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I l fut enferré à Saint-Paul le 3 Mars f f o j , W ftori
en 1704»
Il avoit été d’abord enfermé à Pignerol avant de
l ’être aux îles de Sainte-Marguerite, & enfùite à
la Baftille; toujours fous la garde du même homme,
de ce Saint r Mars qui le vit mourir. L e père GrifFet,
iéfiiite , a communiqué au Public le journal de la
Baftille, qui fait foi des dates. Il a eu aifément ce
journal , puifqu’il avoit l’emploi délicat de con-
feilèur des prisonniers de la Baftille.
L ’homme au mafque de fer eft une énigme dont
chacun veut deviner le mot. Les uns ont dit que
c ’ étoit le duc de Beaufort. Mais le duc de Beau-
fort fut tué par les turcs à la défenfe de Candie
en 1669 ; & l’homme au mafque de fer étoit à
Pignerol en i 66z . D’ailleurs, comment auroit-on
arrêté le duc de Beaufort au milieu de (on armée ?
comment i’auroit-bn transféré en France fans <jue
perfonne en sut rien ? & pourquoi i’eût-on mis en
prifôn, & pourquoi ce mafque ?
Le» autres ont révé le comte de Verman-
dois , fils- naturel de Louis X IV , mort publiquement
de la petite vérole en 1683 à l’armée , &
enterré dans la petite ville d’A ire , non dans A rras,
en quoi le père Griffèt s’efl trompé , & en quoi il
n’y a pas grand mal.
On a enluite imaginé que le duc de Montmouth,
à qui le roi Jacques fit couper la tête publiquement
dans Londres en i68f , étoit l’homme au mafque
de fer. Il auroit fallu qu’il fut refïufcité , & qu’en-
fuite il eut changé l’ordre des temps ; qu’il eût mis
l’année 1 66z à la place de 1685 ; que le roi Jacques
, qui ne pardonna jamais à perfonne & qui
par là mérita tous fes malheurs, eût pardonné au
duc de Montmouth , & èût fait mourir , au lieu de
lu i , un homme .qui lui reflèmbloit parfaitement. Il
auroit fallu trouver ce Sofîe , qui aüroit eu la bonté
de fè faire couper le cou en public pour fàuver le
duc de Montmouth. Il auroit fallu que toute l ’Angleterre
s’y fût méprifè; qu’enfuite le roi Jacques
eût prié inftamment Louis X I V , de vouloir bien
lui fèrvir de fèrgent & de geôlier. Enfiiite Louis
X IV , ayant fait ce petit plaifir au roi Jacques,
n’auroit pas manqué d’avoir les mêmes égards pour
le roi Guillaume & pour la reine Anne , avec lef-
quels il fut en guerre ; & il auroit fôigneufèment
confèrvé auprès de ces deux monarques fâ dignité
de geôlier, dont le roi Jacques l’avoit honoré.
Toutes ces illufions étant difïipées , il refie à
fàvoir qui étoit ce prifonnier toujours mafqué', à
quel âge il mourut, & fous quel nom il fut enterré
? Il efi clair que, fi on ne le laiffoit pafïèr
dans la cour de la Baftille , fi on ne lui permettoit
de parler à fon médecin , que couvert d’un mafque
; c’étoit de peur qu’on ne reconnût dans fès
traits quelque reflemblance trop frappante. Il pou Voit
montrer fâ langue & jamais fon vifàge. Peur fon
âg e , il dit lui-même à l’apothicaire de la Baftille ,
peu de jours avant fà mort , qu’il croyoit avoir
environ foixante ans ; & le fîeur Marfoban, chi-
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ftfrgietl dtl fllaréchai de Richelieu & ênfûite du
duc d’Orléans régent , gendre de cet apothicaire ,
me l’a redit plus d’une fois.
Enfin , pourquoi lui donner un nom italien ? On
le nomma toujours Marchiali ! Celui qui écrit cet
article, en fait peut-être plus que le père GrifFet,
& n’en dira pas davantage.
Anecdote fu r Nicolas Fouquet, furintendatu des
finances.
Il efi vrai que ce miniftie eut beaucoup d’amis
dans fâ difgrâce , & qu’ils perfévérèrent jufqu’à fon
jugement. Il eft vrai que le chancelier qui pré-
fidoit à ce jugement, traita cet iiluftre captif avec
trop de dureté. Mais ce n’étoit pas Michel le
Telliér , comme on l’a imprimé dans quelques-
unes des éditions du Siècle de Louis X I F ; c’étoit
Pierre Séguier. Cette inadvertence, d’avoir pris l’un
pour l’autre , eft une faute qu’il faut corriger.
Ce qui eft très-remarquable, c’eft qu’on ne fait
où mourut ce célèbre furintendant. Non qu’il im-*
porte de le fàvoir; car fâ mort n’ayant pas cauféle
moindre évènement, elle eft au rang de toutes les
chofès indifférentes. Mais elle prouve à quel point
il étoit oublié fur la. fin de fâ vie , combien la considération
qu’on recherche avec^ tant de foins eft
peu de chofè ; qu’heureux font ceux qui veulent
vivre & mourir inconnus. Cette fcience fèroit plus
utile que celle des dates.
Petite Anecdote.
Il importe fort peu que le Pierre BroufTel, pour
lequel on fit les barricades, ait été confèiller-clerc.
Le fait eft qu’il avoit acheté une charge de con-
fèiller-clerc, parce qu’il n’étoit pas riche, & que
ces offices coutoient moins que les autres. Il avoit
des enfants, & n’étoit clerc en aucun fèns. Je ne
fâis rien de fi inutile que de fàvoir ces minuties.
Anecdote fu r le teftament attribué au C. de
Richelieu.
Le père GrifFet veut à toute force que le cardinal
de Richelieu ait fait un mauvais livre : à la bonne
heure ; tant d’hommes d’État en ont fait ! Mais c’eft
une belle paflion de combattre fi long temps pour
tâcher de prouver que, félon le cardinal de Richelieu
, les efpagnols, nos alliés, gouvernés fi
heureufément par un Bourbon , font tributaires
de Venfer, & rendent les Indes tributaires\ de
Venfer. — Le teftament du cardinal de Richelieu
n’étoit pas d’un homme poli.
Que la France avoit plus de bons ports fu r
la Méditerranée que toute la monarchie espagnole.
— Ce teftament étoit exagérateur.
Que , pour avoir cinquante mille foldats , i l en
fa ut lever cent mille par ménage. —• Ce teftament
jette l’argent par les fenêtres.
Que , lorfquon établit un nouvel impôt, on augmente
la paye des foldats ; — ce qui n’eft jamais
arrivé, ni en France ni ailleurs.
Q u 'il
A N A
Qu il finit faire payer la taille aux Parlements
&■ aux? autres Cours fupérieures. Moyen infaillible
pour gagner leurs coeurs , & pour rendre
Magiftrature refpeéfable.
Qu*il faut forcer la Nobleffe de fervir, & Venrôler
dans la cavalerie. — Pour mieux conferver
tous fés privilèges.
Que de trente millions à fupprimer, i l y en
a prés de fépt dont le rembourfemeht ne devant
être fa it qu’au denier cinq, la fupprejjîon Je fera
en fept années & demie de jouïjfance. — De façon
que, fùivant ce ealcul, cinq pour cent en fépt
ans & demi, fèroient cent francs, au lieu qu’ils ne
font que trente fépt & demi : & fi on entend par
le denier cinq la cinquième partie du capital, les
cent francs féront rembourfes en cinq années jufte.
Le compte n’y eft pas ; le teftateur calcule affez
mal.
Que Cènes étoit la plus riche ville d'Italie. — Ce
que je lui fôuhaite.
Qu’i l fa ut être bien chafle. —- Le teftateur ref-
fémbloit à certains prédicateurs. Faites ..ce qu’ils
difént, & non ce qu’ils font.
Qu’i l faut donner une abbaye à la Ste. Chapelle
de Paris. —- Chofè importante dans la crifé
où l’Europe étoit alors , & dont il ne parle pas.
Que le pape Benoit X I embarraffa beaucoup
les cordeliers , piqués fur le fujet de la pauvreté,
J avoir des revenus de St. François , qui s’animèrent
à tel point qu’ils lui firent la guerre par
livres. — Chofè plus importante encore , & plus
fâvante, fur tout quand on prend Jean XXII pour
Benoit X I , & quand, dans un teftament politique ,
on ne parle ni de la manière dont il faut conduire
la guerre contre l'Empire & l ’F.fpagne, ni des
moyens de faire la paix, ni des dangers préfénts,
ni des refïôurces , ni des alliances , ni des Généraux
, ni des miniftres qu’il faut employer, ni
même du dauphin , dont l’éducation importoit tant
à l’É tat, enfin d’aucun objet du miniftère.
Autres Anecdotes.
Charles I , cet infortuné roi d’Angleterre, eft-
îl l’auteur du fameux livre Fikôn ba-filiké ? ce roi
auroit-il mis un titre grec à fon livre ?
Le comte de Moret, fils de Henri I V , blefïe
a la petite efcarmouche de Caftelnaudari, vécut-
ilju fq u ’ en i 6$>3 fous le nom de Fhermite frère
Jean-Baptiftç ? quelle preuve a-t-on que cet hermite
étoit fils de Henri I v l Aucune.
Jeanne d’Àlbret de Navarre , mère de Henri
m > êpoufà-t-elle après la mort d’Antoine un gentilhomme
nommé Goyon, tué à la St.-Barthelemi?
en eut-elle un fils prédicant à Bordeaux ? ce fait
lé trouve très-détaillé dans les Remarques fur les
réponfes de Bayle aux quefiions d’un provincial,
Wi-folio, page 689.
Marguerite de Valois, époule de Henri IV,-accou-
cha-t-elle de deux enfants (écrêtement, pendant
C ramm. e t L j t t é r a t . Tome 1.
A N A , 16 9
fôn îflarlage ? On rempliroit des Volumes de ces fïn-
gularitcî.
C’eft bien la peine de faire tanfc de recherches
pour découvrir des chofès fi, inutiles au genre
humain ! Cherchons comment nous pourrons guérir
les écrouelles , la goutte, la pierre , la gravelle &
mille maladies croniqùes ou aigiies ; cherchons des
remèdes contres les maladies de l’ame, non moins
funeftes & non moins mortelles travaillons à
perfeâionner les arts , à diminuer les malheurs
de l’efpèce humaine; & laiflons là les A n a y les
Anecdotes, les Hifioires curieufes de notre temps *
le Nouveau choix de vers fi mal choijis, cité à
tout moment dans le Dictionnaire de Trévoux.y
& les Recueils des prétendus bons mots, &c. &
les Lettres d'un ami à un ami, & les Lettres
anonymes, & les Réflexions fur la Tragédie nouvelle.
&c. ,&c. &c.
Je lis dans un livre nouveau, que Louis XIV’
exempta de tailles , pendant cinq ans , tous le s
nouveaux mariés. Je .n’ai trouvé ce fait dans aucun
Recueil d’édits , dans aucun Mémoire du-
temps.
Je lis dans le même liv re, que le roi de Prufté
fait donner cinquante écus à toutes les filles groflés.
On né pourroit à la vérité mieux placer fon argent
& mieux encourager la propagation; mai^ je?
ne crois pas que cêtte profufîon rôyâle foit vraie ,
du moins je ne l ’ai .pas vu.
Anecdote ridicule fur Théodoric.
Voici une Anecdote plus ancienne qui me tombe
fous la main s & qui me fémble fort étrange. Il eft
dit dans une hiftoire chronologique d’Italie , que
le grand Thcodorlc arien, cet homme qu’on nous
peint fi fa g e, avoit parmi fe s minifires un catholique
qu'il aimoit beaucoup, & qu'il trouvoit
digne de toute fa confiance. Ce minifire croit
s'ajfurer de plus en plus la faveur de fon maître
en embrajfant l'arianifme i & Théodoric lui fa i t
auffi-tôt couper la tête, en difant, Si cet homme
n’a pas été fidèle a D ieu , comment le fera-t-il
envers moi qui ne fuis qu'un homme ?
Le compilateur ne manque pas de dire, que ce
trait fa it beaucoup d’honneur à la manière de
penfer de Théodoric à l’égard de la Religion.
Je me pique de penfér à l ’égard de la religion
mieux que l’oftrogoth Théodoric , afFafïin de Sym-
maque & de Boèce , puifque je fuis bon catholique,
& que Théodoric étoit arien. Mais je déclarerois
ce roi digne d’être lié comme enragé, s’il avoit
eu la bétifè atroce dont on le loue. Quoi ! il auroit
fait couper la tête fur le champ à fôn miniftre
favori, parce que ce miniftre auroit été à la fin
de fôn avis! comment un adorateur de D i e u , qui
pafïè de l’opinion d’Athanafé à l ’opinion d’Arius
d'Eusèbe, eft-il infidèle à D i e u ? il étoit tout au
plus infidèle à Athanafé & à ceux de fôn parti,
dans un temps où,le monde étoit partagé entre les
athanafiens & les eusçbiens» Mais Théodoric ne