
os Nous avons dans notre langue, dit M. du
33 Marfais ( loc. cit. ) un grand nombre de chan-
33 Ions, dont le fons littéral, fous une apparence
33 de fimpiicité, eft rempli d' Allu fion s obfeènes.
3? Les auteurs de ces productions font coupables
33 d’une infinité de penfees dont ils fôlilfent 1 ima—
33 gination ; & d’ailleurs ils fe déshonorent dans
33 l ’efprit des honnêtes gens. Ceux qui , dans des .
33 ouvrages férieux , tombent par fimpiicité dans le
33 même inconvénient que les faifeurs de chaulons ,
os ne font guères moins répcéhenfîbles & fo rendent
33 plus ridicules. . . , .
d, Quir.tilien, tout païen qu’il etoit, veut que
33 non feulement on évite les paroles obfeènes , mais
33 encore tout ce qui peut réveiller des idées d’obf-
33 cénité. Obfcoenïtas vero non à verbis tantum
33 abeffe débet, fed etiam à fignificatione. (Inftit.
33 orat. VI. iij- 'de, Rifu. )
. os On doit éviter avec foin en écrivant, dit-il
33 ailleurs ( VIII. n )J e Ornatu ) , tout ce qui peut
-33 donner lieu à des AUufions deshonnêtes. Je
33 fois bien que ces interprétations viennenrfouvent
33 dans l’efprit, plus tôt par un^ effet de la coras
ruption du coeur de' ceux qui lifent, que par
33 la mauvaifo volonté de celui qui écrit ; mais un
33 auteur foge & éclairé doit avoir égard à la foi-
33 bleffe de les leâeurs , & prendre garde de faire
33 naître de pareilles, idées dans leur elprit : car
33 enfin nous vivons aujourdhui dans un fiècle ou
oa l’imagination des hommes eft fi fort gâtée, qu’il
33 y a un grand nombre de mots qui etoient autre-
s» fois très-honnêtesdont il ne nous eft plus per—;
33 mis de nous forvir , par l ’abus qu on en fait ; de
33 forte que, fans une attention fcrupuleufe de la part
ns de celui qui écrit, fes lecteurs trouvent mali-
33 gnement à rire en folifîant leur imagination avec
33 des mots", qui par eux-memes font très-eloignes
33 de YobCcénité. Hoc vitium x.ctz.ô<pc6Tov vocatur,
five malâ confite tudine in obficcenum intelleUum
fiermo detortus efi... dicta fianclè & antique ri-
dentur à nobis ,* quam culpam non ficribemium
quidem judico , fied legendum : tamen yitandaj
quatenüs verbahonefia moribus perdidimus , &
évincentibus etiam viliis cedendum eft.... Nec
ficripto modo id accidit ; fied etiam Jenfin plerique
obficcenè intelligere, nificaveris , cupiunt, ac ex
verbis quae longiffime ab obficaeiiitate abfiunt oc-
eafiionem turpitudinis rapere.
R em . Selon le Dictionnaire grammatical, » On
sa* dira , D orateur a fiait Alîufion a. ce qui s ejl
33 pajfié ,• mais on ne diroit pas , Tout le monde a
33 approuvé /’Alîufion qu’ i l a fa ite à ce qui s ejl
pajfié, o u la f in e Alîufion q u i l a fa ite &c.
Cette déc ifion , prononcée d’un ton tranchant,
n’eft appuyée ni d’autorités ni de raifons, fi ce
n’eft que l’auteur obferYe que, dans faire Alîufion,
le mot Alîufion eft toujours foui fans article &
fans autre accompagnement. Mais pourquoi, parce
qu’on dit faire Alîufion, ne diroit-on pas 1 A l-
lufiion ou la fine Alîufion q u il a faite t Ou du
aufti fa ir e ju filice, fa ir e grâce , forts article &
fans autre accompagnement ; & cela n’empêche pas
qu’on ne puifîè dire , la jufilice -ou la rigoureufe
ju fiic e qu i l vous a fa i t e , la grâce ou la grâce
| infigne qu’ i l leur a fa it e . Pourquoi un nom, employé
fons l’article dans une occafion, ne pourroit-
il plus le prendre dans une autre ? Eh ! rie donnons
point d’entraves inutiles à l’analogie , qui
d’ailleurs peut s’appuyer ici fiir l’autorité ; M. du
Mariais, en parlant des AUufions : a dit. Celles
que nos poètes fo n t à la F a b le . (M . JSe a u z ê e . )
* L ’A lîu fion eft encore l ’application perfonnelle
d’un trait de louange ou de blâme.
Diogène reprochoit à Platon de n’avoir jamais
oftenfé perfonne. Grâce aux A llu fio n s , il eft peu
d’écrivains célèbres de nos jours qui ayent le meme
reproche à craindre.
Rien de plus odieux fons doute que la fotyre
perfonnèlle : & quoiqu’on puiffe imaginer un degre
de dépravation des moeurs publiques, où le vice
impuni , toléré , allant partout la tète haute,
feroit fouhaiter qu’il s’élevât un homme pour 1 in-
(uîter en face & le flétrir ; ce vengeur ne laifîè-
roit pas d’être encore un perfonnage deteftable.
Que chacun dans la fociété fo fafie raifon par
le mépris , & par un mépris éclatant , du vice
infoient qui le bleffe ; rien de plus noble & de
plus jufte. Mais le métier d’exécuteur,, quoique
très-utile , eft infâme : & s’il fo trouvoit un homme
doué d’un génie ardent, d’une éloquence impetueufè ,
du don de peindre avec vigueur , & que cet homme
eût commis un crime digne de la rigueur des lois
c’eft lui qu’il faudroit condamner à la fotyre perfonnelle.
Foye\ S a t y r e . .
Mais autant la fotyre perfonnelle eft odieufè,
autant la fotyre générale des mauvaifos moeurs eft
•honnête. Celle-ci diffère de l’autre à peu près
comme le miroir- diffère du portrait : dans le
miroir, malheur à celui qui fo reconnoît ; la honte
n’en eft qu’à lui foui.
La fotyre, me dira-t-on, porte avec elle une
reffembiance : il eft vrai'; mais cette reflemblance
eft celle, du v i c e à laquelle il dépend de vous-
qu’on ne vous reconnoiffe pas. ^ -
' C’eft là cependant cette efpèce de fotyre innocente
& jufte , qu’on trouve le moyen de rendre
criminelle, par la méthode des Allufions.
On fait tout le chagrin qu’elles ont fait à Molière.
Heureufèment le vertueux Montaufîer fut
flatté que l’on crût qu’il reflëmbloit au Mifaiir-,
thrope ,* beureufoment il ne dépendit pas de quelques
puifiants perfonnages défaire brûler , comme
ils l ’auroient voulu, le Tartuffe avec fon auteur.
Cëft une façon de nuire, aufti baffe qu’elle eft
commune, que d’appliquer ainfî des traits , qui
par eux-mêmes n’ont rien de' perfopnel , pour
faire un crime à l’écrivain de l’intention qu’on,
lui fuppofo. L ’envie & la malignité y trouvent
I d’autant mieux leur compte , que c’eft un fer a
\ deux tranchants.
C ’eft par Alîufion que, dans la tragédie RÛ£-
dipe, on voulut rendre répréhehfibles. ces vers. j .
Nos prêtres ne font pas ce qu’un vain peuple penfe ;
Notre crédulité fait toute leur fcience.
Un jour , au fpedacle, un de ces miférables
qui font payés pour nuire , faifont remarquer un
vers qui attaquoit fortement je ne fois quel vice:
s’écria que Y Alîufion étoit puniffable. Très-punif-
fiable, lui dit quelqu’un qui l ’avoit entendu ; mais
A ejl vous qui la faites.
VAlîufion eft fur tout dangereufo, loriqu’elle
rend perfonnelle aux Souverains , ou aux hommes
en place , une peinture générale des foiblefïes &
des erreurs où peuvent tomber leurs pareils. Malheur
au Gouvernement fous lequel il ne foroit
permis ni de blâmer le vice ni de louer la vertu !
Rien de plus effrayant alors, & de plus nui-
fible en effet pour les Lettres, que cette manie
des Allufions. De peur d’y donner lieu , on n’ofo
caraâérifor avec force ni le vice ni la vertu; on
fo répand dans le vague , on gliffe légèrement
fur tout, ce qui peut reifembler; on ne peint plus
fon fiècle, on craint même fou vent de peindre à
grands traits la nature. On n’ofo dire ni bien ni
mal , que de loin , à perte 'de vue ; & alors on
mérite le reproche que Phocion faifoit à l’orateur
Léofthène : que fes propos rellembloient aux cyprès,
qui font, difoit-il, beaux 0 droits , mais qui ne
portent aucun, fruit.
Il foroit digne des hommes en place de répondre
aux vils* délateurs qui leur dénoncent les traits de
blâme qui peuvent les regarder , ce qu’un roi philo-
fophe ( Archélaiis, roi de Macédoine, ) for qui
quelqu’un de fo fenêtre avoit laiffé tomber de l’eau,
répondit à fes courtifâ'ns , qui l ’excitoient à l’en
punir : Ce ii ejl pas fu r moi qu’i l a je té de Veau ,
mais fur celui qui paffoit. Cela foui feroit noble
& jufte; .& ce feroit alors que l’homme de Lettres,
avec la franchife & la- fécurité de l’innocence ,
pourroit blâmer le vice & louer la vertu, fons
que perfonne prit la fotyre pour un affront, ni
l ’éloge pour une infiilte. F . S a t y r e .
(*j Quant aux Allufions qu’on fait foi-même, en
pariant ou en écrivant, c’eft quelquefois ce qu’il
y a de plus fin dans le langage & dans le ftyle.
Un foldat falue en efpagnol le maréchal de Ber-
wick. 33 Camarade, lui dit le maréchal , ou as-tu
33 appris l’efpagnol 33? àAlmanfa, mon Général
A la repréfentation d’une pièce nouvelle, que
protégeoit le grand Condé , on faifoit du bruit au
parterre. L e , prince, qui étoit fur le théâtre,
crut dillinguer le cabaleur ; & , le montrant du
doigt, il d it, 33 Que l ’on prenne cet homme-là ».
Mais l’homme défigné fo feuvant dans la foule , On ne
méprend point, dit-il au prince fie m’appelle Lérida.
Qui n’a pas ri de la réponfo de Mata au comte
de Gramont, lorlqu’après lui avoir reproché de ne
pas porter la couleur de Mad. de Senange ,
<n|| étoit le bleu , le comte trouve ridicule qu’il
lui eût envoyé des perdrix rouges : Voulois - tu
qu’elles, fiiJJeut bleues t
Un de nos miniftres des Finances ayant fait
donner une déclaration qui alarmoit le Clergé ,
l’abbé C. . / étoit un de ceux qui s’en plaignoient
le plus hautement. W Vous fonnez le tocfin » ,
lui dit le miniftre. En êtes-vous furpris, répondit
l’abbé , quand vous mettes le feu partout ?
Cette juftefïe de réplique eft ce qu’il y a de plus
heureux dans les AUufions. Catulus accufoit de
péculat, devant le peuple, un romain appelé
Philippe , lequel , l’interrompant , lui demanda
pourquoi i l abo'yoic. J ’aboie, répondit Catulus ,
parce que je vois un voleur.
C’eft un exemple ingénieux de cette juftefle d’A l-
lufion , que le petit dialogue fait à l’inftallatiôn
du pape Urbain V I I I , Barberin , dont les armoiries
etoient des abeilles.
Gall. Gallis mella dabunt, hifpanis fpiculafigent.
Hifp. Spicula Ji figent , emorientur apes.
Ital. hlella dabunt cunciis ; nulli fua fpicula figent :
Spicula nam. princeps figer e nef cit apum.
Euripide &, mieux que lu i , Racine indique, par
Alîufion, l ’objet du délire de Phèdre :
Dieux , que ne fuis-je aflîfe à l’ombre des forêts !/
Quand pourrai-je , à travers une noble pouffière,
Suivre de l’oeil un char courant dans la carrière !
Mais de tous les poètes, la Fontaine eft celui
qui fait le plus d’Allufions. Je ne parle pas de
cette Alîufion générale, des animaux à nous , qui
fait l’effence de l’Apologue ; je parle de mille traits
répandus dans fes Fables , qui touchent plus ex-
preffément à quelque particularité de langage
de cara&ère , d’ufage , de condition , de moeurs
locales , d’opinion, d’érudition , &c.
. Ratapolis étoit bloquée.. . .
Thémis n’avoit point travaillé,
Démémoire de finge, a fait plus embrouillé., . .
Don Pourceau raifonnoit en fubtil perfonnage.. . .
Certain renard gafcon, d’autres difent normand. . . »
Quand il eut ruminé tout le cas dans fa tête. , . .
Le loup en fait fa cour , daube au coucher du roi
Son camarade abfent. . . . .
Le renard d i t , branlant la tête,
Tels orphelins, Seigneur, rie me font point pitié.. .
Faites-en les feux dès ce foir,
Et cependant viens recevoir
Le baifer de paix fraternelle.. . .
' Chacun fut de l’avis d e monfieur le doyen.. . . .
Un lièvre, appercevant l’ombre de Tes oreilles ,
Craignit que quelque ïnquifiteur
N'allât interpréter a cornes leur longueur....
Miraud fur leur odeur ayant philofophé.. .
Le maître du logis en ordonne autrement.. .
J’ai paffé les déferas $ mais nous n’y bûmes peint, .