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Les adjectifs de nombre précèdent auffi les fiibf- '
tantifs appeliatifs , & fùivent les noms propres^ le
premier homme y François premier, quatre perfonnes
, Henri quatre, pour quatrième: mais en
parlant du nombre de nos rois, nous difbns dans
un lens appellatif, qit i l y a eu quinze Louis y
& que nous en Jommes au feifième. On dit auffi
dans les citations, livre premier, chapitrefécond ;
hors de l à , on dit le premier livre, le fécond
livre.
D ’autres enfin fé placent également bien devant
ou après leurs fùbftantifs : c’efi un favant homme ,
c’efi un homme javant ; c’efi un habile avocat ou
un avocat habile ; & encore mieux, défi un homme
fort fa v a n t, c e fi un avocat fort habile : mais on
.ne dit point ce f i un expérimenté avocat, au lieu
qu’on d it, c e fi un avocat expérimenté, ou fort
expérimenté ; c'efi un beau livre, défi un livre
fort beau ; ami véritable, véritable ami; de tendres
regards, des regards tendres ; Vintelligence
fuprême, la fupréme intelligence ; f avoir profond,
profond f avoir ; affaire malheureufe, malheureufe
affaire; &c.
Voilà des pratiques que le fêul bon. ufàge peut
apprendre ; & ce (ont là de ces finefiés qui nous
échapent dans les langues mortes, & qui étoient
fans doute très-fènfibles à ceux--qui parloient ces
langues dans le temps qu’elles étoient vivantes.
L a poéfie, où les tranlpofitions font permifés,
& même où elles ont quelquefois des grâces, a fur
ce point plus de liberté que la proie:
Cette pofition de Vadjectif devant ou après le
îùbftantif efl fi peu indifferente, qu’elle change quelquefois
entièrement la valeur du fûbftantif : en voici
des exemples bien fénfibles..
C ’efi une nouvelle certaine , défi une chofe certaine
, c’eft à dire, affûrée, véritable, confiante.
J 3 ai appris certaine nouvelle ou certaines chofe s ;
alors certaine répond au quidam des latins, &
fait prendre le fûbfiantif dans un fens vague &
indéterminé; |
- Un honnête homme efi un homme qui a des moeurs,
de la probité & de la droiture. Un.homme hôni-
nête efi un homme poli, qui a envie de plaire:
les honnêtes gens d’une v ille , ce font les perfonnes
de h ville qui font au deflùs du peuple, qui ont
du bien, une réputation intègre, une naiffance
honnete, & qui ont eu de l’éducation: ce font
ceux dont Horace dit, quibus efi equus & pater
& tes.
Une fage-femme efi une femme qui efi appelée
pour affiler les femmes qui font en travail d’enfant.
Une femme f ig e efi une femme qui a de
la vertu & de la conduite.
Vrai a un^ fens différent, félon qu’il efi placé
avant ou après un fûbftanrif: Gilles efi un vrai
charlatan , c’efi à dire qu’i l efi réellement charlatan
; d é f i un homme vrai, c’efi ‘à dire, véridique ;
ç e fi une nouvelle v r a i e c’efi à dire, véritable..
Gentilhomme efi un homme d’extradion noble ; un
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homme gentil y efi un homme g a i, vif, joli, mignotî.
Petit-maître, n’efi pas un maître petit. C e fi un
pauvre homme , fé dit par mépris d’un homme qui
n’a pas une^ forte de mérite, d’un homme qui néglige
ou qui efi incapable de faire Ce qu’on attend
de lut ; & ce pauvre homme peut être riche, au
lieu qu un homme pauvre efi un homme fans bien.
Un homme galant n’eft pas toujours un galant
homme : le premier efi un homme qui cherche à
plaire aux dames , qui leur rend de petits foins ;
au ^ lieu qu’tt/i galant homme efi un honnête homme ,
qui n’a que des procédés fimples.
J. Un homme plaifant efi un homme enjoué, fb-
tutre, qui fait rire : im plaifant homme fé prend
toujours^ en mauvaifè part; c’eft un homme ridicule
, bizarre , fingulier, digne de mépris. Une
femme groffe, c’eft une femme gui efi enceinte«
Une groffe femme efi celle dont le corps occupe
un grand volume, qui efi grafïe & i^eplette. Il ne
féroit pas difficile de trouver encore de pareils exemples.
( M . du M ars a ïs .)
C f En voici quelques-uns, que je crois utile de
recueillir,
Un homme brave, des gens braves, veut dire
un homme, des gens intrépides., qui affrontent
les périls fans crainte. Un bravé homme , de braves
gens , fignifie un homme de bien , des gens de prô*
bite, dont les manières font honnêtes & le commerce
sûr.
Une voix commune , efl une voix ordinaire , qui
n’a rien de plus remarquable qu’une autre. Une
commune v o ix , efi l’unanimité , la réunion de tous
les fiiffrages prononcés unanimement.
Un peuple cruel, une femme cruelle., un enfant
cruel y font un peuple, une femme, un enfant, qui
aiment à faire le mal ou qui font infènfibles à.la pitié*
Un cruel peuple y une cruelle femme y un cruel enfant
, font un peuple, une femme, un enfant infop-
* portables par leurs maniérés d’agir bizarres ou
importunes.
jg La dernière année d’une guerre , d’un bail, &c,
cefi 1 annee après laquelle la guerre a celle, le
bail n a plus eu lieu. L ’année dernière Amplement,
c’efi l’année qui précède immédiatement celle où
l’on parle:
On dit,ligne droite dans le fé.ns propre; tirer,
tracer, décrire, fiiivre une ligne droite. On dit
droite ligne dans un féns figuré ; la Maifon de
Bourbon defoend en droite ligne de Saint Louis ,
c’efi à dire, par une defoendance non interrompue
de mâle en mâle ( Bcuhours , Rem. non. II.
page i p . )
Une fauffe corde, efi une corde qui n’efi pas
montée au ton convenable. Une corde fiiu jjè , efi
une corde qui ne peut jamais s’accorder avec une
autre. ( Diêî. de l’Acad. 1761. )
Un fa u x accord y efl celui qui choque l’oreille ,
parce qu’il efl mal compofé , & que les fons, quoique
jufles, n’y forment pas un ton harmonique. Un
accord fa u x efir celui dont les fons font mal accordés
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& ne gardent pas entre eux la jufiefîè des intervalles.
( D i et. de Mujique. )
Un tableau efi dans un fa u x jour quand il efi
éclairé du fons contraire à celui que le peintre a
fuppofé dans fon objet. Il y a un jour fa u x dans
un tableau , quand une partie y efi éclairée contre
nature, la difpofîtion générale du tout exigeant
qu’elle foit dans l’ombre.
Une fauffe c le f y efi une clef qu’on garde furtivement
fauffe y efi une clef qui n’eft pas propre à la férrure
pour laquelle on veut s’en férvir. •
pour en faire un ufàge illicite. Une c le f
Un e fauffe porte y efi ‘une iflue ménagée fécrètè-
ment, pour fé dérober aux importuns fans être vu ;
ou , dans une place de guerre, c’eft une porte
peu apparente , deftinée pour faire des forties ou
pour recevoir du fécours en cas de fiège, ou encore
une porte qui introduit feulement dans un fauxbourg
& non dans la ville. Une porte fauffe , c-fi un fimple
fimulacre.de porte, en pierre, en niarbre , en
menuiférie , ou en peinture.
Un taureau furieux , une femme furi'eufe , c’efi
un taureau en furie, une femme tran(portée de
fureur. Un furieux taureau, une furieufe femme ,
c’eft un taureau d’une grandeur énorme , une
femme d’une çorpulençe.deraefùrée.
L e grand a ir , efi Limitation du maintien &
des manières d’un grand Seigneur. L ’air grand, efi
une phyfîonomie noble, qui annonce une ame géné-
feufé & douée de grandes qualités. D’air grand efi
a fie z important pour difpenfér de donner dans le
grand air,.'. ~
Un homme grand efi un homme d’une grande
taille. Un grand homme efi un homme de grand
mérite. Cependant fi après grand homme on ajoute
un autre àdj ectifcpù. énonce une qualité du corps,
comme un grand homme fec , un grand homme
brùn y un grand homme mal vêtu ; le mot grand
ne tombe alors que fur la taille : de même fi après
homme grand on ajoute quelque modificatif qui ait
rapport au moral, comme un homme grand dans
fesprojets ; le mot grand ceffe alors d’avoir rapport
à la taille.
L e haut ton, efi une manière de parler arrogante,
audacieufé, & qui annonce des prétentions
ctf, fiiperiorite. L e ton haut, efi un degré fûpérieur
d’élévation d’une vo ix chantante, ou du fon d’un
infirument.
L ’ai/- mauvais y e fi un extérieur redoutable, le
maintien d’un homme qui n’ entend pas raillerie &
qui fait fé faire craindre. Mauvais a ir , efi un extérieur
ignoble , un maintien déplacé & peu affôrti à
I etat^ & aux prétentions de celui en qui il fé trouve.
V o ic i une épigramme de M. le Comte d e C ho jseul,
qui fait fentzr ingénieufement cette différence :
Cleon , lorfque vous nous bravez,
En démontant votre fio-ure ;
Vous n’avez pas l’arr mauvais, je vous jure ;
C’çft mauvais air que yous avez.
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^ Une penfe'e m a x v a i fe , ne féroit-ce pas , en matière
de fiyle■ , unepenfée répréhenfible par quelque
défaut effenciel, comme le faux, l’outré, la bafé
féfle, &c ? Une m a u v a ifè p e h fé e efi, comme tout
le monde en convient, une fûggeftion de l ’efprit
malin, une penfée qui s’occupe de quelque objet
défendu , qui fé complaît dans l’idée du péché , &c.
M êm e y avant les noms , fignifie identité ou
parité :v o u s a v e z tou jo u r s là même b o n té y la même
v er tu y la même v a le u r , la même m alic e. Après les
noms abftraétifs des qualités du coeur, même les
indique au fuprême degré : v o u s êtes la b o n t émême%
l à v er tu même , la v a leu r même , la m a lic e même.
Après les noms des perfonnes ou les pronoms , même
les marque d’une manière plus expreffé, plus pré-
cifé , plus énergique : moi-même , v o u s -m êm e , le
R o i même y p o u r ce la même.
En termes de Gruerié , on appelle mo r t l o i s y les
épines -, les fonces, & le bois blanc qui ne peut férvir
aux ouvrages ; & b o is m o r t , tout le bois qui
efi éftèdivement féçhé fur pied , 8c qui ne tire plus
aucune nourriture de la terre ( D i c l. de P A c a d .
1 7 ^ . ) . ,l
On appelle ea u morte y de l ’eau qui nè coule
point, telle que celle, des étangs , des mâres , & c .
& morte eau , en termes de Marine, les marées
quand elles font les plus baffes entre la nouvelle &
la pleine lune. { I b i d . ) :
' « Quand m o r te l fignifie , qui efi fujet à la mort,
f C ou qui caufe la m o r t ] , il ne peut fe mettre
” qu’apfës le nom; d urant ce tte v ie mortelle y [ U n
» poifon m o r t e l, L e s f e p t p é ch é s mortels ]. Quand
» il précède le nom , il fignifie grand, exceffif^
» D ê fp r é a u x è ïo it le m o r tel ennemi d u f a u x ; i l y
; » a tro is m o r telles lie u e s d ’i c i là . » { R e m . f u r
R a c in e par M. l ’abbé d’Olivet ; z. édit. a<t. 81.)
II. y a quelque chofé d’inexaél dans cette décifion :
il falloit dire que M o r t e l ne fé met avant le nom
que quand il fignifie grand, exceffif; mais que"
dans ce féns-là même il peut quelquefois fé mettre
après le nom, auffi bien que quand il fignifie
fujet à la mort, ou propre à caufér la mort : peut-
être même vaut-il mieux dire, D ê fp r é a u x é to it l'e n nemi
mortel d u f a u x , parce qu’il auroit voulu anéantir
le faux , lui donner , pour ainfi dire, la mort;
au lieu qu’il faut dire , i l y a tr o is m o r te lle s lieu e s
d ’i c i là y parce qu’on veut dire feulement trois lieues
fort longues & très-ennuyeufés.
Un n o u v e l h a b i t , efi un habit différent d’un autre
qu’on vient de; quitter. Un h a b it n o u v e a u , efl un
, haDit d une nouvelle mode. Un h a b it n e u f y efl un
habit qui n’a point ou qui a peu férvi. ( D i c l . de
P Acad. 17 6 i. ) S '
Du v in n o u v e a u , c’efi du vin nouvellement fait.
Du nouveau v m , c’efi du vin nouvellement mis
en perce , ou du vin différent de celui qu’on buvoît
■ auparavant. . ,
U A d j e c t i f P a u v r e , dans tous les féns dont il
efi fu(ceptible , fe place avant le nom : une p a u v r e
•* femme y un pauvre vieillard 5 fé difep; fouventpour