des jeunes gens & les guider dans la carrière; fi
ces maîtres de l’Art en devenoient les Critiques >
f i , par exemple, les auteurs de Rhadamifte & d’Al-
zire vouloient bien examiner les ouvrages de leurs
eleves qui annonceroient quelque talent ! Au lieu
de. ees extraits mutilés, de ces anaiyfès sèches ,
de ces décifions ineptes, où l’on ne voit pas même
les premières notions de l ’Art* on auroit des jugements
éclairés par l’expérience & prononcés par
la juftice. Le nom fèul du Critique infpireroit du
refped: ; l’encouragement feroit à côté de la cor-
redion ;_l’homme confômmé verroit d’où le jeune
homme eft parti , où il a voulu arriver, s’il s’eft
égaré dès le premier pas où fùr la route , dans
le choix ou dans la difpofition du fujet, dans le
deflein ou dans l ’exécution; il luimarqueroit le point
où a commencé Ion erreur , il le ramèneroit fur
lès pas; il lui feroit appercevoir les écueils où. il
s’eft brifé, & les détours qu’il avoit à prendre ;
enfin il lui enfèigneroit non feulement en quoi il
a mal fait, mais comment il eût pu mieux faire ;
Si le Public profiteroit des leçons données au poète.
Cette efpèce de C r it iq u e loin d’humilier les auteurs
, feroit une diftindion flarteufè pour leurs ouvrages
; on y verroit un père qui corrigeroit Ion
enfant avec une tendre févérite, & qui pourroit
écrire à la tête de fês confèils :
Difce, Puer , virtutem ex me verumque laborem.
(JA. M a rm o n te l .)
* CR ITIQU E, CENSURE. Synonymes.
Critique s’applique aux ouvrages littéraires ; Cen-
fure aux ouvrages théologiques, ou aux proportions
de dodrine, ou aux moeurs. ( M. n’A l e m b e r t , )
( f II me fèmble qu’une Critique eft l ’examen rai-
fonné d’un ouvrage, de quelque nature qu’il puiflè
être ; & qu’une Cenfure eft la repréhenfîon prêche &
modifiée de ce qui bleiïè la vérité ou la loi : ainfî ,
la Critique peut s’étendre jusqu’aux ouvrages théologiques
; la Cenfure peut tomber fiir des ouvrages
purement littéraires.
Dire d’un fyftême, qu’il eft mal lié ou démenti par
l’expérience ; d’un principe de Grammaire , de Poétique
, ou de Rhétorique, qu’il eft faux ou moins
général qu’on ne prétend ; c’eft Cenfure : prouver
que la choie eft ainfî , c’eft Critique.
Il faut critiquer avec goût, & cenfurer avec modération.)
M e a u z é e I )
(N.) CROÎTRE , AUGMENTER. Syn.
Les choies croijfent par la nourriture qu’elles prennent.
Elles augmentent par l’addition qui s’y fait
des choies de la même efpèce. Les bleds croijfent ;
la récolte augmente.
Mieux on cultive un terrein, plus les arbres y
croijfent, & plus les revenus augmentent.
• Le mot de Croître ne lignifie précifément que l’a-
grandiflèment de la choie, indépendamment de ce
qui le produit. Le mot & Augmenter fait lêntlr qué
cet agrandilTement eft caule par une nouvelle quantité
qui y fùrvient, Ainfî , dire que la rivière croît,
c’eft dire uniquement qu’elle oevien plus haute,
fans exprimer qu’elle le devient par l'arrivée d’une
nouvelle quantité d’eau : mais dire que la rivière
augmente, c’eft dire qu’il y arrive une nouvelle quantité
d’eau qui la fait haufler. Cette différence eft extrêmement
délicate ; c’eft pourquoi l’on fe fert allez
indifféremment de Croître ou $ Augmenter en beaucoup
d’occafîons où cette délicateffè de choix n’eft
de nulle importance , comme dans l’exemple que je
viens de citer ; car on dit également bien que la
rivière croît & que la rivière augmente , quoique
chacun de ces mots ait même là fon idée particulière.
Mais il y a d’autres occafions ou il eft à propos ,
& quelquefois même néceffaire, d’avoir égard à l’idée
particulière, & de faire un choix entre ces deux termes
, félon la force du fèns qu’on veut donner à fon
difcours : par exemple, lorfqu’on veutfaire entendre,
en parlant des pallions, qu’elles font dans notre nature
, que ce qui nous fèrt d’aliments leur fert
aufli de nourriture & leur donne des forces, on fè
fèrt alors élégamment du mot de Croître ; ailleurs
on emploie celui d’Augmenter , foit pour les pallions
fôit pour les talents de l’efprit.
Toutes les pallions naiflènt & croijfent avec l’homme
: mais il y en a quelques-unes qui n’ont qu’un
temps , & qui, après avoir augmenté jufqu’à certain
âge, diminuent enfuite & difparoiflent avec les forces
de la nature ; il y en a d’autres qui durent toute
la yie , Si qui, augmentant toujours, font encore
plus fortes dans la vieilleftè que dans la jeuneffe.
L ’amour qui fe forme dans l’enfonce croît avec
l ’âge. L e vrai courage n’eft jamais fanfaron ; il augmente
à la vue du péril. L ’ambition croît à mefure
que les biens augmentent.
Il eft aifé de voir, par tous ces exemples, que l’un
de ces mots a des places qui ne conviennent point à
l’autre : car quelle eft la perfonne affez peu délicate
en fait d’expreflîons pour ne pas fèntir , du moins par
goût naturel fî ce n’eft par réflexion , qu’il eft mieux
de dire, L ’ambition croît à mefîire que les biens augmentent^
que de dire, L ’ambition augmente à mefùre
que les biens croijfent ? S’il n’eft pas difficile de fèntir
cette délicatefle, il l ’eft d’en expliquer la raifon.
11 faut pour cela un peu de Métaphyfîque , & avoir
recours à l ’idée propre que je viens d’expo fer du
mieux qu’il m’a été poflible. Car enfin les biens
confîftant dans plufîeurs différentes chofès, qui fè
réuniffent dans la pofTeftion d’une feule perfonne , le
mot à!Augmenter, qui, comme on l’a dit, marque
l’addition d’une nouvelle quantité , leur convient
mieux que celui de Croître, qui ne marque préci«*
fément que l’agrandiflèment d’une chofè unique ,
fait par la nourriture ou par une efpèce de nourriture.
Cette même force de lignification eft la raifon
pourquoi le mot de Croître figure parfaitement bien
en cet endroit avec l’ambition ; puifqu’elle eft une
feule paffion, à qui les biens de la fortune femblent
ïèrvir d'aliments pour la foutenir & la faire agir avec
plus de force & plus d’ardeur (a). ^
Les chofes matérielles croijfent par une addition
intérieure & médian ique, qui fait l’eilènce de la nourriture
propre & réelle ; elles augmentent par la Ample
addition d’une nouvelle quantité de même matière.
Les chofesfpirituelles croijfent par une efpèce
de nourriture prifè dans un fens figuré ; elles augmentent
par l’addition des degrés jufqu’où elles font
portées ( b ).
L ’oeuf ne commence à croître dans l’ovaire que
lorfque la fécondité l’a rendu propre à prendre de la
nourriture ; il n’en fort que lorfque fon^volume eft
' affez augmenté.pour eau fer de l’alteration dans la
ÿ membrane qui s’y renferme.
Notre orgueil croît à mefùre que nous nous élevons
, & il augmente quelquefois jufqu’à nous rendre
haïffables à tout le monde. ( L ’abbé Girard).
(N.) CROIX , PÇINES, AFF L ICT IO N S..Syn,
Le premier de ces mots appartient au ftyie dévot :
(à valeur eft la plus étendue des trois, renfermant
- dans fon objet ceux des deux autres. Les Peines
diffèrent des Afflictions , en ce que celles-ci, moins
ordinaires & plus fâcheufes , enchérifîènt fur celles-
là , qui de leur côté paroifient plus infeparables de
la nature humaine & comme l’apanage de cette vie.
Il fèmble que les Croix foient diftribuées par la
Providence, pour éprouver & faire valoir le mérite
du chrétien; que les“ Peines foient les fuites de
la fîtuation & de Fé fat où l’on fè trouve; & que
les Afflictions naiffent des accidents caufés par les
circonftances du haford, ou par la méchanceté des
hommes, ou par une grande faute de conduite.
. Voye\ A f f l ic t io n , C h a g r in , P e in e , Synonymes ;
& D o u l e u r ,C h a g r in , T r is t e s s e , A f f l ic t io n ,
D é so l a t io n . Synonymes. ( L ’abbé Girard.)
p CROYANCE , FOI. Synonymes.
Ces deux mots diffèrent en ce qu$ le dernier fè
prend quelquefois fblitairement, & défîgne alors la
(a) L’auteur dit toutefois, à la fin de l’article AJOUTER ,
'Augmenter. Syn. « Notre ambition augmente avec no-
» tre fortune, » C’eft que Croître & Augmenter marquent
également un agrandiflemenr ; que le choix en eft indifférent
, quand on n’envifage que cette idée, comme dans l’article
cité ; mais qu’il ne l’eft plus , dès que l’on compare ,
comme ic i, des chofes qui s’agrandiftent de différentes
manières. (M. BEAUZÉE. )
(b) Cette remarque prouve de nouveau que l’on peut dire
également, que l’ambition croît ou augmente , & qu’on
peut le dire pareillement des biens. Mais fi cela eft, il eft
difficile en effet de juftifier la phrafe de l’auteur, même avec
l’explication très-fubtile qu’il en a donnée. ( M. Beauzée.)
W
pérfùafîoii où l’on eft des myftères de la religion. La
Croyance des vérités révélées conftitue la Foi.
Ils different aufli par les mots .auxquels on les
joint. Les chofes auxquelles le peuple ajoûte Foi %
ne méritent pas toujours que le fage leur donne fà
Croyance. ( JA. d'A lembert.) f L
Ces mots fignifienttous deux une perfùafîonfondée
fur quelque motif ; & j’ajoûterois volontiers une
troifième différence aux deux qui viennent d’être
a (lignées : c’eft que la Croyance eft une perfuafîon
déterminée par quelque motif que ce puiffe être
évident ou non évident ; & que la Foi| eft une perfuafîon
déterminée par la feule autorité de celui qui
a parlé. De là vient que l’on peut dire que le peuple
ajoûte Foi à mille fables dont il a la tête remplie;
parce qu’il n’en eft perfùadé que fur la parole de ceux
qui les lui ont contées : mais on ne peut pas dire
qu’un païen, qui, déterminé par les raifons naturelles
, eft perfùadé de l’exiftence de Dieu, ait la Foi
de cette exiftence ; parce que fa perfuafîon n’eft pas
déterminée par l’autorité de la révélation. ) ( JA*,
Ü E A V Z É E . )
* CRYPTOGRAPHIE, f. f. La Cryptographie ,
qu’on nomme encore P. olygraphie^ & Stèganogra-
phie, eft l’art d’écrire d’une manière cachée à tout
autre qu’à celui qu’on à mis dans le myftère.
Cryptographie & Stéganographie ont le même
fèns étymologique : RR. xpwjrlW (occultus ) ou çîyctvos
(opertus ) , & yçcttpt) (feriptura ) ; Écriture cachée
ou couverte. Le mot de Polygraphie a pour première
racine l’adjeftif otoaW ( mulius ) , & fèmble
indiquer par là l’art d’écrire en plufîeurs manières ;
à moins que ttoàW ne foit pris dans le fèns àepraf-
tans, ce qui fîgnifieroit alors Écriture excellente,
ou l’art d’écrire par excellence.
L ’abbé Trithème , qui mourut au commencement
du XVI. fîècle , eft k premier qui ait donné des règles
fùr cet ar t, quoique les anciens paroifîènt en
avoir eu quelque ufàge. Il avoit, d it-on , composé
fùr ce fujet fîx livres de Polygraphie, & un
grand ouvrage de la Stéganographie. Cette diffinc-
tion me feroit aisément croire , que les fîx livres
renfermoient differentes manières de^ varier & de
déguifer l’écriture, ,& que c’eft ce qui avoit déterminé
l’auteur à donner à l’enfemble le nom de Polygraphie,
qui n’annonce rien du fècret caraâérif-
tïquè de cet art : le nom de Stéganographie, qu’il
donna à fon autre grand ouvrage, eft plus particulièrement
adapté à cette vue du fecret, & carac-
térife mieux la fin de l’art ; il en eft de même de
celui de Cryptographie. Mais peut-être avoit-il écrit
Poligraphle, de vUts (civitas), voulant ainfî défî-
gner Fart d’écrire les fecrets d’Etat fans les com^
promettre. Foyz\ C h if fr e . (JA. Meauzée, )
V