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l ’efpace de foixante années. Qu’on attende encore
quelques fiècles ; & quand Les temps feront égaux ,
©n aura droit de comparer les hommes.
On rapprocheroit en fuite les circonftances locales,
celles des hommes & des temps ; & combien, du
côté de la Poéfîe, comme de l’Eloquence & de 1 xlu-
toire, les Modernes n’auroierit-ils pas de gloire d a-
roir furmonté tant d’obftacles pour approcher des
Anciens l Foye\ l’article P o é s ie .
C ’étoit ainfi, ce me fembie , que cette caule
devoir être plaidée. Si on ne fe paffionnoit que pour
la vérité ; on féroît, jufte , impartial, comme elle :
'mais on Ce paflionne pour (on opinion; & la vanité
Veut avoir raifon, à quelque prix que ce (oit.
Le parallèle de Perrault dans la partie des arts,
eft d’un homme plus éclairé., mais prélumant trop
de lès forces , ou plus tôt donnant trop à 1 adulation.
Quand il féroit vrai que les Modernes auroient
égalé les Anciens en Sculpture, en Architecture ; la
gloire de ces deux arts n’en féroit pas moins toute
entière ou prefque toute entière a ceux qui, les
ayant créés , les ont portés à un point d élégance,
de corredion , de nobleffe ,* digne de fêrvir de modèle.
On a beau dire qu’on peut ajouter aux beautés
de l’Architecture ancienne : cela il’eft pas arrive
encore. On a donné plus de hardieffe & de commodité
aux édifices, c’eft le fruit de 1 expérience :
mais plus d’élégance & de majefte i non. Or c eft
là le* fruit du génie.
Quant à la Peinture & à la Mufique , il faut lavoir
douter des prodiges que l’on nous vante, mais ne
pas afsûrer, fiir des preuves légères, que ces arts n e-
toient qu’au berceau; que les Anciens qui.chan-
toient fur la lyre ne Ce doutoient pas des accords ,
que dans la Peinture ils n’avoient ni la magie du
Ciair-obfcur, ni l’une & l’autre Perfpeéhve ; ne pas
juger d’Athènes d’après Pompeia ; & prefumer qu un
peuple , dont les organes étoient'fi délicats & le
goût fi fin & fi jufte , ne fe féroit point paflionne pour
ces deux arts, s’il n’avoit pas été à peu^pres de
niveau avec ceux où il excelloit. Apelles, Timante ,
Aëtion en auroient-ils impofé aux juges de Praxi-
telle & de Phidias ? Une Mufique foible auroit-elle
produit des effets qu’on oféroit à peine attribuer a
l ’Éloquence , & fait craindre, même aux plus fages,
ion influence fiir les moeurs & Ion afcendant lur
les lois ? 'Ce préjugé , favorable aux Anciens , me-
ritoit qu’on ne négligeât aucun des avantages du
côté des Modernes ; & l’Italie eut ete d un grand
poids dans la balance des beaux arts. D’ou vient donc
que Perrault a eu la vanité de n’y faire entrer que
l ’école françoilè.? Ilavoit fait un mauvais petit poe-
me , dans lequel, pour flatter Louis X IV , il avoit
oppofé Ion règne à toute l’Antiquité. On trouva la
louange outrée ; il voulut la juftifier, & fit un livre,
où , avec de l’efprit, il s’efforçoit d’avoir ^ raifon :
moyen prefqu’afsûré de faire un mauvais livre.
Ainfi , lui-même il avoit affoibli une caufe déjà
trop foible , en détachant du parti des Modernes
toux ce qui n’appartenoit pas au règne de ï^ouis U
A N E
Grand ; & s’il appelé à fôn fecours Malherbe , Pa£
c a l, & Corneille, fur tout l’Arioffe & le Taffe,^c’eft
qu’il s’oublie & perd de vue l’objet qu’il s’étoit
propofé.
Mais ce qui l’avoit mis encore plus à^ l’étroit ,
c’eft l’alternative comique à laquelle il étoit réduit,
ou' de louer les adverfaires & les amis de fes ennemis
, ou de renoncer à tout l’avantage que leurs
talents donneroient à (a caufe. Racine , De'préaux,
Molière , la Fontaine étoient bien d’autres hommes
à oppofér aux Anciens , que Chapelain & Scudéri*
Il eût fallu avoir le courage & la franchi fe de les
louer autant qu’ils méritoient de l’être ; & cette ven-^
geance étoit en même temps la plus noble & la plus
adroite qu’il pût tirer d’un injufte mépris. ( M*
jfcCARMONTEL. )
(N .) ANCIENNEMENT , JADIS , A U TR E ,
FOIS. Synonimes. ,
Ils défîgnent le temps paffé de façon qu il ne
tient plus au préfént : mais Anciennement le défigne
comme reculé ; Jadis , comme Amplement détaché ,
& n’eft guere d’ufage que dans le ftyle familier de.
la narration ; Autrefois le défigne , non feulement
comme détaché du préfént, mais, comme different
par les accompagnements. ÿy, .
Il eft aufïi injufte de juger de ce qui.fé pratiquoit
anciennement par ce qui eft aujourdhui en uiage y
qu’il eft ridicule de vouloir régler les ufages pré-
fênts par ce qui étoit ancienfiemenf obfèrve. Jadis
on preffoit les convives à boire ; aujourdhui on n©
les y invite pas même. Les chofés changent félon
les circonftances ; ce qui étoit bon autrefois, peut
n’être plus à propos. ( L'abbé G ir a r d . )
(N.) A N E , IGNORANT. Syn.
On eft Ane par difpofîtion d’efprit ; & Igwrant ÿ
par défaut d’inftrudion. Le premier ne fait pas ,
parce qu’il ne peut apprendre ; 8c le fécond, parc®
qu’il n’a point appris.
L 'Ane a pu s’appliquer à l’étude , mais fôn travail
a été inutile, L ’Ignorant ne s’eft pas donné cett®
peine.
A quoi bon parler fcience devant des A n e s l
leurs oreilles ne font pas faites pour ce langage.
Ce n’eft pas toujours inutilement qu’on en pari«
devant les Ignorants ; ils peuvent profiter de c®
qu’on dit.
L 'Anerie eft un défaut qui vïenfde la nature du
fiijet ; & VIgnorance eft un défaut que la pareffo
entretient. Celle-ci eft moins pardonnable ; mais
celle-là rend plus méprifàble.
Les Anes pour l’ordinaire ne connoiffént ni ne
féntent pas même le mérite de la fcience. Les Ignorants
Ce le figurent quelquefois tout autre qu’il n’eft.
(L'abbé G ir a r d . ) '
(N.) ANESSE', BOURIQUE. Syn.
On donne l’un ou l’autre de ces noms au memé
animal, félon l’afpeflfous lequel on en parle. Anetfe
A N N
le préfente , dans l’ordre de la nature, comilie bête
femelle, propre à la génération & à donner du lait,
dont les ordonnances de Médecine ont rendu l’ufàge
fréquent. U o urique le préfénte , dans l’ordre des
animaux doineftiques , comme béte de charge.
L e premier n’a point d’acception figurée. Le fécond
eft quelquefois métaphoriquement appliqué aux
periônnes ignares Sc non inftruites, féit hommes
fôit femmes. \ U abbé G ir a r d . )
(N.) AN IM A L , B Ê T E , ( a ) Syn.
Il Ce trouve ici une différence réciproque dans
l’étendue de la lignification. Autant que le premier
de ces mots l’emporte fur le fécond dans un des
diftrids du langage , autant, dans un autre diftrid,'
le fécond l’emporte fur le premier ; de forte qu’ils
deviennent également genre & efpèce l’un de l’autre.
En langage dogmatique, Animal indique le genre,
& Bête indique l’efpèce.
En langage vulgaire, Animal, fé reftraignant
dans des bornes plus étroites, ne s’applique qu’à une
partie de ce qui eft compris fous le nom de Bête ;
c’eft à dire, à celles d’une certaine grandeur & non
aux plus petites. On diroit donc : Le lion eft un animal
dangereux , la puce eft une petite bêie très-
incommode.
Ces dénominations, employées au figuré, forment
des invedives. Celle à’Animal attaque la groffièreté
dés manières , ou i’i.mpertinence de la conduite ;
-4:elle de bête attaque le manque d’efprit ou d’intelligence.
( L'abbé Gir a rd * )
ANNOMINATIQN , f. f, ( Rhétorique. )
C ’eft une aliufion qui roule fur les noms, un jeu de
mots. Elle eft ordinairement froide & puérile : on ne
laiffé pas que d’en trouver quelques-unes dans Cicéron
,• elles n’en font pas meilleures. P ,y . A llus io n .
( L'abbé M a l l e t .)
f N.) A N N U L L E R , INFIRMER , CASSER ,
RÉVOQUER. Syn.
Les deux premiers de ces quatre mots s’appliquent'
uniquement aux ades qui font règle, entre les hommes
: & les deux derniers s’appliquent, non (éulement
aux ades, mais encore aux periônnes.
Annuller fe dit pour toutes fortes d’adës , fôit
législatifs fôit conventionels. Cette opération fe fait
par une difpofition contraire , provenant' ou d’une
autorité fiipérieure ou de ceux memes, dont l'ade eft
émané. Les règlements.du lieutenant général de police
peuvent être annullés par ceux du Parlement ;
& ceux du Parlement, par ceux du prince. Une obligation
réciproque eft annullée par les parties qui fé
la font imnofée, lorfqu’clîes en c o n v i e n n e n t ; mais
fi l’ade d’obligation eft autlient’que, il faut que
celui qui V annuité le* fôit auffi.
Infirmer ne lé dit que des ades légifiatifs ou jugements
prononces par des juges fiibaiternes ; & le
(a) Voyei d’abord Bê t e , Brute , Animal. Syn,
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ipouvoir d’infirmer n’apardent qu’au tribunal fùpé-
rieur dans le reffortduquel fe trouve fitué l’inférieur.
Ce terme ne7 s’adapte point aux arrêts des Cours
fùpérieures ; aucun tribunal ne les infirme , mais
celui d’en haut peut les caffer. Les' fentences -du
Châtelet & des Préfidiaux font quelquefois infirmées
par les arrêts du Parlement.
Caffer renferme une idée acceffoire d’ignominie ,
lorfqu’on le dit des periônnes en place ; & lorfqu’il
regarde les ades , il emporte une idée d’autorité
fouveraine. Un caffe un officier , un arrêt. Ce mot
fuppofé toujours par fa lignification l’exercice d’un
pouvoir abfôlu, lors même qu’on s’en fért métaphoriquement
dans cette exprefïion , Caffer aux gages ,
qui s’applique fouvent à un amant congédié, à un
agent qu’on ceffe d’employer , à un ami qu’on abandonne
, & aux connoiflànces auxquelles on renonce.
hevoquer, c ’eft , quant.aux personnes, leur ôtëir.
Amplement, fans aucun acceffoire d’ignominie, la
place ou la dignité qu’on leur avait confiée ; &
quant aux ades, c’eft déclarer qu’ils perdent leur ,
vigueur & relient comme non avenus. Le droit de
révoquer n’appartient qu’à celui qui a le droit d’établir.
On révoque un intendant, un procureur, une
lo i, les pouvoirs donnés pour agir ou parler en fora
nom. ( L'A b b é G ir a r d , )
A N OM A L , E. adj. ( Grammaire. ) Il fé dit
des verbes qui ne font pas conjugués conformément
au paradigme de leur conjugailôn. Par exemple y
le paradigme ou modèle de la troifième conju-
gaif n latine , c’eft lego : on dit legi, le g i s , legit /
ainfi on devroit dire , fèro^ fe r is , feritx cependant
ori dit fe r o , fers , fert ; donc fero eft un verbe
anomal en latin. Ce mot Anomal vient du grec
à.vofAoc.Xoç, inégal^ irrégulier , qui n'eflpas fembla-*
ble.A’vôpoiXos eft formé d’ô^aAcV, qui veut dire égalT
femblable, en ajoutant Và privatif, & le v pour
. éviter le bâillement.
Au refte , il ne faut pas confondre les verbes dé-
fedifs avec les anomaux : les défeâifs font ceux
qui manquent de quelque temps , de quelque mode,
ou de quelque perfônne ; & lès anomaux font feulement
ceux qui ne fliivent pas la conjugaifôn : ainfi ,
oportet eft un verbe défeétif plus tôt qu’un verbe ano-
■ mal ; car il fait la règle dans les temps & dans les
modes qu’il a.
Tl y a dans toutes les langues des verbes anomaux
& des défeélifë, aufii bien que des inflexions de mots
qui ne fliivent pas les règles communes. Les langues
fé font formées-, par un ufige conduit par le
féntiment, 8i non par une méthode éclairée & rai-
fônnée : la Grammaire n’eft venue qu’apres que les
; langues ont été établies. ( M. du M ars a ïs . )
(N.)ANOM AI IE, C. f. Irrégularité dans la conju-
gaiion. Anomalie eft le nom a’oftra&if qui répond-
à l’adieétif Anomal, comme. Irrégularité eft le norm
abftraéUf qui répond à l’adjeéfif IrrégiJier.
C’eft; aux gens de Lettres à s'élever avec force