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* qui la rend înfipide, fûrtout quand celui qui s’en
» fèrt y entend fineffe &'s’en fait honneur. «
Mais qu'eft-ce proprement que Y Équivoque? C ’eft
Une ambiguité qui vient ou du double fons ou du
double rapport d’un mot, ou de la tournure vicieufo
d. une phrafo. Elle, eft donc dans le? mots ou dans les
ph raies.
I. Un mot eft équivoque en plufîeurs manières.
i . La première elpèce eft de ceux qui, fous la
même forme matérielle, ont été deftinés par l’ufoge
à diverfos lignifications propres : tel eft le mot fran-
çois Coin , qui Ce dit d’une forte de fruit, d’un
inftrument deftiné à fendre , d’un angle, & de la
matrice qui fort à marquer les monnoies & les
médailles ; tel eft encore le mot Son, quelquefois
article ^ pofïèflif, quelquefois nom lignifiant tantôt
un bruit qui frappe l’oreille & tantôt la partie la
plus groflière du bled moulu. L ’intelligence du
fons aduel de cette elpèce de mots, dépend toujours
des circonftances du difoours où l ’on en fait ufoge ;
& rarement y a-t-il du doute.
a. La focon'de elpèce eft de ceux qui ont à la vérité
Une lignification & une orthographe differente,
mais dont la prononciation eft la même ou prefoue
la même pour l’oreille : tels font les mots Ceint
( entouré), Sain (dont la cônftitution n’eft point
altérée ) Saint (parfait moralement ou focré) ,
Sein ( poitrine extérieure ou intérieure ) , Seing
( fignature ) ; tels font encore les mots Tache ( fouil-
lure ) , & Tâche fbefogne à faire fous certaines
conditions ). C ’eft encore aux circonftances à déterminer
le fons que l ’identité du fon.fomble dérober
a:* l’dreille. Ces deux premières elpèces de mots
font de ceux que l’on appelle Homonymes. ( Voye£ Homonyme. T
3. La troilîème elpèce eft de ceux q u i, outre
le lêps propre qu’ils tiennent de leur deftination
primitive, font encore autorifos par quelque analogie
^frappante à être les lignes d’un fons figuré
tout different : tel eft, par exemple, le nom Voiles,
qui lignifie primitivement les toiles attachées aux
vergues des vaiffèaux pour recevoir le vent, &
figurément les vaiffèaux mêmes.
Molière a fait quelquefois un ulàge agréable
des Équivoques de ce genre, dont tant d’autres ont
fouvent abufé. Dans les Femmes favantes (II 6, )
JSélife & Philaminte, entichées du bel-efprit, ont
à leur forvice Martine, villageoifo épaiffe , qui
parle bonnement fon jargon & n’entend rien aux
doétes réprimandes de fos maitreffès, parce qu’elle
confond fons celle le fons figuré avec le fons propre,
«u un homonyme avec un autre :
E É L I SE.
Veux-ta tonte ta vie offenfer la Grammaire Y
M A R T I N E .
. Qui parle d’offenfer grand'-mire ni grand-père
P H I L A M I N T E ,
E Q U
B U I S E.
Grammaire eft prife à contre-fcns par toi*
Et je t’ai déjà dit d’où vient ce mot.
M A R T I N E .
Ma. foi,
Qu’il vienne de Chaillot, d’Auteuil, ou de Pontoifo»,
Cela ne me fait rien.
B É L I S E .
Quelle ame-,villageoife î;
La Grammaire j du Verbe & du Nominatif,.
Comme de FAdje&if avec le Subftantif.,
Nous enfeigne les lois.
M A R T I N E .
J’ai, Madame, à vous dire:
Que je ne connois point ces gens-là.
P H I L A M I N T E .
Quel martyre £
B É L I S E.
Ce font les noms des mots j. & l’on doit regarder
En quoi c’eft qu’il les faut faire enfemble accorder».
H A R T I N E .
Qu’ils s'accordent encre eux, ou fe gourment, qu’importe’ ’
Dans le Mariage forcé ( IV .) Sganarelle, quî
veut confiilter Pancrace pour fovoir s’il fera bien de
fo marier, eft d’abord trompé par une Équivoque,
que le dodeur explique for le champ : » S g an. Je
» veux vous parler de'quelque chofo. Pancr. Et
» de quelle langue voulez-vous vous forvir avec
» moi? S gan. De quelle langue? Pancr. Oui. S gan.,
» Parbleu ! de la langue que j’ai dans la bouche :
» je crois que je n’irai pas emprunter celle de mon
» voifîn. Pancr. Je. vous dis, de quel idiome, de
» quel langage ? Se an. Ah ! c’eft une autre affaire, ce
» Dans la foite d’un raifonnement , dit M. du
» Marfois ( Trop, pag. 143 . ) , on doit toujours.
» prendre un mot dans le même fons qu’on l’a pris*
» d’abord : autrement, on ne raifonneroit pas jufte ,
» parce que ce foroit ne dire qu’une même chofo
» de deux chofos differentes ; car quoique les termes.
» équivoques Ce reffèmblent quant au fon, ils fîgni-
» fient pourtant des idées differentes; ce qui eft
» vrai de l’une n’eft donc pas toujours vrai de?
» l’autre. «
Ceux qui cherchent à fo diftinguer par des Jeuot-
de mots y d«s Quolibets, des Rébus ( FxÊm ces
mots ), n’y parviennent gu ères que par l’abus des
termes équivoques ; ils. font pitié. D’autres, encore
plus blâmables, en abufont dans l’intention de
tromper en gardant les apparences de la bonne foi ;
ceux-là doivent exciter le mépris & l’indignation.
Il eft cependant quelquefois permis de tirer parti:,
du double fons des termes équivoques, pour don—-
ner quelque agréfflent à l’Élocution , fortout en fefont-
jouer le fons propre avec le fons figuré. Car , comme
l’obforve le P. Bouhours ( ibid. ) » toutes, les-
» figures qui renferment un double fons , ont ,
». chacune en leur elpèce , des beautés & dèsgrâ-
» ces qui les font valoir Ç> Ciel f , quoiqu’elles tiennent:
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ï> quelque chofo de Y Équivoque, Un foui exemple
» vous fera concevoir ce que je veux dire. Martial
» ( Amphit. Ccxf. épigr. 3. ) dit à Domitien :
» Vox diverfa fonat ; populorum eft vox tamen una,
», Quum verus patrice diceris ejfe pater.
» Les peuples de votre Empire parlent divers
» langages ; ils ri ont pourtant qu un langage,
» lorsqu’ ils difent que vous êtes le véritable père
» de la patrie. Voilà deux fons', comme vousvoyez,
» •& deux fons qui font antitlièfo; parler divers
», langages , dont quart langage» Ils font tous
» deux vrais folon leurs divers rapports, & 1 un 1
» ne détruit point l’autre : ils s’accordent au con~
» traire enfomble , -& de 1 union de ces deux^ fons
» oppofos, il réfolte je ne fois quoi d ingénieux,
» fondé fur le mot équivoque de Vo x en latin , &
» de Langage en françois. Plufîeprs pointes d’épi-
» grammes & quantité de bons mots ou de reparties
» fpirituelles , ne piquent que par le fons double qui
» s’y rencontre ; & ce font la proprement les penfoes
» que Macrobe & Sénèque nomment des fo-
» phiïmes agréables, «y/
Cette efoèce de jeu de mots n’eft point abfolument •
à dédaigner fons doute ; cependant il faut en ufer
avec modération, avec cireonfpedion, avec intel-
en ce î
Mais pour un faux plaifantg à groffière Équivoque,
Qui, pour me divertir , n’a que la (alece ,
Qu’il s’en aille , s’il veut , fur deux trétaux monte ,
Amufant le Pont-neuf de fes fornetres faejes ,
Aux laquais affemblés jouer fes mafearades.
Art poét. iij. 224-228.
J’ai dît avec circonfpecHon ; car on a quelquefois
payé cher une Équivoque ingénieufo. Velléius (Hift.
II. xxxv. 6z. ) nous a conforvé un mot de Cicéron ,
qui indifpofo fort Auguffe contre lu i, & dont la
malignité eft cachée fous le voile trop tranfparent de
VÉquivoque :
Cicero , infito amore Cicéron , emporté par
pompéianarum par£•' fon attachement naturel au
ùum, Cæfarem Lau- parti de Pompée, difoit
dandum & tollendum qu’il falloit louer Cefor &
cenfebat ; quum aliud Vélever jufquau ciel; vou-
diceret, aliud intelligi font ainfï dire une chofo ,
vellet, * & en faire entendre une
autre.
L ’Équivoque porte for Tollere, q u i, en latin,
jfîgnifie également louer ou élever aux honneurs ,
& tuer ou -ôter la vie. L abbe Prévoft, dans
fa tradudio^jdes Lettres familières (X I . zo.) a
trouvé de l’imgoffibilité à rendre cette Équivoque
en françois, & l’a laifTée en latin dans fo traduâion
françoifo. Je Crois qu’il vaut mieux tâcher d’en
approcher : élever jufquau ciel fignifie dans notre
langue combler d'éloges , & peut indiquer auflî Ya-
pothéofe dont on honoroit les empereurs romains
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après leur mort, ou tout au moins 1 epqffage d’G c -
tave dans le ciel, ce qui foppofo toujours fo morL
II. Une phrafo eft équivoque, fouvent par Pin*
certitude de la relation de quelque terme d’une
lignification générale & par là même indéterminée ;
plus fouvent encore par 1a mauvaifo difpofition des
differents compléments d’un même mot ; quelquefois
par le vice du tour, où l’on paroît foppofor comme
réel ce qu’on a pourtant intention de nier; & quelquefois
par le fimple rapprochement de certains
mots, qui fomblent fo Tondre en un & lignifier pat
conféquent tout autre chofo.
j . Une phrafo équivoque de la première efpèco
peùt tirer ce défaut de bien des fources.
1. L a première eft dans les mots conjondifs qui, que y
dont ; parce que ces mots n’ayarn par eux-mêmes
ni nombre ni genre déterminé, la relation en devient
néceffairement douteufo, pour peu qu’ils ne
tiennent pas immédiatement à leur antécédent , &
qu’il fo rencontre entre deux quelque autre mot
auquel on puiflè les rapporter.
De là naît Y Équivoque dans ces phrafos. I l faut
imiter Vobéiffance du fauveur, qui a commence fa
vie & Va terminée : on ne fait fi le mot qui fo rapporte
à Yobéijfance ou au fauveur. C e ft le fis de
cette femme qui a fa it tant de mal : eft-ce le f i ls 9
eft-ce \?l femme qui a fait tant de mal ? Dans les deux
exemples , qui peut en effet avoir indifféremment
l’un ou l’autre des deux rapports^
L e remède qu’il convient d’y apporter, eft do
mettre, à 1a place de ces mots conjondifs, leur équi-
vél-ATït lequel, laquelle , lefquels , lefquelles ; la
détermination précifo du genre & du nombre^ déterminera
ici la relation fons incertitude. On doit donc
dire , dans le premier exemple ; I l faut imiter
Vobeijjance du fauveur, laquelle a commencé fa
vie & Va terminée : & dans le fécond, fi la propo-
fîtion incidente fe rapporte au fils, C’efi le fils de
cette femme lequel a fa it tant de mal\ & fila proportion
incidente fo rapporte à la femme , C e ft le f i ls
de cetie femme laquelle a fa it tant de mal.
» Ces mots néanmoins lequel, laquelle, lefquels,
» lefquelles, font rudes pour l ’ordinaire, dit Vau-
» gelas {Rem. 122.) , & l’on doit plus tôt Ce forvir
.» de qui, quand on le devroit répéter deux fois dans
» une même période. » Cette profoription de^lequel,
&c. n’eft jufte, que quand l’emploi en eft inutile;
parce que c’eft jeter du lâche dans l’Élocution ,
que de préférer fons befoin une expreffion dèvelopée
& traînante à une autre plus courte & plus vive :
mais dès que celle-ci devient équivoque , l’autre
doit lui être préférée ; parce que la première qualité
du difoours eft la perfpicuité. Ceft la doétrine
de Vaugelas lui-même dans la même Remarque , où
il cite comme équivoque cet exemple : C’efi la
caufe de cet effets dont je vous entretiendrai a loi fit.
» On,ne foit, dit-il, fi dont fo rapporte à la caufe pu
» à Ÿeffet : c’eft pourquoi, fi vous voulez qu’il fe
’» rapporte à là caufe, il faut dire , c’ efi la caufe
m de cet effet, de laquelle je vous entretiendrai ;
F f f f f 1