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le commencement, le milieu, ou la fin de la clrconfe
tance, qui eft l’objet le plus intérellànt pour le faire
remarquer.
Il eft une efpèce particulière de Contrafte , qui eft
l ’effet de la lurprife que nous éprouvons par l’aétion.
ou par la perception imprévue de quelque objet :
plus l’oppofîtion entre ce qui arrive & entre ce que
nous attendions eft forte , plus notre étonnement eft
grand; fi l’évènement qui nous ferprend nous inté-
reffe, & peut exciter dans nous quelque paffion , telle
que la joie ou la pitié , &c ; Famé s’y livrera dans
l ’inftant : mais fi l’évènement ne nous intéreiïè pas,
alors l’ame, ramenée alternativement aux idées inattendues
& difparates, éprouvera une ofeillation ou
des fecouffès du cri, de la lurprife, & de l’admiration
que l ’on appelle le rire.
Il éft évident que les ignorants doivent, par confisquent
, rire plus facilement & plus long temps que les
(avants, qui ne s’étonnent de rien& qui lavent concilier
les idées les plus difparates. L ’homme de Lettres ne
rit point des jeux de mots & des pointes, parce qu’il
(ait que les mots n’ont point une liaifen eJTèncielie &
naturelle avec les chofes; il n’y apperçoit aucun Con-
trajle. Le (âge rit des chofes qui ne paroiflent pas ri-
fibles à l’ignorant, parce que l’ignorant n’aperçoit pas
le Contrafte voilé & caché feus des rapports fi délicats,
qu’on ne peut les fàifir qu’ avec un moment de réflexion.
Les hommes gais & plaifànts (àvent faire rire
les autres, en prenant un tonférieux dans une matière
très-peu importante, pour mettre du Contrafte &
pour' voiler aux autres l’ordre & la liaifen des idées
qu’iis emploient.
' Le fiyle de la plaifànterie confîfte à unir des
idées acceffoires , tellement oppolees & difparates
avec l ’idée -principale , que le leéteur ou l ’auditeur
attende tout autre réfultat : il faut, que ces idées
feient unies par le lait, & par un fait inattendu,
6 jamais par analogie ou par une relation attendue
§c prévue.
Il ne faut pas que les idées contraftantes réveillent
d’autres fentiments-& d’autres intérêts, ou qu’elles
feient tellement difïemblables entre elles pu avec l’idée
principale, qu’elles puiflènt infpirer l’ennui,
caufer de la douleur, ou entraîner de l’o.bîcurité ; car
pour lors on tariroit la feurce du rire.
On doit bien remarquer que les objets purement
phyfiques n’excitent jamais le rire; il faut du moral,
c ’eft à dire , quelque rapport à l ’attention ou aux
idées d’un autre être fenfîble.
Si l’op veut que 1t Contrafte fafie rire, il faut qu’il
(bit toujours préfent à l’efprit, de manière à caufer ou
à renouveler continuellement le fentiment de la lur-
prife & le ligne extérieur qui y répond : & par confé-
quent, pour que le Contrafte aure, il faut quel’efprit
fe rappelle, i° . l’évènement; ;° . l’objet, la fin,
Fintention de Fauteur & la chaîne de fe s prétentions.
'Il eft évident que la difformité peut devenir une feurce
du ridicule ; & par conféquent, la parure d’une vieille
doit être une chofe rifible. ( A nonyme. )
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CON TRA VENT IO N , DÉSOBÉISSANCE»
Synonymes.
Ces termes défignent en général l’aâion de s’ écarter
d’une chofe qui nous eft commandée.
La Contravention eft. aux cffiofes; la Défobéijfance^
aux perfonnes. La Contravention à un règlement eft
une Défobeijfance au Souverain. La Contravention
fùppofe une loi jufte ; la Défobeijfance eft quelque-,
fois légitime. ( M . d ' A l e m b e r t . )
(N.) CO N TR E , MALGRÉ. Synonymes.
On agit contre la volonté ou contre la règle j
& malgré les oppofitions.
L ’homme de bien ne fait rien contre là confidence*
Le feéiérat commet le crime malgré la punition qui
y eft attachée.
Les valets parlent feuvent contre les intentions de*
leurs maîtres, & malgré leurs défenfes.
La témérité fait entreprendre contre les apparences
du fiiccès ; & la fermeté fait pourfeivre l’entreprifej
malgré les obftacles qu’on y rencontre.
Il eft plus aifé de décider contre l’avis & le confei!
d’un fàge ami, que d’exécuter malgré la force & la
réfîftance d’un puilïànt ennemi.
La vérité doit toujours être feu tenue contreles rai-
fennements des faux (avants, & malgré les perfécu-
fions des faux zélés. ( U abbé G ir a r d . )
(N.) CON TRE, MALGRÉ, NO N OB STANT,
Synonymes.
Ces trois mots indiquent , entre le fujet & le
complément du rapport, des oppofitions différemment
caradérifees.
Contre en marque une de contrariété , feit à
l’égard de l’opinion, feit à l’égard de la conduite*
L ’honnetè homme ne parle point contre la vérité ;
ni le politique , contre les opinions communes.
Quoiqu’une adion ne feit pas contre la loi ; elle
n’en eft pas moins péché , fi elle eft contre la
confidence.
Malgré exprime une oppofition de réfîftance
feutenue, (bit par voie de fait feit par d’autres
moyens ; mais fans- effet de la part de l’oppofànt
énoncé par le complément. Malgré fes feins & fes
précautions , l’homme fiibït toujours fa deftinée.
L ’ame du philofephe refte libre, malgré les afîauts
de la multitude ; & la raifen l’éclaire , malgré les
ténèbres que la prévention répand autour de lui.
Nonobftant ne fait entendre qu’une oppofition
légère de la part du complément, & à laquelle
on n’a point d’égard. La force a fait & fera le droit
des Puilïànces , nonobftant les proteftations des
foibles. Le feéiérat ne refpede point les temples ;
i l y commet le crime , nonobftant la fâinteté du
lieu. ( U abbé G ir a r d . )
CONTRE- SENS, fi m. Vice dans lequel on foin-'
be quand le diicours rend une autre penfee que celle
qu’on a dans l’elprit, ou que Fauteur qu’on interprète
y ayoit. Ce vice naît toujours d’un défaut de Logique,
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quand on écrit de fen propre fond ; ou d’ignorance, feit
de la matière feit de la langue , quand on écrit d’après
un autre.
Ce défaut eft particulier aux .traduétions. Avec
quelque fein qu’on travaille un auteur ancien , il eft
difficile de n’en faire aucun : les ulàges, les allufions
à des faits particuliers , lès différentes acceptions des
mots de-la langue , & une infinité d’autres circonfe
tances , peuvent y donner lieu.
Il y a une autre efpèce de Contre-feus, dont on a
moins parlé, & qui eft pourtant plus blâmable encore
, parce qu’il eft , pour ainfi dire , plus incurable ;
c’eft celui qu’on fait en s’écartant-du génie & du caractère
de fen auteur. La traduction reffemble alors
à un portrait qui rendroit groflièrement les traits (ans
rendre la phyfionomie , ou en la rendant autre qu’elle
n’eft , ce qui eft encore pis : par exempte, une traduction
de Tacite, dont le ftyle ne feroit point vif
8t ferré , quoique bien écrite d’ailleurs, feroit en
quelque manière un Contre-fens perpétuel-; & ainfi
des autres. Que de tradudions font dans le cas dont
nous parlons , fer tout la plupart de nos traductions
de-poètes ! \M> d’A lembert. ) ■
(N.) CONTRETEMPS, f. m. En Grammaire ,
on donne quelquefois le nom de Contretemps , à l ’ef-
pèce de felécifme, qui fe fait quand on met un temps
d’un verbe pour un autre : comme fi l’on difeit, &
le peuple nele ditque trop , I l a voulu que j e sorte ,
au lieu de je sortisse, Foye^ Solécisme. (M.
B e a u z è e , )
, (N.) CONTRE-VÉRITÉ. C f. Proportion deftinée
a être entendue dans un fens contraire à celui quepré-
fentènt les termes. Que l’on dife que Corneille eft
fans élévation, que Racine nefl point élégant ,
que La Fontaine manque de naïveté ; ce fent autant
de Contre-vérités , qui ne tromperont perfenne.
Il eft aifé de voir que les Contre-vérités fent fréquemment
le langage de l’Ironie ( Voy. Ironie ) ,
& ne peuvent, jamais paller qu’à ce titre , fi ce n’eft
encore par Euphémifme- Foye\ E uphémisme. (M.
B e a u z é è . ) ■
% CONVENANCES, f . f. plur. Belles-Lettres,
Voéjie. C’eft peu de fe demander en écrivant, quels
fent les effets que je veux produire ? il faut fe demander
encore : quelle eft la trempe des âmes fer
le (quelles j’ai deffein d’agir ? Il y a dans les objets
de la Poéfie & de l’Éloquence des beautés locales &
des beautés univerfelles : les beautés locales tiennent
aux opinions , aux moeurs , aux ufàges des différents
peuples ; les beautés univerfelles répondent aux lois,
au deffein , aux procédés dé la nature , & fent indépendantes
de toute inftitution. Voye\ Beau.
Les peintures phyfiques d’Homère fent belles au-
jourdhui comme elles Fétoient il y a trois mille ans ;
le deffein même de fes caractères , Fart, le génie
avec lequel il les varie & les oppofe, enlèvent encore
notre admiration ; rien de tout çela n’a vieilli ni
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changé : il en eft de même des péroraifens de Cicéron
& des grands traits de Démofthène. Mais les details
qui font relatifs à l’opinioTL^&'^ux biénféances , les
beautés de mode & de convention ont dû paroître
bien ou m a l, felon lès temps & les lieux ; car il
n’eft point de fîècle , point de pays , qui ne donne fes
moeurs pour règle : c’eft une prévention ridicule, qu’il,
faut cependant ménager. L’exemple d’Homère n’eût
pas juftifié Racine, (ï,dans Iphigénie, Achille &
Agamemnori a voient parlé^ comme dans l’Iliade;
l ’exemple de Cicéron ne juftifieroit pas l’orateur
françois, qui, en reprochant l’ivrognerie à fen adversaire,
en pré fente roi t à nos yeux les effets les plus
dégoûtants : l’exemple de Démofthène ne juftifieroit
pas celui qui diroit à fon auditoire, Si vous ave^
la cervelle dans la tête , & f i vous ne l’ave^ pas
aux talons.
Celui qui n’a étudié que les anciens, blefîèra infailliblement
le goût de fen fiècle dans bien des eho-
fes ; celui qui n’a confelté que le goût de fen fiè’c le ,
s’attachera aux beautés paffagères 8c négligera lès
beautés durables. C ’eft de ces deux études réunies
que réfelte le goût felide & la sûreté: des procédés de
Fart;
Toutes les Convenances pour l’orateur fe rédüi-
fent prefque à mêferer fen langage & le ton de fon
éloquence au fiijet qu’il choifit ou qui lui eft donné ,
& aux circonftances aduelles du temps , du lieu ,
des perfonnes. ■
(^Cicéron nous indique tous ces rapportsde conve*-
nance : Perfpicuum eft non omni cauj.oe , nec audit0-
ri , 7teqite perfonæ, neque tempori congruere ora-
tionis unum genus. Nam & eau f s capitis aliam
quemdam verborum fonum requirunt, alium rerum
privatarum atque parvarum ; & aliud dicendi genus
deliberationes , aliud laudationes, aliud judi-
c ia , aliudfermones, aliud confiât io, aliud objur-
gatio , aliud difputatio , aliud hiftoria deft.devata
Refert etiam qui qudiant, fenatus, an populus, an
judices ; frequentes , an pauçi, an jingidi ; & qunies
ipji oratores , quâ jïnt oetate , hoiiore, automate^
debet videri; tempus pacis an belli , feftina-
tionis an otii... omnique in re pojfequod deceat f acéré
, artis & natures eft ,* feire quid quandoque deceat
, prudendoe. De or. 1. 3. )
* Mais une attention que doit avoir le poète , & qui
lui eft particulière , c’eft de fe mettre, autant qu’il
eft poffible, par la nature de fen fejet, au defîiis
de la mode & de l’opinion , en faifànt dépendre
l’effet qu’il veut produire des beautés univerfelles &
jamais des beautés locales. Si on examine bien les
fejets qui fe feutiennent dans tous les fiecies, on verra
que l ’étendue & la durée de leur gloire eft due à cette
méthode. Accordez quelque detail au goût préfent
& national ; mais donnez au goût univerfel le fond ,
les maffès, & Fenfemble.
Orofmane, dans la Tragédie de Zaïr e a plus de
délicateffe & de galanterie qu’il n’appartient à un
feudan ; & l’on voit bien que le poète qui a.voulu le
rendre aimable & intérellànt aux yeux des français 5
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