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défonion, où l’on ôte les tranfïtions naturellement
nécefîâires entre les parties d'un dialogue ou avant
un difoours dired, afin d'en rendre l’expofition plus
animée & plus intéreflânte.
La Fontaine ( I. Fables. iij. ) en donne un exemple
, que je citerai, quoique bien connu.
Une grenouille vit un boeuf,
Qui lui fembla de bille caille j
Elle, qui n’écoit pas grofle en tout comme un oeuf,
Envieufe, s’étend , & s'enfle , & fe travaille,
Pour égaler l’animal en grofleur ,
Difant : » Regardez bien , ma Soeur j
ss Eft-ce afîez ? dites-moi, n’y fuis-je pas encore ?
» Nenni. — M’y voici donc ï - Point du tout. - M’y voilà ? -
» Vous n’en approchez point. » La chétive pécore
.S’entla fi bien qu’elle creva.
On eft .prêtent ici à la converfâtion des deux grenouilles
, & ce font elles-mêmes qu’on entend. Si
les tranlitions étoient énoncées , la foeur répondit,
la première repartit, &c ; ce fèroit le poète qu'on
entendroit ; il teroit entre nous & les adeurs , qui
cefteroient de nous intérelter ou qui nous intérefîe-
roient beaucoup moins.
» Il arrive auffi quelquefois qu'un écrivain, par-
» lant de quelqu’un , tout d’un coup fo met à fâ
» place & joue fon perfonnage ; & cette figure
» marque l’impétuofité de la paflïon :
.» Mais Hector, qui les voit épars fur le rivage,
y* Leur commande à grands cris de quitter le pillage,
» D’aller droit aux vaifleaux fur les grecs fe jeter : -
xf
Car quiconque mes yeux verront s’en écarter,
»> Au® tôt dans fon fang je cours laver fa honte.
» Le poète retient la narration pour foi, comme
» celle qui lui eft propre ; & met, tout d’un coup &
» fans en avertir, cette menace précipitée dans la
» bouche de ce guerrier bouillant & furieux. En
» effet fon difoours auroit langui, s’il y eût entre-
$ mélé, Hector dit alors. »
Ceci eft le commencement du chap. 13 de Lon-
gin , traduit par Boileau , qui continue ainfî : » Au
» lieu que par cette Tranfîtion imprévue il pré-
» vient le ledeur , & la Tranfîtion eft faite
* avant que le poète même ait fongé qu’il la fai-
o foit. » Boileau donne donc à la figure dont il
s’agit le nom de Tranfîtion imprévue , & c’eft
même le titre qu’il a mis à ce chapitre. Cependant
qu'appelle-t-on communément Tranfîtion? Ce font
quelques mots qui annoncent le paffage d’une matière
à une autre, ou même d’une propofition à une
autre. V o y e \ Transition. Or loin de trouver dans
les exemples cités ces annonces du paffage d'un
difoours à un autre, la figure ne confîfte que dans
la foppreffion de l’annonce ; en forte qu’il y a plus
tôt Tranfîtion omife que Tranfîtion imprévue. Le
paffage fo fait néanmoins, & fans avoir été annoncé
; & Boileau devoït. traduire Paffage imprévu.
Longin en effet cite un exemple de Démofthène
d 1 s
dans fon Oraifon pour Ariftogiton, où l’orateur,
après avoir cherché à exciter l’indignation contre
fon adverfâire , lui addreffè tout à coup la parole à
lui-même ; c’eft un paffage fobit & imprévu d’un
perfonnage à un autre ; mais il n’y eut jamais & il
ne put jamais y avoir en pareil cas de Tranfîtion
énoncée. Il n’y a donc point de Tranfîtion omifo,
& conféquemment point de Disjonction. ( M.
B eauzée.) •'
DISPARATE, f. f. C’eft le vicè contraire à la
qualité que nous défignons par le mot d'Unité. II
peut y avoir des Dijparates entre les expreflions ,
entre les phrates , entre les penfëes , entre les
a&ions , & c . en un mot il n’y a aucun être com-
pofé, foit phyfîque, foit moral, que nous puiffions
confidérer comme un tout, entre les défauts duquel
nous ne puiflions auffi remarquer des Difparates.
Il y a beaucoup de différence entre les inégalités
& les Dijparates. Il eft impoffïble qu’il y ait des
Difparates tens inégalités ; mais il peut y avoir des
inégalités fans Difparates, ( M. D i d e r o t . )
DISPONDÉE, C m. Belles-Lettres. Dans l’an«
cienne Poéfîe, pied ou mefore de vers qui comprend
un double fpondée ou quatre fÿllabes longues,
comme ïncrëmëntüm, dëlêclântës ,
( L'abbé M allet. )
DISPOSITION, f. f. Belles-Lettres. Partie
de la Rhétorique qui confîfte à placer & rangée
avec ordre & juftefle les différentes parties d’un
difoours.
La Difpofition eft dans l’Art oratoire , ce qu’efl
un bel ordre de bataille dans une armée, lorfou’il
s’agit d’en venir aux mains ; car il ne fiiffit pas
d’avoir trouvé des arguments & des raifons qui
doivent entrer dans, le fiijet que l’on traite, il faut
encore fâvoir les amener, les difpoter dans l’ordre
le plus propre à faire impreffion for l’efprit des
auditeurs. Toutes les parties d’un difoours doivent
avoir entre elles un jufte rapport, pour former un
tout qui foit bien lié & bien afforti;ce qu'Horace
a dit du Poème, étant exactement applicable aux
productions de l’Éloquence :
Singula qiuxque locum, teneant fortita decenter.
La Difpofition eft donc l’ordre ou l’arrangement
.des parties d’un difoours, qu’on met ordinairement
au nombre de quatre ; lavoir, l’exorde ou début, la
narration , la confirmation , & la péroraifon ou
conclufîon : quelques-uns cependant en diftingüent
jufou’à fix; lavoir, l'exorde, la divifîon , la narration
, la confirmation, la réfutation, & la péroraifon ,
qu’ils expriment par ce vers technique :
Exorfus , narro , feco , firmo , refello , peroro.
Mais il eft beaucoup plus fimple de comprendre
la divifîon dans l’exorde, & la réfutation dans la
confirmation.
d 1 s
La Difpofition eft ou naturelle ou artificielle ; l
la naturelle eft celle dans laquelle on vient de ranger
toutes les parties du difoours. En effet, ce ne font
pas les règles, mais la nature elle-même^ qui diète
que, pour perfoader les auditeurs, i° . il faut les
difpoter à écouter favorablement les chotes dont on
veut les entretenir; z°. il faut leur donner quelque
connoiflânce de l'affaire que l’on traite, afin qu ils
fâchent de quoi il s’agit ; 3 °. on ne doit pas fe contenter
d’établir tes propres preuves , il faut renverter
celles de tes adverfaires ; & enfin lorfqu’un difoours
eft étendu , & qu’il eft à craindre qu’une partie des
chotes qu’on a dites ne te foit échappée de la mémoire
des auditeurs, il eft bon de répéter en peu de mots
fur la fin ce qu'on a dit plus au long.
Parmi les modernes, un difoours te diftribue en
exorde, divifîon ou propofition, première, féconde,
& quelquefois troifième partie , & péroraifon; &
dans l’Éloquence du Barreau, on diftingue l’exorde,
la narration ou le fait ou la queftion de droit, la
preuve ou les moyens, la réplique ou réponfe aux
objeftions, & la conclufîon, ou , comme on dit en
ftyle de palais, les. conclufîons.
Par Difpofition artificielle , on entend celle où,
pour quelque raifon particulière , on s’écarte de
l’ordre naturel, en mettant une partie à la place de
l ’autre. Voye\ chaque partie, du difoours fous fon
article, Ex o rde, N arration, C onfirmation , &c.
( L'abbéMallet. )
DISPUTE , ALTERCATION / CONTESTATION
, DÉBAT. Synonymes.
Difpute te dit ordinairement d’une converfâ-
tion entre deux perfonnes qui different d’avis fur une
même matière ; & elle te nomme Altercation^
lorfqu’il s’y mêle de l’aigreur. Conteflation te dit
d’une Difpute entre plufieurs perfonnes , ou entre
deux perfonnes confîdérables , fur un objet important
, ou entre deux particuliers pour une affaire
judiciaire. Débat eft une Conteflation tumuhueute
entre plufieurs^ perfonnes.
La Difpute ne doit jamais dégénérer en Alter-
cation. L es rois de France & d’Angleterre font
en Conteflation for tel article d’un traité. Il y a eu ,
au concile de Trente, de grandes Contefiations for
la réfidence. Pierre & Jaques font en Contêfia-
lion for les limites de leurs terres. Le Parlement
d'Angleterre eft fojet à de grandes Débats. Foye-^
D if f é r en d , Démélé , Syn. & D ifférend , D is cute
, Q uerelle. Synf\M* d%A lembert.)
(N.)D ISPUT E , DÉMÊLÉ. Syn. Dans l'un &
dans l'autre, il y a'contrariété d’opinions ÿ. la chute
n’eft pas éclaircie , on n’en eft pas d’accord, & l’on
cherche à s’expliquer pour fâvoir à quoi-s'en tenir.
Quelle eft donc la différence de ces deux termes ?
Il me temble qu’elle vient de celle des objets ;
en ce que la Difpute roule for une matière générale
& purement foientifique ; & le Déméle\ for une
»âgière particulière & qui peut fonder des prêtes.-
DI S 631
tîo n S d ’in té r ê ts î l a D i fp u t e s ’é c h a u f f e p a r l e d é f îr
d e p a r o ît r e p lu s h a b i l e , l e D ém é l é s 'a n im e par 1*
d é f îr d e .te f a ir e u n d r o i t : c 'e f t l ’o r g u e il q u i f o u -
t i e n t la D i f p u t e , c ’e f t l ’a v id ité q u i d o n n e n a ifc
fa n c e a u D ém é lé . {M . B e a u z é e . )
. DISSERTA TIO N , f , f. Ouvrage for quelque
point particulier d’une foience ou d’un art. La D i f
f e r ta t io n eft ordinairement moins longue que le
traité. D’ailleurs le traité renferme toutes les questions
générales & particulières de fon objet ; au lieu
que la D if fe r ta t io n n’en comprend que quelques
queftions générales ou particulières. Ainfî, un traite
d’Arithmétique eft compote de tout ce qui appartient
à l’Arithmétique : une D iffe r ta t io n for l'Arithmétique
n’envifâge l’art de compter que fous quelques
unes de tes faces générales ou particulières.
Si l’on compote for une matière autant de D i f -
f e r ta t io n s qu’il y a de différents points de vue
principaux fous lefquels l'efprit peut la confidérer ; fi
chacune de ces D ijfe r ta t io n s eft d’une étendue proportionnée
à fon objet particulier ; & fî elles font toutes
enchaînées par quelque ordre méthodique ; on aura
un traité complet de cette matière. (M. D id e r o t .)
(N.) DISSIMILITUDE. f. f. Figure de pentee par
combinaifon , qui indique ou qui dèvelope les .différences
de deux objets , rapprochés d’abord comme
analogues. Cette figure eft brillante comme la S im ilitu
d e dont elle eft le contraire. Foye\ Similitude.
C ’eft pourquoi elle exige les mêmes précautions,
quand elle eft de pur ornement , & ne convient
guères qu’aux poètes, ou aux orateurs dans le genre
démonftratif :. mais fi on la tourne en raifonnement ,
elle eft admifïible partout.
L ’Idylle du R u ifiea u \ par madame Déshoulières ,
eft un bel exemple de D if fim ilitu d e poétique : le»
trois premiers vers établiffent l’analogie > & la
D i f fim ilitu d e vient après.
Ruifleau ,. nous paroiflbns avoir un même fort ;
D’un cours précipité nous allons l’un & l'autre.
Vous', à la mer j nous , à la mort.
Mais, hélas / que d’ailleurs je vois peu de rapport
Encre votre couxfe & la nôtre ï
Vous vous abandonnez , fans remords ,, fans- terreur ^
A votre pente naturelle ?
Point de loi parmi vous ne la rend criminelle :
La vîeilleflë chez vous n’a rien qui faite horreur J
Près de la fin de votre courfe ,
Vous êtes plus fort & plus beats
Que vous n’êtes à votre fource $
Vous retrouvez toujours quelque agrément nouveau: r
Si de ces paifibles bocages
La fraîcheur de vos eau» augmente les appas 5
Votre bienfait ne fe perd pas r
Par de délicieux ombrages
Ils embelliffent vos rivages :
Sur u n fable-brillant,, encre des g rc afleuii»,,
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