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L’atnbaffàdeur d’un roi m’eft toujours redoutable»
Ce n’eft qu’un ennemi, fous un titre honorable ,
'Qui vient, rempli d’orgueil ou de dextérité,
lafulcer ou trahir avec impunité.
Voltaire»
Quels traits me préfentent ros 'faites,
Impitoyables Conquérants»
:Des voeux outrés , des projets vaftes ,
•Des rois.vaincus par des tyrans,.}
De s murs que la flamme r-avage ,
;Un vainqueur fumant de carnage.,
Un peuple au fer abandonné ;
Des mères pâles Se fanglantes ,
■ Arrachant leurs filles tremblantes
Des bras d’un foldat effréné. Roujfeau.
Ce dernier tableau de la ftrophe eft précisément
«ce que Quintilien a oublié dans la Defcription beaucoup
plus ample-qu’il a faite du fàccagement d’une
ville.
En fait de Définitions poétiques, rien n’eft. au
■ defius de celle de la Confiance de l’homme 'jufte,
telle qu’Horace l’a données
Juftum & teaacem propojiti vzrum
JS'on.civium ardor prava jubeniium
Non vultus injtantis tyranni
Mente qualit folidâ ; nest-Aufter^
Dux inquieti turbidus Adrùe.$
Nec fulminantis magna Jovis manus.
Si fraâus iUabatur orbis,
Impavidum ferlent .ruina.
Ce n’eft pas que les poètes ne definijfent quelquefois
â la manière des philofophes, quant à I’exaditude
& à la précilîon, mais en images ou en fèntiment,
avec la langue poétique.
-Ce vieillard, qui, d’un vol agile.,
Fuit toujours fans être arrêté ,
Le temps , cette image.mobile
De Fimmobile éternité. Roujfeau.
Qu’un ami ^véritable eft une douce choie!
Il eherçhe vos Eéfoins au fond de votre -coeur;J
,11 vous épargne la pudeur
De les lui découvrir vous-même :
Un fonge, un rien , tout lui fait peur,
Quand il s'agit de ce qu’il aime.
l a Fontaine.
Et qui jamais définira mieux la mort du Sage, que
le même poète l’a fait en un vers Z
Rien ne trouble fa fin 3 c’eft le foir d’un beau jour.
L a plupart des Définitions poétiques ne font que
eles Deforiptions : les poètes eniont pleins, mais fin-
gulièrement Ovide & la Fontaine , le premier dans
fés Métamorphofês , le fécond dans fés Fables ; &
l ’en a peine à concevoir , du moins pour celui-çi ,
D E F
que d’une langue àflèz peu favorable aux peinturés
ph^fiques, il ait tiré cette multitude de traits fins ,
délicats, & juftes dont il a formé fé s Définitions•
On en verra dans une féule fable deux exemples
inimitables-, car lè pinceau de là Fontaine eft main
heureufément perdu.
Un fouriceau tout jeune , ôe qui n’avoit rien vu :
Fut prefque pris au dépourvu
Voici comme il -coûta l’aventure à fa mère.
J’avois franchi les monts qui bornent oet État ;
Et trottois comme un-jeune rat
Qui cherche à fe donner carrière :
Lorfque deux animaux m’ont arrête les yeux-J
L’un doux, bénin, & gracieux ;
Et l’autre turbulent & plein d’inquiétude:
Il a la voix perçante 5c rude,
Sur la tête un morceau de chair,,'
Une forcé de bras dont il s’élève en l’air
Comme pour prendre fa volée,
La queue en panache étalée.-.
Qui ne reconnoît pas le coq ?
Sans lui j’aurois fait connoiflànce
Avec cet animal qui m’a ferablé fi doux:
Il eft velouté comme nous ,
Marqueté, longue queue, une humble-contenance.;
Un modefte regard, 5c pourtant l’oeil iuifânt.
Je le crois forc-fympatifant
Avec meffieurs les rats ; car il a des oreilles
En figure aux nôtres pareilles.
Le chat peut-il être mieux peint .?
Le cara&ère de la Définition poétique, ainfi qufi
de la Définition oratoire, eft de ne peindre fon
objet que dans fbn. rapport avec l ’intention de l’ora-«
teur ou du poète ; de là vient que de la même chofé
il peut y avoiT plufîeurs Définitions différentes, &
dont chacune aura fà vérité & fâ jufleflé relative.
Vingt deffinateurs placés autour du modèle, font
vingt figures differentes ; le même payfàge produira
differents tableaux félon les points de vue & Jes a£
peds que les peintres auront choifîs : la diverfîté des
fîtuations morales produit la même variété dans les
Définitions oratoires ou poétiques ; au lieu que la
Définition philofophique doit être entière & invariable,
c’eft à dire, embraflér la totalité de l ’objet, au
moins dans fon effence , en prëfènter l’idée & com-,
plette & diftinde, lui reffèmbler dans tous les points-,
& ne reffèmbler qu’à lui féul. C ’eft que le philofo-
phe n’a point de fîtuation particulière & momentan-
nëe ; il tourne autour de la nature.
’fl Enfin, foit en Poèfîe, foit en Éloquence , un méw
riteeflenciel de la Définition c’eft l’apropos. Tout ce
qui d’un féul mot fècoftçôit nettement , pleinement,
& fans équivoque, n’a pas befôin d’être défini. Ce
n’eft qu’à éclairer , à dèveloper, ou à circonfcrire
une idée , que l’on doit employer la Définition ; &
il en eft de cette partie de Tari; d’écrire, comme de
D , e g
toutes les autres ; pour avoir ta beauté reelle , & pour
latisfaire à la fois le goût & la raifon , elle doit contribuer
à la folidité de l’édifice dont elle eft.l ornement
: : bien entendu que félon le. genre, ellejjeut
tenir plus ou moins du luxe ou de 1 utilité, car u
en eft de l’Éloquence & de la Poélïe_comme_ de l’Ar-
dhitedture : tel genre eft plus reftreint au nécelfaire,
tel autre accorde plus à la magnificence & a la de.-
coration- ) I . . ...
* A l’égard des Définitions philolophiques, elles
font d’autatit plus indifpenfablesdansleschofesmême
Jes plus familières, que les hommes ne font jamais
en contradiction que pour n’avoir pas^ défini , ou
pour avoir mal défini.. L ’erreur n’eft guère_que dans-
les termes.. Ce que j allure d.un objet, je 1 afiure de
l ’idée que j’y attache : ce qjievous niez de ce même
objet, vous, le niez de l’idée que vous y appliquez.
Nous ne fournies donc oppofes de fèntiments qu’en
apparence, puifque nous parlons de deux chofés
différentesfous un même nom. Quand vous lirez clairement
dans mon idée , quand je lirai clairement
dans la vôtre , vous affirmerez ce que j’affirme , je
nierai ce que vous niez.; & cette communication
d?idées ne^ s’opère qu’au moyen des Définitions.
Ç M. M ARMONT En. )
DEGRÉ DE COMPARAISON ou DE SIGNIF
ICA TIO N. On le dit, en Grammaire, des adjectifs
, qui par leur differente terminaifon ou par des
particules prépofîtives, marquent ou le plus , ouïe
moins , ou l’excès dans la qualification que l’on
donne au fubftantif, /avant, plus f avant, moins
/avant, très ou fin/avant. Ce mot Degré fe prend
alors dans un fens figuré:-car comme dans le fens
propre un degré fért à monter ou à defeendre, de
même ici la terminaifôn ou la particule prepoiitive
fert à relever ou à rabaifïèr la lignification de l’ad-
jèdif. Voye\ S u p e r l a t if . {M. du M ars aïs.)
■ * DEGRÉ, MARCHE, Synonymes»
Degré s’employoit dans le dernier fiècle pour
lignifier chaque Marche d’un efcalier ; & le mot de
Marche étoit uniquement confàcrépour les autels.
Nous aurions peut-être bien fait de confèrver~ces
termes diftindifs, qui contribuent toujours à enrichir
lune langue. {Le.chevalier de J a u c o u r t . )
( f Degré eft encore- aujourdhui fynonyme de
Marche , félon le Didionnaire de l’Académie fran-
çoife , 1761. Mais je crois que le premier eft plus
propre à indiquer la hauteur de ces divilîons égales
de l’efcalier , & que le fécond convient mieux pour
marquer le giron de chacune de ces divifions.
Ainfi, les Degrés font égaux ou inégaux , félon
que les hauteurs en font égales ou inégales; & les
Marches font égales ou inégales, félon que les girons
en font également ou inégalement étendus»
On monte les Degrés, & on fè tient for les Marches.
De là vient que ce dernier mot a paru eonfa-
*ré pour les autels, parce que les eccléfiàftiques qui
D E G 575:
y férvent fé tiennent communément' for les Marches
, & que l’on a peu d’occafîons de s’arrêter for~
celles de tout autre efcalier : mais on dira auffi très-
bien", que dans telle églifé l’autel eft élevé de fix ,
de dix, de vingt Degrés ; parce qu’il ne s’agit que
dé l’élévation.) Voyc^ Es c a l ie r , D eg r é , Mont
é e . Syn. { M. D eauzée. )
* DÉGUISEMENT, TRAVESTISSEMENT.’
Synonymes.
Ces deux mots défignent en général un habillement"
extraordinaire, different de celui qu’on a coutume'
de porter: voici les nuances qui les diftinguent.
Il fémble que Déguifement foppofo une difficulté'
d’être reconnu , & que Travefiifiement foppofê'
feulement l’intention de ne l ’être pas, ou-même'
fouleraient l’intention de s’habiller autrement qu’on
n’a coutume;
On dit d’une perfonne qui eft au b al, qu’elle eft-
dégiùfée; & d’un magiftrat habillé en homme d’épée,
qu’il eft travefii. >
D’ailleurs Déguifement s’emploie quelquefois au
figuré, & jamais Travefiijfement. {M. d'A-lem- -
bert. ) ■
( î u me fémble toutefois que c’eft par"un tour'
pareil de langage que l ’on dit, Déguifer les
penfees, fés vues, fés démarches , la vérité; &
Travefiir un ouvrage , comme Virgile , la Hen-
riade, Télémaque : ainfi -, Travefiir s’emploie a a !
figuré'comme Déguifer.) ( M. D eauzée. )
DÉL IBÉRATIF, ad). S e lU s - Lettres. Nom.
qu’on donne à un des-trois.genres delà Rhétorique»-
fioye\ G en r e , É loquence' , 6 R h é t o r iq u e .
Le genre délibératif eft celui où on fé propofe •
. de prouver à une affemblée l ’importance ou la
néceffité d’une- chofé qu’on veut lui perfoader dé mettre
à exécution , ou le danger & l’inutilité d’une •
entreprifè qu’on tâche de lui difïuader.-
Le genre délibératif étoit fort en ufâge parmi lès
grecs & les romains, où les orateurs- hara'nguoient-
fouvent le peuple for les matières politiques. Il a
encore lieu dans les conféils des princes & dans le ■
parlement d’Angleterre, où les bills & propofîtîons
relatives au gouvernement\ pafient ou, font rejetés ■
à la pluralité des voix. Il en eft de même-dans toutes "j
les républiques & dans les gouvernements mixtes. -
Si l ’on veut porter les hommes à une entreprifè 9,
on doit prouver que la çhofé for laquelle on délibère
eft, ou honnête , ou utile , ou néceffaire,. ou jufte , -
ou poffible, ou même qu’elle renferme toutes ces •
■ qualités. Pour y réuffir, il faut examiner quelle fin
on fo propofé, & voir par quel moyen on p?ut y
arriver; car on peut fé méprendre & dans la fin &*'
dans les moyens.
On doit confidérer fi la chofé dont il s’agit eft '
•utile par rapport au temps, au lieu , aux perfonnes. -
I En effet, une chofé peut convenir dans un certain
temps, mais non pas au temps préfent ; peut réuffiv"
par un tel moyen, & manquer par tout autre,;