
i o 9 D E V ,
L ’aigle- portant la foudre à (on bec, avec ces mots,
Fulmen ab ore, fymbole de la haute Eloquence,
fera la Devife de Démofthène. Le fymbole-de l’ambition
, la foudre au milieu des ruines avec ces mots,
Fecijfe ruina gaudet iter, devient une Devife ni
pied de la ftatue de Céfar. Celui du génie, une
flamme avec, ces mots, Summci petit, fera la De -
.yife de Corneille, mis à la tête de Tes ouvrages.
L e fymbole de la vertu militaire, l’image du coq ,
avec ces mots , E t vigil & pugnax , vigilance &
courage, fora la Devife deTurenne.
Ainfï, l’on voit que ce n’eft pas une propriété individuelle
, mais une convenance peu commune ,
qui eft néceffaire à la Devife'; cm lorfque c’eft \une
l o u a n g e , pour peu qu’elle convienne a fonobjet, on
peut fè repofor fur l’amour-propre du foin d’én foifîr
l ’allufîon ; & fi la Devife eft faty rique, on peut compter
de même fur la fàgacité de la malignité publique.
Parmi les Devifes fotyriques , la plus ingénieufo,
mon avis , eft celle d’un homme que-, la faveur a
élevé , l’image d’un verre avec ces mots , E x halitu
forma. Mais qui voudra s’y reconnoitre l Dans l’un
& l’autre genre ^ la meilleure Devife fèroit celle
dont tout le monde feroit la même application.
Quoique la Devife foit communément perfbn-
irelle, ou comme perfonnelle , c’eft à dire, appliquée
à une collection de perfonnes animées du même
efprit & confîdérées comme n’ en faifant qu’une ; il
y a aufïi des Devifes de choies, comme celle de la
mine de poudre , E x obice vires j comme celle du
canon, maxime remarquable du cardinal de Richelieu
, Ultima ratio regum ; ou comme celle qu’on
lifoit for les canons de Chanîilli, C ’ejt fa it de la
valeur. Des Devifes de chofès, la plus heureufo
peut-être, eft celle de l’Imprimerie, ou l’invention
de cet art, fi fécond en querelles d’opinion , eft exprimée
par l’image de Cadmus fomant les dents du
dragon, avec ces mots, Semence de difeorde• g
Dans les divers exemples que je viens de citer,
on voit que les Devifes les plus curieufès font celles
qui parlent en même temps aux yeux & à l’efprit,
c’eft à dire, qui réunifient une figure & des paroles;
qui en indiquent la relation. Mais n’en déplaife à
Bouhours , cette réunion n’eft pas indifoenfoble ; &
réciproquement la figure & la legende de la Devife
peuvent fe paffer l’une de l’autre. L a Devife de
Tancrède, dans la Tragédie de ce nom, n’a pas
befoin de fymbole :
Confervez ma Devife : elle eft chère à mon coeur :
Les mots en font facrés : c’eft l'Amour & l'Honneur.
L a Devife de la Cornette-blanche, Donec Victoria
tingat, ne demande pas d’autre corps que. le drapeau
ou elle eft écrite. Dans les armoiries ou fur
la tombe d’un magiftrat, la figure de l’équerre ou
celle de l’aplomb , fymbole de la re&itude , n’au-
roit pas befoin de légende. Le cachet de Pompée
n’en avoit point; l’image du lion tenant une épée
.çtoit parlante.
Les Devifes ne. font plus guère en ufoge que
D E X
fur les médailles & les jetons. Les médailles font
bonnes à conftater les faits & les époques. Les jetons
ne font bons à rien, qu’à forvir de lignes numériques
à certains jeux, & à marquer , durant la
partie, les alternatives de la perte & du gain. Parmi
les vieux jetons qui roulent pêle-mêle fur les tàbles
de jeu, il y en avoit un qui repréfèntoit unvaiffèau
les voiles déployées, avec ces mots, 'Nefcit Moras*
Or il advint qu’un M. de Moras fut miniftre de la
Marine , à laquelle il n’entendoit rien : alors le
vieux jeton', Nefcit Moras , fut remarqué ; & tout
le monde, jufqu’aux femmes, croyoit entendre ce
latin. ( M . M armontsl.)
(N.) DEVOIR , OBLIGATION. Synonymes.
Le Devoir dit quelque chofo de plus, fort pour
ïafr confçience : il tient de la loi ; la venu nous engage
à. nous en acquitter. L 'Obligation dit quelque
chofè de plus abfolu pour la pratique : elle tient
de l’ufoge ; le monde ou la bienféance exige que
nous la rempliffions.
Il eft du Devoir des confèiilers de fe rendre au
Palais pour y remplir les fondions de leurs charges- ;
& ils font dans l’Obligation d’y être en robe.
On manque à un Devoir. On fo difpenfè d’une
Obligation,
Il eft du Devoir d’un ecçléfiaftiqüe d’être vêtu
modeftement ; & il eft dans Y Obligation de porter
l’habit noir & le rabat.
Les politiques fè font moins de peine de négliger
leur Devoir i que d’oublier la moindre de leurs
Obligations,- ( L ’abbé G i r a r d . ) ,
(N.) DEX TÉR ITÉ , ADRESSE, HABILETÉ.
i Synonymes.
La Dextérité a plus de rapport à la manière
d’exécuter le^chofos ; YAdrejfe en a davantage aux
moyens de l’exécution; YHabilèié tfègàrde plus le
difoernement des chofès mêmes. La première met
en ufàge ce que la féconde diète foivant le plan
de la troifième. .
Pour former un gouvernement avantageux à l’État,
.il faut de Y Habileté dans le prince ou dans fes
miniftres ; de YAdreffe dans ceux à qui l’on confie
la manoeuvre du détail ; & delà Dextérité dans
ceux à qui on commet l’exécution des ordres.
Avec un peu de talent & beaucoup d’habitude
à traiter les affaires , on acquiert de la Dextérité
à les manier; de YAdreJfe pour leur donner, le
tour qu’on veut;& d e.YHabileté pour lès conduire.
La Dextérité donne un air aifé„ &, répand des
grâces dans l’adion. L ’Adrejfe fait opérer avec arc
& d’un air fin. . D ’Habileté fait travailler d’un air
entendu & lavant.
Savoir couper à table & fervir fès convives avec
Dextérité, mener une intrigye avec A drejfe,,
avoir quelque Habileté dans les jeux de commerce
& dans la Mufique ; voilà, avec un peu de jargon,
for quoi roule aujourdhui le mérité de nos, aimables
gens. ( L ’abbé G i r a r d * ) ■
D I A
D I , D IS , Gramm. Particule ou prépofition
inféparable , c’eft à dire, qui ne fait point un mot
toute foule, mais qui eft en ufàge dans la com-
pofition de certains mots. Je crois que cette par- I
ticule vient de la prépojïtion ƒ<«, qui fe prend en
plufieurs lignifications différentes, qu’on ne peut faire
bien entendre que par des exemples. Notre di ou
dis fîgnifie plus fouvent, divifion, féparation, dif-
tinclion§ dijlr action ; par exempter, paroître, d f -
paroître, grâce, difgrâce, parité, difparite.^Quel- i
qûefois elle augmente la lignification du primitif;
dilater , diminuer, divulguer, diffimuler, dffoudre.
( M , du M ars a i s.)
(N.) D IA B LE , DÉMON. Synonymes.
Diable fè prend toujours en mauvaife part ; c’ eft
un efprit mal - faifànt , qui porte au v ice , tente
avec adreffè, 8c corrompt la vertu. Démon fo dit
quelquefois en bonne part ; c’eft un fort génie,
qui entraîne hors des bornes de la modération ,
pouffé avec violence, & altère la liberté. Le premier
enferme, dans fon idée quelque chofè de laid
.& d’horrible , que n’a pas le fécond. Voilà pourquoi
l ’imagination , jouant de fon mieux for le
pouvoir & la figure du Diable, caufo.des peurs
aux efprits fbibles, fait qu’ils s’abftiennent d’en
prononcer le nom, & que , par fauflè délicateffè ,
ils fobftituent à fà place celui de Démon.
La malice eft l’appanage du Diable ; la fureur
eft celui du Démon. Ainfï, l ’on dit proverbialement
, que le Diable fo mêle des chofès quand elles
vont de travers par l ’effet de quelque malignité
cachée ; & l’on dit que le Démon de. la jaloufie
pofsèdè un mari, lorfqu’il ne garde plus de mefure
dans fo paflion.
Les hommes, pour faire parade d’un fond de vertu
qu’ils n’ont pas & rejeter for un autre leur propre
méchanceté , attribuent au Diable une attention
continuelle à les induire au crime. Les poètes,
dans leur enthoufiafme, font agités d’un Démon,
qui les fait fouvent fortir des règles du bon fons,
& leur fait prendre le pfioebus pour le foblime
du ftyle poétique. (L ’abbé G ir a r d .)
DIALECTE , f douteux, Gramm. L ’Académie
françoifè^ fait ce mot mafouliri , & c’eft l’ufoge le
plus foivi ; cependant Danet, Richelet, & l’auteur
du Novitius, le font du genre féminin. Les Latins,
dit ce dernier en parlant de la Dialecte éolique ,
ont fuiyi particulièrement cette Dialecte. Le prote
de Poitiers , dans fon Diétionnairé d’ortographe, fait
auffi ce mot féminin, édition de 1739 ; niais il
ajoûte, & ceci n’a pas été corrigé dans la dernière
édition revue par M. Reftaut; il ajoûte, dis-
je , que M M. de Port-royal foutiennent que ce
mot eft féminin : cependant je ne le trouve que maf-
culin dans la Méthode grèque de Port-royal , édit.
de i69$? pref. pag. 1 7 , z8 ? &c. S’il m’eft permis
de dire mon fentiment particulier , il me paroît
que ce mot étant purement grec, & n’étant en ufoge
G r a m m . e t L a t t è r a t . Tome I . Partie I L
D T A <5or
que païftû les gens de Lettres, 8c feulement quand
il s’agit de g re c , on n’auroit dû lui donner que le
genre qu’il a en grec , & c’eft ce que les Latins
ont fait : tum ipfa é'iâxiéloç habet eam jucundita-
tem , ut latentes etiam numéros complexa videatur.
Quintil. injî. orat. lib. IX . c. jv .
Quoi qu’il en foit du genre de ce mot, pallons
à fon étymologie , & à ce qù’il fîgnifie. Ce mot
eft corhpofé de xéya, dico, & de $1« , prépofition
qui entre dans la compofition de plufieurs mots ,
& c’eft de là que vient notre prépofition inféparable
di & dis : différer , difpofer,
AluXtKToç , a , ? , manière particulière de prononcer,
de parler; é'iaxéyoucu, dffero , colloquor.
La Dialecte n’eft pas la même chofè que l’idiotifme z
l’idiotifine eft un tour de phrafo particulier, &
tombe fur la phrafo entière ; au lieu que la Dialecte
ne s’entend que d’un mot qui n’eft pas tout à fait le
même, ou qui fo prononce autrement que dans la langue
commune. Par exemple, le mot fille fo prononce
dans notre langue commune en mouillant 1 7 , mais le
peuple de Paris prononce , fons 7 ; c’eft ce qu’en
grec on appelleroit une Dialecte. Si le mot de Diar
lecte étoit en ufàge parmi nous , nous pourrions dire
que nous avons la Dialecte picarde, la champenoifè;
mais legafoon , le bafque, le languedocien , le pro- ,
vencal, ne font pas des Dialectes : ce font autant de
langages particuliers dont le françois n’eft pas la
langue commune , commell l’eft en Normandie , en
Picardie , & en Champagne.
Ainfi, en grec les Dialectes font les différences
particulières qu’il y a entre les mots, relativement
à la langue commune ou principale. Par exemple,
félon la langue commune on dit iya , les attiques
difoient éyayi ; mais ce détail regarde les Gram-s
maires grèques.
La Méthode grèque de Port-royal, après chaque
partie du difoours, nom, pronom, verbe, &c. ajoûte
les éclairciflèments les plus utiles for les Dialectes.
On trouve, à la fin de la Grammaire de Clénard ,
une douzaine de vers techniques très-inftruâifs touchant
les Dialectes. On peut voir auffi le traité
de Joannes Grammaticus, de Dialectis.
L ’ufoge de ces Dialectes étoit autorifé dans la
langue commune, & étoit d’un grand forvice pour
le nombre, félon Quintilien. Il n’y a rien de fom-
blable parmi nous, & nous aurions été fort choqués
de trouver dans la Henriade des mots françois
habillés à la normande, ou à la picarde, ou à la
champenoifè ; au lieu qu’Homère s’eft attiré tous
les foffrages en parlant dans un foui vers les quatre
Dialectes différentes, & de plus la langue commune.
Les quatre Dialectes font l’attique , qui étoit
en ufoge à Athènes ; l ’ionique, qui étoit ufîtée dans
l’Ionie , ancien nom propre d’une contrée de l’Afîe
mineure , dont les villes principales étoient Milet,
Éphèfo , Smyrne , &c. La troifième Dialecte étoit
la dorique , en ufoge parmi un peuple de Grèce
qu’on appeloit les doriens , & qui fut dilperfé
en différentes contrées. Enfin la quatrième Dialecto
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