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du dialogue , Antoine , en le citant, s’écrie : Proh
dit immortales ! qucefuit ilia , quanta vis l quant
inexpecîata ! quant repentina l
Long temps avant ôrafîus , Galba avoit montré
une facilité prodigîeufo à parler, fi non à.’abondance,
au moins avec très-peu de préparation. Voyez; au
livre des Orateurs célèbres ce que Cicéron en raconte.
Lælius , l’ami de S c ip iond oué d’une
éloquence douce & polie, mais-peu nerveufo, avoit
plaidé deux fois une caufo importante fans -en décider
le fuccès. Il eut la modeftie de confeiller à
fos clients de recourir à Galba : celui-ci le défendit
d’abord de parler après Lælius; mais enfin cédant
aux inflan ces qu’on lui faifoit , il employa, dit
Cicéron , une demi-journée à étudier la caufo. Le
lendemain fos clients le trouvèrent au milieu de fos
fermes , diétant à plufieurs à la fois, avec la même
véhémence que s’il avoit plaidé. C’étoit l’heure de
l ’audience. Il fortit tout ému ; & en arrivant au-
barreau§ il parla avec tant d’éloquence, que d’un
bout à l’autre de fon plaidoyer il fut applaudi par
acclamation. Quid multa ? magna expectation$ ,
plurimis audientibus , coram ipjo Loelio , fie illam
caufam,' tant a vi tantâque gravit ate dixijje GaL-
bam ~ut nulla ferè pars orationis filentio proete-
riretur. Ce coup de force , vanté par Cicéron, nous
fait entendre cependant que de pareils exemples
étoient rares chez, les romains.
Chez- les grecs , l’habitude de parler for le
champ devoit être moins étonnante. Écoutons Dé-
mofthène , dans fa harangue pour lacouronhe ,
rappelant ce qui s’étoit pafîe, lorfqu’on avoit appris
que Philippe avoit fait (à paix avec les Thébains. c< Le
w héraut, ^ dansl’affomblée du peuple & du fënat) ,
» demande à haute voix : qui veut monter dans la
» tribune ? Perfonne au monde ne fo préfonte. Il
» répété , à plufieurs reprifes, l’ invitation : perfonne
» encore ne fo lève , quoique tous vos Généraux &
» tous vos Orateurs fufîènt là préfonts, & qu’à cris
» redoublés la voix commune de la Patrie les con-
» jurât d’ouvrir un avis fidutaire. . . . Or celui
» qui dans cette conjoncture décifive fo préfonta ,
» ce fut moi : je montai dans la tribune, &c. »
Ainfi, toutes les fois qu’un évènement imprévu
obligeoit d’affèmbler le peuple Athénien -, celui q u i,
à ce cri du héraut, qui Veut parler ? montoitdans
la tribune , y parloit d’abondance.
Quel fut dans Rome & dans Athènes le grand
focret des Orateurs , pour être prêts.à parler for !e
champ , quand l’occafion étoit p reliante ou favorable
l Cochin le fovoit parmi nous. Primiim.filva
rerum ac fentemiarum comparanda ejl. Cic. III.
D e orat. ( M. M armontel. ):
A BR ÉG É , f. m. épitome, fommaire , précis ,
raccourci. Un. abrège efl un difoours dans lequel
_ on réduit en moins de paroles la fuhftance de ce
qui efl dit ailleurs plus ail long & plus en détail.
« Les critiques , dit JW. Baillet, & généralement
» tous les ffuoieux qui.font ordinairement les plus
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» grands ennemis des abrégés, prétendent que la
» coutume de les faire ne s'efl introduite que long
.» temps après ces fiècles heureu x, où floriffoient
» les belles-lettres & les foiences parmi les grecs &
» les romains : c’e ft, à leur avis, un des premiers
» fruits de l’ignorance & de la fainéantile , où la
» barbarie a fait tomber les fiècles qui ont foivi la
» décadence de l’Empire. Les gëns de lettres &
»> les lavants de ces fiècles, difont-ils , ne' cher-
» choient plus qu’à abréger leurs peines & leurs
» études , for tout dans la leCture des hiftoriens ,
» des philofophes , & des jurilconfoltes , foit que ce
» fût le loifir, foit que ce fut le courage qui leur
» manquât ».
Les abrégés peuvent, folon le même auteur, fo
réduire à fix efpèces différentes , i° . les épitpmes
où l’on a réduit les auteurs , en,gardant régulièrement
leurs propres termes & les expreflipns de
leurs originaux , mais en tâchant de renfermer
tout leur fons en peu de mots : z°. les abrégés proprement
dits , que les abréviateurs orit faits à leur
mode & dans le ftyle qui leur étoit particulier:
3°. les cernons ou rapfodies, qui font des compilations
de divers morceaux : 4°. les lieux communs
ou clajjes fous lefquelles on a rangé les matières
relatives à un même titre : $°. les recueils faits par
certains leéteurs pour leur utilité particulière', &
accompagnés de remarques : 6°. le; extraits qui
rie contiennent que des lambeaux tranforits tout
entiers dans les auteurs originaux, la plupart du
temps fons foite & fans lia'ilôn les uns avec les
autres.
Toutes ces manières d'abréger les auteurs, continue
t-il ,/ pouvoient avoir quelque, utilité pour
ceux qui avoient pris la peine de les faire , &
peut-être n’étoient-elles point entièrement inutiles
à ceux qui avoient lu les originaux : « mais ce petit
» avantage n’a rien de comparable à la perte que la
» plupart de ces abrégés-ont eau fée à leurs au-
» teurs , & n’a point dédommagé la république des
» lettres ».
En effet, en quel genre ces abrégés n’ônt-ils pas
fait difparoître Une infinité d’originaux ? Des auteurs
ont cru que quelques-uns des livres feints de
l’ancien teftament n’étoient que des abrégés des
livres de Gad, d'Iddo , de Nathan, des mémoires
de Salomon, de la chronique des rois de Juda ,
&c- Les jurifoonfoltes fo plaignent qu’on a perdu
par cet artifice plus de deux - mille volumes
des .premiers écrivains dans leur1 genre , tels que
Papinien , les trois Scévoles , Labè'on, 'Ulpien ,
Modeflin, & plufieurs autres dont les noms font
connus. On a laiffe périr de même un grand nombre
des ouvrages des Pères grecs depuis Origine ou
foint Irénée, même jufqu’au fohifine, temps auquel on
a vu toutes ces chaînes d’auteur« anonymes for divers
livres de l’Écriture. Les extraits que Confiantin-
Porphyrogénèté, fit faire des excellents hiftoriens
grecs & latins fur l’hiftoire , la politique , la morale,
quoique d’ailfeurs très-louables, ont occafionné
a b R
la perte de XHifioire univerfelte ' de Nccâtas
de Damas, d’une bonne partie des livres • de Po-
lybe , de Diodore de Sicile , de Denys■ d’Hali-
carnajfe, &c. On ne doute plus que Juftin ne
nous ait fait perdre le Trogue-Pompée entier par
Xabrégé qu’il en a fait, & ainfi dans prefque tous
les genres de littérature; -;*• ^
Il faut pourtant dire en faveur des abrégée ,
qu’ils font commodes pour certaines perfonties qui
n’ont ni le loifir -de confolter les originaux, ni les
facilités de fo les procurer, ni le talent de les (approfondir
, . ou d’y démêler ce qujlpn compilateur
habile & exaft leur préfente tout digéré. D ’ailleurs,
comme l’a remarqué Saumaifoles plus.'excellents
ouvrages des grecs & des romains auroient infailliblement
& entièrement péri dans les; fiècles de
barbarie , fons l’induftrie .de ces faifeuTs tfabrégés U ,
qui nous ont tout au moins foùvé quelques planches
de ce . naufrage. Ils n’empêchent poifit qu’on
ne confulte les originaux, quand ils exiftent. Voye\
Baillet, Jugements des ■ f avants, tome I , pages
z4o & fitiv. ( U abbé M allet. )
Ils font utiles, i?# à ceux qui ont déjà vu les*
chofos au long.
z ° . Quand ils font faits de façon qu’ils donnent
la connoiflance entière de la chofo,dont ils parient,
& qu’ils font ce qu’efl un portrait en miniature
par rapport à un portrait en grand. On peut donner
une idée générale d’une grande hiftoire ou de
quelqu’autre matière ; mais on ne doit point entamer
un détail qu’on ne peut pas éclaircir, & dont on
ne donne qu’une idée confufo qui n’apprend rien,
& qui ne réveille aucune idée déjà acquifo. Je
vais éclaircir ma penfée par des exemples : Si je
dis que Rome fut d’abord gouvernée par des rois ,
dont l’autorité duroit autant que leur vie , enfiiite
par deux confols annuels ; que cet ufage fut interrompu
pendant quelques années ; que l’on élut
des décemvirs qui avoient la fuprême autorité,
mais qu’on reprit bientôt l’ancien ufoge d’élire des
confols ; qu’enfin Jules-Cefary '& après lui' Â u -
gufte , s’emparèrent de la fouyeraine autorité ; &
qu’eux & leurs fucceffèurs furent nommés empereurs
: il me fomble que cette idée générale
s’entend en ce qu’elle efl en elle-même ; mais nous
avons des abrégés qui ne nous donnent qu’une
idée confufo qui ne laiffe rien de précis. Un célèbre
abréviateur s’efl contenté de dire que Jofoph fut
Vendu par fos frères, calomnié par la femme de
.Putiphar, & devint le for-intendant de l’Égypte.
En parlant des décemvirs , il dit qu’ils furent chafles
à caufo de la lubèiçité d’Appius ; ce qui ne laifle
dans l’efprit rien qui le fixe & qui l’éclaire. On
n’entend ce que l’abréviateur a voulu dire, que
,lorfqu’on foit en détail l 'hiftoire de Jofoph & celle
d’Appius.^ Je ne fais cette remarque que parce
qu’on met ordinairement entre les mains des jeunes
gens des abrégés dont ils ne tirent aucun fruit, &
qui ne forvent qu’à leur infpirec. du dégoût ; leur
curxofîté n’ eft excitée que d’une manière qui ne leur
Gramm. et L it t ê r a t . Tome I .
A BR i f
fait pas Vènîr le défir de la fatisfaire f**ïés jeunes
gens , n’aÿant point-encore afTez d’idées àcquifos ,
ont befoln de détails ; & tout ce- qui foppofo des
idées àcquifos ne fort qu’à les étonner, à les décourager,
& à les rebuter.
En abrégé, façon de parler adverbiale , fum-
matim. Les jeunes gens devroient recueillir en
abrégé ce qu’ils obforvent dans les livres , & ce
que 1-eufs maîtres leur appreniient.de pfos utile &
de plus intéreflànt. M a r ia is . )
; (N.) ABRÉGÉ, SOMMAIRE, ÉPITOME. Syn.
Labre'gé efl un ouvrage, mais la réduétipn.d’un
plus ample à un moindre volume 3 »s’il efl bioa
fait, fon original court rifqtfe d’ëtre négligé. Le
fommairè n’efl point un ouvrage ; il ne fait Amplement
qu’indiquer en peu de mots les principales
chofos. contenues dans l ’ouVrage1 : con le placé tir- -
; dinairement à la tête de chaque chapitre ou di-
vifion comme une efpècë de préparatoire. Lépitome.
e fl, ainfi que Xabrégé, un ouvrage , 'mais plus
foccinâ: : ce-mot d’ailleurs eft purement grec , 8C
n’eft employé- que par les gens de Lettres pour l e J
titre de certains ouvrages.
On ne doit & l ’on ne peut traiter l’hiftoire gé^>
nérale qu’en- abrège' : je-youdrois pourtant ; qu’oit
fit entrer dans cés abrèges quelques-unes de cés*
réflexions politiques , qui font autorifees ’par le*
i Mémoires des contemporains y & qui cara<flérifont
les évènement« d’une façon intéreffante. J ’ai vu
des livres, dont beaucoup de chapitres n’étoient pas ’
plus longs que leurs fommairès,- Il n’eft peut-être
pas d’épitome miëüx fait que celui de rhifloirc
romaine pat EutropeJ (■ L fabbe'Girard. )
L’ idée commune à ces trois mots , efl de ren«‘
fermer, dans un champ plus reffèrré, ce qui peut
être développé davantage , & occuper un champ,
plus vafte.
L épitome 8t le fommaire prefoppofent iin ouvrage
plus étendu ; i’un en efl la rédu&ion à ce ’
qu’il y a de plus important ; & il en conforve l ’or-
! dre, la liaifon & le développement foffifànt des
■ idées : l’autre n’en efl , ' pour ainfi dire , que le
\ fouelette ; les idées y font encore montrées dans le
même ordre , mais fons développement & fons
liaifon.
Épitome fomble fo confondre avec Abrégé, &
n’en différer que par l ’ufoge qu'en font allez arbitrairement
les gens de .Lettres* Cette cohfiifion des
termes vient de Finattehtion des écrivains. Il fomble
qu’on pourroit regarder Vabrégé, -comme un raccourci
original, qui laiffè-foulemënt voir la poffi-
bilité d’un développement plus grand & plus détaillé;
& Xépitome , comme un raccourci fait d’après
un ouvrage original plus-étendu.
Ainfi, on peut aire que Feuvrage de Paterculus
foroit en effet le modèle inimitable des abrégés, G
M. le préfident Hénault, qui en jugeoit ainfi, n’a-
voit pas compofe fon abrégé chronologique de l’hifo
toire de France ; tous deux Originaux, ils n’ont puifé,'