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,4e la- république. Cicéron , qui d’orateur devint
conful y compare ces minuties aux racines des arbres.
« Elles ne nous ofirent, dit-il, rien d’agréable :
n mais c’eft de là , ajoute-t-il, que viennent ces
» hautes branches & cè verd feuillage , qui font
» l'ornement de nos campagnes ; & pourquoi mé~
» prxfèr les racines, puifque, fans le lue qu’elles
» préparent & qu’elles diftribuent, vous ne fàuriez
» avoir ni les branches ni le feuillage? » De
fyllabis propemodicm dinumerandis & dimedendis
loquemur y quoe etiamjî fiait ,ficut mihi videntur,
necejfaria , tamen fiunt magnificentiùs quant do-
centur. E f t id omninô verum, fed propriè in hoc
dicitur : nam omnium magnarum artium , fa u t
arborum, altuudo nos delèclat ; radices ftirpef-
que non item ; fed ejj'e ilia fine his non potefi.
Ci c. O rat* xliij. 147.
Il y a bien de l’apparence que ce n’eft qu’in fèn-
fîblement que Ve a eu les trois fôns différents dont
nous venons de parler. D’abord nos pères confer-
vèrent le caradère qu’ils trouvèrent établi, & dont
la valeur ne s’éloignoit jamais que fort peu de la
première inftitution.
Mais lorfque chacun des trois- Ions de Ve eft devenu
un fon particulier de la langue , on auroit dû
donner à chacun un ligne propre dans l’écriture.
Pour fûppléer à ce défaut, on s’efî avifë , depuis
environ cent ans , de fê fèrvir des accents , & l ’on
a cru que ce fècours étoit fùffifànt pour diftinguer
dans l ’écriture ces trois fortes d’ey qui font fi bien
diftingués dans la prononciation.
• Cette pratique ne s’eft introduite qu’infènfîble-
ment, & n’a pas été d’abord fùivie avec bien de
lexaditude : mais aujourd’hui que l ’ufâge du bureau
typographique & la nouvelle dénomination dès lettres
ont inffruit les maîtres & les élèves, nous voyons
que les imprimeurs & les écrivains font bien plus
exads fur ce point qu’on ne l’étoit il y a même
peu d’années ; & comme le point que les grecs ne
mettoient pas fur leur iota , qui eft notre i , eft devenu
eflèntiel à l ’i , il fêmble que Vaccent devienne,
à plus jufte titre, une partie eflèntielle à Ve fermé
ic a Ve ouvert, p.uifqu’il les caradérifè.
i ° . On fè fèrt de 1! 'accent aigu: pour marquer le
'fon de Ve fermé, bonté, charité aimé.
On emploie l 'accent grave fur Ve ouvert,
procès, accès , fuceès.
\ Lorfqu’un e muet eff précédé d’un autre <?, celui-
ci eft plus ou moins ouvert : s’il eft Amplement ouvert
, on le marque d’un accent grave , il mène, i l
pèfe ; s’il eft très-ouvert, on le marque d’un accent
circonflexe; & s’il ne l ’eft prefque point & qu’il
Voit feulement ouvert bref , on fè contente de Vac-
eent aigu , mon père, une régie ; quelques-uns pourtant
y mettent le grave.
Il fèroit à fouhaiter que Ton introduisît un accent
.perpendiculaire qui tomberont fur Ve mitoyen, &
qui ne fèroit ni grave ni aigu.
J Quand Ve eft fort ouvert, on fè ferf de Vaccem
circonflexe 3 tête} tempête, même} 8cçt
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Ces mots, qui font aujourd’hui ainfî accentués ,
furent d’abord écrits avec une f , befte y on pronon-
çoit alors cette f comme on le fait encore dans nos
provinces méridionales, befte, tefte, &c. Infènfîble-
ment on retrancha V f dans la prononciation , & on
la 1 ailla dans l’écriture, parce que les yeux y étoient
accoutumés, & au .lieu de cette ƒ , on fit la fyllabe
| longue ; & dans la fuite on a marqué cette longueur
par 1 accent circonflexe. Cet accent ne marque donc
que la longueur de la voyelle, & nullement la fûp-
prefîion de Vf,
On met aufli cet accent fnr le vôtre , le nôtre ,
apôtre , bientôt., maître, afin q iiil donnât, &c. ou
la voyelle eft longue : votre 8c notre fûivis d’ua
fùbftantif, n’ont point d’accent.
On met Vaccent grave fur à , prépofition
rendes à Céfar ce qui appartient à Cefar. On ne.
met point d'accent fur a , verbe ; il a , habet.
' On met ce même accent fur là , adverbe; // ejî
là. On n’en met point fur la , article; la raifon.
On écrit holà avec Vactem grave. On met encore
Vaccent grave fur où, /adverbe ; où eft-il ? cet oà
vient de Vübi des latins, que l ’on prononçoitoubi>
& 1 on ne met point d'accent fur ou., conjonction
alternative; vous ou moi, Pierre ou P a u l.\cet ou
vient de aut.
J’ajouterai, en finiffant, que l ’ufàge n’a point
encore établi de mettre un accent fur Ve ouvert
quand cet e eft fuivi d’une confènne avec laquelle
il ne fait qu’une fyllabe; ainfî on écrit fans accent,
la mer , le fe r : les hommes , des hommes. On ne
met pas non plus d'accent fur l'e qui précédé IV de
l’infinitif des verbes, aimer, donner.
Mais comme les maîtres qui montrent à lire
félon la nouvelle dénomination des lettres, en faifànt
epeler, fdnt prononcer Ve ouvert ou fermé félon
la valeur qu’il .a dans là fyllabe , avant que défaire
épeler la confènne qui fuit c et e ; ces maîtres, aufli
bien que les; étrangers, voudroientque, comme on
met toujours le point fur V i, on donnât toujours à
Ve, dans l ’écriture, l 'accent propre à en marquer
la prononciation : ce qui fèroit, difènt-ils , & plus
uniforme & plus utile, ( M. J>u Mars a ïs, )
(N .) A ccent , langue grèque. Cet objet n’eft
traité que très-imparfaitement dans les articles qu’on
vient de lire. Nous trouvons dans les Mémoires
de l’Académie des Infcriptions (Tome X X X I I ) ,
une difîèrtation de M. l’abbé Arnauld, fur léis
accents de la langue grèque, où cefùjeteft confîdê-
re d’une manière plus étendue qu’on ne l’avoit fait
avant lui. Ce morceau eft écrit avec la chaleur ,
l’élégance, & le goût fùpérieur qui diftingue tout
ce qui fort de la plume de ce favant & ingénieux
académicien. Ce qu’on va lire n’eft que la fùbftance
de fon Mémoire,
Il n’eft point de langue qui n’ait rfès accents,
plus ou moins refïèntis ; il fèroit aufli impofïible de
parler fur un ton de voix continuemènt le même,
que de n’attacher à toute« fès expreflions que te
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Blême fentiment ou la même idée. Mais dans les
langues modernes , & particulièrement dans la
nôtre, ces changements de voix ne diffèrent que
par des nuances à peine fèrifibles ; d’ailleurs ils ne
font affedés à aucune fyllabe en particulier ; rien
enfin n?y preferit dans les mots qui la comppfent,
l’abaifïèment ou l’élévation d’une fyllabe^ plus tôt
que d’une autre. Il n’en étoit pas de même dans
le langage des grecs ; ce langage ne renfermoit point
de mots q ui, par eux-mêmes & indépendamment
de toute lignification, n’euflènt leurs accents ou
leurs tons, ainfî que leurs temps propres.
Le mot Accent eft au nombre de ceux que nous
avons empruntés des anciens & qui fontibien éloignés
de renfermer aujourd’hui toute l ’énergie qu’ils
avoient autrefois : nous le devons aux latins, qui le
formèrent exactement fur le mot grec 7rfo<raèl».
Le propre des accents, étoit certainement de
déterminer la voix à s’abaiflër ou à s’élever fur
les éléments dont les mots étoient compofés : ainfî,
comme dans la langue grèque il n’y avoit point de
fyllabe qui ne fut longue ou brève, il n’en étoit
aufli aucune qui ne fût ou aiguë , c’eft à dire,
élevée; ou grave , c’eft à dire, abaiffée; ou qui ne
tînt un milieu entre ces deux intervalles, ou enfin
qui ne les parcourût tous les deux à la fois. Il fuffit,
dans les langues modernes, que les inflexions par
lefquelles nous animons le difeours, fbient propres
aux idées, aux fèntiments, & aux pallions que
nous voulons exprimer. Dans la langue grèque ,
indépendamment de toute lignification chaque
fyllabe avoit fès tons , ainfî que fès temps fixes 8t
déterminés. Ariftote , à l’occafion des éléments du
langage, dit qu’ils different par la riideffe & par
la douceur, par la longueur & par la brièveté, &
enfin par les tons aigu , grave, & moyen., qui leur
font affedés.
ïl importe d’établir folidement ces notions , c’eft
le feul moyen de bien afïigner tout l ’intervalle qui
féparé le langage des grecs d’avec les langues
modernes, & d’empêcher que, trompés par un
mot commun à tous les idiomes formés des débris
de la langue latine, nous ne cherchions des analogies
& des refîèmblances qui n’ exiftèrent jamais.
Denis d’Halicarnaflè dit pofîtivement que le
chant du difeours fe mefure ordinairement par la
diftance d'une quinte : le chant du difeours étoit
donc un vrai chant ; car autrement, eût-il été
poflible à Denis d’Halicarnaflè d’en apprécier les
extrêmes & les intervalles ?
■ Cependant il ne faut pas conclure de ce pafiage
que les accents èlevaffent ou abaifîàflènt conftam-
ment la fyllabe d’une quinte : cette marche eût
produit une monotonie infùpportable ; elle eût
donné au fîmple difeours des intonations plus
fortes & plus reflènties qu’au chant mufîcal &
proprement dit ; il fèroit enfin arrivé qu’on eût été
forcé de revêtir des mêmes tons les impreflïons d’une
infinité de paflions différentes, Denis d’Halicarnafîe
a voulu dire Amplement que les tons qui accomj
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pagnoient le langage, étoient communément tous-
compris dans l ’efpace d’une quinte, & que les
accents s’étendoient à tous les degrés, qui forment
cet intervalle.
Chaque mot avoit fès accents : la fyllabe étoit
élevée par Vaccent aigu ; par le grave elle étoit
abaiffée: cette règle etoit fixe & invariable ; tout
lé refte, c’eft à dire, le degré d’élévation & d’abaiP
fèment de la voix, étoit libre & mobile ; & c’étoit
précifément cette mobilité qui, non feulement jetoit
de l ’agrément & de la variété dans la prononciation
, mais qui fèrvoit à marquer les limites &
même les nuances des différents genres d’élocution*
« L ’art de la prononciation dit Ariftote , confîfte
à régler fà voix fur les différents fèntiments qu’on
éprouve & qu’on fè propofè d’infpirer :, il faut (avoir
dans quelles occafîons on doit la forcer, faffoiblir ,
la tempérer ; comment on doit employer les ton s
aigus , graves , & moyens , & de qupls rhythmes on
doit fè fèrvir. » Ariftote ne dit pas qu’il faut
lavoir dans quelles occafions on doit employer les
accents, ni de quels accents on doit fè fèrvir r
cela n’ étoit pas arbitraire, mais comment on doit les
employer.
Ce paflàge explique parfaitement, à mon fèns , 8c
la partie fixe & .la partie mobile des accents. Dans
la néceflité. d’en faire ufage ou de leur confërver
leur qualité de grave ou d’aigu, l’art du décia—
mateur confiftoit à choifir, dans l’intervalle qui
leur étoit preferit, les tons les plus propres à
rendre la prononciation tout à la fois harmonieuie-
& pittorefque. En un mot, fî les accents avoient
non fèulement déterminé les fyllabes à s’élever &
à s’abaifîèr , mais qu’èftcoré ils euflènt afligné leur
degré d’abaifîèment ou d’élévation ;■ l’art de la
prononciation auroit eu des 'principes certains 8c
uniformes , & Ariftote n’auroit jamais eu à fè plaindre
de voir les aéteurs obtenir, dans cette partie 9
la préférence fur les auteurs mêmes , tant au théâtre
qu’au barreau ? car i l n’eft pas douteux que la
grande difficulté de cet art ne confîftât dans là
manière d’employer les accents ; les procédés de là
partie rhythmique étoient trop confiants & trop
précis , pour qu’il fut poflible de s’y méprendre*
On fait que les grecs étudièrent non fèulement
les propriétés des fyllabes, mais celles même de?
éléments dont les mots étoient compofés, & que par
la manière dont ils combinèrent ces éléments, ils
parvinrent à convertir en quelque fbrte les fîgnes
arbitraires en fîgnes naturels , c’eft à dire , en véritables
images. A ce moyen d’imitation, qui
n’appartient qu’au langage , parce que la voix feule
peut modifier ainfî lés ions, s’en joignoit un autre
non moins énergique , je veux dire la mefure de
temps fixé & certaine que les fyllabes employent
à fè mouvoir, d’où fè formoit de rhythfne, à qui
feul il appartient d’animer & de paflionner les
fôns*
Il ne faut pas douter que Tes grecs nTëuflènf fâûr
fur les accents les mêmes- observations. 9