
d’Horace ; un jeune foigneur qui fo nommoit An-
gilbert , ‘ prit celui d’Homère; Adélard, évêque de
Corbie, Ce nomma Augujlin ; Riculphe , archevêque
de Mayence, Daméccis ; & le roi lui-même ,
David.
Ce fait ,peut ïèrvir à relever la méprifo de quelques
écrivains modernes, qui rapportent que ce fut
pour le conformer au goût général des favants de
ion fiècle , qui étoient grands admirateurs des noms
xomains, qu’Alcuin prit celui de Flaccus A l -
. binus.
La plupart des nations ont à préfont des académies
, fons en excepter la Rnlïie. Il y en a peu en
Angleterre ; la principale & celle qui mérite le
plus d’attention , eft celle que nous connoilïbns fous
le nom de Société Royale, ; & l ’on peut y joindre-la
Société d’Edimbourg. Il y a cependant encore une
academie royale de mu/ique & une de peinture , établies
par lettres patentes, & gouvernées chacune par
des directeurs particuliers.
En F rance nous avons des académies floriflântes
en tout genre, tant à Paris que dans des villes de
province ; en voici les principales, (M* d'A lenl-
jbejît, )
A c a d ém ie F r an ço ise . Cette académie a été
znftituée en 163 j par le cardinal de Richelieu ,
pour perfeétionner la langue ; & en général elle
a pour objet toutes les matières de Grammaire, de
Poéfîe, & d’Eloquence. L a forme en eft fort fîmple,
& n’a jamais reçu de changement : les membres
font au nombre de quarante , tous égaux ; les grands
Seigneurs & les gens titrés n’y font admis qu’à
titre^ d’hommes de Lettres; & le-cardinal de Richelieu
, qui connoiflôit le prix des talents, a voulu
que l’elprit y marchât for la même ligne à côté
du rang & de la nobleflè. Cette académie a un
Directeur & un Chancelier, qui fo tirent au fort tous
les trois mois ; & un Secrétaire, qui eft perpétuel.
Elle a compté & compte encore aujourd’hui parmi
les membres , plufîeurs perfonnes illuftres par leur
elprit & par leurs ouvrages. Elle s’alîèmble trois
fois la fomaine au vieux Louvre pendant toute
l ’année, le lundi, le jeudi & le fâmedi (<z). I l n’y a
point d’autres aflèmblées publiques que celles où
l ’on reçoit quelque académicien nouveau , & une
aftemblée qui Ce fait tous les ans le jour de la
S. Louis, & où V académie diftribue les prix d’É-
loquence & de Poéfîe , qui conlîftent chacun en
une médaille d’or. Elle a »’publié un Didionnaire
de la langue françoifè, qui a déjà eu quatre éditions,
& qu’elle travaille fans celle à perfectionner. La
devifo de cette académie eft : A Vimmortalité,
{M .d’A lembert, )
{a\ Depuis fon inftmitîon julqu’au règne de L ou is XVT,
elle étoit en exercice toute l’année fans interruption; maintenant
elle prend dgs vacances Pendons les mois de Septembre
& a Octobre»
( T On nous a communiqué un manufcrit de feit
M, Daclos , fecrétaire de /’académie françoifè,
qui nous a paru contenir des faits & des réflexions
agréables fu r l ’hiffaire de cette compagnie célèbre.
On y retrouvera le Jlyle ingénieux & piquant qui
caraclérife tous les écrits de M . Duclos.
Rien ne prouve mieux la fàgeffe d’un établif-
fèment que le peu de changement qu’il éprouve
durant une longue foite d’années. L ’académie s’eff
toujours conduite d’après les principes qui lui ont
été donnés par fon fondateur : aufli n’a-t-elle point
effuyé de révolutions, & les États les plus heureux
feront toujours ceux qui fourniront le moins d’évènements
à l ’hiftoire. Celle dune fociété littéraire
ne doit préfènter d’autres faits que les ouvrages de
ceux qui la compofènt. Le bonheur & la gloire de-
Vacadémie viennent de ce qu’elle eft aujourd’hui
ce qu’elle a été dans fon origine :• ce n’eft pas que
des particuliers , peu faits pourfèntir l’honneur d’y
avoir .été admis, n’ayeqt entrepris d’en altérer la-
, coralitution ; mais leurs efforts n’ont fèrvi qu’à
prouver la folidité des fondements qu’ils vouloiént
détruire.
Dans les premières années de ce fiècle , deux ou-
trois académiciens , dont la poftérité ne cOnnoitra-
le nom que par la lifte, ne Ce trouvant pas affez.
honorés d’étre affociés à une compagnie illuftre ,
tâchèrent d’y introduire une claffè d’académiciens-
honoraires. On croira facilement que cette fam-
taifîe ne vint pas à des hommes fort diftingués par
le rang , la naiffance, ou les talents. En effet, il
falloit qu’ils ne fufient pas trop faits pour le titre
d’honoraire , puifqu’ils en avoient tant befoin ; &
ils ne paroiffoient pas plus dignes du titre d’académiciens
, puifqu’il ne leur fiiffifoit pas.
Ils tâchèrent d’abord, mais envain, de féduire
quelques gens de Lettres par l ’elpoir des penfions..
Ils effayèrent en même temps de gagner les académiciens
qui, par l ’éclat de leur nom, dévoient
être à la tête de la claffe qu’on fè , propofoit d’établir.
Il fallut donc faire part du projet à MM. de
Dangeau, qui, à tous égards, ne pouvoient pas
éviter d’être du nombre des honoraires , fi l ’on en
faifoit. Mais comme ils étoient d’excellents académiciens
% ils furent révoltés d’une propofition qui
paroiffoit leur faire perdre le titre d’hommes de
Lettres. Ils opposèrent à une intrigue lourde la foule
conduite qui leur convînt ; ils s-’adreflerént directement
au roi, exposèrent Amplement le fait, &
firent rejeter ce projet bourgeois.
Il n’y a pas .d’apparence que cette idée ridicule-
entre déformais dans la tête de qui que ce foit L ’rz-
'cadémie conforvera fo liberté , & l’honneur in eft f-
mable de ne recevoir d’ordres que du--roi foui, tant
qu’elle n’aura point de penfions ; & je l ’y vois fort
oppofee : c’eft toujours par l’intérêt qu’on eft aflèrvî.
L 'académie n’a heureufoment que de légers'droit-s
de préfonce qui ne peuvent exciter la cupidité, de
perfonne. Je pui$ avancer, fans craindre d’être
A ÇA
éoMteâit, que parmi les académiciens attachés^ à
d’autres compagnies & s’en trouvant très-honores,
il n’y en a aucun qui, s’il étoit obligé d opter, ne
préférât aux penfions les prérogatives de Vacadémie
françoifè. Madame la princeffe de Rohan, qui s în-
téreffoit plus que perfonne à la gloire de MM. de
Dangeau, puifque l’un étoit lôn ayeul & 1 autre fon
grand oncle, exigea de moi, il y a quelques années,
de ne pas laifiêr dans l’oubli leur procède a
l ’égârd de l'académie : je m’acquitte ici de la parole
qpe j’ai donnée, & du devoir d’hiftorien (a).
Il femble que le deftin de l'académie foit que
les circonflances qui pourroient donner atteinte à lès
privilèges, finirent ■ par lui en procurer de nouveaux.
Il n’y avoit anciennement dans l’académie
qu’un fauteuil, qui etoit la place du direfteur.
tous les autres académiciens, de quelque rang qu’ils
fulfent, n’avoient que des ehaifes. Le cardinal
d’Eftrée, étant devenu très-infirme , chercha un
adouciffement à lôn état dans 1 alïiduite nus al-
femblées : nous voyons lôuvent ceux que l’âge , les
dilgrâces, ou le dégoût des grandeurs forcent à y
renoncer, venir parmi nous le conlôler ou le dé-
fabufer. .Le cardinal demanda qu’il lui fût permis
de faire apporter un liège plus commode qu’une
chaife. On en rendit compte au roi, qui, prévoyant
les conféquences d’une pareille diftîndion , ordonna
à l ’intendant du garde-meuble de faire porter quarante
fauteuils à Vacadémie , & confirma, par là &
pour toujours, l’égalité académique. La compagnie
ne pouvbit moins attendre d’un roi qui avoit voulu
s’en déclarer le protedeur.
Après la mort de Louis X IV , Vacadémie fut
mandée avec les compagnies fiipérieures par le
minilire de la maifon du roi, conduite par le grand-
maître des cérémonies, pour faire compliment à lôn
nouveau protedeur , & prélèntée par M. le duc
d’Orléans , régent du royaume. Elle a continué
depuis de rendre compte , au roi diredement, des
éledions & de tout ce qui la concerne : ceft toujours
le diredeur nommé par le fort qui préfènte
au roi le voeu de la compagnie, & alors il eft introduit
dans le cabinet par le premier gentilhomme
de la chambre. Nous avons vu des occafîons où Sa
Majefté , ayant des ordres à donner à la compagnie,
au lieu de fe fervir d’un fecrétaire d’Etat ou de
quelqu’un’ des académiciens qui étoient à la cour ,
a mandé exprès le diredeur.
Dès l’année 1718 , le roi envoya lôn portrait à
Yacadémie, 8c on y plaça aulïî celui du régent. La
compagnie alla remercieT le roi de l’honneur qu’il
venoit de lui faire , & le régent la remercia de
çelui qu’il difoic en avoir reçu; ce furent fes termes.
L ’année fuivante le roi y vint en perfonne; i ln ’y
eut point le marques de bonté qu’il ne donnât à
,(ft) J’ai déjà configné dans an ouvrage célèbre ce qui
concerne MM. de Dangeau, dais un temps où je ne pre-
yoyois pas que je dufle continuer l*iûXloire ae l’Académie.
Voyc{ Honoraire.
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l ’aflemblée. Il entra dans lès détails de la forme
des élections, & fe fit expliquer toute l ’adminifo
tration intérieure de la compagnie. Elle reçut
bientôt dé nouvelles preuves de la protection du
roi par la confirmation du droit de committimus.
Ce privilège avoit effuyé quelques ^contrariétés à
l’occafion des différentes déclarations qui avoient
été rendues à ce fojet. Le roi, pour faire ceffer
toutes difficultés, donna en 1730 un arrêt de fon
confeil, avec des lettres-patentes enregiftrées^ en
parlement. Aucun académicien ne peut aujourd hui
être troublé dans la poffeffion d’un droit , dont ou
peut dire à l’honneur des gens de Lettres qu’il eft
prefque fons exemple qu’iis foient dans le cas d’en
, faire ufoge. _
Les marques de diftinftion dont le rot honorott
Vacadémie , ne -pouvoient qu’augmenter le défie,
d’y être admis : il n’eft même devenu que trop
vif dans les hommes en place. \Jacadémie appartient
de droit aux gens de Lettres, & l’on ne doit
fonger aux noms & aux dignités que lorfque le
Public n’élève point la voix en faveur ^ de quelque
homme de Lettres' : le titre d’académicien^ peut
flatter quelque‘Grand que ce puiftè être ; mais s’il
n’a aucune des qualités qui le juftifient, ce n’eft
pour lui qu’un ridicule & un fojet de reproches
pour ceux qui l’ont choifi. L ’académie n’eft pas
chargée de faire connaître des noms , mais d’adopter,
des noms connus.
Perfonne n’a montré avec plus d’éclat quelle
cardinal du Bois, combien il fo glorifioit du titre
d’académicien. Uacadémie étant allée avec les compagnies
fiipérieures complimenter le roi for la mort
de S. A. R. Madame, mère du 'régent, le cardinal
, qui occupoit, comme premier miniftre , fo
place auprès du roi pendant les compliments des
autres compagnies , la quitta pour revenir à l’au-
diënce de Sa Majefté en fon rang d’académicien.
Le cardinal de Fleury tint la même conduite quelques
années après , & il n’y a point de preuves
■ d’attachement qu’il n’ait données pendant fon mi-
niftère à 1*académie ; il vouloit que tout ce qui peut
intéréffer le corps fo fit avec la dignité qui lui
convient. Il eut cette attention , lorfqu’en 1731 les
comédiens françois vinrent offrir à Vacadémie les
entrées à leur fpeâaçle. Quinault l’aîné accoin-s
pagné de fix autres députés de la Comédie , fo pré-
fonta, & dit : « Meilleurs, il y a long temps que
» nous délirions''faire la démarche que nous fai-
» fons ; la crainte d’un refus nous a retenus jufqu’à
» pré'font r mais aujourd’hui que nous apprenons
>y que vous ne dédaignerez pas ^accepter l’entrée
» de notre fpedacle , nous venons vous l’offrir : en
» l’acceptant, vous nous honorerez infiniment. Il
» ne nous refte plus ,■ Meilleurs , qu’à vous fiapplier
» de venir nous entendre îe pli” temvenc qu’il vous
» fora poÏÏible, St de nous faire part de vos lu-
» mières dans les occafîons oit nous aurons befoin.
» des iècours d’une compagnie aufli illuftre & suffis
» relpedable que la vôtre ».