
â’origine grèque, ont premièrement deux racines
communes; àvfi ( conu a ) , & furet (trans)i puis
ils font diftingués l ’un de l’autre par les trois verbes
propres à chacun deux; fietXXa ( /aclo ) , XxfcQxva
( concipio ) , & rièvpa ( pono ). Ainfi, AvriftiretZoXii
lignifie contraria tratisjecîio ; A v r tfttr xX qT r r tç , op-
pofita conceptionis inverfio ; & A v n f u r ad e<ris , op-
pofita tranfpofitio. -
L a plupart des rhéteurs regardent ces trois termes
comme fynonymes , & emploient indifféremment
l’un ou l ’autre pour défigner la même fi-
gu re : quelques modernes en ont encore imaginé
deux autres qui ont l’air plus françois ; MM. les
abbés Batteux & Mallet l’appellent Régreffion; &
le traducteur des Partitions oratoires la nomme
Réverfion.
Quoi qu’il en foit du nom , il eft queftion ici
d’une efpèce de Répétition antiparallèle, dans laquelle
les mots du premier membre reparoiffènt
au fécond en y changeant d’ordre & de fondions.
faijons pas du falut un vain projet, mais
faifons de tous nos projets la voie de notre falut•
( Mafïillon. )
L e Théologien doit avoir les yeux de la fo i ,*
& le Philofophe, la fo i des yeux. ( L ’abbé Co t er .)
M. de la Motte, dans ion Ode en profé fur la
libre Eloquence , parlant de différents caractères.,
dits: L'ifraélite ré aura de Politique que fa Religion,
le romain ré aura de Religion que fa Politique.
Corneille s’exprime ainfi fur le cardinal de
Richelieu :
Qu’on parle mal ou bien du famaux cardinal.
Ma profe ni mes vers n’en diront jamais rien s
Il m’a trop fait de bien , pour en dire du mal J
11 m’a trop fait de mal, pour en dire du bien.
Aufone nous a laifTé un exemple célèbre de cette
figure fÿmmétrique, dans fon êpigramme fur les
deux maris de Didon- :
Infelix Dido , nulle bene nupta maritol
Hoc pereunte fugis ; lioc fugiente péris.
Cette êpigramme a été fort heureufément rendue
en notre langue , fans rien perdre du brillant
de l’original :
Pauvre Didon , où t’a réduite
, De tes maris le trille fort.'
L u n , en mourant, caufa ta fuite ;
* L ’autre , en fuyant, caufa ta mort.
On en eonnoît encore une autre imitation, aufïi
courte & aulïi préeifo que l’original:
Didon, tes deux époux ont caufé tes malheurs ;
Le premier meurt, tu fuis ; le fécond fuit, tu meurs;
Il y a , dans tous ces exemples, figure de ftyle
& figure d’élocution. La figure de ftyle met en
oppofition deux penfées qui ont les mêmes terme* ,
mais avec des fèns différents ou même contraires,
à caufé du renverfèmerçt d’ordre : la. figure d’élocution
tient à la Répétition antiparallèle des mêmes
mots. Nommons la première Antimétalepfe, puisque
ce mot marque plus particulièrement l’inver-?
fion des penfées ou conceptions : nous donnerons ,
à la féconde , le nom d'Antimétabole, qui ' fém-
ble mieux indiquer le renverfement des mots.
L ’Antimétalepfe , abfolument parlant, pourroit
f i i b f i f t e r fans Antimétabole ; il fûffiroit pour cela de
changer les mots , fans toucher au fonds des penfées
combinées: par exemple, les deux figures font réunies
quand on dit ; Nous devons manger pour vivre , &
non p as vivre pour manger ,• mais il ne reliera que
Y Antimetalepje, fi l’on a it, Nous devons manger
pour vivre, mais non pas employer tous les inf*
tants de notre vie à nous gorger d'aliments. Cela
prouve la différence réelle des deux figures, quoique
VAntimétabole ne puiffe pas réciproquement
fubfifter fans l’Antimétalepfe.
Ce font donc deux points de vue différents , dont
la réunion peut être trè&-hien caraétérifée par le
terme plus général d' Antimétathèfe ; ainfi , Y A ntimétalepfe
& VAntimétabole font les deux points
de vue con.ftitutifs de la figure entière.
On a encore préfenté les mêmes idées fous le
nom d’Antifirophe ( Voye\ ce m o t, art. I. ) Les
exemples qu’on y rapporte font tout à fait fèmbla-
bles à ceux qu’on voit ic i, & peuvent y être réunis.
Au reffe , cet arrangement compaffé de penfées
& de mots devient une figure très-agréable , pourvu
qu’elle renferme des idées fines , & qu’elle, joue fùr
des nuances délicates: mais cela même indique des
prétentions à l’efprit , & doit faire conclure que
l’ufàge doit en être bien rare. D’ailleurs, comme
elle fùppofé de l ’art & de la réflexion , elle ne
peiit convenir que dans les cas où la réflexion eft
de mifé & où l’art peut fé montrer : fi le füjet de-
mandoit du mouvement, de la chaleur , de la
paffion; ces tours fymmétriques , loin de contribuer
à la beauté du flyle , y feroîent entièrement déplacés
: mais s’il e ft queftion de raifonner, de réfléchir
; l’Antimétathèfe peut avoir le plus heureux
fùecès. En voici la preuve dans un exemple tiré
de l’Éloge de Henri IF, par M. Gaillard; l’orateur
renverfè fa penfée fous’prétexte d’une correction
, & c’eft peut-être ce prétexte qui relève l’autre
figure: Je vois toujours £ homme en lu i, jamais
le roi ; ou plus tôt je le vois le plus grand des
rois, parce qu'il eft le plus fimple des hommes•
( M . B e a u z é e . )
(N .) ANTIPARALLÉLE, adj. En Géométrie,
ce mot fignifie Amplement, non parallèle. Mais j’en ai
fait ufâge en Grammaire , pour dire, Allant parallèlement
en fèns contraire : & c’eft pour cela que
j’en tiens compte ici.
Deux ruifîeaux, dans une même prairie, allant
l’un & l ’autre du nord au fud & toujours également
diftants l’un de l’autre, font parallèles; mais f i ,
toujours également diftants, ils vont, l’un du nord
au lud & l’autre du fùd au nord , ils font anti-
parallèles : leur pofition eft parallèle, à caufé de
la confiante égalité de leur diftance ; ami marque
l ’oppofîtion de leurs dire étions.
C ’eft à peu près dans ce feus que j’emploie le
mot d’Antiparallèle, pour caraétérifer une efpèce
de Répétition, où les mots font répétés dans un
ordre renverfè dù premier, & préfentent en con-
féquence un fens oppofé. ( Foye\ 1 article précédent
, & R é p é t it io n . ) ( M. B eauzée. >
ANTIPARASTASE, f.f. (Rhétorique. ) C ’eft un
tour qui confifte en ce que l’accufe apporte des
raifons pour prouver qu’il devroit plus tôt ^ être
loué que blâmé, s’il étoit vrai qu’il eût fait ce
qu’on lui oppofe. ( L'abbé M al le t. )
(N.) ANTIPHRASE , fi f. Manière de parler où
Pon dit le contraire de ce qu’on veut faire entendre ,
mais par dénomination ou par qualification firaple-
mcnt. .
On avoit donné aux Furies le nom d Eumemdes,
en grec E'»ftwê'eç (bienveillantes); de | | ( benè,
féliciter) , & de fievos ( animas ) : fur quoi Servius
©bfèrve (Æn. vj. x * o ) ; Eumenides dicuntur per
Antiphrafin , quumfint immites. r . r
La mer "noire, où les naufrages çtoient frequents
, & dont les bords" étoient habités par des
hommes extrêmement fcroces, fut appelée par les
anciens Pontus euxinus (mer hofpitalière ) j Ce
que nous rendons littéralement par Pont euxin ,•
de eô ( benè, féliciter) , & de |e?vos ( hqfpes ) c’eft
encore une Antiphrafe par dénomination , ce
qu’Ovide (-Trijl. I. i f ) appelle un nom menteur;
Quem tenet Euxitù tntndax cognomint littus»
Si nous défîgnons un fripon, en difànt cet honnête
homme ,• un mal-adroit, en difànt cet habile
homme ; ce font des Antiphrafes par^ qualification :
car ce font les qualifications d honnete 8c d habile
qui doivent être entendues dans des fèns contraires.
C’êtoit , à l’origine, la même chofe des
premiers exemples ; mais Eumenide & Euxin font
devenus enfuite les noms propres des objets, quils
tie firent d’abord que qualifier»
» Un bon parifîen , dit quelque part Voltaire ,
» va voir, fês parents en Franche-Comte ; il de—
» meure un an & un jour dans une maifon main-
» mortable, & s’en retourne à Paris : tous fès biens,
» en quelque endroit qu’ils foient fitues, appartien-
» dront au fèigneur foncier, en cas que cet homme
» meure finis laiffèr de lignée. On demande à ce*
» propos comment la Comté de Bourgogne eut le
» fobriquet de Franche avec une telle forvitude.
33 C ’eft fans doute comme les grecs donnèrent aux
» Furies lenom d’Euménides, w C ’eft une Antiphrafe
par qualification d’abord, & finalement par dénomination
«
Je dis qse VAntiphrafe Ce fi:it par dénomination
ou par qualification Amplement : car fi c’eft
une proposition entière qui énonce le contraire de
ce qu’elle veut faire entendre ; c’eft une Contrevérité.
( Voye\ ce mot. )“
U Antiphrafe & la Contrevérité font les moyens
grammaticaux qu’emploie l’Ironie, & quelquefois
l ’Euphémifme ( f^oye^ ces mots ) : & ces deux figures
font les motifs qui autorifènt Y Antiphrafe &
la Contrevérité. L ’Ironie & l ’Euphémiftne font dans
lapenfëè; Y Antiphrafe & la Contrevérité font dans
l’expreffion: mais comme la penfée & l’expreffion:
font néceffairement liées, il n’eft pas étonnant que
Sanétius (Minerv. IV. 16. ) n’ait regardé que comme
des exemples de l’Ironie ou de l’Euphémifine, ceux
qu’on donne de Y Antiphrafe ou de la Contre-
vérité.
Il pouflè fon oppofition contre Y Antiphrafe , qu’il
regarde comme un moyen dont les grammairiens
abufent pour autorifor des chimères, jufqu’à prétendre
que ceux qui s’en fervent n’entendent pas-
le fèns du mot ; <&pûtns enim non diclioîiem uni-
cam Jignificat, fed orationem aut loquendi ma-
dum... itaque, f i effet Antiphrafîs quam illi fom~
ruant, aliter effet appellanda. Il eft poffible qu’orï
ait abufe de Y Antiphrafe pour donner des étymologies
ridicules ; Sanâius en donne de bonnes preuves^
& l’on pourroit aifement y en ajouter bien d’autres z
mais, en bonne Logique, l’abus d’une chofe ri’a
jamais autorife à conclure contre l’exiftence de
cette chofe. D’ailleurs l’argument qu’il fait contre
le fèns qu’on donne au mot, eft— il bien concluant ?
Si le verbe ®<>ûXja fignifie déco , pourquoi tppânff
ne fignifieroit il pas aiclio , fùrtout en fait d’étymologie?
AvTKppuÇa, contradico ’,ciyTt<pplcrtç, contra-*•
dictïo : & il peut y avoir contradiction entre le
fèns naturel d’un mot & celui qu’on lui donnerait:
par figure. C ’eft précifément le cas de Y Antiphrafe 9
( M. B e a u z ê e )■
ANTIPTOSE, fi f. Figute , dit-on, de Grammaire
par laquelle on met un cas pour un autre ç
comme lo.rfque Virgile dit ( Æn. V. 4? ri,J. Je
clamor coelo , au lieu de ad coelum. Ce mot1
vient de kvfi, pour, & de 9r7»<r/s-, cas.- On donne
encore pour exemple de cette figure y Urbem
quam fiatuo vefira e fi, ( Æn. I, 575 ) urBem
au lieu de urbs. Et Térènce au prologue de
Y Andrienne dit : Populo ut placèrent, qixas fecïffet
fabulas, au lieu de fabulce. On trouve auffr,
F'enit in memem illius diei pour ille dies. Mais
Sanétius, (liv. IF") & les grammairiens philofephes,
qui, à la vérité, ne font pas le grand nombre^
| & même la Méthode de P. R. regardent cette pré--
; tendue figure comme une chimère 8c une abfurdité,
■ qui détruiroit toutes les règles de la Grammaire»
En effet, les verbes n’auroient plus de régime
certain ; 8t les écoliers, qu’on reprendroit pour avoir
mis un nom à un cas autre que celui que la règle
. demande % n’auroient qu’à répondre qu’ils ont fais