
celui de Cicéron, n’eft rien moins qu*un flyle diffus.
Le propre de celui-ci eft de délayer la penfée
dans une foule de paroles, de Faffoiblir en l*étendant,
de l’embarrafïèr dans un amas d’idées acceffoires &
inutiles, de l’obfcurcir, de la brouiller , fôit en
cioignant les rapports, fôit en les rendant équivoques.
Ainfi, la lenteur, la foibleffe , & fôuvent
l'ambigurté;, l’obfcurité, font les vices attachés au
flyle diffus. Dans la difcuflîon & l’analyfè, le ftyle
diffus, au lieu d'éclaircir les idées, y répand de nouveaux
nuages : In re naturaliter obfcurâ , qui , in
exponenda, plura quant hecejfe eft fiiperfundit,
addit tenebrâs, non adimit denfitatem•
Le flyle diffus eft toujours lâche; mais le flyle
eft lâche fans être diffusA s’il manque de nerf 8ç
de refîbrt. C ’eft le défaut que Brutùs reprochoit à
l ’Éloquence de Cicéron ; & Cicéron de fon côté
reprochoit à celle de Btutus d’avoir plus de douceur
& d’élégance que de force. De celle-ci il ne nous refte
rien 3 mais pour celle de Cicéron, nous fômmes en
état de voir fî dans les Verrines, les Catilinaires,
les Philippiques, fî dans les Plaidoyèrs pour Milon
& pour Ligarius, elle manquoit de véhémence &
d’énergie ; & f î , pour être élégant & harmonieux
dans fôn flyle, il en avoit moins de vigueur.
Dans lès moments où l’Éloquence eft tempérée
dans fès mouvements, & ne fait que dèveloper le
fèntiment & la penfée , Cicéron paroît s’occuper de
I’arrondiflèment de les périodes & de l’harmonie
de leur défînence ; mais dans les moments où fà
douleur, où fôn indignation éclate, lorfqu’il preffe
l ’accufateur de Ligarius, lorfqu’il expofè les violences
& les rapines de Verrès, lorfqu’il accumule
les crimes, les attentats de Clodius , qu’il dénonce
Catilina, qu’il accable Pifbn, qu’il demande qu’An-
tojne foit déclaré l ’ennemi public, a-t-il ces effe
videatur qu’on lui reproche dans les écoles ? penfè-
t-ii à être élégant ? Pour donner, comme lui , à
l’ÉloCution oratoire de l’ampleur & de la majefté,
il faut, comme lu i, être plein de hautes penfees,
de fèntiments élevés ou profonds. Le flyle n’efl
vide & diffus, que îorfque la fblidité manque au
volume 8c que l’ampleur eft dans les mots. Ce j
n’eft donc pas le flyle de Cicéron que l ’on doit
appeler diffus , mais bien le flyle de fes imitateurs ,
q u i, parmi nous, & plus encore en Italie, n’ayant
pas fôn génie & fôn ame, la riche abondance de fês
idées, la plénitude de fôn lavoir, & cette fènfibi-
lité plus féconde que fôn imagination même , ont
voulu fè donner le fafte de fôn Éloquence.
Le flyle prolixe approche du diffus ; mais ce
fi’eft pourtant pas le même : car tandis que le diffus
s’étend , comme en fûperficie, fur des idées aecef-
foires & fôperflues ; le prolixe ne fait que fê.traîner
pefàmment en longueur, par des milieux qu’il eût
fallu franchir, d’indu&ion en induftion, de confé-
quençe en confequence, & fatigue notre penfee en
l’aiHijettiflant à une pénible lenteur. Le flyle de nos
procureurs eft prolixe ; celui de nos avocats eft diffus.
Le flyle des mauvais traducteurs eft diffus ; celui 1
de prefque tous les commentateurs eft prolixe.
(M. JÜARMONTEL.)
(N.) DIGAMMA, C m. Double Gamma. On a
donné anciennement ce nom à la lettre F , qui paroit
en effet compofee de deux Gamma placés verticalement
l ’un fur l ’autre. Voye\ F. (M. Ueauzée. )
DI JAMBE ou DOUBLE ÏAMBE, C m. Belles*
Lettres, Dans la Poéfîe latine, c’eft une méfùre ou
pied dé vers, compofe de deux ïambes ou de quatre
fÿllabes, dont la première 8c la troifîème font brèves,
la féconde & la quatrième longues, comme dans ce
mot dmënitâs. (Vabbk Mallet. )
(N.) D ILIGENT, EXPÉDITIF, PROMPT. Syn.
Lorfqu’on eft diligent, on ne perd point de temps,
& l ’on eft afftdu à l’ouvrage. Lorfqu’on eft expe'ditif >
on ne remet pas à un autre temps l’ouvrage qui fè
préfénte , & on le finit tout de fuite. Lorfqu’on eft
prompt, on travaille avec aâivlté, & l’on avance
l ’ouvrage. La pareflè, les délais, & la lenteur, font
les trois défauts oppofes à ces trois qualités.
L ’homme diligent n’a pas de peine à fè mettre
au travail; l’homme expéditif ne le quitte point;
& l’homme prompt en vient bientôt à bout.
Il faut être diligent dans les foins qu’on doit
prendre ; expéditif dans les affaires qu’on doit terminer;
& prompt dans les ordres qu’on doit exécuter.
Voye\ P r o m p t i t u d e , C é l é r i t é , V i t e s s e ,
D i l ig e n c e . ( Uabbé Girard.)
(N.) DIMÊTRE, adj. Terme de Poéfîe grèque 8c
latine : de é)s ( bis , deux fois ) & yerpay ( menfura ,
mefûre. ) Il fèmble qu’on auroit dû caraétérifèr par
ce mot les vers de deux pieds, comme on a appelé
Hexamètres les vers de fix pieds : cependant on
défîgne ordinairement par là les vers ïambiques de
quatre pieds. L a , rapidité de la marche du vers
purement ïambique a fait fans doute qu’on y a pris
deux pieds pour une mefûre, comme dans celui-ci
d’Horace (V . Od. ij. 50. )
| Mugis- j ve rhôm- | bits j aüt | fcdri. |
Enfûite quoiqu’on ait introduit dans ce vers le
Tribraque , le Spondée, le Daêlyle, ou l ’Anapefte ,
à la place de l’ïambe , on a continué d’appeler
Dimètres tous les vers ïambiques de quatre pieds.
(M\ B eauzée.)
DIMINUTIF, 1V E , adj. terme de Grammaire,
qui fè prend fôuvent fizbftantivement. On le dit d’un
mot qui fîgnifie une chofè plus petite que celle qui
eft défïgnéepar le primitif: par exempleymaifonette
eft le Diminutif de maifon ; monticule l’eft de mont
ou montagne ; globule eft le Diminutif de globe :
ce font là des Diminutifs phylîques.Tels font encore
perdreau de perdrix, faifandeau de fiifan, poulet
& poulette de poule, &c. Mais outre ces Diminutifs
'phyfiques, il y a encore des Diminutifs de compaf-
fion,, de tendreffe, d’amitié , en un mot de fenti-
ment. Nous fômmes touchés d’une forte de fentiment
tendre à la vûe des petits des animaux, & par une
fuite de ce fèntiment, nous leur donnons des noms
qui fon/autant de Diminutifs j c’eft une efpèce d’in-
terjèéHon qui marque notre tendrefiè pour eux. C eft
â l’occafîon de ces fentiinents tendres, que nos poètes
ont fait autrefois tant de Diminutifs ; rojfgnqlet,
tendrelet, agnelet, herbette , fleurétte, graffette ,
Janette, &c. "
Viens , ma Bergère , fur l’herbette ;
Viens , ma Bergère, viens feulette :
Nous n’aurons que nos brebiettfis
Pour témoins de nos amourettes.
Sourfaut.
Les italiens & les efpagnols font plus riches que
nous en Diminutifs ; il fèmble que la langue fran-
çoife n’aime point à être riche en babioles & en
colifichets, dit le P. Bouhours. On ne fè fèrt plus
aujourdhui de ces mots qui ont la terminaifôn de ;
Diminutifs , comme hommelet, roffgnolet, mon- i
éagnette, campagnette^ tendrelet, doucelet, nym- ;
phelette , larmelette, &c. » Ronfàrd , dit le P. Bou-
» hours , Remarques, torn. I. p . 199. la Noue,
» auteur du Didionnaire des Rimes, & mademoifèlle
» de Gournai, ri’ont rien négligé en leur temps
>> pour introduire ces termes dans notre langue.
» Ronfàrd en a parfèmé fès vers, la Noue en a
v rempli fôn Didionnaire, mademoifèlle de Gournai
» en a fait un recueil dans fès avis, & elle s’en
» déclare hautement la protedrice : cependant notre
» langue n’a point reçu ces Diminutifs ; ou fi elle
» les reçut en ce temps-là, elle s’en défit aufli tôt.
as Dès le temps de Montagne on s’éleva contre tous
» ces mots fî mignohs, favoris de fa fille d’alliance :
»* elle eut beau entreprendre leur défenfè & crier
» au meurtre de toute fa force, avec tout cela la
» pauvre demoifèlle eut le déplaifîr de voir fès
» chers Diminutifs bannis peu à peu ; 8c fi elle
» vivait encore , je crois, pourfuit le P. Bouhours,
» qu’elle mourroit de chagrin de les voir exter-
» minés entièrement ».
Les italiens 8c les efpagnols font encore d’autres
Diminutifs des premiers Diminutifs; par exemple ,
de bambino, un petit enfant, ils ont fait bambi-
nello , bamboccio, bambocçiolo , &c. C ’eft ainfî,
qu’en latin de homo on a fait homuncio , 8c d'homun-
cio, homunculus , & encore homulus. Ces trois
mots font dans Cicéron. Le P. Bouhours dit que ce
font des pygmées qui multiplient, 8c qui font des
-enfants encore plus petits qu’eux. ( M. pu Mars
a i s .)
tN.) DIMINUTION, f f. C ’eft le nom que donnent
quelques rhéteurs à -la figure de penfee par fidion,
que les gens de l’art appellent Litote. Voye\ ce
mot. ( M. B-EAUziE. )
D I P H T H O N G U E , C f terme de Grammaire.
C e m o t p a r .lu i-m êm e e f t a d j e d i f d e fyllabe / m a is
d a n s l ’u f a g e , o n J e p r e n d fu b f ta n tiv ëm e n t. A e ft
u n e fy lla b e m Ô n o p h th o n ^ tie , y.tyofpB-oyyoç , c ’e f t à
d i r e , u n e fy lla b e é n o n c é e p a r u n fô n u n i q u e o u
fim p le ; a u l i e u q u e la fy lla b e a u , p ro n o n c é e à l a
l a t in e a-ouy & ç om m o ô,h l a p ro n o n c e e n c o r e e n
I t a l i e , &c. & m em e dans nrôs p ro v in c e s m é rid io n
a le s , a u , d is - je , o u p lu s t ô t a ou , c ’e f t u n e
Diphthongue-, c ’eft à d i r e , u n e ly lla b e q u i f a it
e n t e n d r e le fijn d e d e u x v o y e lle s p a r u n e m êm e
ém ifïio n d e v o ix , m o d ifié e p a r l e c o n c o u rs d e s
m o u v em e n ts f im u lta n é s d e s o rg a n e s d e l a p a ro le *
R R. , bis , 8c (pà-oyyoç, Jopus.
L ’effence de la Diphthongue confifte donc en
deux points.
i° . Qu’il n’y ait pas, du moins fènfîblement,
de.ux mouvements fucceflifs dans les organes de la
parole.
i ° . Que l’oreille fente diftindement les deux
voyelLes par la même émifïion de voix : D ieu ,
j’entends Vi 8c la voyelle eu , 8c ces deux fôns fè
trouvent réunis en une fèule fÿllabe, 8c énoncés en
un fèul temps. Cette réunion, qui eft l’effet d’une
fèule émifïion de voix, fait la Diphthongue. C ’eft
l’oreille qui eft juge de la Diphthongue ; on a beau
écrire deux, ou trois , ou quatre voyelles de fuite,
fi l’oreille n’entend qu’un fôn , il n’y a point de
Diphthongue : ainfi au , a i , oient, &c. prononcés
à la françoifè <5, è , ê^ ne font point Diphthongues.
L e premier eft pronpncé comme un o long, aumône
, au-ne : les partifàns même de l’ancienne
orthographe l’écrivent par o en plufieurs mots,
malgré l’étymologie à o r , de aurum , o-reille, de
au ris : 8c à l ’égard de ai , o it , aient ; on les prononce
comme un è , qui le plus fôpvent eft ouvert ,
palais comme fuccès, ils av-oien-t, ils Æve, 8cc.
Cette différence entre l’orthographe & la prononciation
, a donné Heu à nos grammairiens de divifèr
les Diphthongues en vraies ou propres, 8c en fauffes
ou impropres. Ils appellent aufli les premières,
Diphthongues de Voreille , & les autres ^ DipK-
thongues aux yeux : ainfi, Y ce 8c Yoe , qui ne fè
prononcent plus aujourdhui que comme un e, ne
font Diphthongues qu’aux1 yeux ; c’eft improprement
qu’on les appelle Diphthongues.
N o s v o y e lle s fo n t æ, e', è y ê , i , o , u , eu, e m u e t ,
ou. N o u s a v o n s e n c o re n o s v o y e lle s n a f à l e s , any e n ,
in , on, un : c ’e ft l a e om b in a ifô n o u l’u n io n d e d e u x
d e c e s vo y elle.s e n u n e f è u le f ÿ l l a b e , e n u n f e u l tem p s ,
q u i f a it la Diphthongue.
Les grecs nomment prépofitive la première voyelle
de la Diphthongue, 8c poflpofitive la féconde: ce
n’eft que fur celle-ci que l’on peut faire une tenue ,
comme nous l’avons.remarqué au mot C onsonne.
Il feroit à fôuhaiter que nos grammairiens fuffent
d’accord entre eux fur le nombre de nos Diphthon-
gii.es ; mais nous n’en fômmes pas encore à ce point-
là. Nous , avons une Grammaire qui commence la
Hfte .des Diphthongues par eo, dont elle donne pour