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lèntir, ne puiffe continuer d’en être l’objet tant que
fon Ami lui fîlrvit.
U Amour s’ufo en vieilliflant. Il eft périodique ,
parce qu’il doit tout au goût, que l’habitude émoufle
& que la variété des objets rend le jouet du caprice.
.
La Tendreffe n’exifte qu’autant que VAmour
propre le néglige. L ’â g è , en rappelant les vieillards
entièrement à eux-mêmes , leur fait perdre la
fenfibilité pour les autres.
Le commerce habituel (bu tient Y Affection : l’ab-
fènce continuée la réduit à rien , ou à bien peu
de choie.
VInclination eft une impreffion fi légère , qu’elle
pafle prelque au moment qu’on celle de voir : &
fi le mérite de l’objet ou la découverte de quelque
choie de flatteur la loutient, elle ne relie pas
long temps à le transformer en quelqu’un de ces
autres fontiments que je viens de définir. ( U abbé
G ir a r d . ■)
(N.) AMOUR , AMOURETTE. Syn.
La différence qu’il y a du férieux au badin à
l’égard d’un même objet, fait celle de Y Amour
& de Y Amourette, Çe lle -d amufo Amplement,
& celui-là occupe,
U Amour fait tout l’efprit ou toute la fottifo de
la plupart des femmes : les hommes d’un grand
génie s’y livrent rarement ; mais ils donnent
fouvent leurs loîfîrs aux Amourettes. ( Vabbé
G ir a r d . ) «
* AMOUR DE SO I , AMOUR PROPRE. Syn.
Quelques écrivains ont diftingué avec lâgefle
Y Amour propre & Y Amour de nous-mêmes. Avec
Y Amour de nous-mêmes, dilènt-ils, on cherche hors
de loi fon bonheur, on s’aime hors de loi plus
que dans lôn exiftenee propre, on n’eft point foi-
jnême lôn objet, VAniour propre , au contraire,
lübordonne tout à lès commodités & à lôn bien-être;
il eft à lui-même lôn objet & là fin. De lôrte
qu’au lieu que les paflïons qui viennent de YAmç>ur
de nous-mêmes nous 'donnent aux choies , Y Amour nre veut que les choies le donnent à nous &
it le centre de tout, ( Vabbé Y v o n . )
^ De tous les penchants donnés par la nature, le
premier , le plus vrai, le plus confiant, celui qui eft
la lôurce de tous les autres & qui les renferme tous,
celui qui naît & qui »meurt avec nous , qui eft
l ’ame & la vie de tout être intelligent & lènlîble,
qui bien ou mal dirigé forme nos vertus ou nos
vices , c’eft Y Amour de foi. Éclairé lùr lès véritables
intérêts, il concilie fon bonheur avec le
bonheur de tous les autres , & ne cherche à nous
rendre heureux qu’en agilfant de manière que tous
les autres le (oient avec nous î alors , comme tout
fend au même but, tout lui prête la main dans
ï ’exécution d’un fi noble , d’un*fi jufte defièin &
M eft bien difficile qu’il trouve quelque oppofîtion
dans ma-rche ; oh , .$*il .en trouve , il eft bien
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rare que , parmi nos fomblables , le plus grat$
nombre ne lui donnent pas le moyen de la vaincre.
Mais cet Amour vient-il à Ce dérégler? Ce n eft
plus Y Amour bienfàilànt & équitable de nous-memes
& des autres: c’eft Y Amour propre, injufte 8c
exclufif ; c’eft la vanité, c’eft 1 orgueil, principe
de tous1 maux , comme il eft la lôurce de tous
nos crimes, - ,
V Amour de f o i , lags & bien ordonne , met
chacun à fa place dans le vafte Tout dont il fait
partie, & s’y met Jui-même. L 'Amour propre,
au contraire, le fait centre de tout ce^ qui 1 environne
; s’arroge des droits & ^ des privilèges ; le
compare aux «utres , & lè préfère ; tourne tout a
lôn profit ; ne cotinoîc de bornes que lès forces
& préîûme toujours en leur faveur; lutte contre
tous les intérêts; & ne s’apperçoit pas que, dans
ce conflit de volonté^ & de pouvoirs, tous le
flattant au même titre d’avoir les mêmes droits
que lui , ii en réfulte une guerre de lui feul contre
tous & de tous çontre lu i , dont il lèra necenai- .
rement la viétime. C ’eft cet Amour propre infonse ,
qui enfante les vains projets; qui donne le brame
à toutes les autres pallions ; qui met en jeu tous
les relie rts & Ce fort de toutes les injuftices , pour
parvenir au but qu’il propolè : c eft ^ lui quj
trouble , qui divife , pour mieux envahir ; qui
làppe le trône & renverfe le monarque, pour régner
à fa place ; qui brilè l’autel & s’attaque^au Dieu
qu’on révère , pour lè faire adorer lui-même ; qui
bouleverfèra le monde, pour s’en faire le maître ,
& finira par s’enfovelir fous lès ruines.) ( Vabbé
Gérard, Égarements de la Raifon* Tom, i • Lettr.
xjv. ) . ,
(N.) AM O UR , GALANTERIE. Syn.
U Amour eft plus v if que la Galanterie : il a
pour objet la perlônne : il fait qu’on cherchera lui
plaire dans la vue de la polféder, & qu’on l’amjô
autant pour elle-même que pour loi : il s’empare
brulquement du coeur, & doit fa nailfanee à un je.
ne fais quoi d’indéfinifTable, qui -entraîne les fon-
timents & arrache l’eftime avant tout examen &
fans aucune information. L a Galanterie eft une pal-
lion plus voluptueulè que Y Amour : elte a pour
objet le lèxe: elle fait qu’on noue des intrigues
dans le deffein de jouir, & qu’on aime plus pour
fa propre fatisfaâion que pour celle de làmaitreffe:
elle attaque moins le coeur que les lèns, & doit
plus au tempérament & à la complexion qu’au pou-
voir de la beauté , dont elle démêle pourtant le
détail, & en oblèrve le mérite avec des yeux plus
connoilfeurs ou moins prévenus que ceux de Y A *
mour. , A .
L ’un a le pouvoir de rendre agréables a nos yeux
les perlônnes qui plailènt à celle que nous aimons,
pourvu qu’elles ne foient pas du nombre de celles
qui peuvent exciter notre jaloufie. L ’autrej noue
engage à ménager toutes les perlônnes qui font
capables 4e forvir ou de nuire à nos delfeins, jufyu’à
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notre rival même, fi nous voyons jour à en pouvoir
tirer avantage.
Le premier ne laifle pas la liberté du choix : il
commande d’abord en maître , & règne enfuite en
tyran, julqu’à ce que les chaînes foient ufées par
la longueur du temps., ou qu’elles foient brifées
par l’effort d’une raifon puiffante ou par le capricç
d’un dépit foutenu. La féconde permet quelquefois
qu’une autre paflion décide -de la préférence :
la raifon & l’intérêt lui fervent fouvent de frein ,
& elle s’accommode aifément à notre fituation &
à nos affaires,
V A mour nous attache uniquement à une per-
fonne & lui livre notre coeur fons aucune réferve ;
en lôrte qu’elle le remplit entièrement, & qu’il ne
nous refte que de l’indifférence pour tous les autres,
quelque beauté & quelque mérite qu’elles ayent. La
Galanterie nous entraîne généralement vers toutes
les perlônnes qui ont de la beauté ou de 1 agrément,
& nous unit à celles qui répondent à nos
empreftèments & à nos défirs ; de façon cependant
qu’il nous refte encore du goût pour les autres.
Il femble que Y Amour lè plailè dans les. difficultés
: bien loin que les obftacles 1 aâôibliilènt,
ils ne forvent d’ordinaire qu’a l’augmenter : on en
fait toujours une de lès plus lerieufos occupations.
Pour la Galanterie , elle ne veut qu’abréger les formalités
: le facile l’emporte fouvent chez ellefiir
le difficile: elle ne l#rt quelquefois que d’amufe-
ment. C’eft peut-être par cette raifon q u il le trouve
dans l’homme un fond plus inépuisable pour la
Galanterie que pour Y Amour : car il \eft rare de
voir un premier Amour lùivi d un lècond, & je
doute qu’on ait jamais pouffé julqu’à un troifième";
il en coûte trop au coeur pour faire fouvent de
pareilles dépenfes : mais les Galanteries font quel-
, quefeis fans nombre, & lè fucccdent julqu’à ce que
l ’âge vienne'en tarir la lôurce.
Il y a toujours de la bonne foi dans
mais il eft gênant & capricieux : on le regarde
aujourdhui comme une maladie ou comme foi-
ble d’efprit. Il entre quelquefois ^ un peu de friponnerie
dans la Galanterie ; mais elle eft libre
& enjouée: c’eft le goût de notre fiècle.
VAmour grave dans l’imàgination l ’idée flat-
teulè d’un bonheur éternel dans l’entière & confiante
poffeflïoii de l’objet qu’on aime ; la Galanterie
ne manque pas d’y peindre l’image agréable
d’un plaifir fingulier dans la jouiflance de l’objet
qu’on pourfiiît : mais l’un ni l’autre ne peint alors
d’après nature ; & l’expérience fait voir , que leurs
couleurs, quoique gracieulès, font également trom-
peulès. Toute la différence qu’il y a , c’eft que
Y Amour étant plus férieux ,. on eft plus piqué de
l’infidélité de fon pinceau ; & que le lôuvenir des
peines qu’il a données fort, en les voyant fi mal
récompenfées, à nous dégoûter entièrement de lui :
au lieu que la Galanterie étant plus badine., on
eft moins fonfible à la tricherie de lès peintures ;
& la vanité qu’on a d’être venu à bout de fes
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projets, confole de n’avoir pas trouvé le plaifir qu’on
s’étoit figuré.
En Amour, c’eft le , coeur qui goûte principalement
le plaifir: l’elprit l’y fort en elclave, fans
le regarder lubmême : & la làtisfaétion des lèns y
contribue moins à la douceur de la jouiffance , qu’un
certain contentement dans l’intérieur de l’ame, que
produit la douce idée d’être en polfeffion de ce
qu’on aime, & d’avoir les plus fenfibles preuves
d’un -tendre retour. En Galanterie^, le coeur moins
vivement frappé de l ’objet, l’elprit plus libre pour
Ce replier fur lui-même, & les fons plus attentifs
à Ce làtîsfaire , y partagent le plaifir avec plus d’égalité
: la jouiffance y ^ eft plus agréable par la
volupté, que par la delicateffè des fontiments.
Lorfqu’on eft trop tourmenté par les caprices de
Y Amour, on travaille à fo détacher , & l’on devient
indifférent. Quand on eft trop fatigué par les exercices
de la Galanterie , on prend le parti de le
repofor, & l’on devient fobre.
L ’excès fait dégénérer Y Amour, en jaloufie, Sc la
Galanterie en libertinage. Dans le premier cas ,
on eft lujet à fo troubler la cervelle ; dans le lècond %
on eft en danger de perdre^ la lànté.
VAmour ne 'mefïîed point aux filles , mais la
Galanterie ne leur convient nullement ; parce que
le monde ne leur permet que dé s’attacher, & non
de Ce fatisfaire. Il n’en eft pas ainfi à l’égard des
femmes : cm leur paffe la Galanterie Y mais l ’i^-
mour leur donne du ridicule. Il eft à la place qu’un
jeune coeur fo laifle prendre d’une belle paffion ;
le Ipeétateur , naturellement touché , s’intéreffe
afîèz volontiers à ce Ipe&acle , & par confoquent
n’y trouve point à blâmer. Au lieu qu’un coeur fournis
au joug du mariage, qui cherche èhebre à le
livrer à une paffion auffi tyrannique qu’aveugle.,5
lui paroît faire un écart digne de cenlùre1 ou'de
rifée. C ’eft peut-être par cette raifon qu’une-fille
peut, avec Y Amourle plus fort, fo conformer encore
la tendre a mitié de ceux de lès amis qui fo bornent
aux fontiments que produifont l’eftime & le
relpeft ; & qu’il eft bien difficile qu’une femme
mariée , qui.s’avifo d’aimer quelqu’un de ce tendr^
& parfait Amour, n’éloigne lès autres amis, ou
qu’elle ne perde beaucoup de l ’eftime & de l ’attachement
qu'ils' avoient pour elle. Cela vient-de
ce que, dans la première circonftânee , Y Amour
parle toujours fon ton , & jamais ne prend celui
de la fimple amitié ; ainfi, les amis, ne perdant rien
de ce qui leur eft dû , ne font point alarmés de
ce qu’on donne à l’amant. Mais dans la fécondé
circonftânee , Y Amourparle & fo conduit far Hùff
& l’autre ton ; l’amant fait l’ami : de façon quedèà
autres, s’ils ne font écartes, fentent du moins diminuer
la confiance, voient changer les manières,
& ont leur part de l'indifférence umyerfeïie qui
naît de ce nouvel attachement ; ce qui iuffit pour
leur donner de juftes alarmes ; & plus leur amitié
eft délicate , noble, & fondée fur l’eftime, pfos ih
font touchés de fe voie ôter ce qu’ ils méritent 2