
donner en Cës occafîons le nom cTAuxiliaire au
verbe Sum , ni à Hqbeo , ni à Ire ; quoiqu’on difè
habeo perfuafum, & que Céfar ait dit, inijit copias
quas hàbebat paratas, habere grâces , fidem ,
mentionem, & odium , &c.
Notre verbe Devoir ne fert-il pas aufli d’A u x iliaire
aux autres verbes par métaphore ou par
extenfion , pour lignifier ce qui arrivera ? Je dois
aller demain à JFerfailles ,* j e dois recevoir , &c.
i l doit partir, il doit arriver, &c.
Le verbe Faire a fouvent aufli le même ufàge;
faire voir, faire part, faire des compliments ,
faire honte , faire peur, faire p itié t &c.
Je crois qu’on n’a donné le nom Auxiliaires à
Etre 8c à A v o ir , que parce que ces verbes, étant
fuivis d’un nom verbal, deviennent équivalents à
un verbe fîmple des latins, veni ; je fuis venu : c’eft
ainfi , que parce que propter eft une prépofition
en lé.tin , on a mis aufli notre à caufe au rang
des prépofîtions françoifès , & ainfi de quelques
autres.
, Pour moi, je fuis perfuadé qu’il ne faut juger de
la nature des mots que relativement au fervice qu’i'.s
rendent dans la langue où ils font enr ufàge , & non
par rapport à quelque autre langue dont ils font
l ’équivalent: ainfi, ce n’efl que par périphrafe ou
circonlocution que j e fu is venu eft- le prétérit de
venir, j e eft le fùjet, c’eft un pronom perfonnel;
fu is eft fèul le verbe à la première perfbnne du
temps préfènt, j e fuis aétuellement ; venu eft un
participe ou adjedif verbal, qui lignifie une adion
paffée & qui la lignifie adjedivement comme arrivée
, -au lieu que avènement la lignifie fùbftanti-
vement & dans un fèns abftrait; ainfi, i l efl venu ,
c’eft à dire, i l efl actuellement celui qui efl venu,
comme les latins difènt venturus efl, il eft actuellement
celui qui doit venir. J 'a i aimé, le verbe n’eft
que a i , habeo ; f a i eft dit alors par figure, par
métaphore, par fimilitude. Quand nous difons, j ’alun
livre, &c. j 'a i eft au propre; & nous tenons le
même langage par comparaifbn , lorfque nous nous
fèrvons de termes abftraits : ainfi, nous dilons fa i
aimé, comme nous difons, j'a i honte, j ’ai p eu r ,
j ’ai envie, j ’ai f o i f j ’ai fa im , j ’ai chaud, j ’ai
froid ; je regarde donc alors aimé comme un véritable
nom fubftantif abftrait & métaphyfique , qui
répond à amatum, amatu des latins, quand ils difènt
amatum ire, aller au fèntiment d’aimer, amatum
tri, l ’adion d’aller au fèntiment d’aimer être faite,
le chemin d’aller au fèntiment d’aimer être pris ,
victm iri ad amatum : or comme en latin amatum,
amatu, n’eft pas le même mot cpéamatus , a , um,
de même aimé àzm j ’ai aimé, n’eft pas le même
môt que dans j e fuis aimé, ou aimée ; le premier eft
aétif, j ’ai aimé ; au lieu que d’autre eft pafîif, je
fuis aimé: ainfi, quand un officier dit, j ’ai habillé
mon régiment, mes troupes, habillé eft un nom
abftrait pris dans un fèns aétif; au lieu que, quand il
dit, les troupes que j ’ai habillées, habillées eft un
pur adjeâjf participe ? qui eft dit dans le même fèns'
que paratas, dans la phrafè ci-defïiis, copias quas
habebat paratas. Céfar,.
Ainfi, il me fèmble que nos Grammaires pôur-
roient bien fèpaflèr du mot d’A ux iliaire , & qu’il
fùfliroit de remarquer en ces occafions le mot qui
eft verbe, le mot qui eft nom, & la périphrafe qui
équivaut au mot fimple des latins. Si cette précifion.
paroît trop recherchée à certaines perfonnes , du
moins elles n’y trouveront rien qui les empêche, de
s’en tenir au train commun , ou plus tôt à ce qu’elles
lavent déjà.
Ceux qui ne lavent rien ont bien plus de facilite
à apprendre bien , que ceux qui lavent déjà mal.
Nos grammairiens , en voulant donner à nos
verbes des temps qui répondiffent comme en un
fèul mot aux temps Amples des latins, ont inventé
le mot de verbe auxiliaire : c’eft ainfi, qu'en voulant
aflujettir les langues modernes à la méthode
latine, ils les ont emoarraflées d’un grand nombre
de préceptes inutiles, de ca <, de déclinaifons,. &
autres termes qui ne conviennent point à ces langues
, & qui n’y auroient jamais été reçus fi le5
grammairiens n’avoient pas commencé par l’étude
de la langue latine. Ils ont afTujetti de Amples équivalents
à des règles étrangères, mais on ne doit pas
régler la Grammaire d’une langue par les formules
de la Grammaire d’une autre langue.
Les règles d’une langue ne doivent fè tirer que
de cette langue même. Les, langues ont précédé les
Grammaires ; & celles-ci ne doivent être formées
que d’obfèrvations j.uftes tirées du' bon Ufàge de la
langue particulière dont elles traitent. (M . D u
M a r s a i s y)
( N. ) A V A N T . Je n’examine 7point ici fi ce
mot eft une prépofition, un adverbe, ou un nom ;
car on le place dans toutes ces claflès : je neveux
qu’examiner une queftion qui partage encore nos-
grammairiens. Faut-il dire , Avant que de partir
, ou Avant de partir ?
Voici ce que répond l’abbé d’Olivet à l’cc-
cafion du vers de Racine ( Mithrid ,iij. i. ) ;
Mais avant que partir , je me ferai juftice.
» On doit toujours dire en proie , Avant que
» de. Mais en vers on fe permet de lûpprimer ou
» que ou de , quand la mefure y oblige. Racine
» & Defpréaux ont toujours dit Avant que, comme
» plus conforme à l’étymologie, qui eft l’Ante
» quam du latin. Aujourdhui la plupart de nos
» poètes préfèrent A vaut de. Rien . n’eft plus arbi-
» traire , à mon gré. Mais plufieurs de ceux qui
» écrivent aujourdhui en profe & qui le piquent
» de bieiî écrire , veulent, à la manière des poètes,
» dire Avant de. Je luis perfuadé qu’en cela ils
»> fè preflènt un peu trop & fans raifon. Pourquoi
» toucher à des manières de parler qui font aufli
» anciennes que la langue : Trouvént-ils quelque
» rudeffe dans Avant que de? Vaugelas leur ré-
» pondra , qu’IZ n’y a ni cacophonie, ni répéti-
A V A.
• r t a , rfi
» l'oreille, lorfqu'un long ufàge l u établi t- que.
» l'oreille y ejl accoutumée. ,
J’ajouterai, à cette decifîon de iabbe dO h-
y e t , celle de M. du Marfais ( Encycl. ) , afin de.
faire connoître & d’apprécier les rations des deux.
plus habiles grammairiens de nos jours. .
.3 II faut dire Avant que.: de partir. . . . Je lats
pourtant qu’il y a des auteurs qui veulent fup-
=, primer le que dans ces phrafes, & dire, ^vant
« de fe mettre à table : mais je crois que ceft une
faute contre le bon Ufàge ; car A y a n t, étant une
» prépofition , doit avoir un.complement: ou régime
„ immédiat; or une autre prépofition ne faurott être
„ ce complément : je crois qu on ne peut pas plus
» dire Avant de, que Avant pour, avant par,
.. Avant fur : de ne fe met apres une prépofition
» que quand il eft partitif, parce qu alors il y a
» eilipfe ; au lieu que dans Avant que ; ce mot
» que (hoc q uo i) eft le complément ou comme
» on d it, le régime de la prépoiiuon A v a n t;
» Avant que de , c’eft à dire Avant la cnoje
Malgré la décifion pofîtive de deux fi grands maîtres,
j’olè avancer qu’il eft plus analogique & mieux
de dire, Avant de partir, Avant defé meure a table.
Si Avant eft un nom , comme je ne ferots point
embarraffé de le prouver, (.voy. P réfositios ) la
prépofition de amène fans détour le complément de-
terminatif d’un nom ; par confequen t-Avamde eft
une fimple phrafe de l’analogie la plus exafle. quand
on regarderoit Avant comme prépofition, Aimm de
partir ne ferait encore qu’une phrafe eUtpttque
ailée à analyfer, Avant (.le moment ) de partir;au
lieu qu’il eft impolïtble d’analylèr , d une manière
raifonable & fatisfaifante , la phrafe Avant que de
punir. i
L ’abbé d’Olivet préten44a-juftifier par 1 étymolog
ie , qui eft , dit-il, Y Ante quam du latin. Mais f°.
VAnte du latin eft uniquement une prépofition , &
notre A v a n t, qui eft quelque fois nom, 1 eft peut-
être toujours ; du moins l’un ne répondant pas jufte
à l’autre, on ne peut pas dire que l’un fôit 1 étymologie
de l’autre : z®. quand Ante quam fèroit
le jufte correlpondant de notre Avant que , cela
pourroit-il autorifèr Avant que de partir? Ante
quam a-t-il jamais eu en latin, pour complément,
un infinitif ou un gérondif? & quand cela fèroit,
prouvera-t-on jamais que nous devions parler latin
en françois ? ~
M. du Mariais veut fàuver la phrafè par 1 interprétation
: Que ,.dit-il-, ( hocquod ) eft le complément
de la prépofition Avant : Avant que de , c eft
à dire Avant la chofe de. Mais en bonne foi hoc
quod a-t-il jamais fignifié la chofe ? C’eft la chofe \
que ou qur, & ce que ou qui , refte toujours à justifier
par une analyfe fatisfaifante.
L e Pédantifme, trompé par de fauflès analogies ,
& affe&ant toujours de faire montre^ d’un lavoir
étranger à fôn véritable objet, avoit introduit dans
A. V A 283
la langue Avant que de-, l’Ufage l ’avoit autorifé
& conlacré : on aurait eu tort de parler autrement.
Quelques poètes Ce font permis, pour la mefure du vers,
àe dire Avant de.; quelques profateuts ont ofe a
leurs niques les imiter ; l ’Ufage s’eft enfin partage: on
peut donc du moins choifir aujourdhui entre Avant
que de & Avant de. Mais on vient de voir que
l’analogie trouve mieux fon compte dans la dernière
phrafe, & d’ailleurs on ÿ gagne de la brièveté
: il ne doit donc plus y avoir de partage, &
Avant de mérite une préférence exclufive.
E e a u z ê b . )
(N.) A V A N T , DEV AN T. Synonymes.
L ’un & l’autre de ces mots marquent également le
premier ordre dans la fituation ; mais Avant eft pour
l’ordre du temps, eft Devant eft pour I ordre des
plS-CGS.
Nous venons après les perfonnes qui paffent avant
nous. Nous allons.derrière celles qui panent devant.
Le plus tôt arrivé fè place avant les autres. L e plus
confîdérable fè met devant eux. r
Il fe propofe dans l’École -d aufli ridicules quef-
tfons fur ce qui a été avant le monde, qu il fe
fait dans le cérémonial de rifîbles conteftations fur
le droit de fè placer devant les autres.
Je crois qu’il n’y a qu’à fe bien inftruire de ce qui
a été avant nous , pour n’étre pas.tout à fait ignorant
fur ce qui doit arriver après. Qu’importe de marcher
derrière ou devant les autres , pourvu qu’on
marche à fbn aifè & commodément ? ^ ,
La vanité de l’homme lui fait chercher de l’honneur
dans des ancêtres qui ontexifté avant lui ; tandis
que fbn peu de mérite le fait travailler à 1 avilifieroest
de fà poftérité. Son ambition lui.rend incommode tout
ce qui eft placé devant lui ; & fufpeft , tout ce qui,
le fuit de trop près. ( L ’abbé G ir a r d . )
Devant marque aufli la prefence; il a fait cela
_ devant moi : au lieu que , il a fait cela avant_ m oi,
i marqueroit le temps. Sa maifbn eft devant la mienne ,
c’eft à dire qu’elle eft placée vis a vis de la mienne :
au lieu que fi je dis , fà maifbn eft avant la niienne ,
cela voudra dire que celui à qui je parle arrivera a la
maifbn de celui dont on parle avant que d arriver a
la mienne. ( AI. du. AIarsais. )
(N.) AVARE , A V A R IC IEU X , Synonymes.
11 me fèmble c]\\ Avare convient mieux, brfqu’il
s’agit de l’habitude & de la paflion même de l’avarice;
& qu’Avaricieux fe dit plus proprement, lorsqu’il
n’eft queftion que d’un a&e ou d’un traitparticulier de
cette paflion. Le premier de ces deux mots a aufli
meilleure grâce dans le fèns fubftantif, c’eft à dire,
pour la dénomination du fùjet; 8c le fécond, dans le
fens adjedif, c’eft à dire, pour la qualification du
fùjet. Ainfi, l’on d it, c’eft un grand Avare, c’eft
un Avaricieux mortel. _
Un homme qui ne donne jamais , pafle pour avare.^
Celui qui manque à donner dans locçafion ou qui
donne trop peu , s’attire l’epithète d Avaricieux.
N n z