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avons parlé, le grave, l’aigu, & le circonflexe ; & ce
dernier n’eft jamais marqué qu’ainfï # , & non" comme
en grec.
Les anciens grammairiens latins n’avoient pas
reftreint le nom d'accent à ces trois Agnes. Prifcien,
qui vivoit dans le fîxième fiècle-, & Ifidore , qui
vivoit peu de temps après , difcnt également que les
latins ont dix accents* Ces dix accents, félon ces auteurs
, (ont :
1. L ’accent aigu
2. Le grave
3. Le circonflexe n.
4. La longue barre, pour marquer une voyelle
longue — ; longalineat dit Prifcien ; longa vir-
g ula, dit Ifidore. | *
5. La marque de la brièveté d’une fyllabe, brevis
virgula u.
6. L ’hyphen qui fcrvoit à unir deux mots, comme
ante-tulit ils le marquoient ainfî félon Prifi-
cien , & ainfî a , félon Ifidore : nous nous fervons du
tiret ou trait d’union pour cet ufàge porte-manteau,
arc-en-ciel. Ce mot hyphen eft purement grec , ,
fu b , & lv, unum.
7. La diaftole au contraire étoit une marque de
réparation ; on la marquoit ainfî 0 fous le mot ; fup-
pofita verjui. (Ifîdor. de fig . accentuum. )
8. L ’apoflrophe dont nous nous fervons encore,
les anciens la mettoient aufli au haut du mot .pour
marquer la fupprefiion d’une lettre,-Y ame pour la ame.
9. La Acery7* ; c’étoit le fîgne de l ’afpiration d’une
Voyelle. Rac. ê'ct<rvç, birfutus, herifle , rude z on le
marquoit ainfî fur la lettre ‘. C’eft l’efprit rude^ des
grecs , dont les copiftes ont fait Yh , afin d’avoir la
facilité d’écrire de fuite fans avoir la peine de lever
^la plume pour marquer l’efprit fur la lettre afpirée.
10. Enfin , 1e 5 qui marquoit que la voyelle
ne de voit point être afpirée ; c’eft l’efprit doux des
grecs, qui étoitécrit en fcns contraire de l’efprit rude.
Ils avoient encore , comme nous, Yaférique &
plufîeurs autres notes dont Ifidore fait mention ,
( L Orig. xx. ) & qu’il dit être très-anciennes.
Pour ce qui eft des hébreux, vers le cinquième
fiècle , les dofteurs de la fameufê école de Tibériade
travaillèrent à la critique des livres de l ’Ecriture
fainte, c’eft à dire, à diftinguer les livres
apocryphes d’avec les canoniques : enfuite ils les
divifèrent par fcdions & par verfèts ; ils en fixèrent
la leâure & la prononciation par des points,
& par d’autres lignes que les hébraïfànts appellent accents
; de forte qu’ils donnent ce nom, non feulement
aux lignes qui marquent l’élévation & l ’abaiflement
de la voix, mais encore aux lignes de la ponctuation.
Aliorum exemplo excitâti vetujîiorès mafforetoe
'Tiuie malo obviant ierunt, vocefque à vocibus dif-
tinxèrimt interjeclo vacuo aliquo fpatiolo ; verjus
vero ac periodos notulis quibufdam , feu ut vocant
accentibus , quos eam ob caufam A ccent us
PAUS ANTES & DISTINGUENTES dixCTUnt. Mafclef,
Cramm. hébràic. 173*5 torn. 1 7 Pag* 3 4 -
Ces docteurs furent appelles Jtfaflorétes , du mot
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Majfore, qui veut dire tradition ; parce que ces
doéteurs s’attachèrent dans leur opération à con-
ferver, autant qu’il leur fut poflible , la tradition
de leurs pères dans la manière de lire & de prononcer.
A notre égard, nous donnons le nom d'accent,
premièrement aux inflexions de voix &-à la manière
de prononcer des pays particuliers ; ainfî,
comme nous l’avons déjà remarqué, nous difcns
Y accent gafcon, &c. Cet homme a Y accent étranger
, c’eft à dire , qu’il a des inflexions de voix &
une manière de parler,qui n’eft pas celle'des per-
fcnnes nées dans la capitale. En ce fcns, Accent
comprend l’élévation de la voix , la quantité, &
la prononciation particulière de chaque mot & de
chaque fyllabe.,
En fécond lieu, nous avons conférvé le nom
d'accent. à chacun des trois lignes du ton qui eft
ou aigu, ou grave, ou circonflexe : mais ces trois
fignes ont perdu parmi nous leur ancienne defti-
nation ; ils ne font plus , à cet égard , que des accents
imprimés : voici l’ufage que nous en faifcns
en grec , en latin, & en françois.
A l’égard du grec , nous le prononçons à notre
manière, & nous plaçons les accents félon les règles
que les grammairiens nous en donnent, fans que ces
accents nous fervent de guide pour élever ou pouf
abaifîér.le ton.
Pour ce qui eft du latin, nous ne faifcns fcntir
aujourd’hui la quantité des mots que par rapport à
la pénultième fyllabe ; encore faut-il que le mot ait
plus de deux fyllabes ; car les mots qui n’ont que
deux fyllabes font prononcés également, fcit que
la première fcit longue ou qu’elle fcit brève : par
exemple, en vers, Y a eft bref dans pater, & long
dans mater ,* cependant nous prononçons l’un &
l’autre comme s’ils avoient la même quantité.
O r , dans les livres qui fcrvent à des leétures
publiques , on fé fcrt de Y accent aigu, que l’on
place différemment, félon que la pénultième eft
brève ou longue : par exemplé , dans matutinus ,
nous ne faifcns fcntir la quantité que fur la pénultième
ti & parce que cette pénultième eft longue,
nous y mettons Yaccent aigu, matutinus.
Au contraire, cette pénultième ti eft brève dans
f e r à t in u s alors nous mettons Y!accent aigu fur
l’antépénultième rô , fcit que dans les vers cette
pénultième fcit brève ou qu’elle fcit longue. Cet
accent aigu fcrt alors à nous marquer qu’il faut
s’arrêter comme fur un point d’appui fur cette antépénultième
accentuée , afin d’avoir plus de facilité
pour palier légèrement fur la pénultième, &
la prononcer brève.
Au refte, cette pratique ne s’obfcrve que dans
les livres d’églifc deftinés à des leétures publiques.
Il féroit à fbuhaiter qu’elle fût également pratiquée
a l ’égard, des livres clafliques, pour accoutumer
les jeunes gens à prononcer régulièrement le
latin.
Nos imprimeurs ont conférvé l’ ufàge de mettre
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CH âCCtnt circonflexe fur Yd de l’ablatif de la
mière déclinaifcn. Les anciens relevoient la voix
fur Y a du nominatif, & le marquoient par un
cent aigu, mûfâ ; au lieu qu’à l’ablatif ils 1 ele-
voient d’abord, & la rabaiffoient enfuite comme
t’il y avoit eu mujâà ,* & voila 1 accent circonflexe
que nous avons conférvé dans l’écriture, quoique
nous _en ayons perdu la prononciation. r
On Ce fert encore de l’accent circonflexe en latin
quand il y a fyncope, comme virum pour v irorum ,*
fejlertiûm pour fejîertiorum. Pf
On emploie Y accent grave fur la dermere lyl-
labe des adverbes , malé, bene , diu, 8cc. Quelques
uns même veulent qu’on s’en fcrve fur tous
les mots indéclinables, mais cette pratique n eft pas
exaétement fùivie. r . x
Nous avons conférvé la pratique des^ anciens a
l ’égard de Yaccent aigu qu’ils marquoient fur la
fyllabe qui eft fùivie d’une enclitique, arma vi-
riimque cano• Dans virâmque, on elève la voix
fur Vu de virum, & on la laifîé tomber en prononçant
que ^ qui eft une enclitique. Ne ^ ve font
aufli deux autres enclitiques ; de fcrte qu’on elève
le ton fur la fyllabe qui précédé l’un de ces trois
mots , à peu près comme nous élevons en françois
la fyllabe qui précède un e muet : ainfî ^quoique
idans mener Ye de la première fyllabe me fcit. muet,
•cet e devient ouvert, & doit être fcutenu -dans je
mène, parce qu’alors il eft fcivi d’un e muet qui
finit le mot ; cet e final devient plus aifcment muet
quand la fyllabe qui le précède eft fbutenue. C eft
le méchanifme de la parole qui produit toutes ces
variétés, qui p^roiffent des bizarreries ou des caprices
de l’ufàge à ceux qui ignorent les véritables
caufés des chofés.
Au refte , ce mot enclitique eft purement grec,
•& vient d'iyKxlva , inclino , parce I que ces mots
iont comme inclinés & appuyés fur la dernière fyllabe
du mot qui les précède.
Oblérvez que lorfque ces fyllabes que , ne v e ,
font partie eifentielle du mot, de fcrte que fi vous
les retranchiez i le mot n’auroit plus la valeur qui
lui eft propre ; alors ces fyllabes n’ayant p.oint^ la
lignification qu’elles ont quand elles fcnt enclitiques
, on met Y accent, comme il convient, félon
que la pénultième du mot eft longue ou brève ;
ainfî, dans ubique on met Y accent fur la pénultième,
parce que 1’/ eft long; „au lieu qufcn le
-met fur l’antépénultième dans dénique, ûndique ,
ûtique.
On ne marque pas non plus l'accent fùr la pénultième
avant le ne , interrogatif, lorfqu’on élève
la voix fùr ce ne ; ego-ne ? Jicci-ne ? parce qu’alors
x e ne eft aigu.
Il féroit à fcuhaiter que l’on accoutumât les jeunes
gens à marquer les accents dans leurs compofîr
tions. Il faudroit aufli que , lorfque le mot écrit
petit avoir deux acceptions différentes ,*chacune de
ces acceptions fût diftingbée par Y accent s ainfî,,
quand oçcido vient.de cado, l’i eft b re f, & YacÂ
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cm <3oît êtfè fùr l ’antépénultièmô * au KeU qu’on
doit le marquer fùr la "pénultième quand il lignifie
tuer ; car alors 17 eft long, occido, & cet occîda
vient de ccedo.
Cette diftinâion devrait être marquée même dans
les mots qui n’ont que deux fyllabes : ainfî, il faudroit
écrire légit, il l i t , avec Y accent aigu ; &
lêgit il a lu , avec le circonflexe ; vénit , il vient ;
& vénit, il eft venu.
A l ’égard des autres obférvatïons que les grammairiens
ont faites fùr la pratique des accents,
par exemple , quand la Méthode de P. R. dit qu’au
mot muliéris , il faut mettre Y accent fùr Ve, quoi-
ue bref, qu’il faut écrire flô s avec un circon-»
ex e, fpés avec un aigu , &c. cette pratique^ n’étant
fondée que fùr la prononciation des anciens,
il me fémble que non fculement elle nous féroit
inutile, mais qu’elle pourroit même induire les
jeunes gens en erreur en leur faifànt prononcer
muliéris long pendant qu’il eft bref, ainfî des autres
que l ’on pourra voir dans la Méth% de P • R. p ag*
73? > 7 3 ? > 6c . I
Finiflbns cet article par expofcr i ufage que nous
faifcns aujourd’hui, en françois, des accents que
nous avons reçus des anciens.
Par un effet de ce concours de cîrconftânçes #
qui forment infcnfîblement une langue nouvelle ,
nos pères nous ont tranfmis trois fcns différents,
qu’ils écrivoiënt par la même lettre e• Ces trois
fcns, qui n’ont qu’un même fîgne ou cara&ère %
fcnt,
i°. L'e ouvert, comme dans f e r , Jupiter, Ist
mer , Venfer , &c.
20. L ’e fermé, comme dans bonté, charité9
&c.3
°. Enfin Ye muet, Comme dans les monofÿl-
labes me, né, de , t e , f e , le , & dans la dernière da
dorme, ame, v ie , &c.
Ces trois fcns différents fé trouvent dans ce fcut
mot, fermeté i Ye eft ouvert dans la première fyllabe/
ér, il eft muet dans la féconde me , & il eft
fermé dans la troifîème té. Ces trois fortes d’e fè
trouvent encore en d’autres mots , comme netteté,
évêque, févère, repêche , &c*
Les grecs avoient un cara&ère particulier pour
l’e bref e qu’ils appelloient épflony , c’eft à
dire , e petit ; & ils avoient une autre figure pour
le long, qu’ils appelloient éta , yra ; ils avoient
aufli un 0 bref, omicron, ofwcçov, & un o long ,
oméga , Z/ziyu,
Il y a bien de l ’apparence que l’autorité publique
, ou quelque corps refpeâable , & le concert
des copiftes , avoient concouru à ces établiffe-
ments.
Nous n’avons pas été fi heureux : ces fineffes &
cette exaâitude grammaticale ont pafle pour des
minuties indignes de l’attention des perfcnnes élevées.
Elles ont pourtant occupé les plus grands
des romains , parce qu’elles .fcnt le fondement de
l’art oratoire, qui conduifcit <uix grandes place*