fait
adopter tout fans examen ; & que, pour d’autres ,
un livre anonyme efi toujours un ouvrage intéref-
font, quoique réellement il foît foible ou dangereux.
Ce n’eft que dans ce dernier cas qu’on peut condamner
les auteurs anonymes : tout écrivain q u i,
par timidité, modeftie , ou mépris de la gloire ,
ne s’affiche point à la tête de fon ouvrage , ne peut
être que louable. Ce n’étoit pas la vertu favorite de
ces philofophes dont Cicéron a dit : Ipfi M i philofo-
p h i , etiam in Mis libellis quos de contemnendâ
gloriâ fcribunt, nomen fuum infcribunt. Pro. Arch.
poët. x j . 17. ( U abbé Ma l l e t . )
(N.) ANTANACLASE , f. f. Figure de Didion
par confonnance phyfïque , qui réunit dans la même
phrafo des mots de differentes lignifications, mais
matériellement compofcs des mêmes fons ; comme
convenir ( être convenable) & convenir ( avouer ) s
voler ( s’élever en l ’air avec des ailes ) & voler
( dérober ). EJl A’vTctvaxAxr/s-, ditQuïntilien ( Inflit.
orat. IX. iij.) ejufdem verbi contraria jignificatio ;
& il ajoute cet exemple :
' Quum Proculeïus Proculéius reprochant
quereretur de filio quod à fon fils qu’il attendoit là
is mortem fudm exfpe- mort, & celui-ci ayant ré-
d a re t, & Me dixijfetfe pliqué qu’il ne Yat tendait
ve-ro non exfpedare ; pas ; Eh bien, dit le père,
Imo. , inquit, rogo ex- je te prie de Y attendre,
fpedes.
On voit dans cet exemple qu’en françois Attendre,
comme en latin Exfpectare , a d’abord un fons qui
marque l’empreflement du défir, & enfuite le fons
plus lira pie de fo conformer au temps fons précipiter
l'évènement.
A N O N YM E , adj. Terme de Littérature, formé
du grec dMyffÀ? , qui lui-même efi dérivé d’« privatif,
d’û'yàpct ou o'jufAu, nom. Ainfi, Anonyme lignifie
qui n’a point {de nom, ou dont le nom n’efi
pas connu. Voye\ N om. -
On donne cette épithète à tous les ouvrages qui
paroiffont fons nom ’d’auteur, ou dont les auteurs
font inconnus.
Decker, confoillef de la'chambre impériale de
Spire , & Placeras de Hambourg, ont donné des
catalogues d’ouvrages anonymes. Bure, Goth, Stru-
vius, ont traité des forants qui fo font occupés à dé-.
Cet
Cet éxemple , où le même mot efi employé dafis
le fons propre & dans un fons figuré , prouve que
l ’Antanaclafe peut fo montrer avec grâce , & donner
même aux difcours de la force & de l’énergie. C ’eft
en confequenc.e une belle expreffion que le proverbe
latin , Simia femperJimia ( le linge efi toujours linge
) où le mot Simia ( linge ) indique d’abord l ’ef-
pèce , enfuite le caractère. : 8c nous dirions de même
très-bien en françofc , en parlant d’un prince cruel,
qu’il efi plus Néron que Néron mêmeI comme on
a dh'en latin , Nerone Neronior ipfo , ou le mot
Nérow marque d’abord le caraâère , puis l’individu
qui a déshonoré ce nom par fos atrocités.
Mais il efi bien des cas où Y Antanaclafe n’efi
qu’un jeu de mots , prelque toujours puéril & ridicule
; & une affectation, que le génie de notre.langue
ne permet guères qu’aux poètes , ou par plaisanterie
ou en faveur de la rime.
Écoute , mon cher Comte,
Si tu fais tant le fier, ce:n’eft pas ld mon compte.
( Des Touches. )
Le cardinal de Richelieu fit un jour préfont de
éoo. livres à Guillaume Colletet, pourlîx mauvais
vers qu’il lui a voit lus ; 8c Colletet lui en marqua fo
reGQtmoiffance par ces deux vers , également ingénieux
8c naturels :
Armand , qui pour fix vers m’as donné fix-cents livres ,
Que ne puis-je à ce prix te vendre tous mes livres !
■ Voltaire a dit r
Égiftev éerivoit-il, mérite un meilleur fort',
11 eft digne de vous, & des dieux donc il fort,
Crébillon a dit pareillement:
Wais au reffentiment fi mon coeur s’eft mépris ,
C’eft qu’il ç’eft cru toujours au deftîu du mépris.
S. Auguftin , dont le fiècle aimoit le jeux de
mots, a dit dans un panégyrique : Hodie P erpétua
& F é l ic it a s perpétua felicitate gaudent; (Aujourdhui
P erp étue & F é l ic it é j ouï fient d’une perpétuelle
félicité ) : il parle des fointes martyres dont
l ’Églifo fait tous les jours mention -dans le canon
de ia méfié. Un orateur moderne éviteroit avec foin
ce petit concetti, 8c diroit fimplement : » Aujour-
dhui P er p é tu e 8c F é l ic it é jouïfiènt d’un bon-
» heur éternel «.
Le mot Antanaclafe eft formé de deux mots
grecs , âvTt ( contra ) & àvux.Xu<rtç ( repercujfo ) ;
parce que les mêmes fons frappent deux fois l ’oreille
, quoiqu’aVec des fons différents ou contraires*
A ’va,KXa<riç eft compo/é de «v« ( rurfum, re ) & du
verbe «A«« ( frango, percutio. ) M. B eauzêe. )
A N T A N A G O G E , C f. ( Rhétorique.) C ’efi un
tour qui confifte ou à rétorquer une raifon contre celui
qui s’en fort, ou à fo débarrafler d’une accufotion, en
la faifont retomber fur celui même qui l’a formée, ou
ÇtLÀim, s t L ït t é r a t . Tome I.
eft lui imptitafit quelque autre crime; c’efi ce qu’on
appelle autrement Récrimination. Vovex R écrimi-*
nation.
"Cemot efi formé du grec Ùt) , contre, 8c ivayty*,
rejaillijfement c’efi à dire, preuve ou accufation
qu’on fait rejaillir contre celui qui la propofe ou
qui l’intente. ( L'abbé M a l l e t . )
(N.) ANTAPODOSE, fi f. A’vTcmôhris efi com-
pofo de «vrl, qui dans la compofïtion marque fou vent
égalitéi d'ÙTro ( rursurn ) y & de Mrts {donatio j :
de la. c/,7roê'o<riç ( redditio ) , puis ùvTcnrlê'oFiç ( cequa
redditio). La traduâion littérale efi en françois.
Correfpondance exacte•
Quintilien emploie ce terme didadique ( Infiit.
orac° VIII. iij. ) ; l ’abbé Gédoin ne l’a point rendu
dans^ fo traduction : c’eft pour y fûppléer , & pour
faciliter l ’intelligence du fage rhéteur, que je tiens
compte ici de ce mot, qui d’ailleurs n’eft pas-iort
ufité datis notre langue au fons dont il .s’agit ici.
La Similitude ( Voy'e\ ce mot ) peut fo faire de
deux manières. Quelquefois ce qui efi mis en com-
paraifon avec l’objet principal, eft libre 8c détaché :
quelquefois auffi cette image eft liée avec la chofo
qu’elle repréfonte , au moyen d’une comparaifon réciproque
qui les met dans une exaâe correfpondance
; 8c c’eft , félon Quintilien, ce que fait YAnta~
podofe.
Il donne pour exemple de la première efpèce les
derniers vers du I. livre des Géorgiques , où Virgile
, après avoir peint en feptx vers les malheurs des
guerre? civiles & étrangères, finit par cette Similitude
ifolée :
Ut quum carceriBÙs fefe cffudêre quadriges,
Addunt fe in fpatia , &0, frufira retinacula tendons ,
Fertur equis auriga , neque audit eurrus habenas.
Ce que M. l ’abbé Delille rend de cette ma-<
nière : : f
Ainfi , lorfqu’une fois franchiflant la barrière.
D’impétueux courfiers volent dans la carrière ;
Leur guide les rappelle & fe roidit en vain,
Leur rebelle fureur ne connoît plus le frein.
Mats, dit Quintilien ,
dofe. II cite un autre e
Antapbdofe , & il le (
Mur. xvij. y6. ) Nous I
Nam itt tempefiates
fcepe certo aliquo cocli
figno commoventur \ fcepe
improvifo , t nulla ex
certa ratione, obfcurd
aliqua ex caufd ex-
citantur: f i c , in hdc co-
mi do rum tempefiate po-
pulari , fcepe intelligas
quo figng commot(t Jit;
il n’y a point là d’Antap9*
xemple de Similitude avec
1 rend dans Cicéron. ( Pro
e citerons avec lui :
Car comme les tempêtes
font fouvent les fuites
de quelque fîgne certain
dans le ciel ; 8c que fou-
vent auffi , fons qu’on
puifie en rendre raifon ,
elles font tout à coup excitées
par une caufo inconnue
: ainfi , dans cette
tourmente populaire das