Tentent dans le moment de l’avion ; il peut même
fuffire au but du peintre qu’on puifle reconnoître
clairement de certains perfonnages, qu’ils fur viennent
à i’aâion ou qu’ils le retirent, quoique d’ailleurs
on ne diftingue clairement ni ce qu’ils font
ni ce qu’ils.font.
Quand Homère décrit un combat, i l choifit un
petit nombre de perfonnages , & ce font toujours
de les principaux héros qu’il nous fait voir de fi
près , que nous diflinguons clairement toutes leurs
attitudes & tous leurs mouvements : il ne nom montre
d’autres perfonnages que dans le lointain ; il
fo contente de nous laiffer voir qu’ils fécondent
vaillamment les premiers combattants ; enfin il en
place des troifièmes fi loin de notre vite, que
tout ce que nous pouvons en diftinguer , c’en, qu’ils
a (liftent au combat, fans voir précifément ce qu’ils
y font: chaque perfonnage fo trouve ainfi dans le
jour où il doit être , pour que la foène entière faiïe
un tableau diftinâ & bien terminé.
L ’orateur en ufe de même ; il ne développe difi
tintement que les principaux chefs en forte que
toutes les notions qui doivent] y entrer foient clairement
expofées : les idées acceflbires ne reçoivent
que le degré de développement & de Clarté que
leur importance exige; c eû auffi là l’unique moyen
de rendre diftinâ un Tout qui eft compofé de plu-
fieurs parties differentes ; & l’on peut hardiment
avancer le paradoxe, que c’eft la confufîon des
parties ifolées qui produit la (clarté diftinâe de
Tenfemble, .Un payfage ne fauroit repréfenter une
véritable contrée , à moins que chaque objet du tableau
ne diminue en Clarté, à proportion de fon.
éloignement : car c’eft cette diminution de Clarté
diftinâe qui produit le (éntiment des lointains, &
il feroit àbforde de regarder comme un défaut la
confufîon d’un objet trop éloigné pour être repré-
fonté diftinâement ; il eft affez diftinâ dans un tel
éloignement, s’il eft vifîble.
Ainfi, la Clarté de l ’enfemble exige néceflaijement
que les parties principales foient diftinguées des
accelïbires, & que chaque objet particulier foit mis
dans un jour proportionne a fon importance : de
cette manière, le Tout acquerra la Clarté diftinâe
qu’il doit avoir.
Dans les arts de la parole, les ouvrages -de
quelque etendue , les narrations, les defonptions ,
les diflertations acquièrent cette Clarté diftinâe,
par une divifîon exaâe des divers objets, par
l ’ordre dans lequèl iis fe fuccèdent, & par la tractation
détaillée des objets principaux. En particulier,
î-’art des tranfitions y peut contribuer , en marquant
clairement la fin d’un article capital, le
commencement du foivant, & l ’idée moyenne qui
les lie : les auteurs françois excellent en général
dans la Clarté de la diâion, & peuvent être pro-
pofos ici comme les meilleurs modèles. Mais il
n’eft pas aile de donner des règles fixes fur la manière
de divifor un fojet •& d’en arranger les parties,
pour que l’enfemble devienne clair & diftinâ ; les
maîtres de l’art oratoire ne nous donnent aucune
lumière là-delfus ; leurs obforvations fo bornent à
l’art d’exprimer clairement chaque penfée ifolee,
& roulent principalement* for l’efpèce de Clarté
qui réfolte du choix des expreffions, ce qui n’eft
pas l’article le plus difficile. Les recherches générales
for la diftribution des penfées & for la manière
de les difpofor, manquent encore totalement a la
théorie des arts de la parole ; 8Ccependant ces deux
points font peut-étrè ce qu’il importe Je plus à l’orateur
, au poète épique, & au dramatique de favoir
bien faifîr. .
La règle la plus générale & aufli la plus^mv
portante qu’on puifTe propofer au poète & à l ’orateur
, fur ce fojet, c’eft de n’entreprendre aucun
plan avant de bien connoitre tous les matériaux
qu’ ils veulent employer dans leur ouvrage; qu à
force de méditer leur fojet, il leur foit fi familier,
qu’ils puiffènt en faifîr l ’enfemble d un coup d oeil.
Celui qui aura vu fi fouvent, & en tant d’occafîons
différentes, une perfonne, qu’il pourra fans peine
s’en rappeler tous les traits , les g elles, les mouvements
, eft infiniment plus en état de bien décrire
cette perfonne , qu’il ne 1 etoit a la premiers
vue : il en eft de même de tout aytre objet de nos
perceptions,; le témoin d un événement, qui fe
l’eft fouvent rappelé depuis, 'qui en a chaque cir-
conftance bien préfonte à l ’efprit, eft plus çapable
qu’aucun autre d’en faire un récit allez, clair, pour
que ceux qui l’entendent ayent une idée diftinâe de
cet évènement : quand une fois on pofsède bien fort
fujet, que tous lès matériaux néceffaires^ font rafo
femblés, il ne faut plus’ à l’artifte qu’un bon discernement
, pour faire la diftribution & 1 ordonnance;
ce fécond point, étant réglé , ü ne lui refte
qu’à bien- méditer chaque chef principal fe parement
, & cette opération le conduira au troifîème
point requis pour la Clarté, favoir-, 1 expofîtion
diftinâe des notions capitales. ;
En général, l’ordonnance que les plus grands
peintres ont foivie dans leurs meilleurs ouvrages ,
leur art de dîftribuer les figures & de les grouper
, la foience d’éclaircir & de faire fortir les principaux
groupes ; voilà les modèles du poète & de 1 curateur,'
pour ce qui concerne la Clarté qui doit
régner dans leurs écrits. ( Cet article eft tiré de ta
Théorie générale des Beaux-Arts de M. S u l z e r . )
Clarté du discours. (Littérature.) C’e ft,
comme on vient de le voir, la qualité par laquelle
un difeours eft propre à donner à ceux qui le lifent
ou l ’entendent, la vraie connoiffance de ce que
l’auteur vouloit leur faire penfor. Tout ce donc ^qui
empêche de bien faifîr la penfée précité de 1 auteur
, eft dans fon difoours un défaut elfenciel contre
la Clarté,. ; | ; i . -, . , ,.r
Diverfés caufés nuifént à la Clarté du difoours,
i° . Le fojet même , qui fouvent eft hors de la portée
des leâeurs, & qui, pour, être bien entendu, fup-
pofe, chez ceux à qui on l’adreffe, des connoifiances
préliminaires qui leur manquent abfolumenf. Ainfi ,
des ouvrages de Philofophie font obfcurs pour ceux
qui n’ont pas étudié les principes de cette vaite
• foience; & cependant il n’eft fouvent pas poffibie,
dans un ouvrage qui n’eft pas élémentaire , d expliquer
tout ce qui n’eft pas familier a tout le monde.
Se plaindre de l’obfcurité des difoours de cette efpèce,
c’eft fouvent fe plaindre de fa propre ignorance. j
2°. L’emploi des termes de l’art, des expreffions
feientifiques, font fouvent auffi une fource. d’obfcu-
rité, même pour des leâeurs intelligents, qui auroient
été très-capables de comprendre le fens .de chaque
penfée & d’en féntir la vérité, fi 1 auteur s etoit fervt
des termes communs & des expreffions ordinaires.
C’eft fouvent une affèâation déplacée chez certains
auteurs, que l’ufage des termes d’a r t, & d’ex-
preflions feientifiques auxquelles ils pouvoient alternent
fobftituer des termes & des expreffions d’ufage
ordinaire, que chaque leâeur un peu- éclairé & qui
■ fait fa langue comprend aifement. Souvent ^ c eft
un jeu de la charlatanerie des lettres ou des artiftes,
que l’emploi de ces termes barbares & etrangers,
auxquels répondent parfaitement des mots communs,
& auxquels peuvent foppléer des phrafés ordinaires.
JO. La trop grande brièveté eft fouvent un obftacle'à
la Clarté. Quelquefois un auteur familiarité,,
avec un fojet qu’il étudie depuisiong temps , veut
épargner du temps & de la peine , prévenir l’ennui
■ qu’inipirent les détails né ce.flaires à l ’intelligence'
d’un fojet, à une perfonne qui les fait trop bien: il
fupppfe que ces détails , ces idées intermédiaires qui
lient le principe à la conféquence , font auffi familiers
à Tes ieâeurs qu’à lui-même ; & fur ce prétexte
, il fe difpenfe de les donner , & le leâeur qui
ne voit pas la liaifon des idées ne comprend plus
ce qu’il lit. Les hommes profondément (avants, font
(iljets â être obfours dans leurs difoours par cette
rai fon. Cependant celui qui veut ir.ftruire devroit
fè fouvènir que lui-même, au commencement, n eft
paffé d’une idée à une autre éloignée , qu’en fai-
fiffant le fil des idées moyennes qui en forment la
liaifon. Abréger un difoours, eft ordinairement retrancher
ces détails, ces idées moyennes , ces liai-
fons inutiles aux gens fort intelligents , mais effen-
ciellement néceffaires aux leâeurs ordinaires* : en
forte que fouvent-, abréger c’eft diminuer la Clarté
d’un difoours.
4°. Le défaut de méthode eft une autre fource
d’obfourité dans le difoours. Ne pas offrir les idées
dans leur rapport réel, dans leur vraie dépendance ,
c’eft prefque toujours jéterdcla confufîon dansl efprit,
& rendre impoffible l’intelligence de ce qu’on, dit.
5°. Le défaut de Clarté d\i difoours vient foulent
dù défaut de Clarté dans les conceptions, &
de diftinâion dans les idées de celui qui fbrie. Il
eft bien rare que celui qui conçoit bien ce qu’il,
veut dire, qui comprend bien ce qu’il doit exprimer,
qui en a une idée nette , ne l’offre pas de
même 5 quand il en fait le fojet de fon difoours.
' 6°. Le défaut du ftyle produit ordinairement un
defaut de Clarté dans le difoours Des tranfpofîtions
défavouées par la nature de la langue, des phrafes
trop longues, des parenthèfes inférées mal à propos
ou trop confîdérables qui interrompent la peinture
de la penfée, des termes relatifs trop peu caraâé-
rifes ou mal placés , l’ignorance de la propriété des
termes, en un mot toute faute contre les règles de la
langue, expofe le difoours au danger d’être obfour.
7°. Le trop grand défîr de montrer de 1 efprit
eft fi fouvent une fource d’obfcurité, que l’on feroit
tenté de dire à tout écrivain qui prend la plume :
Oubliez que vous pouvez avoir de l’efprit, pour ne
vous fouvènir que de la néceffite d avoir beaucoup
de bon fens, & de l ’obligation où vous êtes.de vous
faire bien comprendre. Ce defîr de montrer de 1 efprit
produit l’affeâation du ftyle, l’emploi des termes
figurée & des. expreffions recherchées & non
narureîles, qui font prendre la penfée d’un auteur
dans un tout autre fens que celui qu’il avoit en vue.
La première qualité de tout difeours , c eft d etre
clair, la fécondé , c’eft d’être vrai ( A n o n ym e . )
■ (N.) C LARTÉ , PERSPICUÏTÉ. Synonymes.
Ce font deux qualités qui contribuent également
à Rendre un. difoours intelligible, mais chacune a
fon caraâérè propre. - b . •
La Clarté tient aux çhofosmêmes que Ion traite;^
elle naît de la diftinâion des idées. L a Perfpiculte
dépend de la manière dont on s’exprime ; elle naît
des bonnes qualités du ftyle. ■ ,
Confîdérez votre objet fous toutes les faces ; écartez
en les nuages, l’obfcurité ; légarez-le de tous
les autres objets qui l’environnent, qui lui rellem-
blent, qui lui font analogues ; examinez-en toutes
les parties, toutes les relations ; confîdérez-Ie fans
prévention,, Tans préjugés : alors vous forez en état
d’en parler avec Clarté.
Ce que l’on conçoit bien , s’énonce c la ir em e n t . ■ 1 Boileau.
Si vous parlez votre langue dans toute (à purete ,
fi vous recherchez la propriété des termes, fi vous
mettez de la netteté dans vos çonftruâions , fi vous
favez rendre vos -tours pittorefques, foyez .sur que
votre expreffion aura cette Perfpicuïté defirable ,
que Quintilien regarde comme la première & la
phis importante du difoours. Nobisprima fit virtus
Perfpicùïtas , propria verba , reclus ordo, non in
longum dilata conclufio ; nihil neque défit rieque
Tuperfluat. Ita, fermo fie duclis probabdis 6* p.anus
imperitiï erit. ïnft. O rat. VIII. z. Or ado vero;>
çujus fumnia virtus eft Perfpicùïtas , quamjitvt-
tiofa , f i egeat interprète. Ibid. I. 6,' . •
La Clarté eft ennemie du phébus& du galimatias;
la Perfpicuïté écarte les tours amphibologiques ,
les expreffions louches , les phrafes. équivoques.
( M . jS e a u z é è . ) •
C L A S SÉ , f. f. Ce mot vient du latin cato\
qui vient du grec ««Ass», & par contraâion ,
appeler , convoque/ , ajfemhler ; ainfi , toute«
Eçe |