
2 l 6 A P O
qu’on implore’, t e l quelquefois fes_juges memes
qu’on met en caùfè & qu’on prend a témoin. Ainfî,
dans la harangue que je viens de citer y foit que
Démofthène provoque (on adversaire & lui demande:
» Pour quoi voulez-vous , Efohine , qu on vous réas
pute ? pour l’ennemi de la république ou pour
„ te mien? « Soit qu’il interroge Ces juges & qu il
leur demande à eux-mêmes : » Qui empêcha que
» l’Hellefpont ne tombât (bus une domination etran-
» gère? Vous, Meffieurs. Or , quand je dis vous ,
» je dis la république. Mais qui confacroit au falut
>» de la république (es difoours , (es confèils, (es
» aftions ? Qui fe dévouoit totalement pour elle?
» Moi. » L e mouvement oratoire eft v i f , preflant,
irréfiftible. , ,
Quelquefois 1*Apojîrophe eft double ; & les deux
mouvements , Ce fqccédant avec rapidité, donnent
à l’Éloquence le plus haut'degre de chaleur. T e l eft
contre Ariftogiton, cet endroit du meme orateur,
rappelé par Longin : « Il ne Ce trouvera perfonne
» entre vous*, Athéniens , qui ait du reffentiment &
» de l’indignation de voir un impudent, un înfa-
» me , violer infolemment les choies les plus (ain-
» tes ! Un fcélérat, dis-je , qui.. . O le plus me-
» chant de tous les hommes ! Rien n’aura pu arrêter
» ton audace effrénée » \& c .
J’ai cité ailleurs la plus belle des Jpofirophes
de Cicéroft. Quid enirn , Tubero, tuus UU dijtnc
tus in acte pharfalicâ gladius agebat ? Mais cette
figure Ce reproduit à chaque inftant dans (es # harangues.
Je ne fais pas pourquoi^ nous le citons
en détail : il faut Je lire tout entier , & le relire
après l’avoir lu. Tantôt on le verra prendre a la
gorge fon adverfaire, le terraffer, le couvrir d opprobre,
& après l’avoir foulé aux pieds &
dans la fange, l’abandonner avec mépris a 1 mdi-
gnation publique ; c’ eft ainfi qu’il traite Pilon : tantôt
s’adreffer à (es juges, comme dans la defenfe de
Milon , & invoquer leur témoignage ; Sed quid ego
argumentor ? quidplura difputo ? T e , Q. P e tilh ,
appello , optimum & fonijjimum civem; te , A .
Cato tefior, quos mihi divina quoedamJors dédit
iudices : tantôt s’adreffer à foti client & le meitre
en feene ; Te quidem, M ilo , quoi ifto anima es
( fcilica fonijjimo ) fa tis laudare nonpoÿum : Jed.
quo efi ifta mugis divina virtus , eo majore a te
dolore divellor : tantôt enfin, chercher dans 1 auditoire
des amis & des défenfeurs ; V o s , vos appeUo,
fbriifftmi F i n , qui multum pro repubhça Jangia-
nem effudifiis ; vos in viri & in civis inviUt ap-
vello perieulo, Centuriones, vofque, Milites : vobis
non folum mfpeSantibus, fed etiam armons (s
huic judicio præfidentibus | hoec tanta virtus ex
hâc urbe expelletur J exterminabitur ? projictetur ?
Voilà le véritable genre de VApoflrophe oratoire.
Celle qui s’adrelTe aux abfents, aux morts, aux
êtres invifibles ou inanimés, peut-etre pathétique ,
lorïque le fujet la foutient & que la fituatton 1 ml-
nire • mais elle eft beaucoup moins prenante, &
le plus Couvent elle tient de la déclamation,
A P O
Sa place naturelle c’eft la PoéJîe paftionnée
Que diras - tu , mon Père, à ce fpe&ade horrible \
. ( Fhèdre. )
Mânes de mon amant, j’ai donc trahi ma foi ?
( Al\ire. )
Dulces Exuvioe, dumfata Deufque Jinebant ,
Accipite hanc animant, mcque his exolvite curts.
( Didon. )
Elle interrompt le dialogue , (e mêle au récit 8c
l’anime , s’échappe à tous moments d’un coeur que
poffede l’amour, la jaloufîe, la colère, l’indignation
, &c. Elle foulage aufti la douleur plaintive 8c
folitaire ; & c’eft l’expreftion la plus familière &
la plus touchante de cette mélancolie qui fe nourrit
de fouvenirs & de regrets. ( M . M a r m o n t e l . )
APOSTROPHE , ƒ. m. C’eft aufti un terme de
Grammaire ; il vient de ot-7rog-po<poç, (ùbftaritif maf-
culin, d’où les latins ont fait Apofirophus pour lé
même ulâge. R. oçpé<pa>, ave no , je détourne r
j’ôte. .
L ’uiàge ds l’Apojîrophe, en grec, en latin y K
en françois , eft de marquer le retranchement dune
voyelle à la fin d’un mot pour la facilité de la prononciation.
Le figtïe de ce retranchement eft une
petite virgule que l’on met au haut de la conforme,
& à la place de la voyelle qui fèroit après cette
confonne s’il n’y avoit point d'Apojîrophe : ainfî ,
on écrit en latin mai pour me-ne ? tanton pour
tanto-neï-
.................... Tanton’ me crimine dtgntim ?
(Virg. Æneïd. V. 668.) ’
. . . . . Tanton’ plaçait concurrere motu?
( Æneïd. XII. 503, )
V id a i pour vides-ne ? aïn pour aîs-ne ? dixtïfi
pour dixifii-ne ? J e en françois , grand’mejje ,
grand’mère, pas grandichofe , grandi peur.
Ce retranchement eft plus ordinaire , quand le
mot fuivant commence par une Voyelle.
En françois , Ve muet ou féminin eft la feule
voyelle qui s’élide toujours devant une autre voyelle,
au moins dans la prononciation: car dans l’écriture,
on ne marque l’élifion par VApojîrophe que dans
les monofyllabes je , me, te , fe , le , que, de , ne,
& dans jufque & quoique ; quoiqu'il arrive. Ailleurs
on écrit Ve muet quoiqu’on ne le prononce pas:
ainfi, on écrit, une armée en bataille, & on prononce
un arme’ en bataille. ?
l i a ne doit être fupprimé que dans l’Article &
dans le pronom la [ qui au fond eft encore le même
Article] ; Came , VÉglife, je Ventends pour je la
entends. On dit la onzième , ce qui eft peut-être
venu de ce que ce nom de nombre s écrit (bu-vent
en chiffre , le X I roi, la X I lettre. Les enfant«
difènt mi amie , & le peuple dit aufti niamour.
L ’i ne fë perd que dans la conjonction Ji devant
le pronom mafeulin, tant au fingulier qu au pluriel ;
A P P
M vient, s'ils viennent y mais on dit f i elle vient,
j i elles viennent,
Liu ne s’élide point: i l ma paru étonné. J’avoue
que je fuis toujours furpris quand je trouve dans de
nouveaux livres, viendra-t'il, dira-til : ce n’eft
pas là le cas de l’Apojîrophe, il n’y a point là de
lettre élidée ; le t en^ces occafîons n’eft qu’une lettre
euphonique , pour empêcher le bâillement à la
rencontre des deux voyelles ; c’eft le cas du tiret
ou divifîon, : on doit écrire viendra- t - i l, dira-t-il.
Les protes né lifènt—iis donc point les Grammaires
qu’ils impriment ?
Tous nos Didionnaires françois font le mot
Apojîrophe du genre féminin: il devroit pourtant
être mafeulin, quand il fîgnifie ce fîgne qui marque
la 1 fuppreflion d’une voyelle finale; Après tout, on
n’a pas occafîon dans la pratique de donner un genre
a ce mot en françois : mais c’eft une faute à ces
Dictionnaires , quand ils font venir ce mot de
«fxoçpocpti, qui eft le nom de la figure. Les Dictionnaires
latins (ont plus exaCts : Martinius dit, Apofi-
trophe, R. orpoÇti , figura Rketoricæ ; & il
ajoûte immédiatement yXpofirophus, R. Ù7roçpoÇoç,
jignum rejeçÎÆ vocalis. Ifidore ( Origin. I. xv iij ),
eu il parie des figures ou fîgnés dont on fe fèrt en
écrivant, dit: ù-pro^pôipos , pars circuit dextra, &
ad fummam litteram àppojica, f it ira ’ , quâ nota
deejfie ofiènditur in fermone ultimas vocales.
( M . d u M a r s a i s . ) \
(N.) APOTHÉOSE . DÉIFICATION. Syn.
L ’Apothéofe eft la cérémonie par laquelle les
empereurs romains étoient, après leur mort, tranf-
mis au nombre des dieux : c’eft (ur cette idée que
quelqu’un a fait VApothéofe de mile, deocuderi,
St que nous canonifôns nos (âints.
La Déification eft l’aCte d’une imagination (uperf-
titieulè & craintivè , qui fuppofe la divinité ou il
n’y a que la créature , & qui, en conféquence , lui
rend un culte de religion. Les hommes, avant la
rédemption , déifioient tout, jufqu’aux boeufs & aux
oignons. [ L ' a b b é G i r a r d . )
* APPARAT , C. m. Littérature. Ce terme eft
ufité comme titre de plufieurs livres difpofés en
forme de Catalogue, de Bibliothèque, de Dictionnaire,
&c. pour la commodité des études. Voye\
D ic t io n n a ir e .
Ces ouvrages ont le nom d’Apparats , à cau(ê
de leur deftination à une fin particulière.
L Apparat (ùr Cicéron eft une etpèce de Concordance
ou de Recueil alphabétique de phrafès
cicéronhnnes.
L ’Apparat Czcré de Poffevin eft un Recueil
alphabétique des noms de toutes fortes d’auteurs
eccléfîaftiques , avec les titres de leurs ouvrages : il
fut imprimé en 16 11 en trois volumes.
L'Apparat poétique du P. Vanière L eft un
Recueil alphabétique des mots latins marqués de
leur quantité , accompagnés d’exemples tirés des
C r a m m . s t L i t t é r a t . Tome I .
A P P 217
poètes latins: c’eft un fecours préparé à ceux qu
commencent à faire des vers latins. ^
On a donné le nom à'Apparat royal , à uti
Dictionnaire françois-latin deftiné aux écoliers qui
apprennent la langue latine. [M . JSeauzée.)
(N.) AP PÂT, LEURRE, PIÈGE, EMBUCHE.
Syn. K y
On montre les deux premiers, & l’on cache les
deux derniers dans, la meme vue.
L'Appât & le Leurre agiffent, pour nous tromper
: l ’un , fur le coeur, par les attraits ; l’autre, fur
l’eforit, parles fauflès apparences. Le Piège & 1 Embûche
, fans agir fur nous, attendent que nous y
donnions : on eft pris dans l’un, furpris par l’autre
; & ils ne fuppolènt de notre part ni mouvement
de coeur ni erreur de jugement, mais feulement
de l’ignorance ou de l ’inattention. ( U abbé
G i r a r d . )
A P PE L L A T IF , IVE. adj. Grammaire. Du latin
Appellativus, qui vient d'appellare , appeler, nommer.
Le nom appellatij eft oppofe au nom propre.
Il n’y a en ce monde que des etres particuliers y
le jo le i l, la lune, cette pierre , ce diamant, ce
cheval, ce chien. On a obfervé que ces êtres particuliers
fè relîèmbloient entre eux par rapport à
certaines qualités ; on leur a donne un nom commun
à caufo de ces qualités communes entre eux.
Ces êtres qui végètent, c’eft à dire r qui prennent
nourriture & accroifîèmenr par leurs racines , qui
'ont un tronc , qui pouffent des branches & des^feuil-
le s , & qui portent des fruits ; chacun de ces êtres ÿ
dis-je , eft appelé d'un nom commun Arbre : ainfi.
Arbre eft un nom appellatif.
Mais un tel arbre, cet arbre qui eft devant mes
fenêtres , eft un individu d’arbre, c ’eft à dire, un
arbre particulier.
Ainfî, le nom d'Arbre eft un nom appellatifi^zxce
qu’il convient à chaque individu particulier d’arbre ;
je puis dire de chacun qu’il eft arbre.
Par conféquent le nom appellatif eft une forte
de nom adjeétif, puifou’il lèrt à qualifie^ un etre
particulier.
Obtervez qu’il y a deux fortes de noms appel-
latifs : les uns qui conviennent à tous les individus
ou êtres particuliers de différentes efpèces; par
exemple , Arbre convient à tous les noyers, à tous
les orangers y à tous les oliviers, &c. alors on dit
que ces fortes de noms appellatijs font des noms
de genre*.
La féconde forte de noms appellatifs ne convient
qu’aux individus d’une efpèce ; tels font noyer,
olivier, oranger.
Ainfî, Animal eft un nom de genre , parce qu il
convient à tous les individus de différentes efpèces;
car je puis dire , ce chien eft un animal bien ca-
reflant, cet éléphant eft un gros animal , bc. Chien^
éléphant, lion, cheval, &c. font des noms d çfc;
i pècss« E ç