
;So D E L
La Deliberation eft un préliminaire Inditpentûblè
pour mettre au fait ceux qui doivent prononcer ;
elle exige de l’attention : les Opinions font une espèce
de réfeltat formé dans chaque tête , & qui,
étant raitbnné , devient une nouvelle fource de lumières
& de motifs pour préparer la décilîon ; cette
lèeonde opération exige du bon fons : enfin , la Vo+
tation eft la dernière main que l’on met à la déci-
fion , & l’opération qui la conclut & i’autcrifo ; elle
exige de l ’équité.
Un écoute la Délibération, on pète les Opinions,
en compte les V o ix • ( M. É eauzèe. )
* DÉ L ICAT , DÉ L IÉ, Synonymes.
( f Une idée de fineflè & d’habileté tèmble confo.
tituer le fonds commun de ces deux termes, qui ont
d’ailleurs leurs différences caradériftiques. ) ( M .
Æ e a u z é e . )
Une pensée eft délicate, lortqueTes idées en tónt
liées entre elles par des rapports peu communs ,
qu’on n’apperçoit pas d’abord quoiqu’ils ne (oient
point éloignés ; qui cautênt une lurprifê agréable ;
qui réveillent adroitement des idées accelibires &
fècrètes de vertu , d’honnêteté, de bienveillance ,
de volupté , de plaifîr. Une expreflion eft délicate,
lortqu’elle rend l’idée clairement, mais qu’elle eft
empruntée par métaphore, d’objets écartés, que nous
voyons avec fùrprite & plaifîr rapprochés tout d’un
coup avec habileté.
Un efprit délié eft un etprit propre aux affaires
épineutês , fertile en expédients , infînuant, fin ,
fbuple , caché. Un ditcours délié, eft celui dont on
ne,démêle pas du premier coup d’oeil l’artifice & la fin.
Il ne faut pas confondre le délié avec le délicat :
les gens délicats (ont allez fouvent déliés y mais les
gens déliés font rarement délicats.
Répandez for un ditcours délié la nuance du fon-
timent ; & vous le rendrez délicat : foppotèz, à celui
qui tient un ditcours délicat, quelque vue inté-
reffée & focrète ; & vous en ferez à l’inftant un homme
délié. ( M. D id e r o t . )
( ^ Le Délicat tient toujours à d’heureufos ditpo-
fitions, n’a que des effets agréables, & plaît toujours :
le D é lié tient à des ditpofitions indifférentes en foi ,
peut avoir de bons 8c de mauvais effets, & offèn-
iè fouvent. La fonfîbilité de l’ame /^produit le éli-
cat : la fineflè de l’efprit, la tbupleflè , l’artifice ,
amènent le Délié. he motDélicat ne peut (é prendre
qu’en bonne part : celui de D é lié Ce prend en bonne
te en mauvaifo part, folon les circonftances. ) Voyez
F in , D é l ic a t . Syn. F ine s se , D é l ic a t e s s e . Syn.
F in e s s e , P é n é t r a t io n , D é l ic a t e s s e , S agac
i t é . Syn. & S u b t t l it é d’E s p r i t , D é l ic a t e s s e .
Synonymes• {M. E eauzée. )
* DÉLICATESSE, f. f. (Morale, Bell. L rn .)
Comme il y a deux fortes de perception, il y a
deux fortes de tâgacité , celle de l’etprit 8c celle de
J\me. A la fagacité de l’eforit appartient la fineffe :
la tâgacité de l ’aroe appartient la DélieateJJ'e du tèn-
D E L
tîment & de l’expretfion. Ni les nuances les plus légères
, ni les traits les plus fugitifs, ni les rapports
les.plus imperceptibles, rien n’échappe à une tèn-
(îbilite délicate ; tout l’intéreflè dans ton objet, 8c
tout l’affède vivement.
Ainfi, la Délicatejje de l’expretfion confifte à imiter
celle du fontiment, ou à la ménager: ce font là
tes deux caractères.
Pour imiter la Délicatejje du fontiment, il foffit
que l’expreffion toit naïve & fimple : les tendres
alarmes de l’amour, les doux reproches de l’amitié ,
les inquiétudes timides de l’innocence &de la pudeur,
donnent lieu naturellement à une expreflion délicate :
c’eft l ’image du fontiment dans fon ingénuité pure ;
il n’y a ni voile , ni détour. T e l eft le caradère d»
ce vers de Marot:
Je l’aime tant que je n’ofe l’aimer.)
Les fables de la Fontaine font remplies de traits pareils.
Celle des deux pigeons , celle des deux amis ,
font des modèles précieux dë cette Délicatejje de
perception dont un coeur fonfîble eft l’organe.
Un ronge, un rien, tout lui fait peur,
Quand il s’agir de ce qu’il aime. ;
Mais ti la Délicatejje de l’expreflion a pour objet
de ménager la Délicatejje du fontimént, foit en
nous-mêmes , foit dans les autres ; c’eft alors que
l’expretfion doit être ou détournée ou demi-obfoure :
l’on defîre d’être entendu , & l’on craint de fo faire
entendre : ainfi, l’expretfion eft pour la pensée, oir
plus tôt pour le fontiment, un voile léger & trompeur,
qui raflûre l’ame & qui la trahit. Un modèle
rare de cette forte de Délicatejje , eft la réponfo de
cette féconde femme à fon mari, qui ne cefioit de
lui faire l ’éloge de la première : Hélas ,MonJîeur ,
qui la regrette plus que moi | Didon a tout fait
pour Énée , elle voudrait qu’il s’en fouvînt ; mais
elle craint de l’offenfor en lui rappelant fos bienfaits.
Voici tout ce qu’elle en ofo dire:
S i bette quid de te merui , fuit aut tibi quidquarn
JDulce meum. ,
Racine eft plein de traits du même caradère^ -
(A r i e i e à ÏJ.mène. ) :
Et tu crois que pour moi pfus humain que fon père,,
Hippolyie rendra ma chaîne plus légère?
Qu’il plaindra mes malheurs?
( La même , à Hippolyte.)
N’csorc-ce point affez de ne me point haïr?'
( E t Phèdre, au même. )
Quand vous me haïriez , je ne m’en plaindtois pas,
CE t A t a l i d e,, à Zaïre. )
Ainfi, de toutes parts les plaifirs 8c k jôie-
M’abandonnenc , Zaïre, 3c'marchent fur leurs pa*
J’ai fait ce que j’ai dû $ je ne râ’bn repe^s pas«.
D E L
Dans aucun de ces exemples le vefs ne dit ce que
le coeur lent; mais l'expreflion le laide entrevoir;
& en cela la fineffe & la Déliaueffe fe reffemblent.
Mais la fineffe n’a d’autre intérêt que celui de la
malice ou de la vanité ; fin motif eft le fein de bril-
ler & de plaire : au lieu que la De'licaieJJe a l’intérêt,
de la modeftie, de la pudeur , de la fierté , de
la grandeur d’ame ; car la généralité, l’héroifme
ont leur Délicaieffe comme la pudeur. Le mot de
Didon que j’ai cité :
Si betie quid de te merui. . . •
eft le reproche d’une ame généreufo. Vous êtes roi,
vous m>ainie\ , & j e parts , èft le reproche d une
ame fonfîble & fière.Le ihot de Louis XIV à Vil-
leroy, après la bataille de Ramtllie : Monjieur le
maréchal, on riejlplus heureux à notre âge, eft
un modèle de Délicatejje & de magnanimité.
Comme la Délicatejje^ménage la pudeur dans les
aveux qui lui échapent , & la fonfîbilité dans les
reproches qu’elle fait ; elle ménage autfi la modeftie
dans les éloges qu’elle donne.
De nos jours une grande reine demandoit à un
homme qu’elle voyoit pour la première fois, s’il
croyoit, comme on le difoit, que la princelfe d e.. .
fût la plus belle perfonne du monde ; il lui répondit :
Madame, je le croyois hier. _
On demandoit- à Pyrrhus, roi d’Épire, quel
étoit le meilleur joueur de flûte de fon royaume.
Polyperchon, répondit-il, ejl le meilleur de mes
Généraux. Quoi de plus digne , & en même temps
quoi de plus délicat que cette réponfo?
Un grenadier tàluoit en etpagnol le maréchal de
BerwicK : Grenadier, lui dit le Général, où avez-
vous appris l’etpagnol ? — Z. JLlmampi. Voila une
louange délicatement 8c noblement donnée.
Monfeigneur, vous avez travaillé dix ans à
vous rendre inutile, difoit Fontenelle au cardinal
Dubois. Ce trait de louange, fî délicat 8c fî déplacé,
avoit autfi tant de fineffe, que les libraires^ de Hollande
le prirent pour une bévue de l’imprimeur de
Paris , & mirent, à vous rendre utile.
La Délicatejje eft quelquefois un trait de fonti-
men£ echapé tans réflexion ; & l’on en voit un exemple
dans ces mots d’un brave officier, qui trembloit
en parlant à Louis X IV , & qui, s’en étant apperçu,
lui dit avec chaleur : A u moins , Sire , ne croyez
pas que je tremble de même devant vas ennemis.
Mais la Délicatejje de l’expreflion dans le rapport
de l’écrivain avec le ledeur , eft un artifice comme
la fineflè. Celle-ci confifte à exercer la fàgacité de
l’efprit , celle-là confifte à exercer la tâgacité du
fontiment : & il en rétulte deux fortes de plaifirs *,
l’un d’appercevoir dans l’écrivain ce fontiment exquis
; l’autre de fo dire à foi-même qu’on en eft doué
comme lu i, puitqu’on tàifit ce qu’il exprime, & qu’on
le font comme il l’a fonti.
La Délicatejje eft toujours bien reçue à la place
de la fineffe ; mais la fineffe, à la place de la Déli-
catejje, manque de naturel Ôc refroidit le ftyle î
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c’eft le défaut dominant d’Ovide. Ce^ qui intéreflê
l’ame , nous eft plus cher que ce qui exerce 1 e f prit
; autfi permettons-nous volontiers que l’on fente
au lieu de penfor , mais nous ne permettons pas de
même de penfor au lieu de fontir. ( M. A/armon-
T E L • )
(N.) DEMEURER, LOGER. Synonymes.
Ces deux mots font tÿnonymes dans le fons où ils
fîgnifient la réfîdence : mais Demeurer Ce dit pat
rapport au lieu topographique où l ’on habite; & Loger
, par rapport à l ’édifice où l’on Ce retire. On demeure
à Paris, en province , à la ville , à la catn-
pagne. On loge au Louvre, chez fo i, en hôtel
garni. - . . . „ „ .
Quand les gens de diftindion demeurent à Pans 9
ils logent dans des hôtels ; & quand ils demeurent
à la campagne, ils logent dans des châteaux. Voy•
H a b it a t io n , M aison , S é jo u r , D o m ic il e ,
D em e u r e . Syn. L o g is , L o g em en t . ^ « . M aison
H ôtel , P a lais , C h a t e a u . Syn. M aison , L o g is «
Syn. ( L ’abbé G i r a r d . )
(N.) DEMEURER, RESTER. Synonymes.
L ’idée commune de ces deux mots eft de ne fo
point en aller : & leur différence confifte en ce que
Demeurer ne préfente que cette idée fimple & générale
de ne pas quitter le lieu où l’on eft ; & que
Rejler a de plus une idée acceflbire de laitier aller
les autres.
Il faut être hypocondre pour demeurer toujours
chez fo i, tans compagnie & tans occupation. Il y a
des femmes qui ont la politique de rejler les dernières
aux cercles , pour ditpenfer les autres de medire
d’elles.
Il paraît autfi que le fécond de ces mots convient
mieux dans les occafîons où il y a une neceflîté in-
difpentâble de ne pas bouger de l’endroit ; & que le
premier figure bien où il y a pleine liberté. Ainfi ,
l ’on dit, que la fontineile rejle à fon pofte , & que
le dévot demeure long temps à l’églifo. ( Vabbé
G i r a r d . )
(N.) DÉMOLIR, RASER , DEMANTELER,
DÉTRUIRE. Synonymes.
C’eft abattre un édifice, de manière pourtant que
chacun de ces mots ajoute, à cette idée principale
qui leur eft commune , une idée acceflbire propre 8c
diftindive.
On démolit par économie, pour tirer parti des
matériaux & de remplacement, où pour réédifier :
on rafe par punition, afin de laiffer fubfîfter un monument
de la vindiâe publique : on démantelle par
précaution, pour mettre une place Jiors de défenfo :
on détruit dans toutes fortes de vues 8c par toutes
fortes de moyens , pour ne pas lailfor fo b fi fier.
Un particulier fait démolir y la Juftice fait rafer y
un Général fait démanteler une place qu’il a prifîe ,
& pour cela il en fait détruire les murailles & les
fortifications, {M. E eauzèe.)