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La Conftru&ian de cette petite période mérite
Attention. Je dis période^ grammaticalement parlant,
parce que cette phraSè eft compofée de trois proportions
grammaticales; car il y a trois verbes à
l'indicatif, appelle , e j l, produit.
Déchirer un coeur ejl tout Veffet, c’eft la première
proposition grammaticale ; c’eft la propofîtion
principale.
Déchirer un coeur , c’eft le Sujet énoncé par
plufîeurs mots, qui font un Sens qui pourroit être
énoncé par un Seul mot Si l’uSàge en avoit établi
un. Trouble , agitation, repentir, remords, Sont
à peu près les équivalents de déchirer un coeur.
Déchirer un coeur, eft donc le Sujet ; & ejl tout
Veffet, c’eft l'attribut.
JQui £ appelle à fon aide, c’eft une proposition
incidente.
Qui en eft le fùjet; ce qui eft le pronom relatif
qui rappelle coeur-.
U appelle à fon aide, c’eft l’attribut de quiy la
eft le terme de l’aétion Rappelle ; appelle elle , appelle
la raijon.
Qu’elle produit, elle produit lequel effet. C ’eft
la troisième propofîtion.
Elle , eft le Sujet : elle eft un pronom qui rappelle
raifori.
Produit que , c’eft l’attribut d’elle : que eft le
terme de produit y c’eft un pronom qui rappelle
effet»
Que étant le déterminant ou terme de FacHon de
produit, eft après produit, dans l’ordre des penSees,
Selon la Conjlruclion Simple : mais la Conjlruc-
tion uSuelle l’énonce avant produit y parce que le
que étant un relatif conjonftif, il rappelle effet ,
& joint elle produit avec effet. Or ce qui joint
doit être entre deux termes ; la relation en eft plus
ailèment aperçue, comme nous l’avons déjà remarqué.
. . .
Voilà trois proportions grammaticales ; mais logiquement
il n’y a là qu’une Seule propofîtion.
E t déchirer un coeur qui Vappelle à fon aide :
ces mots font un Sens total qui eft le Sujet de la
proposition logique. •
E ft tout Veffet qu’elle produit, voilà un autre
Sens total, qui eft l’attribut ; c’eft ce qu’on dit de
déchirer un coeur.
Toujours impuifïànte & févère j
Elle s’oppofe à tout & ne furmonte rien#
Il y a encore ici ellipSê dans le premier membre
de cette phraSè. La Conjlruclion pleine eft :
la raifon ejl toujours impuijfante & févêre y elle
s’oppofe à tout, parce qu’elle ejl févère y & elle
ne furmonte rien , parce quelle ejl impuijfante.
Elle s’oppofe à tout ce que nous voudrions faire
qui nous Sèroit agréable. Oppofer, ponere ob, pofer
devant, s’oppojer, oppofer fo i , fe mettre devant
comme un objlacle. S e , eft le terme de l’aétion
d'oppofer. L a Conjlruclion uSuelle le met avant Son
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verbe, comate me, te , U , que, &c, A tornt 9
Cicéron a dit, opponere ad.
Ne furmonte rien y rien eft ici le terme de Faction
de furmonte. Rien eft toujours accompagné de
la négation exprimée ou Sousentendue ; rien, nul-i
lam rem.
Sur toutes riens garde ces points. Mehun au
teftamenr, où vous voyez que fu r toutes riens veut
dire fu r toutes chofes.
Sous la garde de votre chien
Vous devez beaucoup moins redouter la colère
Des loups cruels 8c ravilïànts,
Que j fous l’autorité d’une telle chimère,
Nous ne devons craindre nos fens.
Il y a ici ellipSê & SynthèSê : la SynthèSê Ce fait
lorSque les mots Sè trouvent exprimés ou arranges
Selon un certain Sens que Fon a dans l’efprit.
De ce que ( ex eo quod , propterea quod ) vous
êtes Sous la garde de votre chien, vous devez redouter
la colère des loups cruels & raviflants beaucoup
moins y au lieu que nous qui ne Sommes que
Sous la garde de la raiSôn , qui n’eft qu’une chimère
, nous n’en devons pas craindre nos Sens beau-,
coup moins.
Nous n’en devons pas moins craindre nos fens ,
voilà la SynthèSê ou lyllepSè qui attire le ne dans
cette phraSè.
L a colère des loups• La Poéfîe Sè permet cette
expreflion ; l’image en eft plus noble & plus vive :
mais ce n’eft pas par colère que, les loups & nous,
nous mangeons les moutons. Phèdre a dit -, fauce
improbâ , le gofier , l ’avidité ; & la. Fontaine a dit
la faim.
Beaucoup moins, multo minùs , c’eft une ex-
preffion adverbiale qui Sert à la 1 comparaison, &
qui par conféquent demande un corrélatif que, &c«_
Beaucoup moins , Selon un coup moins beau, moins
grand, Voye^ ce que nous avons dit de Be a u i
coup en parlant de l ’article.
Ne vaudroic-il pas mieux vivre, comme vous faites,
Dans une douce oifiveté i
Voilà une propofîtion qui fait un Sens incomplet,
parce que la corrélative n’eft pas exprimée;
mais elle va l ’être dans la période Suivante , qui a
le même tour.
Comme vous faites , eft une propofîtion incidente^
Comme, adverbe ; quomodo, à la manière que;
vous le faites.
Ne vaudfoic-il pas mieux être, comme vous êtes.
Dans une heureufe obfcurité,
Que d'avoir, fans tranquillité ,
Des richeffes, de la naiffance.
De l’efprit, & de la beauté ?
Il n’y a dans cette période que deux propositions
relatives & une incidente.
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Ne vaudroit-il pas mieux être, comme vous êtes,
dans une heureufe objeurité y c’eft la première proposition
relative , avec l’incidente comme vous êtes.
Notre Syntaxe marque l’interrogation en mettant
les pronoms perSonnels après le verbe , meme lorSque
le nom eft exprimé. L e roi ira-t-il à hon-
tainebleau ? Aime\-vous la •vérité'} Irai-je ?
Voici quel eft le fujet de cette propofîtion : i l ,
ïllud , ceci , àfavoir , être dans une heureufe obf-
. curitéy Sens total énoncé par plusieurs mots équivalents
à un Seul ; ce fens total eft le fujet de la proposition.
Ne vaudrait-il pas mieux ? voilà l’attribut avec
le Signe de l’interrogation. Ce ne interrogatif nous
vient des latins, Egonel Térence , eft-ce moi?
Adeonel Térence, ira i-je ? Superatne ? Virg.
Ænéid. III. vers 335». vit-il encore ? Jamne vides y .
Cic. voye-[-vous ? ne voye^-vous pas ?
Que , quam , c’eft la conjonction ou, particule
qui lie la proposition Suivante , en Sorte que la proposition
précédente & celle qui Suit Sont* les deux
corrélatives de la comparaison.
Que la chofe , l’ agrément d’avoir, fans tran-
quuité, Vabondance des richeffes, l’avantage de
la naiffance, de l’efprit, & de la beauté y voila le
fujet de la propofîuon corrélative.
Ne vaut, qui eft Sôusentendu , en eft l’attribut.
Ne , parce qu’on a dans FeSprit, ne vaut pas tant
qité votre obfcurité vaut.
Çes prétendus tréfois, dont on fait yanité,
Valent moins- que votre indolence.
Ces prétendus tréfors valent moins, voilà une
proposition grammaticale relative.
Que votre indolence ne vaut , voilà la corrélative.
Votre indolence n’eft pas dans le même cas ;
elle ne vaut pas ce moins ; elle vaut bien davantage.
Dont on fa it vanité, eft une proposition incidente
: on fa it vanité defquels, à caufe defquels :
on dit faire vanité, tirer vanité de , dont, defquels.
On fa it vanitéy ce mot vanité entre dans
la composition du verbe, & ne marque pas une
telle vanité en particulier ; ainfi , il n’a point d’article.
Ils nous livrent fans ceffe à des foins criminels.
I l s , ces tréSôrs, ces avantages; ils eft le Sujet.
Livrent nous fans ceffe à , &c. c’eft. l’attribut.
A des foins criminels , c’eft le Sens partitif ;
c’eft à dire que les foins auxquels ils nous livrent
font du nombre des foins criminels y ils en font
partie : ces prétendus avantages nous livrent à certains
Soins, à quelques Soins qui Sont de la clalfe
des foins criminels.
Sans ceffe, façon de parler adverbiale ,jine ullâ
inter mifjione.
Par eux plus d’un remords nous ronge.
Plus d’un remords, voilà le Sujet complexe de
la propofîtion.
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Ronge nous par eux ; à l’occajion de ces ire-
fors c’eft l’attribut.
Plus d’un remords y Plus eft ici fûbftantif, &
Signifie une quantité de remords plus grande que
celle d’un feu l remords.
Nous voulons les rendre éternels,
Sans fonger qu’eux & nous pafferons comme un fonge.
Nous , eft le fujet de la proposition.
Voulons les rendre éternels fans fonger,
c’eft l’attribut -logique.
Voulons, eft un verbe actif. Quand on veut,
on veut quelque choSe. Les rendre éternels , rendre
ces t refors éternels : ces mots forment un fens
qui eft le terme de l’aétion de voulons y ç’eft la
choSè que nous voulons.
Sans fonger qu’eux & nous pafferons comme un fongt.
Sans fonger : fans , prépofîtion : fonger eft pris
ici Subftantivement ; c’eft le- complément de la pré-
pofition fans ^ fans la pentée que. Sans fongenpeut
aulïi être regardé comme une proposition implicite ;
fans que nous fondions.
Que eft ici une conjonftion , qui unit à fonger
la choSè à quoi Fon ne Songe point.
E u x & nous pafferons comme un fonge : ces
mots forment un fens total, qui exprime la choSe
à quoi Fon devroit Songer. Ce Sens total eft énoncé
dans la forme d’une propofîtion ; ce qui eft fort
ordinaire en toutes les langues. Je ne fa i qui a
fait cela, neScio quis fecit ; quis fecit eft le terme
ou l’objet de nefeio : nefeio hoc, nempe quis fecit.
Il n’eft, dans ce valte univers,
Riend’afsûré, rien de folide.
I l , illud, nempe , ceci, à f avoir, rien d’afsuré,
rien de folide : quelque chofe d’ajsuré-, quelque chofe
de fo lid e , voilà le fujet de la propofîtion ; h eft (pas)
dans ce vajle univers, en voilà Fattri'out : la négation
ne rend la propofîtion négative.
D ’afsûré; ce mot eft pris ici fubftantivement ;
ne hilum quidem certi. D ’afsuré eft encore ici dans
un Sens qualificatif, & non dans un Sens individuel,
& c’eft pour cela qu’il n’eft précédé que d-î
la prépofîtion de Sans article.
Des chofes d’ici bas la fortune décide
Selon fes caprices divers. ■
La fortune , Sujet Simple, terme abftrait personnifié;
c’eft le Sujet de la propofîtion. Quand nous
ne connoiSTons pas la cauSè d’un évènement, notre
imagination vient au Secours de notre eSprit, qui
n’aime pas à demeurer dans un état vague & indéterminé
; elle le fixe à des phantômes qu’elle
réaliSè, & auxquels elle donne des noms , fortune ,
hafird, bonheur, malheur.
Décide des chofes d’ici bas félon fe s caprices
divers , c’eft l’attribut complexe.
Des chofes, de les chofes y de Signifie ici touchant.