
j'en s , qui ne diffère guères de jeûne , & 'que' nous
confervons en nature dans la phrafe être à jeun.
Effectivement il n’y a rien de plus raifennable, en
fait d’étymologie , que de regarder, comme primitif
& radical, le plus court de tous les mots qui
Semblent appartenir à une même famille : le langage
a dû naturellement commencer par des mo-
nolyllabes; on y a fait des additions, pour repré- B
fenter des idées acceffoires ; fi enfiiite on a feuftrait
quelque chofe de ces additions, il eft probable que
ce n’a été d’abord que pour fiipprimer l’idee ac-
eeffbire dont la partie retranchée étoit le fym-
bole, & que la feppreffion purement euphonique
n’a eu lieu depuis , que quand on a eu perdu de
vue la compofîtion analytique des mots : mais toutes
ces métamorphofes ne détruifênt point les- droits
des radicaux qui fùbfîftent. ( M. B e a u z é e . )
(N.) A PO CO PE , fî f. Efpèce de^ Métaplafme
( voye^ ce mot ) , qui change le matériel primitif
d’un mot par une feuftradion faite à la fin, a V o*o7tji
( abfcijfio ) ; de à.no ( à , ab ) , & de Aida
( fcindo ) . C ’eft l’ufâge qui a déterminé le fens à
la fin du mot.
C ’eft par Apocope que les latins ont fait leurs
impératifs die , duc, fa c , fer , contre l’analogie
qui demandoit dice , duce, fa c e , fere y mais pour
éviter (ans doute l’équivoque des ablatifs dice, duce,
face des noms dix , dux , faon, & celle de l’adverbe
ferè , ils ont mieux aimé fiipprimer la voyelle
finale des impératifs.
Ils retranchent feuvent l’e final de l’enclitique
ne y quin pour quï-ne : & quand le mot qui précède
l ’enclitique eft un verbe à là féconde perfenne
terminée par s y ils font une double Apocope , celle
de s au verbe , & celle de e à l’enclitique ; ain’
pour a'is-ne, audin’ pour audis - ne , viderï pour
vides-ne.
Il eft bien vraifemblable que leurs noms neutres
en a l y au moins pour la plupart, ne font ainfî terminés
de lon g u s , v i l de v ilis : des noms formés de la
même manière ; dom de dominus, don de donum,
f i l de f i lu m , mur de murus, porc de porcus , port
de po r ta s , ris de rifus , fu n g de fan gü is , ton de
ton u s , &c. ( M . B e a u z é e » )
que par Apocope, & que ce font originairement
des adjedifs neutres terminés en ale : animal
pour ens animale y cervical pour cervicale, qui fe
trouve même dans Juvénal ; toral pour linteum
torale y vecligal pour oes vectïgale, &c. Il pourroit
bien en être de même de quelques noms neutres
en àr : calcar pour inflrumentum calcare ( éperon,
inftrument pour piquer ) ; pulvinar pour pulvi-
nare, dont on connoît le mafeulin pulvinaris &
le radical pulvinus.
Ils ont latinifé par Apocope plufîeurs mots empruntés
du grec : P lato de irharav, leo de May,
draco de é'pétx.av, mel de fdtM, & c.
Nous avons aufli en françois plufîeurs noms
fermés par Apocope du génitif latin ; art P a r tis,
part de partis , gland de glamlis , front de
frontis , mort de mords fo r t de fortis : plufîeurs
adjedifs formés par Apocope de la terminaifon
du nominatif ; bel de bellus , bon de bonus , dur
de durus ., fort de fo r tis , grand de grandis, long
(N.) APOCR YPHE, SUPPOSÉ. Syn.
Ce qui eft apocryphe n’eft ni prouvé ni authentique.
Ce qui eft j'uppofeeft faux & controuvé.
Les proteftants regardent comme apocryphes
quelques uns des livres que l’Églife romaine a mis
dans fen canon comme divins & authentiques.
L ’hiftoire apocryphe de la papefîe Jeanne a été
également réfutée & foutenue par des, Payants de
l’une & de l’autre communion. La donation fup-
pofee de Conftantin a été long temps un point d Histoire
non contefté. Que de faits fupgofes, crus
encore de notre temps , malgré nos prétendues lumières.
( L'abbé C irard. )
APODIOXIS , fi f.; | Rhétorique ) . C ’eft un
tour par lequel on rejette avec indignation un argument
ou une objection comme abfurde. ( M% D i -
DEROT. )
APODOSE , fi. f. Indépendamment^ du nombre
des membres dont une Période peut etre compo-
fiee , elle peut doit toujours fe divifer en deux
parties générales, qui préfentent deux feris partiels,
& dont la réunion forme le fens total. Les rhéteurs
donnent, à la première de ces deux parties, le
nom de Protafe ( voye\ ce mot ) ; & à la féconde
le nom d’Apodofe : RR. ùtto ( rurfum f r e ) t Ss
éôtriç ( donatio ) ; d’où AV«ih<n; ( Redditio ) ..
On-donne ce nom à la féconde partie intégrante
de la Période , parce qu’elle rend , à la première,
ce qui lui manquoit pour la plénitude du fens total,
& feuvent ce qu’elle réclamoit par une conjon&ion
propre' à tenir l’efprit en fiulpens. Foye^ Pér
io d e . ‘
Il ne faut pas confondre les deux termes d A -
podofe & d'Antapodofe. Foye\ A ntapodose.
( M. B eauzée. )
APOGRAPHE , fi. m. ( Grammaire f i Ce mot
vient de km , prépofîtion grèque qui répond a la
prépofîtion latine à ou de, qui marque dérivation y
& de yçaqx» f e r ib o . Ainfî , Apographe eft un écrit-
tiré d’un autre ; c’eft la copie d’un original. Apographe
eft oppofié à Autographe. du Marsais.)
APOLOGUE , fi m. ( Belles-Lettres ) . Fable
morale, ou efipèce de fiétion , dont le but eft de
corriger les moeurs des hommes. ^
Jules Scaliger fait venir ce mot ÜÙTrôxoyos, ou
difeours qui contient quelque chofe de plus que ce
qu’il préfente d’abord. T elles fent les fables d Efôpe :
aufïi donne-t-on communément l’epithète d cefopicoe
aux fables morales. _ .
Le P. de Colonia prétend qu’il eft efiènciel à la
fable morale ou à l’Apologue, d’être fondé fer
ce qui fe pafté entre les animaux ; & voici la dil-
tinétion qu’il met entre XApologue & la Parabole•
Ce fent deux fixions, dont l’une peut-être vraie,
& l’autre eft néceffiairement fauflè ; car les bêtes
ne parlent point. Cependant prefque tous les auteurs
ne mettent aucune diftir.&ion entre XApologue & la
fable , & plufîeurs fables ne fent que des paraboles.
Feu M. de la Barre , de l ’Académie des Belles-
Lettres, a été encore plus loin que le P. de Colonia,
en feutenant que non feulement il n’y avoit
nulle vérité , mais encore nulle vraifemblance dans
la plupart des Apologues. « J’entends , dit-il, par
»> Apologue , cette ferte de fables où l’on fait
» parler & agir des animaux , des plantes, &c.
» Or il eft vrai de dire que cet Apologue n’a ni
» poftibilité , ni ce qu’on nomme proprement vrai-
» Jemblance. Je n’ignore pas , ajoûte-t-il, qu’on
» y demande communément une ferte de vraifem-
» blance : on n’y doit pas feppofer que le chêne
»-(bit plus petit que rhyftôpe , ni le gland plus
»» gros que la citrouille , & l ’on fe moqueroit avec
« raifen d’un fabulifte qui donneroit- au lion la
» timidité en partage , la douceur au loup , la ftu-
» 'pidité au renard, la valeur ou la férocité à l’a-
» gneau. Mais ce n’efl: point affiez que les fables
» ne choquent point la vraifemblance en certaines
» chofes , pour afsûrer qu’elles fent vraifemblables ;
» elles ne le fent pas, puifqu’on donne aux ani-
» maux & aux plantes des vertus- & des vices ,
» dont ils n’ont pas même toujours le dehors.
» Quand on n’y feroit que prêter la parole à des
« êtres qui ne l’ont pas ; c’en feroit aflez.: or on
» ne fe contente pas de les faire parler fur ce qu’on
» feppofe qui s’eft paffié entre eux ; on les fait agir
» quelquefois en confiéquence des difeours qu’ils fie
» fent tenus les uns aux autres. Et ce qu’il y a de
» remarquable, on eft fî peu attaché à la première
» ferte de vraifemblance, on l’exige avec fî peu
» de rigueur, que l ’on y^voît manquer à certain
»> point fans en être touché , comme dans la fable
» où l’on repréfente le lion faifent une feciété de
M chafïé avec trois animaux , qui ne fe trouvent
» jamais volontiers dans fa compagnie , & qui ne
» fent ni carnaffiers ni chafleurs.
Vacca, & capclla , & patiens avis injuria, &rc.
» De ferte qu’on pourroit dire qu’on n’y de-
» mande proprement qu’une autre efpèce de vrai-
» femblance, qui, par exemple , dans la fable du
>> loup & de l’agneau , confifte en ce qu’on leur
» fait dire ce que diroient ceux dont ils ne font
» que les images. Car il eft vrai que celle-ci n’y
» fauroit jamais manquer, mais il eft également
» vrai qu’elle n’appartient pas à XApologue con-
» fidéré fieul & de fa nature : c’eft le rapport de
» la fable avec une chofe vraie & pcftible qui lui
» donne cette vraifemblance, ou bien , elle eft vrai-
» femblable comme image fans l’être en elle-même ».
Mém. de V A cad% tom. /AT.
Ces raïfens paroiflént démonftratives : mais la
dernière juftifie le plaifir qu’on prend à la ledure
des Apologues ; quoiqu’on les fâche dénués de
poftibilité & feuvent de vraifemblance, ils plaifent
au moins comme images & comme imitations.
; ( L ’abbé M a l l e t . )
Dans cet article, on n’exige de cette efpèce de
fable d’autre vraifemblance que la iuftefîe de l’al-
lufïon avec les objets dont elle eft l’imagé ; & la
preuve qu’elle peut fe pafïèr , dit-on , de la vrai-
fembianCé des moeurs , c’efi quon y v o it, fans en
ctre touchéy le lion faifdnt une fociélé de chajfe
avec trois animaux qui ne fe trouvent jamais dans
■ fa compagnie , & qui ne font ni carnaffiers ni
chajfeurs :
Vacca, & capclla, & patiens ovis injuria, Scc.
G’eft l’idée de feu M. de la Barre , à laquelle l’abbé'
Mallet a pleinement accédé.
Il eft bien étrange que, parce que Phèdre & la-
Fontaine , après lu i, auront manqué une fois d’ob-
ferver dans XApjologue la convenance des moeurs ,
on fafle une règle de cette faute, & qu’on la donne
pour lé caradèfe du genre, tandis que cent autres
fables prouvent l’attention & le foin que Phèdre êc
la Fontaine ont mis à obferver les moeurs réelles ou
idéales des animaifx, & que cette vérité naïve fait
pour tous les efprits le plus grand charme de leurs
peintures.
Les animaux parlent dans XAp o logu e, voilà ce
qui eft donné à la fi&ion ; ils parlent félon leur
caradère connu ou fùppofé, voilà la vérité relative
ou la vraifemblance ; & toutes les fois qu’on y
manquera, on s’éloignera de la nature.& des vrais
principes de l’art , dont l’illufîon eft le moyen.
Foye\ F a ble. ( M . M a rm o n t e l . ) ‘
APOPHTHEGME. fi m. C’eft une fentence courte
, énergique, & inftru&ive, prononcée par quelque
homme de poids & de confidération , ou faite à fen
imitation. Tels fent les Apophthegm.es de Plutarque,
ou ceux des anciens raffemblés par Lycofihènes.
Ce mot eft dérivé du grec \pÜyTopou, parler ,
YApophthegme étant une parole remarquable. Cependant
parmi les Apophthegmes qu’on a recueillis
des anciens, tous, pour avoir la brièveté des fenten-
ces, n’en ont pas toujours le poids. ( L ’abbé M a l l e t . )
(N. ) APORIE, f. f. Ce mot eft grec ; «wW« (inopia
confilii ) , de l’adje&if «yropos ( invius) : RR. « privatif,
& yrlpos (meatus). L ’Aporie'y chez certains
rhéteurs , n’eft rien autre chofe que la figure à
laquelle nous donnons plus communément le nom
de Dubitation y,. & en effet un hommme qui doute
femble ne trouver aucune voie pour fe tirer .de
l ’incertitude où il eft.
Ce mot a l’air plus fàvant ; mais par là même
il eft moins clair que celui de Dubitation y qui approche
plus de notre langage. Foye\ D u b it a t io n .
1 *(A/. B e a u z é e .)