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<joîs gardant toujours la même terminaifon dans le
même nombre , ils ne font ni à l’accu fatif ni au
génitif ; en un mot, ils n’ont ni cas ni Déclinaifon.
S’il arrive qu’un nom ..français foit précédé de la
prépofïtion de , ou de la prépofition à , il n’en éft
pas plus au génitif ou au datif * que quand il eft
précédé de par , ou de pour, de Jur, ou de dans ,
&c. !
Ainfî , en françois & dans les autres langues dont
les noms ne fe déclinent point, la foite des rapports
des mots commence par le fit jet de la propolition ;
après quoi viennent les mots qui fo rapportent à ce fù-
jet, ou par le rapport d’identité, ou par le rapport de
détermination : je veux dire que le corrélatif eft énoncé
fùcceflivement après le mot auquel il fo rapporte,
comme en cet exemple , Céjar vainquit Pompée.
Le mot qui précède excite la curiofité , le mot
qui fuit la fàtisfàit. Céfar , que fit-il ? il vainquit,
& qui ? Pompée.
Les mots font aufli mis en rapport par le moyen
des prépofîtions: un temple de marbre , Vâge de
fer. En ces exemples, & en un très-grand nombre
d’exemples fomblables, on ne doit pas dire que le
nom qui foit la prépofition foit au génitif ou à l’ablat
i f , parce que le nom françois ne change point
fa terminaifon, après quelque prépofition que ce foit ;
ainfî , il n’a ni génitif ni ablatif. En latin marmoris
& ferri feroient au génitif, & marmore & ferro
à l’ablatif. La terminaifon eft différente ; & ce qu’il
y a de remarquable, c’eft que notre équivalent au
génitif des latins , étant un nom avec la prépofî-
tion d e , nos grammairiens ont dit -qu’alors le nom
étoit au génitif, ne prenant pas garde que cette
façon de parler nous vient de la prépofition latine
d e , qui fo conftruit toujours avec le nom à l’ablatif:
E t viridi in campo templum de marmore panam.
Virg. Géorg. '1. I I I , V. 15.
Et Ovide parlant de Yâge de f e r , qui fut le dernier
, dit :
De dura eft ultima ferro. Ovid. Mét. I. I s v. zzy.
Il y a un très-grand nombre d’exemples pareils
dans les meilleurs auteurs, & encore plus dans
ceux de la baffe latinité. Voye\ ce que nous avons
dit à ce fojet au mot Article & au mot Datif.
Comme nos grammairiens ont commencé d’apprendre
la Grammaire relativement à la langue latine
, il n’eft pas étonnant que par un effet- du préjugé
de l’enfance, ils ayent voulu adapter.à leur
propre langue les notions qu’ils avoient prifos de
cette Grammaire, fans confidérer que, hors certains
principes communs à toutes les langues , chacune
a d’ailleurs fos idiotifmes & fà Grammaire; & que
nos noms confondant toujours en chaque nombre
la même terminaifon , il ne doit y avoir dans notre
langue ni cas ni Déclinaifons. La connoiffance du
rapport des mots nous vient ou des terminaifons
des verbes, ou de la place des mots, ou des pré-
pofitions par, pour , en , à , de, &c, qui mettent
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les mots en rapport, ou enfin de Penfomble des
mots de la phrafo.
S’il arrive que dans la conftrudion élégante l’ordre
focceflif dont j ’ai parlé foit interrompu par des tranfo
pofidons ou par d’autres figures, ces pratiques ne
font autorifoes dans notre langue, que lorfque l’efo
prit, après avoir entendu toute la phrafo, peut
aifëment rétablir les mots dans l’ordre focceflif,
qui foui donne l ’intelligence. Bar exemple , dans
cette phrafo de Télémaque, Là coulent mille divers
ruijfeaux, on entend aufli aifëment le fons , que
fi Fon avoit lu d’abord, mille divers ruijfeaux coulent
là. La tranfpofition , qui tient d’abord l’efprit
en f i i f p e n s , rend la phrafo plus vive & plus élégante.
F~oye\ A rticle , C a s , .Concordance,
C o n s t r u c t i o n . ( M% d u M a r s a i s . ) .
DÉCLINER, v. ad. terme de Grammaire. C ’eft
dire de foite les terminaifons d’un nom félon l’ordre
des cas ; ordre établi dans les langues où les
noms changent de terminaifon. Voye\ C a s , DÉ-i
clinAisoN , A rticle. ( M , d u M a r s a i s . )
* DÉCORATION C. f. ( Belles-Lettres. ) Parmi
les Décorations théâtrales, les unes font de
décence , & les autres de pure ornement. Les
Décorations de put /Ornement font arbitraires, &
n’ont pour règle.que le goût. On peut en puifor
les principes généraux dans les art. A rchitecture,
Perspective, D essein , &c. Nous nous contenterons
d’obforver ici que la Décoration la plus
capable de charmer les yeux , devient trifte &
effrayante pour l’imagination, dès qu’elle met les
adeurs en danger: ce qui devroit bannir de notre
théâtre lyrique ces vols fi mal exécutés , dans JeC
quels , à la place de Mercure ou de l ’Amour, on
ne voit qu’un malheureux fofpendu à une corde,
& dont la fîtuation fait trembler tous ceux qu’elle
ne fait pas rire. • Voye\ Varticle Décoration,
Opéra.
Les Décorations de décence font une imitation
de la belle nature , comme doit l’être l ’adion dont
elles retracent le lieu. Un homme célèbre en ce
genre en a donné au théâtre lyrique, qui feront
long temps gravées dans le fouvenir des connoif*
fours. De ce nombre étoit le périftyle du palais de
Ninus , dans lequel, aux plus' belles proportions &
à la perfpedive la plus lavante, le peintre avoit
ajouté un coup de génie bien' digne d’être rappelé.
Après avoir employé prefque toute la hauteur
du théâtre à élever fon premier ordre d’Architecture
, il avoit laiffé voir aux yeux la naiffance d’un
| fécond ordre qui fombloit fo perdre dans le cein-
tre , & que l’imagination achevoit :. ce qui prétoit
à ce périftyle une élévation fidive, double de l’efo
- pace donné. C ’eft dans tous les arts un grand principe
, que de laiffer l’imagination en liberté : on
perd toujours à lui circonlcrire un efpace ; de là
vient que les idées générales, n’ayant point de ta
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mites déterminées, font les fources les plus fécondes
du foblime. , Pj , .
Le théâtre de la Tragédie, ou les decences doivent
être bien plus rigoureufoment obforvées qu’à celui
de l’Opéra, les a trop négligées dans la partie des
Décorations. Le poète a beau vouloir tranfporter
les fpedateurs dans le lieu de l’adion ; ce que les
yeux voient, dément à chaque inftant ce que l’imagination
fo peint. Cinna rend compte a Émilie de
là conjuration , dans le meme fàllon ou va délibérer
Augufte ; & dans le premier ade de Brutüs ,
deux valets de théâtre viennent enlever l’autel de
Mars'pour débarraiïer la fcène. Le manque de Décorations
entraîne l’impoflibilité des changements,
& celle-ci borne les auteurs à la plus rigoureufo
unité de lieu : règle gênante, qui leur interdit un
grand nombre de beaux fujets, ou les oblige à les j
mutiler, Vpye\ T r a g é d i e , U n i t é , & c .
Il eft bien étrange qu’on foit obligé d’aller chercher
, au théâtre de la farce italienne , un modèle
de Décoration tragique. Il n’eft pas moins vrai que
la prifon de, Sigifmond en èft un qu’on auroit dû
foivre. N’eft-il pas ridicule que, dans les tableaux
les plus vrai^& les plus touchants des paflions &
des malheurs des hommes, on voye un captif ou
un coupable avec des liens d’un fer blanc léger
& poli? Qu’on fo repréfonfe Éledre dans fon premier
monologue , traînant de véritables chaînes dont
elle feroit accablée : quelle différence dans l’illu-
fion & dans l’intérêt ! Au lieu du foible artifice dont
le poète s’eft forvi dans le Comte d’EJfex pour retenir
ce prifonnier dans le palais de la reine j
foppofons que la facilité des changements de Dé coration
lui eut permis de l ’enfermer dans un cachot;
quelle force le foui afped du lieu ne aon-
îieroit-il pas au contrafte de fà fîtuation prefonte
avec fà fortune paflee ? On fe plaint que nos tragédies
font plus en difoours qu’en adion : le peu
de reflources qu’a le poète du côté du fpedacle,
en èft en partie la caufo. La parole eft fouvent une
expreflion foible & lente ,* mais il faut bien fo réfoudre
à faire paflèr par les oreilles ce qu’on ne
peut offrir aux yeux.
Ce défaut de nos fpedacles ne doit pas être imputé'
aux comédiens , non plus que le mélange indécent
des fpedateurs avec les adeurs , dont on s’eft plaint
tant de fois. Corneille, Racine, & leurs rivaux n’attirent
pas afîez le vulgaire , cette partie fi nom-
breufo du Public, pour fournir à leurs adeurs de
quoi les repréferiter dignement ; la ville elle foule
pourroit donner à ce théâtre toute la pompé qu’il
doit avoir , fi les magiftrats vouloient bien envi-
fàger les fpedacles publics comme une branche de
la police & du commerce.
Mais la partie des Décorations qui dépend des
adeurs eux-mêmes, c’eft la décence des vêtements.
Il s’eft introduit à cet égard un ufàge aufli difficile
à concevoir qu’à détruire. Tantôt c’eft Gustave
qui fort des cavernes de Dalécarlie avec un
habit bleu-célefte à parements d’hermine; tantôt
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c’eft Pharafînane q u i, vêtu d’un habit de brocard
d’o r , dit à l ’ambaîfadeur de Rome:
La nature, marâtre en ces affreux climats,
Ne produit, au lieu d’o r , que du f e rde s foldacs.
De quoi donc faut-il que Guftave & Pharafînane
foient vêtus? l ’un de peau, l’autre de fer. Comment
les habilleroit un grand peintre ? Il faut donner,
dit-on , quelque chofo aux moeurs du temps. Il
falloit donc aufli que Lebrun frisât Porus & mît
des gants à Alexandre ? C ’eft au fpedateur a fo
déplacer, non au fpedacle ; & c’eft la réflexion
que tous les adeurs devroient faire a chaque rold
qu’ils vont jouer : on ne verroit point paroitre CéfàT
en perruque quarrée, ni Ulyflè fortir tout poudre
du milieu des flots. Ce dernier exemple nous con*
duit à une remarque qui peut être utile. L e poète
.ne doit jamais préfenter des fituations que l’adeut
ne fàuroit rendre, telle que.celle d’un héros mouillé#
Quinault a imaginé un tableau fùblime dans Ifîs ,
en voulant que laîùrie tirât Io par les cheveujfi
hors de la mer : mais ce tableau ne doit avoir qu un
inftant : il devient ridicule fi l’oeil s’y repofe ; &
la foène qui le foit immédiatement le rend im*
pratiquable au théâtre.
Aux reproches que nous faifons aux -comédiens
fur l’indécence de leurs vêtements, ils peuvent
oppofor l’ufàge établi., & le danger d'innover aux-
yeux d’un Public , qui condanne fans entendre &
qui rit avant de raifonner. Nous fàvons que ces
excufes ne font que trop bien fondées -, nous fàvons
de plus que nos réflexions ne produiront aucun fruit.
Mais notre ambition ne va point jufqu a prétendre-
corriger notre fiècle ; il nous fiiffit d apprendre a
la poftérité, fi cet ouvrage peut y parvenir, ce
qu’auront penfe dans ce même fiècle ceux qui, dans
les chofès d’art & de goût, ne font d aucun fîecle
ni d’aucun pays. t
( €[ J’étois injufte en n’ofànt efpérër les chanr
gements que je défirois aux Décor niions theatrales»
Mais je dois dire, pour mon exculè , que, lorfque
cet article fut imprimé, il n’y^ avoit aucune apparence
à la révolution qui arriva quelque temps
après. , rr • ' * j
Le plus difficile & le plus necenaire étoit de
dégager le . théâtre de cette, foule de :fpedateurs
qui l’inondoient, & qui laifloieftt a peine aux acteurs
l’étroit efpace qui féparort les deux ^ balcons-
de l’âvant-fcène. On a peine à concevoir aujpurdhui
que Mérope , Iphigénie , Sémiramis , ayent été-
jouées comme au -centre d’un bataillon de fpeâa--
teurs debout, qui rempliflbient le fond du théâtre
& qui obftruoient les coulifles, ' au point que les
adeurs n’entroient & ne fortoient qu’a travers cette-’
foule, qu’ils perçoient difficilement. Rien de plus-
contraire à la pompe & à l’illufion de la fcène ?
aufli l’ombre de N in u s , écartant une troupe de -'
petits-maîtres pour fo montrer, ne fut-elle d’aboré
qu’un objet de plaifànterie; & la plus- the.itraie
.de nos tragédies, Sémiramis ? tomba. Mai» l’ha*-