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que le ftyle d*une ode eft différent de Celui d’une
tragédie , & que la Diction propre a la Comedie eft
elle-même différente du flyrle lyrique ou tragique.
Une hiftoire proprement dite ne doit point avoir la
'«ècherefle d’un journal, des fâftes, ou des annales,
qui fônfr pourtant des monuments hiftoriques; & ceux-
c i n’admettent pas les plus Amples ornements qui
peuvent convenir àTHiftoire , quoique pour le fond
ils exigent les mêmes règles. ( 'Uabbé M allet, )
DICTIONNAIRE DE LANGUES. On appelle
ainiî un Dictionnaire deftiné à expliquer les mots les
plus ufuels & les plus ordinaires d’une langue ; il efl
diflingué du Dictionnaire hiflorique , en ce qu’il exclut
les faits, les noms propres dejieux, de perfènnes,
&c. & il eft diflingué du Dictionnaire de Sciences,
en ce qu’il exclut les termes de Sciences trop peu
connus & familiers aux feuls lavants.
Nous obfèrvçrons d’abord qu’un Dictionnaire de
langues eft ou de la langue qu’on parle dans le pays
©ù le Dictionnaire Ce fait, par exemple, de la langue
•françoife à Paris ; ou-de langue étrangère vivante,
ou de langue morte.
Dictionnaire de langue françoife. Nous prenons
ces fortes de Dictionnaires pour exemple de Dictionnaire
de langue du pays ; ce que nous en dirons
pourra s’appliquer facilement aux Dictionnaires an-
glois faits à Londres , aux Dictionnaires efpagnols
faits à Madrid , &c.
Dans un Dictionnaire de langue françoife il y a
principalement trois chofès à çonfîdérer ; la lignification
des mots, leur ufage , & la nature^de ceux
qu’on doit faire entre dans ee, Dictionnaire. La lignification
des mots s’établit par de bonnes définitions
( voye\ D é f in it io n ) ; leur ufâge , par une excellente
lÿfitaxe ( voye\ S y n ta x e ) ; leur nature enfin,
par l’objet du Dictionnaire même. A ces trois objets
principaux,on peut en joindre trois autres fùbordonnés
à ceux-ci ; la quantité ou la prononciation des mots ,
l ’orthographe , & l ’étymologie. Parcourons fùccef-
fivement ces fïx objets dans l’ordre que nous leur
.avons donné.
Les définitions doivent être claires, précifês , &
auffi courtes qu’il eft poflible ; car la brièveté en ce
genre aide à la clarté. Quand on eft forcé d’expliquer
une idée par le moyen de plufîeurs idées accefloires,
il faut au moins que le nombre de ces idées foit le
plus petit qu’il eft poflible. Ce n’eft point en général
la brièveté qui fait qu’on eft obfcur, c’eft le peu de
choix dans les idées, & le peu d’ordre qu’on met entre
elles. On eft toujours court & clair , quand on ne dit
que ce qu’il faut & de la manière qu’il le faut ; au*
tremenj, pneft tout à la fois long & obfcur. Les définitions
& les démonftrations de Géométrie, quand
elles font bien faites, font une preuve que la brièveté
eft plus agiie qu’ennemie de la clarté.
Mai$ pomme les définitions confîftent à expliquer
un mot par un pu plufîeurs autres , il réfulte nécefî-
fâirement de là qu’il eft des mots qu’on ne doit jamais
définir, puifqu’autremçnt, toutes les définitions np
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formeroient plus qu’une efpece de cercle vicieux, dans
lequel un mot fèroit expliqué par un autre mot qu’il
auroit fervi à expliquer lui-même. De là il s’enfuit
d abord que tout Dictionnaire de langue dans lequel
chaque mot fans exception fera défini, eft néceifâi-
rement un mauvais Dictionnaire , & l’ouvrage d’une
tete peu phiiofophique. Mais quels font ces mots de
la langue qui ne peuvent ni ne doivent être définis 2
Leur nombre eft peut-être plus grand .que l ’on ne
s’imagine ,• ce qui le rend difficile à déterminer, c’eft
qu’il y a des mots que certains auteurs regardent
comme pouvant être définis , & que d’autres croient
au contraire ne pouvoir l’être: tels font, par exemple,
les mots ame, efpace, courbe, &c. mais il eft au moins
unj grand nombre de mots , qui, de l’aveu de tout le
monde , fè refufènt à quelque efpece de définition que
ce puifle être ; ce font principalement des mots qui
défîgnent les propriétés générales des êtres , comme
exijience, étendue, penfée, fehfadon, temps, &
un grand nombre d’autres.
Ainfî, le premier objet que doit fè propofèr l ’auteur
d’un Dictionnaire de langue, c’eft de former , autant
qu’il lui fera poflible, une lifte exaête de ces fortes de
mots, qui feront comme les racines philofophiques
de la langue : je les appelle ainfî, pour les diftinguer
des racines grammaticales , qui fervent à former &
non à expliquer les autres mots. Dans cette efpèce
de Jifte des mots originaux & primitifs, il y a deux
vices à éviter : trop courte, elle tomberoit fouvent
dans l’inconvénient d’expliquer ce qu j n’a pas befbin
de l ’être, & auroit le défaut d’une Grammaire dans
laquelle des racines grammaticales fèroient mifès
au nombre des dérivés ; trop longue, elle pourroit
faire prendre pour deux mots de lignification très-différente
, ceux qui dans le fond enferment !a même
idée. Par exemple, les mots de durée fie de temps, ne
doivent point, ce me fèmble, fè trouver l’un & l’autre
dans la lifte des mots primitifs; il ne faut prendre que
l’un des deux , parce que la même idée eft enfermée
dans chacun de ces deux mots. Sans doute la définition
qu’on donnera de l’un de ces mots, ne îèrvira pas à
en donner une idée plus claire , que celle qui eft pré-
fèntée naturellement parce mot; mais elle fèrviradu
moins à faire voir l ’analogie & la liaifbn de ce mot
avec celui qu’on aura pris pour terme radical & primitif.
En général les mots qu’on aura pris pour radicaux
doivent être tels , que chacun d’eux préfènte
une idée abfèlument différente de l’autre ; & c’eft là
peut-être la règle la plus sûre & la plus fîmple pour
former la lifte de ces mots î car après avoir fait l ’énumération
la plus exa&e de tous les mots d’une langue,
on pourra former des efpèces de tables de ceux qui
ont entre eux quelque rapport. Il eft évident que le
même mot fè trouvera fouvent dans plufîeurs tables ;
& dès lors il fera aisé de voir par la nature de ce mot,
& par la comparaifon qu’on en fera avec celui auquel
il fè rapporte, s’il doit être exclus de la lifte des radicaux,
ou s’il doit en faire partie. A l’égard des mots
qui ne fè trouveront que dans une fèule table, on
cherchera parmi ces mots celui qui renferme ou pa-
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roît renfermer l’idée la plus fimplè; ce fera le mot
radical: je dis qui paroît renfermer ;; car il réitéra
'Cuvent un peu d’arbitraire dans ce tlioix ; les mots de
temps St de durée, dont nous avons:parle plus haut,
fuffiroient pour s’en convaincre. 11 en eft de meme des
mots être, exijler, idée, perception, & autres fem-
blabies. , . e
Déplus, dans les tables dont nous parlons, il faudra
obfèrver de placer les mots fuivaot leur fens propre
& primitif, & non fuivantleur fens métaphorique ou
figuré ; ce qui abrégera beaucoup ces differentes
tables : un autre moyen de les abréger encore , c eit
d’en exclure d’abprd tous les mots dérives & compoies
qui viennent évidemment d’autres mots , & tous les
mots qui ne renfermant pas des idees Amples ont
évidemment befoin d’être définis; ce qu on diftinguera
au premier coup d’oeil : par ce moyen les tables fè réduiront
& s’éclairciront fènfîblement, _ & le
fera extrêmement Amplifié. Les racines philofophiques
étant ainfî trouvées, il fèra bon de les marquer
dans le Dictionnaire par un caraâère particulier.
. . . . ..
Après avoir établi des règles pour diftinguer les
mots qui doivent être définis d’avec ceux qui^ ne
doivent pas l’être, paflons maintenant aux définitions
mêmes. Il eft d’abord évident que la définition d’un
mot doit tomber fur le fèns précis de ce mot, & non
fur le fèns Vague. Je m’explique ; le mot douleur ,
par exemple , s’applique également dans notre langue
aux peines de l ’ame, & aux fènfations defâ-
gréables du corps : cependant la définition de ce mot
ne doit pas renfermer ces deux fèns à la fois; ceft
là ce que j’appelle le fens vague , parce qu il renferme
à la fois le fèns primitif & le fèns par extension
: le fèns précis & originaire de ce mot^défigne
les fènfations défâgréables du corps, & on 1 a étendu
de là aux chagrins de l’ame ; voilà ce qu une
définition doit faire bien fèntir.
' Cè'que nous venons de dire du fèns précis par
rapport au fèns vague, nous le dirons du fèns propre
par rapport au fèns métaphorique ; la définition
ne doit jamais tomber que fur le fèns propre , & le
fèns métaphorique ne doit y être ajouté que comme
une fuite & une dépendance du premier. Mais il
faut avoir grand foin d’expliquer ce fèns métaphorique
, qui fait une des principales richeflès des langues
, & par le moyen duquel, fans multiplier les
mots, on eft parvenu à exprimer un très-grand nombre
d’idées. On peut remarquer, furtout dans les
. ouvrages de Poéfîe & d’Éloquence, qu’une partie
très - confîdérable des mots y eft employée dans le
fèns métaphorique, & que le fèns propre des mots,
ainfî employés dans un fèns. métaphorique , défîgne
prefque toujours quelque chofè de fènfîble. Il eft
même des mots , comme aveuglement, bajfejfe, &
quelques autres ; qu’on n’emploie guère qu’au fens
métaphorique : mais quoique ces mots pris au fèns
propre ne foient plus en ufâge, la définition doit
néanmoins toujours tomber fur le fèns propre, en
avertifTant qu’on y a fùbftitué le fèns figuré. Au refte
C ramai. e t L i t t é r a t . Tome I. Partie I I ,
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comme la lignification métaphorique d’un mot n’eft
pas toujours tellement fixée & limitée, qu’elle ne
puiffe recevoir quelque extenfîôn fuivânt le génie de
celui qui écrit, il eft vifible qu'un Dictionnaire lie
peut tenir rigoureufèment compte de toutes les lignifications
& applications métaphoriques ; tout ce que
l’on peut exiger, c’eft qu’il fafTe connoître au moins
celles qui font le plus en ufâge..
Qu’il me foit permis de remarquer à cette occasion
, comment la coin binai (ôn du fèhs métaphorique
des mots avec leur fèns figuré peut aider Tefprit & la
mémoire dans l’étude des languës. Je fuppofe qu’on
fâche allez, de mots d’une langue quelconque pour
pouvoir entendre à peu près le fens de chaque
phrafè dans des livres qui foient écrits en cette langue
, & dont la didion foit. pure & la Syntaxe facile ;
je dis que fans le fèçours d’un Dictionnaire, & en
fè contentant de lire & de relire a'flidûment les-livrès
dont je parle, on apprendra le fèns d’un grand nombre
d’autres mots : car le fens de chaque phrafè étant
entendu à peu près , comme je le fuppofe , on en
conclura quel eft du moins à peu près le fèns des
mots qu’on n’entend point dans chaque phrafè ; le
fèns qu’on attachera à ces mots fèra, ou le fèns propre
, ou le fèns figuré : dans le premier cas on aura
trouvé le vrai fens du mot, & il ne faudra que le
rencontrer encore une ou deux fois pour fè convaincre
qu’on a deviné jufte : dans le fécond cas , fi on
rencontre encore le même mot ailleurs, ce qui ne
peut guère manquer d’arriver , on comparera le
nouveau fèns qu’on donnera à ce mot, avec celui
qu’on lui donne dans le premier cas-; on^ cherchera
dans ces deux fèns ce qu’ils peuvent, avoir d analogue
, l’idée commune qu’ils peuvent renfermer , &
cette -idée donnera le fèns propre & primitif. Il eft
certain qu’on pourroit apprendre ainfî beaucoup de
mots d’une langue en affez, peu de temps. En effet, il
n’eft point de langue étrangère que nous ne puiffions
apprendre, comme nous avons appris la nôtre ; & il
eft évident qu’en apprenant notre langue maternelle ,
nous avons deviné le fèns d’un grand nombre de
mots , fans le fècours d’un Dictionnaire qui nous les
expliquât : c’eft par des combinaifbns multipliées &
quelquefois très-fines, que nous y fommes parvenus
; & c’eft ce qui me fait croire, pour- le dire en
paffant, que le plus .grand effort de l’ efprit eft celui
qu’on fait en apprenant à parler ; je le crois encore
au deffus de celui qu’il faut faire pour apprendre à
lire : celui - ci eft purement de mémoire & machinal
; l’autre fuppofe au moins une forte de rax-
fônnement & d’analyfè.
Je reviens à la diftin&ion du fèns précis & propre
des mots , d’avec leur fens vague & métaphorique:
cette diftinétion fèra fort utile pour le dèvelope-
ment & l’explication des fynonymes, autre objet très-
important dans un Dictionnaire de langues. L ’expérience
nous a appris qu’il n’y a pas dans notre langue
deux mots qui fôient parfaitement fynonymes, c’eft
à dire , qui en toute occafîon puiffent être fubftitués
indifféremment Lun à l’autre ; je dis en toute cca-
Hhhh