l a nature commence c e q u e P a r t achèvera p e u t -
ê tr e un jo u r .
L a Motte étoit moins étudié que Fontenelle dans
(à proie; mais dans lès fables, toutes les fois qu’il
a voulu être n a ïf, il a été maniéré : c’eft que la
naïveté ne lui étoit pas naturelle , & que tout l’efi
prit du monde ne peut fûppléer au talent* P o y e \ Fable, ( M» M armoutel.)
Comme ce qui eft écrit doit être naturellement
un peu plus fbigné que ce que l’on d it, il s'enfuit
que ce qui eft A f fe c ta t io n dans le langage ne
l ’eft pas toujours- dans le ftyle. U Affectation dans
le ftyle eft à l’Affectation dans le langage ce qu’eft
Y A f fe c ta t io n d'un grand feigneur à Gelie d’un homme
ordinaire. ( d ' A l e m b e r t . )
A F F E C T A T IO N , AFFÉTERIE.(sSyn.
Elles- appartiennent toutes les deux à la manière
extérieure de le comporter , & confiftent également
dans l’éloignement du naturel : avec cette
différence que Y A f fe c ta t io n a pour objet les pen-
lees , les fèntiments, & le goût dont on veut faire
parade ; & que Y A f fé t e r ie ne regarde que les petites
manières par lefquelles on croit plaire.
L* A ffe c ta t io n eft fou vent contraire à la fincérîté :
alors elle travaille à décevoir ; & quand elle n’eft
pas hors du vrai , elle ne déplaît pas moins par la
trop grande attention à faire paroître ou remarquer
la chofè. L ’ A f fé t e r ie eft toujours oppofée
au fimple & au naïf ; elle a quelque choie de recherché
qui déplaît fur tout à ceux qui aiment l ’air de la
franchiie : on la paflè plus aifëment aux femmes
qu’aux hommes. ( L ’a b b é Girard. )
On tombe dans Y A ffe c ta t io n en courant après
l ’eiprit, & dans Y A ffé te r ie en cherchant des grâces.
Y? A f fe c ta t io n & Y A f fé t e r ie font deux défauts
que certains caractères bien tournés ne peuvent
prefque jamais prendre, & que ceux qui les ont
pris ne peuvent preique jamais perdre. Il n'y a guère
de petits-maîtres fans A f f e c ta t io n , ni de petites-mai-
trelfes fans A f f é t e r ie . ( M. D iderot. )
(NO A F F E C T E R , SE-PIQUER. Syn .
A ffeC te r & dit des habitudes du corps, telle que
la manière de parler, de marcher, de s’habiller,
les tons , les airs , & les façons. S e p iq u e r fe dit des
qualités de l’ame, {bit celles de l’efprit ou du coeur;
ainft que des talents naturels ou acquis, tels que lVfi
prit, le goût, l’équité , l’adreiïè , la beauté , le chant.
Les petites-maitreifes affectent le ton de décifîon
St la vivacité dans les aftions. Les précieuiès affecten
t un ton de lenteur & delà Angularité dans leurs
expreffions. Les unes f e p iq u en t d agrément ; & les
autres, de bon goût.
L ’homme qui a f f e d e des minauderies , dégénère
en femme : & celui qui f e p iq u e d’efprît, montre par
là qu'il en manque. ( L ’abbéGirard. )
(N.) AFFERMIR 3 ASSURER. Syn.
On affermit par de folidee fondements ou par
de bons appuis , pour rendre la chofë propre â fe
maintenir & à réfifter aux impulfîons & aux attaques.
On affiire par la confiftance de la pofîtion ou
par des liens qui affujétiffent, afin que la choie fo
trouve fixe fans vaciller.
Au figuré , l’évidence des preuves & la force de
l’efjprit affermiffem le (âge dans fà façon de penfèr
contre le préjugé des erreurs vulgaires. L ’équité
& les lois {ont les fouis principes fur lefquels le citoyen
puilfe affurer fâ conduite : les exemples peuvent
quelquefois la juftifier ; mais ils neL. empêchent
pas de varier. ( L ’abbé Gir a r d . )
(N.) AFFIXE, adj. (Gramm•) Attaché â la fin. Ce
terme eft pris comme un nom mafoulîn dans la Grammaire
hébraïque ; dans les Grammaires de fès dialectes
, comme le chaldéfen, le lyriaque , le fàmaritain ,
&c ; & dans les Grammaires de quelques autres langues
, qu’on n’auroit jamais fbupçonnées d’affinité nï
avec l ’hébreu ni entre elles, comme le lapon au nord
de l'Europe, & le péruvien fous la ligne en Amérique.
Dans toutes ces Grammaires on entend, par A f -
f ix e s , des particules qui Ce mettent à la fin d’un mot,
pour y ajouter l’idée acceffoire de rapport à l ’une
des trois perfbnnes , fingulière ou plurièle : & les
Affixes , dans toutes ces langues , quand on les
place à la fin d’un nom , tiennent lieu des adjedifs
poffèffifs.
I. En hébreu , les pronoms perfbnnels font au génitif,
'f’j ( l i ) de moi, ( lanou) de nous ; “}V
( Lach ) de toi, d d V ( lacham ) m. (laclian ) f l
de vous ; 1*7 {loti) m. de lu i, flV ( lé ) f l d’elle ,
DnV( lem ) m. d’eux, fnV (len) f. d’elles. Les ter-
minaifons de ces génitifs, ou ce qui refte après le
retranchement du V ( lamed) , placées à la fin du
nom , y deviennent Affixes.
Ain fi , du nom fingulier *^DD (fapher) liv re ,
on forme, relativement aux trois perfbnnes fingu-
Hères,
( Saphéri ) mon livre ,
“P SD ( Sapherech ) ton livre ,
mDD ( Saphére ) f . J) fon livre ’,
& relativement aux trois perfbnnes plurièles ,
*D1 DD ( Sapherenou ) notre livre.
C0 1 DD ( Sapherecham)m. 1 fe j.
|D”1DD ( Sapherechan ) f J
kîmFDSDB (Ë SÊapÊherÊenA ) f1. Xj leur livre.
Si le nom eft p lu r ie lon met 7 avant les Affixes ;
8t cette règle eft fans exception pour les noms féminins
: mais pour les noms mafculins, au lieu de
deux i'i qui fè trouveroienl de fuite, on les fond en
un foui. Ainft , du pluriel ( Saphérim )
livres, on forme , relativement aux trois perfbnnes
fingulière s ,
\
’"130 ( Saphéri ) mes livres,
"l’ IDD ( Saphe'rich ) tes livres ,
V-IDD {Saphéd<m)m. \ fesl;vr
nnDD ( Saphène ) f . Ç
8c relativement aux trois perfbnnes plurièles ,
13' 1DD ( Saphérinou ) nos livres.
JDDnDD (Saphérichamjm.> vos Uvres.
f D'HDD ( Saphérichan ) ƒ . j rnsm am m àm- x ieurs » 1 fnnDD ( Saphénen) f . ƒ
On joint auffi les mêmes Affixes aux verbes & aux
prépofîtions, au lieu d’y ajouter léparément les pronoms
perfbnnels en régime ou comme compléments.
Ainft , avec “1DD* tradicLity on fait V1DD ou
tradidit me j'V y IDD » tradidit nos, &c.
On joint pareillement les Affixes à plufîeurs adverbes
; & ces Affixes repréfèntent alors le cas
fîibjeâif du pronom perfbnnel, joint à l’adverbe.
Ainft , de p K , non , on fait , non ego ,• "P'W >
non tu; U îK , non ille ; non ilia , &c.
II. Dans la langue laponne , les pronoms {ont
Mon (je ) , Ton ( tu ) , Soda ( i l , elle ) ; & ce font
principalement les confbnnes initiales de ces mots
qui font les Affixes. Voici le nom Sua°rbma (doigt),
terminé par une voyelle, & modifié par les A ffix e s ,
qui font m, «i,/", marquant dans les deux nombres
la relation aux trois perfbnnes du fingulier ; me , de ,
f a , marquant au fingulier la relation aux trois per-
fonnes du pluriel ; & mech , de ch , fa ch , marquant
au pluriel la même relation aux trois perfbnnes du
pluriel.
Singulier des perfbnnes.
Sua°rbmam , mon doigt ; mes doigts*
Sua°rhmad, ton doigt ; tes doigts.
Sua°rbmas , fon doigt ; fès doigts.
Pluriel des perfbnnes.
SuàCrbmame ,
Sua0 rbmade,
Sua° rbmafa ,
Sua°rbmamech ,
Sua0 rbmade ch ,
Sua0 rbmafach ,
notre doigt:
votre doigt :
leur doigt :
nos doigts,
vos doigts,
leurs doigts.
Pour les noms terminés par une confonne, les
Affixes font am , a d , es , pour les trois perfbnnes
du fingulier; èmf, edti, afafa , pour les trois perfbnnes
du pjuriel; oïi l’on voit toujours les mêmes
confonnes initiales des pronoms perfonnels. Voici le
nom Jubmel ( Dieu ) avec les Affixes.
Singulier des perfbnnes.
Jubmelam, mon Dieu ; mes Dieux.
Jubmélad y ton Dieu i tes Dieux.
Jubmeles, fbn Dieu ; fès Dieux.
Pluriel des perfbnnes.
Jubmélémi y notre Dieu ; nos Dieux.
Jubmeledti , votre Dieu ; vos Dieux.
Jubmélafafa , leur Dieu ; leurs Dieux.
Les lapons joignent auffi les Affixes aux pré-
pofîtions : ainft, de Luja ( vers ) , on forme
Lufam ( vers moi ) , LufacL ( vers toi ) , Lufas
( vers lui , vers elle ) , Lufamech ( vers nous),
I.ufade ( vers vous ) , L u fa fa , ( vers eux , vers
elles).
D ’autres mots indéclinables font auffi fUfceptibles
des A f f ix e s , à peu près comme en hébreu : par
exemple, éCIckan ( quoique ) , on forme Ickam
( quoique je ) , Icka ( quoique tu ) , Ickébe ( quoique
nous ) , &c.
M. Pierre Hoegftroem, dans (h Defcription de
ta Laponie fuédoife, prétend (ch. 3. dans unenote)^
que les conjonctions , en langue laponne, expriment,
par leurs terminaifons des perfbnnes & des nombres ;
& il le prouve par l’exemple que je viens de citer :
il dit même formellement que les p*épofitions fe
déclinent. Il eft évident que les Affixes lapons ont
trompé l’auteur fuédois, qui apparemment ne penfoit
pas à ce procédé grammatical de l’hébreu, ,ou qui
n’a pas foupçonné qu’il pût convenir au lapon. S’il
cite quelque exemple où l’on ne puifte reconnoître
les caraétères des Affix e s , il eft aile du moins d’y
reconnoître les racines des mots qui y font réunis
par contraction.
III. Dans la langue péruvienne, les Affixes font
également l’effet des adjeCtifs poflèflîfs : mais ils ne
paroiffent pas emprunter leur matériel de celui des
pronoms perfbnnels. Pour entendre le fyftême des
Affixes péruviens , il faut obfèrver qu’on diftingue
dans cette langue deux premières perfbnnes plurièles
: l’une, qu’on a nommée inclufive , parce qu’elle
comprend même celui ou ceux à qui on parle ; &
l’autre qu’on a nommée exclufive , parce qu’elle
exclut de cette pluralité celui ou ceux à qui on
parle. Par exemple, en parlant des hommes en général
, nous ( qui doit être inclufif, parce que ceux
à qui on parle font auffi hommes ) fè dira en péruvien
hocanchic ; & nous aimons Ce dira cuyanchic:
mais fi, en parlant des chrétiens à des infidèles , un
chrétien veut dire nous ou nous aimons y il dira
exclufivement hocaicu ou cuyaicu. Cela pofë , fi
un nom eft terminé par une voyelle, les Affixes
font i , iqui, n , pour les trois perfbnnes du fingu-
lie r; nchic (indufi) y ïeu ( exclufi ) , iquichic ,
n ou neu , pour les tepis perfonnes du pluriel. Dans
tous ces cas, on foppofè le nom au fingulier ; fi on
veut le mettre au pluriel, on ajoute fimplement
cutia au tout. Voici le nom Runa (homme ) avec
les Affixes fous toutes les formes.
Singulier.
Runài y
Runaïqui ,
Runan ,
Indu fi Rananchic y 1
Exclufi Runaïcu , Ç
Rundiquichic,
Runan ou Runancu,
mon homme,
ton homme,
fon homme*
notre homme.
votre homme,
leur homme.
O »