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R. ( Liv. VIII. chr jx. ) » SandiuS, dit-U , ne
a> donne le nom à?Abriße qu’au fécond , qui fom-
« ble plus indéterminé que le premier , en ce
s» qu’il Ce prend plus fouvent que lui pour diver-
33 les fortes de temps, Préfont, Pâlies, ou Futurs ».
Nouvelle preuve que le i . Abriße ne doit
pas être traduit dans les paradigmes comme le 1.
Abriße ; & peut-être , que ces deux temps n’ont
pas du être défignés par un même nom, comme
l ’ a très-bien conclu Sandius.
>j Et pour le premier, continue D. Lancelot
« parlant toujours de Sandius, il l’appelle TlupeXti-
» xvèâs, comme qui diroit leviter proeteritus ( qui
» ne fait que de palier ) :. ce qui revient à l’expli-
» cation de Cafoubon en fos Exercitations for les
» Annales de Baronips, qui, parlant de l ’arrivée
» des mages, dit que rS l‘ecrS ymyftvroç. . . marque
» un temps bien plus prochainement palTé, que s’il
3> avoit mis yiymîfovoo, qui marqueroit la chofo
» faite long temps auparavant ; & c’eft aulïi le
» fontiment de Volïîus en la dernière édition de
» là Grammaire grèque , & en la dilïertation De
» anno natali Chrifii : ce qui fomble avoir été
33 pris de Henri Eftienne en Ion livre D e la
» conformité' de la langue françoife avec la
» gïèque ».
Avant de pouffer plus loin la citation de P. R.
je dois remarquer que l’auteur traduit rS foje-S
yivytjô'tvToç par Chrifio nato , que j’ai omis ’ exprès
comme une tradudion infidèle & contraire à la
dodrine même qu’on expofo ici : félon cette doctrine,
le grec fignifie littéralement Jéfus venant
de naître, & non Jéfus étant né ; ou bien auffi
tôt après la naißdnce de Jéfus, & non pas Amplement
après la naifiance de Jéfus. Ce foroit
•s-5' i’ytrîs yeyewfoyx ? qui fignineroit Jéfus étant
né, ou après la naißance de Jéfus ; non , comme
le prétend la Grammaire de P. R. en marquant
la chofo comme faite long temps auparavant ,
mais fans marquer aucune idée accelîbire ni d’éloignement
ni de proximité. Reprenons la citation.
33 II ( Henri Eftienne) avoit cru autrefois que
» 1’ Abriße grec ( premier ) étoit le même que notre
» Prétérit indéfini, quand nous difons Je f i s , T al-
39 lai , N Je lus j comme l’explique aulïi Budé en
» fos commentaires : mais depuis il commença à
33 en douter; & fans le vouloir néanmoins deter-
33 rriner , il avertit d’un ufoge de cet Abriße grec
33 fort ordinaire , qui eft de marquer un temps très-
33 prochain dans le pâlie 33.
' Je tirerai, de cette longue citation, deux çon-
féquences, que je crois importantes.
La première, c’efi que le fécond Abriße f tient bien
plus indéterminé que le premier, devoitpeut-être garder
foui le nom d’Abriße ; & celui qu’on appelle
premier Abriße auroit été très^bien défîgné par la dénomination
, de Prétérit piochain indéfini, comme
notre temps françois Je viens d’arriver ou Je ne
f i l s que d’arriver. Mais j’invite les Helléniftes,
qui aimeront à faciliter l’étude du-grec, à étudier
A P A
pïulofophiquement le lyftême des temps grecs, S
à communiquer leurs obforvations au Public, en
les rapprochant autant qu’ils pourront du fÿftême
métaphyfique que je propofo for les temps,
T em p s.
La féconde conséquence, c’eft qu’on n’a pas dû
introduire dans notre conjugaifon le terme d’A b rifle,
dont le fons eft li peu déterminé même dans la
conjugaifon grèque. Aulïi les grammairiens françois
lé font-ils partagés à cet égard, du moins en ce
qui concerne la qualité de temps défini ou indéfini.
La Grammaire générale de P. R. dit que J ’écrivis,
Je f i s , J ’allai, Je dînai , eft un Prétérit indéfini
ou A b rifle \ l’abbé Régnier , for cette autorité ,
a adopté la même dénomination ; l’abbé Girard
l’appelle A b rifle abfolu, & Abrijle relatifle temps
dont l’auxiliaire eft YAorifle abfolu, J ’eus écrit,
J ’eus f a i t , Je fu s a llé , J ’eus dîné ; l ’abbé Valart
donne au même temps fîmpLe le nom d’Abrijle ;
M. du Mariais adopte le même nom; & l’Académie,
dans fbn Dictionnaire, l’applique au même temps.
Au contraire il eft appelé défini par la Touche ,
par Reftaut, par M. de Wailly, par M. Douchet;
& ces grammairiens ont du mérite. Ce partage
indique allez qu’on n’eft pas d’accord for ce qui
doit câradérifor le défini <k Y indéfini à l’égard des
temps du verbe ; & je crois, avoir heureufoment
évité l’embarras du choix & le danger de la mé-
prifo, par la jufteflè que j’ai tâché de mettre dans
la nomenclature des temps.
J’obforverai que M. du Mariais fomble n’avoir
parlé de Y Abrijle dans l’Encyclopédie , que pour
adapter ce nom à notre conjugaifon ; & M. Demandre,
auteur du Dictionnaire de VÉlocution françoife ,
réduit fon article à ce foui point de vue, mais en
des termes qui méritent d’être rapportés ici. » C ’eft,
» dit-il , celui de nos deux Prétérits , qui n’eft pas-
» formé d’un verbe auxiliaire, & qui marque in-
» définiment le temps pâlie : nous lui donnons le,plus-
33 fouvent, dans cet ouvrage, le nom de Ptétérit
» défini ; parce qu’il défigne un temps entière-
» ment palfé, dont il ne relie plus de partie à
» écouler , & dans lequel on n’eft: plus renfermé. »
Voilà tout fon article Abrijle.
Il e ft , comme on vo it, d’une grande utilité :
mais il eft fortout d’une grande clarté, en déclarant
que ce temps marque indéfiniment le temps
palfé, & qu’on lui donne le nom de Prétérit défini
par une. raifon contraire. Il faut s’entendre du moins,
avant de vouloir communiquer fos. penfées au Public.
( M. D eauzée-. )
(N.) APAISER, CALMER. Syn.
L e vent s-apaife la mer fo calme. A l ’egard?
des perfennes, forlquellea font en courroux ou dans
la fureur de l’emportement,. il eft queftion de les
apaifèr : mais il s’agît de les calmer, lorfqu’elles,
font dans l ’émotion que produifont la trop grande
crainte du mal , la terreur , & le délèlpoir. Ainfî ,
le mot d’Apaifer a lieu pour ce qui vient de 1&
A P A 2 1 T
foTce ou de la violence ; & celui de Calmer, pour
ce qui eft effet de trouble ou d’inquiétude.
Une foumilfion nous apaife : une lueur d’efo
pérance nous calme. ( L’abbé G irard. )
APARTÉ, fi m. (Belles-Lettres.) Ce font les deux
mots latins à parte (à part), réunis en un foui mot
francile fous cette forme. Ce mot eft affeéte à la
Poéfie dramatique. ' .
Un Aparté eft ce.qu’un aéteur dit en particulier,
ou plus tôt ce qu’il fo dit à lui-même, pour découvrir
aux fpecrateurs quelque fontiment dont ils ne
foroient pas infttuits autrement, mais qui cependant
eft préfomé focret & inconnu pour tous les autres
a&eurs qui occupent alors la foene. On en trouve
des exemples dans les poèt-és tragiques & comiques.
Les- Critiques rigides condannent cette action
théâtrale ; & ce n’eft pas fans fondement, puilqu’elle
eft manifeftement contraire aux règles de la vrai-
fomblance, & qu’elle foppofo une fordité abfolue
dans les perfonnages introduits avec l’aéteur qui
fait cet Aparté, lî intelligiblement entendu de
tous les Ipeélateurs : aulïi n’en doit-on jamais faire
ulàge que dans une extrême nécelïité, & c’eft une
fîtuacion que les bons auteurs ont foin d’éviter.
( L’abbé M a l l e t , )
C ’eft une des licences accordées à l’art dramatique.
La vraifomblance en eft fondée for cette foppofition
fans laquelle il n’y auroit nulle vraifomblance dans
la reprélêntation tnéâtrale , que le fpeétateur n’y eft
préfont qu’en elprit. Celapofé, tout ce qu’on a dit
contre Y Aparté tombe de lui-même. 11 eft, fans
doute , réellement impolîible que l’aéteur qui fo
fait entendre des fpedateurs, ne foit pas entendu
des adeurs avec lelquels il eft en foène: mais dans
l’hypothèfo tacitement convenue, les fpedateurs ne
font point là , ils ne font point à telle diftance , ils
font phylïquement abfonts, leur préfonce n’eft qu’idéale;
car fi on les foppofoit là , ils foroient vus,
on n’agiroit point, on ne parleroit point-en leur
.préfonce; on parleroit d’eux, avec eux. Il y a donc
dans cette hypothèfe abfonce réelle des témoins de
l’a dion. Or le Ipedateur préfont en elprit, eft cenfé
entendre la voix de l’adeur, quelque foible & bas
qu’en foit le fon, & lors même qu’elle n’eft pas entendue
des perfonnages qui font en foène.
C ’eft cette hypothèfe qu’on a perdue de vue , lorfo
qu’en melùranc les diftances, on a regardé comme
une invraifomblance théâtrale, qu’un adeur fût entendu
de loin & ne le fut pas de plus près. Voye\
U nités ( M . M a rm on te l. )
Au lùjet des Aparté nous rapporterons une anecdote
connue ; elle pourra fournir une réflexion utile.
Racine , Molière , & la Fontaine' étoient amis,
comme on fait t ralfemblés un jour, là converlàtion
tomba for les Aparté. La Fontaine en foutenoit
l’ulàge abforde & contraire à toute vraifomblance ;
Racine le défendoit : la difpute devint vive ; un
enfant , un homme naturel s’échauffe aisément.
-Molière , profitant de çe moment d’agitation d.e la
A P H
Fontaine, crïa à plusieurs reprifos, L a Fontaine
efi un coquin , fons que celui-ci l ’entendît. La
Fontaine , ayant fu Y Aparté de Molière, fo con-
felfa vaincu.
Cette anecdote prouve fons doute, que les Aparté
font quelquefois dans la vraifomblance, même dans
la nature ; mais elle montre auffi, qu’on ne peut
.en foire ufoge avec focces que dans les moments
où l’adion , pleine de chaleur & de mouvement,
entraîne également l ’adeur & le Ipedateur. Rien
donc de plus faux & de plus ridicule que la manière
ordinaire de rendre les Aparté liir la foene, ou
fadeur paroît toujours s’adrefïèr au Ipedateur &
lui parler oonfidemment ; tandis qu’il ne devroit
s’occuper ni du Ipedateur , ni de fo i, mais uniquement
de l’objet qui le frape ou du fontiment qui
l’émeut. Il eft bien forprenant que les lïfflçts-di s
fpedateurs n’ayent pas encore averti les adeurs de
ce contre-fons abfiirde». ( A nonyme. )
(N.) APHÉRÈSE, fi f. Efpèce de Métaplalme
( voye\ ce mot ) , qui change le matériel primitif
d’un mot par une fouftradion faite au commencement.
A’cpafetrtç, de àtpettp'ea ( aufero ) ,* RR. ùiro ( à , ab )
changé en »<p& ulpéa ( capio.)
La langue latine, indulgente en: faveur de l ’harmonie,
pprmettoit, fortout aux poètes , l’ufoge de-
YAphérèfe en bien des cas : & c’eft à la faveur de
cette licence, que Virgile , employant le Ample
inuAte temnere pour le compofé contemnere , a dit.
( ASn. V I . 6zo, ) i
D i f cite jujîitiam moniti, & non temnere diras.
Les grecs, plus amateurs encore que les latins
des charmes de l’harmonie , ufoient de l ’Aphérèfe
julque dans la profo ; & ils difoient bfTtj pour le
mot ordinaire èoprij.’( fête ) 9 ctpoiFt) au lieu de
àçepoTTii ( éclair ) , _
Le principal ufoge de cette figure eft au paflage
des mots d’une langue dans une autre. C ’eft ainli-
que les latins fomblent avoir formé par Aphérèfe
les mots Icena ( forte de vêtement ) de rura
de »pupet, mulgeo de âfieXya , ros de , fo lio
de c-ipéiXX'.i>, nofco de yvaçx.ùi fiungus ÔQ a-tçbyyas f
te go de çiya , imitor de ftifctflîsc, d’ou ils ent tiré
mimus fons Aphérèfe•
Nous-mêmes nous paroiffons avoir formé par la
même figure rogue de arrogans, oncle de ayun-
culus , bojfu de gibbofus, loir de gliris ( génitif
de glis ) , &c. • ■ ^
Au refte , rien n’eft plus aile que de fo méprendre
à cet égard ; ces générations de mots
fuppofont des emprunts, qui peuvent très-bien
s’être faits dans un fons contraire à celui qu’on
adopte. Par exemple , ceux qui font perfoadés que
notre françois vient du latin, ne douteront pas
que notre mot jeûne ne vienne de jejunium, en
retranchant par Aphérèfe la première fyllabeye;
mais d’autres peut-être croiront plus volontiers que
jejuniuin eft tiré- du celtique jun , qui à fo mêàis
J J D d 1