
Uapf; le datif a le privilège d’être feul avec le
prétendu article d: mais de & à ont toujours un
complément comme les autres prépofitions , & ont
également des rapports particuliers à marquer ; par
conféquent fi d.- & à font des c a s , fu r , p a r ,
p our, fo u s , dans, avec, & les autres prépofi-
tiens, devroient en faire aulïî ; il n y a que le
nombre déterminé des fix cas latins qui s y oppole :
ce que je veux dire efl encore plus fenfible en
italien. _
Les Grammaires italiennes ne comptent que fix
cas aulfi, par la feule raifon que les latins n’en
ont que fix. Il ne fera pas inutile de décliner ici
au moins le finguliet1 de nos italiens, tels qu’ils
font déclinés dans la Grammaire de Buommatei,
celle qui avec raifon a le plus de réputation.
i. I l re, c’efi à dire le roi; i . del re, gg al
te , 4. il re , f . 0 re, 6. dal re. 1. La abbate.,
l ’abbé; 2. delloabbase, 3. allô abbate, 4- * abbate,
5 .0 abbate, 6. dalla abbate. 1» La donna , la
dame ; 1 délia donna, 3. alla donna, 4. la donna,
s . 0 donna, 6. dalla donna. On voit aifément,
& les grammairiens en conviennent, que de l, dello,
& dalla , font compofés de Y article , & de d i ,
qui en compofition Ce change en de ; que a l ,, allô
&. alla, font auflï , compofés de Y Article & de a-,
& qu’enfin d a l, dallo , & dalla font formés de VAr-
ticle &. de da , qui lignifie par, che,de.
Buommatei appelle ces trois mots dt, a , da ,
des fegnaccajî, c’efl à dire des fignes des cas. Mats
ce ne font pas ces feules prépofitions qui s unifient
avec Y Article : en voici encore d’autres qui ont le
même privilège.
Con co , avec ; col tempo , avec le temps ; colla
liberta , avec la liberté.
In en, dans, qui en compofition le change en
ne, nello fpecchio, dans le piiroir ,- nelgiardino,
dans le jardin ; nelle Jlrade, dans les rues. _
Per , pour, par rapporta, perd IV ; p el giardino
, pour le jardin.
, Sopra , fur, Ce change en f u , f u i prato, for le
pré ,.fu lla tavola , fur la table, Infra ou mtr a
fe change en tra : on dit tra'l pour traL il entre la.
L a conjonâion & s’unit aulfi avecl’Article: la
terra e'I d e là , la terre & le ciel. Faut-il pour
cela l’ôter du nombre des conjonétions ! puifqu on
ne dit pas que toutes çes prépofitions qui entrent
en compofition avec Y Article , ; forment autant de
nouveaux cas qu’elles marquent de rapports differents
; pourquoi dit-on que di , a y day'..ont ce
privilège? C ’eft qu’il fuffifoit d’égaler dans la langue
vulgaire le nombre des fix cas de la Gramr
maire latine , à quoi on étoit accoutumé dès l ’enfance.
Cette cowelpondance étant une fois trouvée,
le furabondant n’a pas mérité d’attention particulière.
Buommatei a fenti cette difficulté ; & bonne foi
eft remarquable : Je ne faurois condamner, dit-il,
ceux qui veulent que in , p e r , con, loient aulfi
bien lignes de cas , que le font d i , a , da : mais
il ne me plaît pas à préfênt de les mettre au nombre
des lignes de cas ; il me paraît plus utile de les
biffer au traité des prépofitions: Jo non danno i
loro ragioni , che certo non f i pojfon donnaie ;
ma non mi place per ora mettere gli ultimi nel
numéro de fegnaccafi ; varendo à me pin utile la)r-
ciar gli al trattato de lie propojhjoni. Buommatei,
délia ling. Tofcana. D e l Segn. c. tr. 41. Cependant
une raifon égale doit faire tirer une con-
féquence pareille : par ratio , paria jura dejiderati
co y ne , pe , &c. n’en font pas moins prépofitions ,
quoiqu’elles entrent en compofition avec Y Article y
ainfi di y a y da, n’en doivent pas moins être pre-
pofitions pour être unies à Y Article» Les unes &
les autres de ces prépofitions n’entrent dans le^ dil-
cours que pour marquer Je rapport particulier qu elles
doivent indiquer chacune félon la^ deftination que
l’Ulàge leur a donnée , làufaux latins a marquer un
certain-nombre de ces rapports par des terminaifons
particulières^ ’ . . ,
Encore un mot, pour faire voir que notre de
& notre à ne font que des prépofitions, c’eft qu elles
viennent, l’une de la prépofition latine de, & 1 autrç
de ad ou de à. , ' 1 \ .
Les latins ont fait de leur prépqfition .de le meme
ulage que nous faifons de nôtre de ; or fi en la-tin
I de eft toujours prépofition, le de françois doit 1 etre
aulïi toujours. , .
i° . Le premier ulàge de cette prépofition eft de
marquer l ’extraâipn, e’eft à dire, d’où une chofe eft
tirée., d’où elle vient, d’où elle a pris fou nom;
ainfi, nous difons un temple de marbre, un pont
de pierre , un homme du peuple, les femmes de
notre fiècle. _ |
z°. Et par extenfion cette prépofition fort a marquer
la propriété : le livre de P ierre, c eft a dire ,
le livre tire d’entre les chofos qui appartiennent à
Pierre.; . . . . ..
C’eft folon ces acceptions que les latins ont d it,
templum de marmore ponam, Virg. C f or g. lib.
I I I . ve rf 13, je ferai bâtir un temple de marbre :
fu it in teclis de marmore templum , Virg. Æn.
IV . v. 457» il y avoit dans fon palais un temple
’ de marbre , tota de marmore, Virg. Ecl. V IL
v. 31. toute de marbre :
...................Solîdo de marmore tèmpla
Infiituam , feftofque dies de nomine Phcebi.
Virg. Æn. V L v. 70. Je ferai bâtir des temples de
marbre , & j’établirai des fêtes du nom de Phoebus ,
en l’honneur de Phoebus. .
Les latins, au lieu de l’adje&if, fo font fouvent
forvis de la prépofition de fiiivie du nom ; ainfi , de
marmore eft équivalent à marmoreum. C’eft ainfi
qu’Ovide , 1. Met. v. 117- au lieu de dire cetas fer-
refiy a dit : de duro eft ultima ferro_, le dernier âge
eft l’âge de fer. Remarquez, qu’il venoit de dire ,
aurea prima fata eft oetas; enfuite fubiit argentea
proies.
Tertia pofi illas fuccejjit aliéna proies ; R
de ^enfin il dit dans le même fons, de duro eft ultima
ferro.
Il eft évident que dans la phrafo d’Ovide, estas
de ferro , de ferro n’eft point au génitif; pourquoi
donc dans la phrafe françoifo , V âge de fe r y de fer
leroic—il au génitif? Dans cet exemple la prépofition
de n’étant point accompagnée de Y A r ticle , ne fort,
avec f e r , qu’à donner à âge une qualification ad-
jeélive :
He partis expert effet de noftris bonis t
Ter. Heaut. IV . 1. 3p. afin qu’il ne fut pas privé
d’une partie de nos biens : Non hoc de nihilo eft y
Tér. Hec. V . 1. 1. ce n’eû pas là une affaire de
rien.
Reliquum de ratiunculâ, Tér. Phorm. I . 1. z .
un refte de compte.
Pàrtenta de genere hoc. Lucret. liv • V. v. 38.
les monftres de cette elflèce.
- Caetera de genere hoc adfingetj, imaginer des
phantômes de cette forte, id. ibid. v. 165. & Horace,
I. fa t. 1. v. 13. s’eft exprimé de la même
manière , Caetera de genere hoc adeo funt multa.
D e plebe deo, Ovid. un dieu du commun.
Pec de plebe deo , fed qui vaga fulmina mitto. ( Ovid. ).
Me't. I. v. Je ne luis pas un dieu du commun,
dit Jupiter à Io , je fuis le dieu puiffant qui lance
la foudre. Homo de Je holà, Cic. de orat. if. 7.
un homme de l’école. DecLamator de ludo , Cic.
orat. c. xv . déclamateur du lieu d’exercice. Ra-
bula de foro , un criailleur , un braillard du palais,
Cic. ibid. Primus de plebe. Tit. Liv. ùb. V I I .
c. xvij. le premier du peuple. Nous avons oes élégies
d’Ovide, qui font intitulées de Ponto, c’eft
à dire, envoyées du Pont. Mulieres de noftro feculo
quae fponte peccant, les femmes de notre fiècle.
Aufon. dans YÉpitre qui eft à la tête de Y Idylle VII.
Cette couronne , que les foldats de Pilate mirent
fur la tête d« Jelùs-Chrift, S. Marc ( ch. xv. v. 17.)
l ’app»lle fpineam coronam, & S. Matth. ( ch. xv.
v. 19. aulfi bien que S. Jean ( ch. x jx . v.- 2. ) la
nomment coronam de fpinis , une couronne d’épines.
Unus de circumftantibus, Marc, ch. xjv. v erf
47. un de ceux qui étoient là , l’un des affiliants.
Nous difons que les Romains ont été ainfi appelles
de Romulus ; & n’eft-ce pas dans le même fons
que Virgile a dit : Romulus excipiet gentem, Ro-
manofque fuo de nomine dicet. I. Æneid. v. x8i.
& au vers 471. du même livre , il dit que Didon
.acheta un terrein qui fut appelé B y r fa , du nom
d’un certain fait ; fa fli de nomine Byrfam ; & en- .
core au vers 18. du III. liv. Enée dit: Æneadaf- \
que meo nomen de nomme fingo. Ducis de nomine,
ibid. v erf i<$6,, &c. De nihilo irafei ; Plaut. fo
fâcher d’üne bagatelle, de rien , pour rien ; Quer-
cus de ceelo t allas. Virg. des chênes frappés de
la foudre ; De more , Virg. folon l’ufàge ; D e medio
■ potare die, Horace , dès midi ; De tenero ungui ,
Gramm. e t L it t é r a t . Tome I.
Horace , dès l’enfance; De induflriâ, Téren. de
deffèin prémédité; Filius de fummo loco, Plaute,
un enfant de bonne maifon ; D e meo , de tuo , Plaute
, de mon bien , à mes dépens ; j’ai acheté une
maifon de Craflus , Domum emi de Craffo ; Cic.
fam. liv. V. Ep. vj. & pro Fiaçco, c xx. Fundum
mercatus & de pupillo ; il eft de la troupe , De
gre&e illo efl; Tér. Adelp. III. iij. 38. je le tiens
de lu i , De Davo audivi ; diminuer de l’amitié,
AliqUîd denofirâ conjunclione imminutum ; Cic. V.
liv. epift. v.
3. De fo prend aulfi en latin & en françois pour
pendant; de die y de noclè j de jour, de nuit.
4. De pour touchant y au regard dey Si res de
amoré meo feçundae effent, fi les affaires de mon
amour alloient bien. x e'r.
Legaii de p a ce , Célàr de Bello Gall. z. 3.
des envoyés touchant la paix, pour parler de paix ;
De argentoy fomnium , Tér. Adelp. II. j. fo. à l’égard
de l ’argent, néant ; De captivis commutandisy
pour l ’échange des prifonniers.
f. D e y icau fod e , pour. A os amas de fificinâ
ifihâc y Tér. Eun. III. iij. 4. vous m’aimez a caufo
de cette mulicienne ; Laetus efl de arnica, il eft gai
à caufo de fàmaitreffe ; Rapto de fratre d demis ,
Horace , I. ep. xjv. 7. inconfolable de la mort de
fon frère ; accufire , argue re de ; accufor, reprendre
de.
6. Enfin cette prépofition fort à former des façons
de parler adverbiales ; De integro , de nouveau. Cic.
Virg. De induflriâ y Téren. de propos délibéré, à
delïein.
Si nous pallions aux auteurs de la baffe latinité,
nous trouverions encore un plus grand nombre d’exemples
: D e caelis Deus , Dieu des cieux ; Pannus de.
lanâ y un drap , une étoffe de laine.
Ainfi, l’ulage que les latins ont fait de cette prépofition
a donné lieu à celui que nous en faifons.
Les autorités que je viens de rapporter doivent luf-
fire, ce me fomble, pour détruire le préjugé répandu
dans toutes nos Grammaires, que notre de
eft la marque du génitif; mais encore un coup ,
puilqu’en latin templum de marmore y pannus de.
lanâ y de n’eft qu’une prépofition avec fon complément
à l’ablatif, pourquoi ce même de y paflànt dans
la langue françoifo avec un pareil complément, fo
trouveroit-il transformé en particule ? & pourquoi ce
complément, qui eft à l’ablatif en latin, fo trouveroit
il au génitif en françois ?
Il n’y eft ni au génitif ni à l ’ablatif ; nous n’avons
point de cas proprement dit en françois ; nous ne
faifons que nommer : & à l’égard des rapports ou,
vues différentes fous lefquels nous confidérons lés
mots, nous marquons ces vues , ou par la place du
mot, ou par le focours de quelque prépofition.
La prépofition de eft employée le plus fouvent
à la qualification & à la détermination ; c’eft à dire
qu’elle fort à mettre en rapport le mot qui qualifie,
avec celui qui eft qualifié ; un palais de roi, un
courage de héros»
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