
lig en t, que celui qui a donné cette infcriptîon a eu
deffein de faire dire aux comédiens, R idemus vida
, Jublato jure nocendl, nous rions ici des défauts
d’autrui, fans nous permettre de bleffer perfbnne.
■ La devïfe eft une repréientation allégorique, dont
©n fè fert pour faire entendre une pensée par une
comparaifbn. La devifè doit avoir un corps & une
ame. Le corps de la devifè, c’efl l’image ou repré-
fèntation ; l’ame de la devifè, font les paroles qui
doivent s’entendre d’abord littéralement de l’image
ou corps fymbolique ; & en même temps le concours
du corps & de l ’ame de la devifè doit porter l’efprit
à l’application que l’on veut faire, c’eft à dire, à l’objet
de la comparaifbn.
L ’ame de la devifè eft ordinairement une proportion
elliptique. Je me contenterai de ce fèul exemple
: on a repréfènté le fbleii au milieu d’un cartouche
, & autour du fbleii on a peint d’abord les
planètes ; ce qu’on a négligé de faire dans la fuite :
l ’ame de cette devifè eft Nec pluribus impar ; mot
à m ot, Il nejlpas infuffifantpourplufieursf Le roi
Louis XIV fut l’objet de cette allégorie : le deffein
de l’auteur, fut dé faire entendre que, comme le foleil
peut fournir afîèz de lumière pour écTairer ces différentes
planètes , & qu’il a affez de force pour fùr-
monter tous les obftacles , & produire dans la nature
les différents effets que nous voyons tous les jours
qu’il produit ; ainfi le roi eft doué de qualités fi éminentes
, qu’il fèroit capable de gouverner plufîeurs
royaumes ; il a d’ailleurs tant de reffources & tant de
forces, qu’il peut réfifter à ce grand nombre d’ennemis
ligués contre lui & les vaincre : de forte que la
Conjlruclion pleine e&,Sicutfolrtonefiimpar pluribus
orbibus illuminandis, itaLudovicusdecimus quartus
non ejl impar pluribus regnis regendis, nec pluribus
hoftibus profligandis. Ce qui fait bien voir que lorsqu’il!^’
agit de Conjlruclion, il faut toujours réduire
toutes les phrafès & toutes les propofîtions à la Conf
zruclion pleine.
VI. Propofition confidére'e grammaticalement,
propojition confidére'e logiquement. On peut considérer
une propofition ou grammaticalement ou logiquement
: quand on confidère une propofition grammaticalement
, on n’a égard qu’aux rapports réciproques
qui font entre les mots ; au lieu que dans la propofition
logique, on n’a égard qu’au fèns total qui
xéfulte de l ’affemblage des mots : en forte que l’on
pourroit dire que la propofition confidérée grammaticalement
eft la propofition de l’élocution ; au lieu que
la propofition confidérée logiquement eft celle de l’entendement
, qui n’a égard qu’aux differentes parties,
je veux dire, aux differentspoints(de vûede fa penfee:
il en confidère une partie comme fujet, l’autre comme
attribut, fans avoir égard aux mots ; ou bien il
en regarde une comme caufè , l’autre comme effet ;
ainfi des autres manières qui font l’objet de la penfee
: c’eft ce qui va être éclairci par des exemples.
Celui qui- me fiuit, dit Jéfus-Chrijl, ne marche
point dans les ténèbres : confidérons d’abord cette
phrafe ou cetaffemblage de mots grammaticalement,
c*eft à dire , félon les rapports que les mots ônï eu*
tre eux ; rapports d’où réfulte le fèns : je trouve que
cette phrafè, au lieu d’une feule propofition , en contient
trois.
i®. Celui eft le fùjet de ne marche point dans les
ténèbres ; & voilà une propofition principale ,' celui
étant le fùjet, eft ce que les grammairiens appellent
le nominatif du verbe•
Ne marche point dans les ténèbres ,* c’eftTattribut ;
marche eft le verbe qui eft au fingulier & à la troi-
fième perfbnne , parce que le fujet eft au fingulier,
& eft un nom de la troifième perfbnne, puifqu’il ne
marque ni la perfbnne qui parle, ni celle à qui l’on
parle ; ne point eft la négation, qui nie du fùjet l’action
de marcher dans les ténèbres.
Dans les ténèbres, eft une modification de l’action
de celui qui marche, il marche dans les ténèbres ,
! dans eft une prépofîtion que ne marque d’abord qu’une
modification ou manière incomplette, c’eft à dire
que dans, étant une prépofîtion , n’indique d’abord
qu’une efpèce, une forte de modification , qui
doit être"enfùite fîngularisée, appliquée, déterminée
par un autre mot, qu’on appelle par cette raifon le
complément de la prépofîtion ï ainfi, les ténèbres eft le
complément de dans'", & alors ces m ots, dans les ténèbres
, forment un fèns particulier qui modifie marche,
c’eft à dire, qui énonce une manière particulière
: de marcher.
2°. Qui me fuit, ces trois mets font une propofî-
tibn incidente qui détermine celui , & le reftreint à
ne fîgnifier que le difciple de Jéfiis-Chrifi , c’eft à
dire , celui qui règle fà conduite & fès moeurs fur les
maximes de l’Évangile : ces propofîtions incidentes
énoncées par qui, font équivalentes à un adjeCtif.
Qui eft le fùjet de cette propofition incidente; me
fuit eft l’attribut yjuic eft le verbe ; me eft le déterminant
ou terme de l’aâion de fuit : car félon l’ordre
de la penfée & des rapports, me eft après fuit;
mais félon l’élocution ordinaire ou Conjlruclion
ufuelle, ces fortes de pronoms précèdent le verbe.
Notre langue a eonfèrvé beaucoup plus d’inverfions
latines qu’on ne penfè.
3°. Dit Jefus-Chrifl, c’eft une troifième propofî-
tion qui fait une incife ou fens détaché ; c’eft un adjoint
: en ces occafîons la Conjlruclion ufuelle met le
fùjet de la propofition après le verbe : Jefus-Chrijl
eft fùjet, & dit eft l’attribut.
Confidérons maintenant cette propofition à la manière
des logiciens : commençons d’abord à en fépa-
rer l’incifè , d't Jefus-Chrijl : il ne nous reftera plus
qu’une feule propofition ; Celui qui me fuit : ces mots
ne forment qu’un fèns total ; qui eft le fùjet de la propofition
logique, fùjetcompfexeou composé; car on
ne juge de celui, qu’autant qu’il eft celui qui me
fuit : voilà le fùjet logique ou de l’entendement. C’eft
de ce fùjet que l’on penfè & que l ’on dit ojfiilne marche
point dans les'ténèbres.
Il en eft de même de cette autre propofition :
Alexandre, qui étoit/roi de Macédoine , vainquit
I Darius. Examinons d’abord cette phrafè grammatîcalement.
J’y trouve deux propofîtions : Alexandre |
vainquit Darius , voilà une propofition principale ;
Alexandre en eft le fujet ; vainquit Darius , c’eft
l’attribut. Qui étoitroi de Macédoine, c’eft une propofition
incidente ; qui en eft le fùjet, & étoit roi de
Macédoine, l’attribut. Mais logiquement ces mots,
Alexandre qui étoit roi de Macédoine , forment un
fèns équivalent à Alexandre roi de Macédoine : ce
fèns total eft le fùjet complexe de la propofition ;
vainquit Darius, c’efl: l’attribut.
Je crois qu’un grammairien ne peut pas fè dif-
penfèr de connoitre ces différentes fortes de propofî-
tions, s’il veut faire la Conjlruclion d’une manière
raifonnable.
Les diversnoms que l’on donne aux différentes pro-
pofitions, & fouvent à la m ême, font tirés des divers
points de vue fous lefquels on les confidere : nous allons
raffembler ici celles dont nous venons de parler
, & que nous croyons qu’un grammairien doifr
connoitre.
T AD LE des divers noms que Von. donne aux Propofitions, aux Sujets, & aux Attributs.
f P r o p o s it io n d ir e c t e
énoncée par le mode
indicatif.
Elle marque un jugement.
P r o p o s it io n o b l iq u e .
I. Divifion. < exprimée par quelqne
autre mode du verbe.
I Elle marque, non un jugement
, mais quelque
confidération particulière
de l’efprit. On
l’appelle Énonciation.
( i . Simple tant au pluriel
I qu’au fingulier.
2. Multiple , lorfqu’on applique
le même Attribut
Les Propofi- j ^uJet J à différents individus,
tions & les | V * ou { 3 . Complexe.
| 4. Énoncé par plufîeurs mots;
| qui ferment un fèns total %
I & qui font équivalents à
\ un nom.
v Énonciations .
( font compo- J
I fees d’un Su- \
! jet & d’un | I Attribut. j . f Simple.
| L -nttn ut J Compofé , c ’eft à dire , énon-
>■ ejt, ou ^ cé par plufîeurs mots.
II. Divifion.
P r o p o s it io n absolue ou c om p e e t t e .
P r o p o s it io n r e l a t iv e i L’enfembie des F r o -C /u P é -
ou p a r t ie l l e . _ f pofitions corrélatives) riodeefiA
On les appelle aufli corré- T ou partielles forme la \ compo- C
latives. j Période. (_ fée , ou j
De membres feulement*
D ’incifès feulement.
De membres & d’incifes*
III. Divifion•
IF. Divifion.
( Propofition explicative.
\ Propofition déterminatiye.
ƒ Propofition principale.
\ Propofition incidente.
F. Divifion.
Fl. Divifion.
Propofition implicite ou elliptique.
Propofition explicite.
Propofition confidérée grammaticalement.
Propofition confidérée logiquement..
Il faut ôbferver que les logiciens donnent le nom
de Propofition compofée , à tout fens total qui
réfulte du rapport que deux propofîtions grammaticales
ont entre elles ; rapports qui font marqués
par la valeur des différentes conjonctions qui uniffent
les propofîtions grammaticales.
Ces propofîtions compofees ont divers noms félon
la valeur de la conjonction, ou de l’adverbe con-
jonétif, ou du relatif qui unit les fîmples propo-
fîtibns partielles & en fait un tout. Par exemple,
ou, aue, vel, eft une conjonction disjon&ive ou
de divifion. On raffemble d’abord deux objets pour
donner enfùite l’alternative de l’un ou- celle de
l ’autre. Ainfi, après avoir d’abord raffemblé dans
mon efprit l’idée du foleil & celle de la terre,
je dis. que c’eft ou le foleil qui tourne, ou que
c’eft la terre : voilà deux propofîtions grammaticales
relatives, dont les logiciens ne font qu’une propo-
fition compofee, qu’ils appellent Propofition dif-
jonclive.
Telles font encore les prôpbfîtions conditionelles
qui réfùltent du rapport de deux propofîtions par
la conjonction conditionnelle fi ou pourvu que ; fi
vous étudie\ bien, vous deviendrez J,avant ; voilà
une propofition compofee qu’on appelle conditionnelle.
Ces propofîtions font composées de deux pro--
pofîtions particulières, dont l’une exprime une condition
d’où dépend un effet que l’autre énonce. Celle
où eft J,t condition s’appelle l’antécédent, fi vous
étudïè\ bien; celle qui énonce l’effet qui fuivra la
condition, eft appelée le conféquent, vous deviendrez
favant.
Il ejï efiimé parce quil eft favant & vertueux*
Voilà une propofition compofee', que les logiciens;
appellent cauj'qle , du mot parce que, qui fert à.
exprimer la caufe de l’effet que la première propofition
énonce. IL eft efiimé', voilà l’effet; & pour-*
quoi l parce qu'il efifavant <5* vertueux ; voilà la
caufe ae l’eftime.
La fortune peut bien Ôter tes rïchejfes, mais
elle ne peut pas ôter la vertu : voilà une propo—
fition compofee , qu’on appelle adverfative ou dif-
crétïve , du latin diferetivus ( DonatJ qui fert à
fépàrer, à diftinguer, parce qu’elle eft compofee
de deux propofîtions , dont la féconde marque une
diftinâion ^ une feparation ,. une. forte de contrariés£