
croches & des 'intervalles difficiles, chaque Po-reille
très-dé làgréablernentP Les italiens, dont la langue
eft bien plus douce que la notre ,, prodiguent à la
vérité les vitelïes dans les roulades ; mais quand la
voix a quelques lÿllabes à articuler , ils ont grand
foin de la faire marcher plus polement., & de manière,
à rendre, les. mots ailes à prononcer & a entendre.
( J . J R ousseau.)
. « M. de Marmontel a joint des détails aux obier-
» vations de M. Roulïèau de Genève, que nous
» venqns.de lire ».
De tous les peuples de l’Europe, le françois efl
celui dont le naturel eft le plus porté à ce genre
léger de poéfîe. La galanterie , le goût de la table,
la g a ie t é la vivacité brillante de Ion humeur & de
fôn caradère, ont produit des Chanfons ingénieurs
dans tous les genres.
A propos d* l’Ode & du Dithyrambe, j’aî parlé .
de aos Chanfons à boire , & yen ai ci J des exemples
; en voici encore un de l’enthoulîalme bachique.
L e poète s’adreffe au vin :
Non, il n’eft rien dans l’univers
Qui ne ce rende hommage ;
Jufqu’à la glace des hivers
Tout fert à ton ufage-
La terre fait de te nourrir-
Sa principale gloire ;=
Le foleil luit pour te mûrir ?
Nous naifions pour te boire.
Mais , comme parmi nous le vin n’eft pas ennemi
de l’amour, il eft rare que la Chanfon bachique ne
fôit pas en même temps galante ; & , à l’exemple
d’Anacréon, nos buveurs le couronnent de myrthes
Sc de pampres entrelacés» L ’un dit dans là Chanfon :
En vain je bois pour calmer mes alarmes »
Et pour chafler l’Amour qui m’a furpris r
Ce font des: armes
Pour mon Iris.
Le vin me fait oublier fes mépris-,
Et m’entretient feulement de fes charmer.
Un autre t
J’ai pafle la- fai£pn de plaire t.
Il faut renoncer aux- amours :
Tendres plaifirs,,qui faites les beaux jours,
Vous feuls rendez heureux , mais vous ne durez guère.
Bacchus , de mes regrets ne fois point en courroux ;
Regarde L’Amour qui s’envole:
Quel triomphe pour toi, fi ton jus me confole
De la perte d’un bien fi doux !
Un autre plus paflîonné :
Venge-moi d’une ingrate maitrefie x
Dieu du vin, j’implore ton ivrefle 5
Un amant fe fauve entre tes bras.
Hâte-roi, j’aime encore, le temps preflè :
C’en- eft f a i t f i j,e vois fes appas.. *
Que d-rattraitsî ô Dieux ! qu’elle étoit»belle î
Vole, Amour , vole après elle ,
Et ramène avec toi l’infidèle.
C ’eft , en général , la philolôphie d’Anacréo»
renouvelée & mile en chant.
L ’amour du vin & de la table eft commun à tous
les états. C’eft donc quelquefois les moeurs & le
langage du peuple de la villé ou de la campagne-,
qu’on a imités dans les Chanfons à boire , comme
dans celle-ci :
Parbleu., Coufin , je fuis en grand fouci l
Catin me dit que j’aime tant à boire „
Qu’elle a bien de la peine à croire-]]
Que je puiffe l’aimer aûffi
Qu’il’ faut cboifir du vin ou d’ellê.
Comment fortir d’un fi grand embarras ?
Déjà le vin je ne le quitte pas 5
Et la quitter ! elle eft , ma fo i, trop belle;
Dufréni en a fait une , où un buveur s’enivre err
pleurant la mort de (a femme. Le Ion des bouteilles
& des verres lui rappelle celui des cloches. Hélas t
dît—il à les amis:
Il me fouvient toujours qu’hier ma femme eft'morte..
Le temps n’affoiblit point une douleur fi forte.
Elle redouble à ce lugubre fon ;
Bin bon.
Voudriez-vous de. ce jambon; ?
11 eft bîn bon, &c. ,.
Dans une Chanfon du même genre , un buveur
ivre , en rentrant chez lui ,. croit voir là femme:
double , & il s’écrie : & :ciel ! -
Je n’avois qu’une femme , & j’étois malheureux :
Par quel forfait époûventable
Ai-je donc mérité que vous m’en donniez deux? .
La Chanfon n’a point de caractère fixe , mais
elle prend tour à tour celui de l ’Epigramme , du
Madrigal,. de l’É légie, de la Paftoralé , de l’Ode-,
même. -
- Il y a des Chanfons pérfbnneilement làtyriques r
dont je ne parlerai point y il y en a qui cenlùrent
les moeurs fans attaquer les perlonnes u c’éft ce qu’on-
appelle Vaudevilles.
On en voit des exemples fans nombre dans le
Recueil des oeuvres de Panard. Un extrême facilité:
dans le ftyle, la gêne des rimes redoublées & des
petits vers , déguilee lôus l’air d’une rencontre heu-
reulè , une morale populaire , alïailormée d’un tel
agréable ,lôuvent la naïveté de la Fontaine, carac-
terifent ce poète : j’en vais rappeler quelques traits t
Dans ma jcuneffe,
Les • papas-, les -mamans
Sévères, vigilants,
En dépit des amants-,
De leurs tendrons charmants-
€onfer voient la. fagefîè..
Aujourdhui ce n’eft plus cela f
L’amant eft habile
La fille docile,
La mère facile, •
Le père imbécile ;
Et l’honneur va.
Cahin caba.
Les regrets avec la. vieilleflè,
Les erreurs avec la jeunefle ,
La folie avec les amours,
C’eft ce que l'on voit tous les jours :
L’enjoûment avec les affaires,
Les grâces avec le favoir ,
Le plaifiravec le devoir,
C’eft ce qu’on ne voit guères.
§ans dépenfer,
C’eft en vain qu’on efpèro
De s’avancer
Au pays de Cythère.
Mari jaloux ,
Femme en courroux,
Ferment fur nous
Grille & yerroux ;
I e chien nous pourfuit comme loups ;
Le temps n’y peut rien faire.
Mais fi-Plutus entre dans le myttère.
Grille & reffort
•S’ouvrent d’abotd ;
Le. mari fore ;
Le chien s’endort ;
Femme & foubrette font d’accord :
Un jour finit l’affaire.
On eft quelquefois étonné de l’ailànce avec la*
quelle ce poète place des vers monolÿllabiques : il
lemble s’être fait à plaifîr des difficultés, pour les
.vaincre :
Mettez-vous bien cela
Là ,
Jeunes Fillettes.
Songez que tout amant
Ment,
Dans fes fleurettes.
Es l’on voit des commit ,
Mis
Comme des princes,
Qui jadis font venus
N u.ds
De leurs provinces.
Nous avons des Chanfons naïves , ou dans le
genre paftoral, ou dans le goût dit bon vieux temps ;
en voici une où l’on fait parler alternativement deux
vieilles gens, témoins des amours 6c des plaifirs de
la Jeunefîe vde leur village V "
{ I ï V i e u x .)
J’ai blanchi dans ces hameaux ;
Encre les amours & les belles ;
J’ai vu -naître ces ormeaux ,
Témoins de vos, ardeurs fidèles.
Du plaifir qûe, j’ai g o û t é •
J’aime à. vous voir faire ufage :
Tout plaît de la volupté,
Jufques à fon image.
{ L a V i e i i i e . )
J’ai brillé dans ces hameaux ;
On me préféroic aux plus belles ;
Les bergers ,-fous-ces ornieaux.
Me juroient des'ardeurs fidèles.
Du plaifir qu’ôn a goûté ,
Ah ! l’on perd trop tôt l’ufage î
Fauc-il de la volupté
N’avoir plus que l’image î
M a r o t e f t l e p r em ie r m o d è l e d e c e g e n r e ; & p lu *
f ie u r s d e l è s É p i g r a m m e s f e r o i e n t d e jo l i e s Chanfons,
c om m e c e l l e - c i , p a r e x em p l e :
Plus ne fuis ce que j’ai été ,
Et ne le faurois jamais être.
Mon beau printemps & mon été
Ont fait le faut par la fenêtre.
Amour, tu as été mon maître;
Je t’ai fervi fur tous les dieux.
O fi je pouvois deux fois naître ,
Combien je te fervirois mieux !
N o u s a v o n s a u f l i d e s Chanfons p l a in t iv e s , f ï i r d e s
f i ije t s a t t e n d r i l fa n t s : c e l l e s - c i s’ a p p e l l e n t Romances >•
c ’ e ft c om m u n ém e n t l e r é c i t d e q u e lq u e a v e n t u r e
am o u r e u lè : l e u r c a r a d è r e e l l l a n a ï v e t é : t o u t y
d o i t ê t r e e n lè n t im e n t .
L a m êm e Chanfon e ft l e p lu s lô u v e n t c o m p o lè e
d e p lu f îe u r s c o u p le t s q u e l ’ o n c h a n t e f u r u n l è u l a i r ;
Ôc, c om m e i l e ft t r è s - d i f f i c i l e d e d o 'n h e r e x a d e m e n t
l e m êm e r h y th m e à to u s l e s c o u p le t s , o n e f t c o n t
r a in t , p o u r l e s c h a n t e r , d ’ e n a l t é r e r l a P r o l ô d i e .
L e s i t a l i e n s , d o n t l ’o r e i l l e e f t p lu s d é l i c a t e & p lu s
l è n f ib le q u e l a n ô t r e à l a p r é c i f îo n d e s m o u v e m e n t s ,
o n t p r is l e p a r t i d e v a r i e r l e s a i r s d e le u r s Chanfons,
& d e d o n n e r à c h a c u n d e s c o u p le t s u n e m o d u la t io n
q u i lu i e ft a n a lo g u e . J e n e p r o p o lè p a s d e lu i v r e l e u r
e x em p l e à l ’ é g a r d d u V a u d e v i l l e ,
Aimable libertin, qui, conduit par le chant,
Paflé de bouche en bouche , & s’accroît en marchant*
M a is c e l l e s d e n o s Chanfons q u i , m o in s n é g l i g
é e s - , o n t p lu s d e g r â c e & d ’ é l é g a n c e , m é r i t e roient
qu’on fe d o n n â t l e lo in d ’ e n v a r i e r l e c h a n t , îo i t
p o u r y o b l è r v e r l a Prolôdie, lo i t p o u r y a jo u t e r u n
a g r ém e n t d e p lu s . ( M. M a r m o n t e l , )
CPI AN T , C. n i . ( Poéfie lyrique). D a n s u n
1 ë f l à i fu r J .'è x p re ffio n e n M u f i q u e o u v r a g e r em p l i
B b b t