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pour être aecordé le plus lôuvent à un étourdi, que
Y Amour peint, comme fige aux yeux d’une folle.
Le myflère eft , pour Une femme mariee, encore
plus nécelTaire dans le cas de Y Amour que dans
celui de la Galanterie : parce que dans celui-cii,
elle rifque feulement la réputation de la vertu; oC
que, dans l’autre, elle rifque également celle de la
vertu & de fin elprit ; car on dit alors, qu elle n eli
pas plus fige qu’une autre, mais.quelle eft plus
novice. . . , v r
■ On a dit que P Amour etoit propre a conlerver
les bonnes qualités du coeur, mais qu’il pouvoitgâter
l ’efgrit ; & que la Galanterie étoit propre à'former
l ’efprit, mais qu’elle pouvoit gâter le coeur. L ’u-
fàge du monde juitifie cet axiome en ce qui regarde
l ’èfprit, \ Amour lui ôtant & la liberté &
le difcernement ; au lieu que la Galanterie en lait
jouer les’ refforts. Pour le coeur, c’ eft toujours le
carsftère perfonnel qui’ en décide ; ces deux pallions
s’y conforment dans les divers fujets qui en
font atteints :>£' l’une avoit du défavantage à cet
egard, ce feroit fans doute l’Amour \ parce qu étant
plus violent que la Galanterie, il excite plus la
vindication contre ceux qui le barrent ou qui lut
occafionnent du mécontentement ; & qu’étant aufli
plus perfonnel, il fait agir avec plus d’in différence
envers tous ceux qui n’en font point 1 objet ou
qui ne le flattent pas. La preuve en eft dans l’expérience
: on voit aflez ordinairement une femme
Galante çarélFer Ion mari de bonne grâce, & ménager
les amis; au lieu que ceux-ci deviennent
inùpldes, & le mari un objet d’averlion , à Une
femme prifè dans les filets de P Amour. On voit
aufli plus de choix dans la Galanterie \ c eft toujours
©u la figure, ou i ’elprit, oui interet, ou les féro
c e s , ou la commodité du commerce, qui déterminent
: mais dans l’Amour, toutes ces chofes
manquent quelquefois à l’objet auquel on s’attache;
& fes liens (ont alors comme des miracles, dont
la caufe eft également invifible & impénétrable.
C L'abbé Girard. )
La Galanterie eft l’enfant au defir de plaire,
fans un attachement fixe qui ait là lôürce dans le
soeur. L 'Amour eft le charme d’aimer & d’être aime.
L a Galanterie eft l’ufege de certains plaifirs qu’on
cherche par intervalle, qu’on varie par dégoût &
par inconftance. Dans l'Amour, la continuité du
fentiment en augmente la volupté , & lôuvent Ion
plaifir s’éteint dans les plaifirs mêmes.
La Galanterie y devant Ion origine au tempérament
& à la complexion , finit feulement quand
l ’âge vient à en tarir la lource. L 'Amour brife
en tout temps fes chaînes par l’effort d’une raifon
©»iifante 5 par le caprice d’un défir feutenu, ou
lien encore par l’ abfence ; alors il s’évanouît, comme
©n voit le feu matériel s’éteindre.
L a Galanterie entraîne vers toutes les perlonnes
«ui ont de la beauté ou de l’agrément, nous umt
à celles qui répondent à nos defirs, & nouslaiile
4u goût pour le« autres. L 'Amour livre notre coeur
A M O
làns réferve à une feule perfonne qui le remplît
tout entier , en forte qu’il ne nous refte que de l’indifférence
pour toutes les autres Beautés de l’univers.
La Galanterie eft jointe à l’idée de conquête ,
par faux honneur ou par vanité. U Amour confifte
dans le fentiment tendre , délicat ; & relpe&ueux ;
fentiment qu’il faut mettre au rang des vertus.
La Galanterie n’eft pas difficile à déméler ; elle
ne laiffe entrevoir, dans toutes fortes de caraéteres ,
qu’un goût fondé fur les fens. L Amour fe diver-
fifie , lelon les différentes âmes lur fefquelles il
agit : il règne avec fureur dans Médée ; au lieu
qu’il allume, dans les naturels doux, un feu fem-
blable à celui de l’encens qui brûle far l’autel.
Ovide tient les propos de la Galanterie, &
Tibülle fôupire l’Am our.
Quand Delpréaux a voulu railler Quïnault en le
qualifiant de doux & de tendre, il n’a fait que
donner à cet aimable poète une louange qui lui
eft légitimement aquife ; ce n’eft point par la qu il
devoit attaquer Quinault ; mais il pouvoit lui re?-
procher qu’il fe montroit fréquemment plus g a lant
qu© tendre , que paflionné, cgi amoureux ; &
qu’il confondoit à tort ces deux chofes dans fes écrits.
L 'Am o u r eft fouvent le frein du vice , & s’allie
d’ordinaire avec les vertus. La Galanterie eft un
vice; car c’eft le libertinage de l’efprit, de l’imagination
, & des fens : c’eft pourquoi, fûivant la
remarque de l’auteur de X^éfprit des lois , les
bons légiflateurs ont toujours banni le commerce
de Galanterie que produit l’oifîveté, & quy eft
caufe que les femmes corrompent avant même
d’être corrompues, qui donne un prix à tous les
riens, rabaifl© ce qui eft important, & fait que
que l’on ne fe conduit que fur les maximes du
ridicule que les femmes entendent fi bien à établir*
( L e Chev. d e J a u c o v r t . )
On a prétendu que la Galanterie étoit le lég e r ,
le délicat, le perpétuel menfônge de l’Amour ;
(a) mais peut être l’Amour ne dure-t-il que pair
lés fecours que la Galanterie lui prête : ne^feroit-
ce pas parce qu’elle n’a pas lieifc entre les époux %
que l’Amour ceffe ?
L 'Am o u r malheureux exclut la Galanterie-, les
idées qu’elle infpire demandent de la liberté d’efe
prit ; & c’eft le bonheur qui le donne.
Les hommes véritablement galants font devenus
rares : ils femblent avoir cte remplaces pac
une efpèce d’hommes avantageux , qui, ne mettant
que de l’affedation dans ce qu’ils font, parce qu’ils
n’ont point de grâce , & que du jargon dans ce
qu’ils difent, parce qu’ils n’ont point d’efprit, ont
fùbftitué l’ennui de la fadeur aux charmes de la
Galanterie. ( A non y me . )
AM O U R EU X , AMANT. Syn.
Il foffit d’aimer pour être amoureux» Il faut
témoigner qu’on aime pour être Amant.
(æ) Efprit des Lois, liv. XXV11I. ch. zz.
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On devient amoureux d’une femitle dont la
beauté touche le coeur. On fe fait Amant d’une
femme dont on veut fe faire aimer.
Les tendres fenriments naiflënt en foule dans un
homme amoureux. Les airs paflionnés paroiflènt
avec ménagement dans les maximes d’un Amant.
On eft fouvent très-amoureux fans ofer paroître
Amant. Quelquefois on fe déclare Amant fans
être amoureux.
C’eft toujours la paflion qui rend amoureux ;
alors la pofîëffion de l’objet eft l’unique fin qu’on
fe propofe. La raifen ou l’intérêt peut rendre Amant;
alors un établiffèment honnête ou quelque avantage
eft le but où l’on tend.
Il eft difficile d’être amoureux de deux perfonnes
en même temps ; il n’y a que la Philis de Siro
qui fe fbit trouvée dans le cas d’être amoureufe
de deux hommes , julqu’à ne pouvoir donner ni
de préférence ni de compagnon à l’un des deux.
Mais il n’eft pas rare de voir un Amant fervir tout à
la fois plufîeurs maitreffes ; on en a même vu qui ont
pouffé le goût de la pluralité jufque dans le mariage.
On peut aufli être amoureux d’une perfonne, &
Amant de l’autre ; on parle à celle que l’intérêt engage
à rechercher, tandis qu’on fôupire pour celle
qu’on ne peut avoir ou qu’il ne convient pas d’époufer. :
L ’affiduïté détermine l’occafîon à favorifer les !
deflèins d’un homme amoureux. Les richeflès donnent
à l’Amant de grands avantages for fes rivaux. ( L ’abbé G i r a r d . )
Amoureux défigne encore une qualité relative au
tempérament, un penchant, dont le tevme.Amant ne
réveille point l’idée. On ne peut empêcher un homme
d’être amoureux : il ne prend guère le titre d'A-
jn a n ty qu’on ne le lui permette. ( M . D i d e r o t . )
J’ajoûte, au hafàrd de rougir de la remarque,
que le mot d'Amant eft fubftantif, que celui $ Amoureux
eft adjeétif, & qu’il n’y a que le bas peuple
qui dife, mon Amoureux, pour dire , mon Amant.
Mais je dois cette déférence à un célèbre académicien,
qui a obfervé que le rang de fÿnonymes pourroit faire
croire qu’on les met dans la même clafle grammaticale,
dontl’inftruâion, n’ayant aucun rapport à la
tlélicateflè du fens & à la précifion des idées , n’eft
nullement de mon diftrift. ( L'abbé G i r a r d ).
AMPHIBOLOGIE, fi f. terme de Grammaire y
ambiguité. Ce mot vient du grec àpcipifSoAot, qui
a pour racine ùp<pt, prépofîtion qui fîgnifie environ ,
autour y fikwu), jetter ; à quoi nous avons ajouté
Aôyos-, parole , difcours.
Lorfqu’une phrafe eft énoncée de façon qu’elle
eft fofceptible de deux interprétations différentes,
on dit qu’il y a Amphibologie y c’eft à dire qu’elle
eft équivoque , ambiguë.
L ’Amphibologie vient de la tournure de la
phrafe , c’eft à dire, de l’arrangement des mots plus
tôt que de ce que les termes font équivoques.
On donne ordinairement pour exemple d’une
Amphibologie, la reponfe que fit l’oracle à Pyrrhus,
G h a m m . e t L i t t é r a t . Tome Ti
K MP in
Iorfque ce prince l ’alla confolter for l’évènement
de la guerre qu’il vouloit faire aux romains :
Aio te, Æacidat rûmanos vincere pojfe.
L 'Amphibologie de cette phrafe confifte, ou en ce
que l’efprit peut regarder te comme le terme
de l’aétion de vincere, enforte qu’alors ce fera
Pyrrhus qui fera vaincu ; ou en ce qu’on peut regarder
romanes comme ceux qui feront vaincus, 8C
alors Pyrrhus remportera la vi&oire.
Quoique la langue françoife s’enonce communément
dans un ordre, qui femble prévenir toute
Amphibologie ÿ cependant nous n’en ayons que
trop d’exemples, for tout dans les tranfàéfions, les
aéfes , les teftaments ; &c : nos qui , nos que y nos
i l , fo n , f a , f e s , donnent aufli fort fouvent lieu à
M Amphibologie ; celui qui compofe s’entend , &
par cela feul il croit qu’ il fera entendu : mais
celui qui lit n’eft pas dans la même difpofidon
d’efprit ; i l faut que l ’arrangement des mots le
force à ne pouvoir donner à la phrafe que le fens
que celui qui a écrit a voulu lui faire entendre.
On ne fàuroit trop répéter aux jeunes gens , qu’on
ne doit parler & écrire que pour être entendu , &
que la clarté eft la première & la plus efîèncielle
qualité du difeours. ( M . d u M a rs a ï s . )
* AMPHIBRAQUE. adj m. pris fobftantivement.
Terme de la Poéfîe grèque & latine,qui défigne un pied
fimple de trois lÿllabes ,une longue entre deuxbrèves,
comme amâre , a b jr e , p a te rn u s , 'OfAjfoç, &c.
Ce mot vient d'âptp) ( autour ) & de
{ b r e f ) ; comme qui diroit, Pied b r e f autour ,
aux extrémités , & long dans le milieu. O n devroit
écrire Amphïbrache. .
On l’appelle aufli Brachychorée , pour indiquer
qu’il eft compofé d’une fÿllabe brève & d’un
chorée. F o y e \ C ho r é e . ( M . B e a u z é e . )
(N). AMPHIGOURI, fi m. Phrafe, difeours , ou
poème burlefque , dont les mots ne préfentent que
des idées fens ordre & n’ont aucun fens déterminé*
Les Amphigouris paroiflènt foppofer l’intention
de tromper celui à qui l’on parle^, en lui faifent
croire qu’on a des idées ou des vûes dont on eft
fort éloigné, puifqu’on ne veut que fe moquer de
lui. Les°réponfes des oracles n’étoient fouvent que
des Amphigouris de cette efpèce.
L e Manuel lexique écrit Amphigourie , & dit
que c’eft un nom féminin. I l eft certain que l ’ufege
en a fait un nom mafeulin. ; „
Le Dictionnaire de l'Académie^ ( 176'- ) écrit
Amfigouri• Mais le Prote de Poitiers, revu par
M. Reftaut , écrit Amphigouri : cette ^ autorité
mérite attention , parce que la médiocrité du volume
& du prix a fait paffer ce livre dans les mains
du grand nombre, & même dans les ecoles. D ailleurs
ce fero.it le feul mot de notre langue , ou la nafe-
lité d’une voyelle feroit marquée par m^ devant f .
& ce n’eft pas la peine d’introduire une irrégularité.