nographie étoit pleine de magie. Prévenu de ces
imputations di&ées par l ’ignorance , l’éledeur palatin
, Frédéric-II, fit brûler, par une vame fiiper-
ftition, l’original de cette Stéganographie, qu’il avoit
dans là bibliothèque. Mais plusieurs auteurs célèbres
& moins crédules, tels que Vigenère & d’autres,
ont juftifié l’abbé Trithème. Le plus illuftre de les
défendeurs fut un duc de Lunebôurg, dont la Cryptographie
fut imprimée en 1614, in-folio ; & Naudé
dit que ce prince a fi bien éclairci toutes les obscurités
de Trithème , & fi heureulèment mis au jour
tous lès prétendus my Itères, qu’il a pleinement la-
tisfait la curiofité d’une infinité.de gens qui fiimhai-
toient de lavoir ce que c’étoit que cet art prétendu
magique.
Caramuel donna au'fli, dans le même deflèin, une
Stéganographie. en 1635. Le P. Galpard Schot ,
îéfiiite allemand , & un autre allemand , nommé
Wolfang-Erneft Heidel, ont aufli donné de pareils
Traités.
Jean - Baptifte Porta , gentilhomme napolitain ,
mort à peu près dans le même temps que Tri thèm
e , a fait un ouvrage De occultis litterarum notis,
réimprimé à Strafbourg en 1606, avec des augmentations.
~Il y donne plus de i 80 manières de
cacher là penfée en l’écrivant ; & il en làiflè encore
une infinité d’autres à deviner, & qu’il efl; aisé
d’inventer fur celles qu’il propolê. Ainfi, il a lur-
paffé de beaucoup tout ce qu’avoit fait Trithème
Jur ce point, loir par là diligence & Ion exaditude,
loit par 1cm abondance & là diverfité, lôit enfin par
fa netteté & par là méthode.
Le. Chancelier Bacon a parlé de cet art dans lôn
p»Ÿrage De dignitate & augmentis fcientiàrum
(L ib . VI. Cap./.). On trouve aulïi des exemples
de plufieurs manières de Stéganographie dans les
Récréations mathématiques déO^ânam.
On diftingue le Chiffre à fimple clef, & le Chiffre
à double clef. Le Chiffre à fimple cle f, eft. celui ;
où l’on le lert toujours d’une même figure pour lignifier
une même lettre; ce..qui, le.peut deviner aile- :
ment avec quelque application. Le Chiffre à double
clef, eft celui où l ’on change d’alphabet à Chaque
mot, ou à chaque ligne, ou à chaque phrale corn-
plettë , ou de deux en deux mots, de trois en trois
mots , & c , en le lërvant fiicceflivement de deux, de
trois, Ou d’un plus ou moins grand nombre d’alphabets
, 8c. recommençant énlùite à fè fèryir des mêmes
dans le même Ordre ‘ou dans un ordreédifièrent ; c’eft
encore un Chiffre à double c le f, quand on emploie
dans ce qu’on écrit des mots* làns figninèàfion.
Mais une autre manière plus fimple & indéchiffrable
, eft de convenir de quelque livré de pareille
& même édition ; & trois chiffres numéraux forit
la clef : le premier marque la page du livre , le
fécond en défigne la ligne, & le troifième indique
le mot dont on doit fè fervif. Cette manière d’écrire
& de lire ne peut être connue que de ceux qui fa-
Vent certainement quelle eft- l’édition du livre dont
Ce fèrt ; d’autant plus que le même' mot fè tfou- |
vant en diverfes pages du livre , il efl prefque totï-a
jours défigné par différents nombres : rarement le
même revient - il pour fignifier le même mot. Il
y a , outre cela , les. encres fècrettes , qui peuvent
être aufli variées que les chiffres. Voye\ Déchiffrer.
( Cet article a été compofé de plufieurs ré^
pandus dans VEncyclopédie, & des additions de
M . JBe a t j zé e . )
(N.)CHLEUASME. f. m. Nom grec, donné par
les anciens rhéteurs à une efpèce d’ironie. xaW c^W ,
Ulifiio ; de XAeurç , ri fus. C ’eft proprement l ’Ironie',,
; par laquelle'on paroît fè charger de ce qui tombe
directement fur l’adverfàire ; ou par laquelle au con-
! traire on paroît attribuer à l’adverfàire ce qui, au
lieu de lui convenir, convient uniquement ou à nous
ou à celui pour qui nous parlons.
Nous trouvons dans Virgile ( Æn. X. 90. ) un
Chleuafme de la première efpèce dans ces paroles
de Junon contre Vénus :
• . . Quce caufa fuit confurgere in arma
Europamque AJiamque t & foedera folvere furto l
l\ïe duce dardanius Spartam expugnavit'adulte? ï
Aut ego. tela deâi , fovive cupidine bella i
3» Quelle efl la eau fè qui a fait courir aux armes
33 l’Europe & l’Afie , & qui a fait rompre les traités
m par un rapt ? Eft-ce fous ma direction que l’a-
33 dultère troyen s’eft emparé de Sparte l Eft-ce
33 moi qui lui ai fourni des armes, ou qui ai allu-
3» mé la guerre par les feux de l ’amour f «e
Il y a \ ib , XI. 3 8 3 . un Chleuafme de la féconde
efpèce dans ce difeours de Turnüs. à-Draneèst
Proinde tona eloquio { fùlitum tibi ) , vieque timoris
Argue tu y Drance;■ tot.quando Jlragis acervos
Teucrorum tua dextra dédit, pajjinique tropçeis.
Injignis àgvos^
33 Fais donc tonner ta v o ix , Drancès, félon fa
33 coutume, & accufè-moi de lâcheté 5 toi dont la
33 main a maffia çré tant de .monceaux de troyen s ,
33 & qui couvres de toutes parts" nos xampagnès de
33 trophées honorables. « (JW. B èauzèe.*)
CHCEUR, fi m. fBellès-Leures) \ dans la Poéfie
dramatique, fîgnifie un ou plufieurs acteurs qüi font
fiippofés fpeélateurs dé la pièce , mais qui témoignent
de temps en temps la part qu’ils prennent à
l’a dion* par des difeours qui y font liés,, fans'pourtant
en faire une partie éfïencielle.
M. Daci^r qbfèrvë,, après Horace, qûé la Traf
gédie n’étoit dans ion Origine qu’un Choeur, qui
chantoit des Dithyrambes en l’honnéur de Bacchùs5,
fàns autres adeurs qui déclamàfTent. Thefpis, pour
(ùulagèr le C boeuf, àjpùta.'UQ'aâeuf: qui récitoiü les
aventures de quelque héros. A ce p'erübn'ndgé4ihîqafe
Ëfchyle en ajouta un -fécond, &% diminua les chants
pour" donner plus d’éténdué' au dialogue.
Ou hùrtimà' Ép i f odes' ,'c e qué'nous Appelons
aujourdhm Acte s, & qui fetrouvoit renfermé entre
les chants du Choeur. Foye\ É pisode & A cte.
Mais quand la Tragédie eut commence à prendre
une meilleure’ forme ", ces récits ou épifodes, qui
navoient d’abord été imaginés que comme un ac-
eeffoire pour laiffer repoftr le Choeur, devinrent
eux-mêmes la partie principale du Poème d ra in ai
tique, dont à fon tour le Choeur ne fut plus que
Taccefîbire : mais ces chants qui etoient auparavant.
pris de fùjets différents du récit, y forent ra-
jnenés ; ce qui contribua beaucoup à 1 unité du
ipedacle. . . , „i, 1
Le Choeur devint même partie mtereüee dans
l’adion , quoique d’une manière plus eloignee que
les perfiorinages qui y concouroient: ils rendoient la
Tragédie plus régulière & plus variée ; plus regu-
licre, en ce que chez les anciens le lieu de la ficene
étoit toujours le devant d’un^ temple , _d un palais,
ou quelque autre endroit public : & ladionfè paüa'nt
entre les premières perfonnes de l’Etat, la yraifem-
blance exigeoit qu’elle eût beaucoup de témoins,
qu’elle interefsât tout un peuple ; & ces témoins
formoiênt le Choeur, De plus , il n efl pas naturel
que des gens intér-êffés à l’adion, & qui en attendent
l ’ifTue avec impatience, reftent toujours fans
rien dire: la raifon veut au contraire qu ils s entre-
tierinent de ce qui vient de fe paffer, de ce qu ils
ont à craindre ou à efpérer, lorfique les principaux
perfonnages. en ceflànt d’agir leur en donnent le
loifir; & c’eft aufli ce qui faifoit la matière des
chants du Choeur, Ils eontribuoient encore a la
.variété dû fpedacle par la Mufique & 1 harmonie,
par lès danfes^ 6v . ils en augmentoient la pompe,
par le nombre des adeurs , la magnificence &i la
diverfité de:leurs habits , & l’utilité par lesmftruc-
tions qu’ils donnoient aux fpedateurs ; ufàge auquel
ils é'toient parficulieremènt deftinés , comme le
remarque .Horace dans fèn ^ Art poétique. ^
; L e Choeut\ ainfi incorporé à l’adion ,;parloit quelquefois
dans les ïcènés par la bouche de fon chef,
qu:’o:n appeloit Chpryphée : dans les intermèdes il
donnoit le ton au refté du' Choeur , qui rempinfoit-
par fès chants tout le temps1 que les adeurs n etoient
point for la fcène ; ce qui airgmentoit la vrailem-
blance & la continuité de l’adion. Outre ces chants
qui marquoient la divifion des ades , les perfon-
rîages du' Choeur accompagnoient quelquefois les
plaintes' &' -les -regrets -des adeurs- fur .des.1 accidents
foneftes arrivés dans le cours d’un ade ; rapport
fondé : fur Tintérêt qu’uri peuple prend ou doit
prendre aux malheurs de fôn prince. Par ce moyen
le théâtre ne -demeuroit jamais v i d e . l e C/ioepr
n’y pouvoit être regardé comme un perfbnnage
inutile. ' ... ,-'4^^.^.' ■
On regarde comme une faute dans quelques
piçcès-d’Euripide ; de ce que les chants du Choeur
loHt. entièrement détachés de l’adion , comme ifo-
lés , ' & ‘ne • naiflént' point du fond-du fûj et,; D’autres!
poète's1 ;>pdur s’épargner» la- peine. de• compo-fèr Mes
Choeurs-Sc de Tes affordr- ^ aux principaux-éycnei
raents de 'la pièce, fe font contentés d’y inférée
des Odes morales qui n’y avoient point de rapport;
toutes choies contraires au but & à la fonéiion des
Choeurs : tels font ceux qu’on trouve dans les pièces
de nos anciens tragiques , Garnier , Jodelle.., &e-
qui par ces tirades de fentences prétendoient imiter
les grecs, fans faire attention que ceux-ci n’avoient
pas uniquement imaginé le Choeur pour débiter
froidement des fentences. ■ . .
Dans la Tragédie moderne on a lupprime les
Choeurs, fi nous en exceptons VAihalie & l'EJlher
de Racine : les violons y fiippléent. M. Dacier
blâme ce dernier ulàge, qui ôte à la Tragédie une
partie de fon luflre : il trouve ridicule que 1 aûion
tragique loit coupée .& lîilpendue par des louâtes
de mufique. inftrumentale ; & que les Ipeéiateurs,
qui .font fuppofés émus par la repréfentation , tombent
dans un calme foudain , & falTent. diverfion
avec l’agitation que la pièce leur a lailfee dans
l’âme, pour s’amufet d’une gavotte.. Il croit que
le rétabliUement des Choeurs leroit necelïaire.,.non
feulement pour l’embeiliffement & la régularité du
Ipedacle , mais encore parce qu’une de fes plus
utiles fondions chez les anciens étoit de rediner ,
par des : réflexions qui relpirpient ,1a fagelfe & la
vertu, ce que l’emportement des pallions arrachent
aux adeurs de trop .fort ou de moins exad ; ce qui
lèroit allez Ibuvent néçeiTaire parmi les modernes;
( L 'a b b é M a l l e t . ) ■ ■ . . .
Les principales raifons qu’on apporte pour jufiir
fier la liipprelïion des Choeurs , font .que bien des
chofes doivent fe dire & fe palier en fecret, qui
forment les 'fcènes. les plus.belles & les . plus touchantes
, dont on fe prive dès que Je lieu de, la
fcène eft public, & que rien ne. s’y dit qu’en pre-
fence de beaucoup de témoins ;, que ce Choeur , qui
ne défempàroit pas du théâtre des anciens, leroit
quelquefois fur le nôtre un perfonnage fort incomr
mode : & ces raifons font très-fortes, eu egard -a la
conftitutiSn des tragédies modernes.
M. Dacièr oblèrve encore que dans 1 ancienne
Comédie il y-avoit un Choeur que Ton nommoit
Qrçx i que ce n’étoit d’abord qu un perfbnnage qui
parloit dans les extrades; qu’on y. en ajouta fuc-
eeflivement deux , puis trois,. & enfin tant, que ces
comédies anciennes n’étoient prefque qu un Choeur
perpétuel- qui faifoit taux lpedatejirs des leçons de
vertu- Mais les poètes né fe, continrent pas toujours
dans ces bornes; & les perfonnages fatynques qu ils
introduifirent dans* les Choeurs , oecafionnèrent leur
lüppreffio'n dans, la Comédie nouvelle., Voye^
coMEDif. ï* -,i m m È m â » r
. Donner le Choeur, c étoit, chez les grecs , acheter
la pièce d’un: poète , & faire les frais de la repre-
fehtation. Cèlui qui fhi(oit cette Mépenfe s appeloit
à Athènes Chorège^Qn cqnfioit t e fm
&• chez les romains aux édiles. D iffen ,deM A abbe
Vatri.- Mem. ;riC VAca d, des Se lle s - Lettres
tome V l l l r Mirui allons tranfenre m nouvet
article de M . JUMtrMuel fuir le même objet.