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de perfe&ion. L ’extrême difficulté de ces belles
fcènes . vient de ce qu’elles fuppofènt à la fois' un
fujet très-important, des caraâères bien contraftés,
des lentiments qui fè combattent, des intérêts qui le
balancent, & allez de reffources dans le poète pour
que rame des lpeâateurs foit tour à tour entraînée
vers l’un & l’autre parti , par l’éloquence des répliques..
On peut citer pour modèle en ce genre, la
fcene entre Horace & Curiace ; celle entre Félix &
Pauline ; la conférence de Pompée avec Sertorius ;
enfin plüfieurs fcènes d’Héraclius & du Cid, & fùr-
tout celle entre Chimène & Rodrigue , où l’on a. rele
vé, d’après .lemalheureux Scudéri, quelques jeux
trop recherchés dans l’expreffion , fàns dire un mot
de la beauté duDialogue, de la nobleiïè, de la chaleur,
du naturel des lentiments, qui rendent cette fcène une
des plus belles & des plus pathétiques du Théâtre.
En général, le defir de briller a beaucoup nui au
Dialogue de nos tragédies : on ne peut le rélôudre
à faire interrompre un perlonnage auquel il relie encore
de belles choies à dire ; & le goût ell la viâimè
de l’efprit. Cette malheureulè abondance n’étoit pas
•connue de Sophocle & d’Euripide ; & fi les modernes
,-ont quelque choie à leur envier, c’elî l’aifànce, la
précifîon, & le naturel,qui règne dans leur Dialogue
, dont le défaut pourtant ell d’être trop alongé.
Parmi nos anciens tragiques, Garnier affedoit un
Dialogue extrêmement concis, mais lÿmmétrique
& jouant furie mot, ce qui ell abfôlument contraire
.au naturel. Corneille Ce reproche à lui-même , ainfi
qu’à Euripide & à Sénèque, l ’affedation d’un D ia logue
trop découpé vers par vers.
Dans le Comique , Molière ell un modèle accompli
dans Part de dialoguer comme la nature : on ne
voit pas Hans toutes lès pièces un lèul exemple d’une
•réplique hors de propos ; mais autant ce maître des
comiques s’attachoit à la vérité , autant lès fucceffeurs
«’en éloignent. La facilité du Public à applaudir les
tirades & les portraits, a fait de nos Icènes de Comédie
des galeries d’enluminures. Un amant reproche à la
maitrelïè d’être coquette ; elle répond par une définition
de la coquetterie. C ’ell fur le mot qu’on réplique
& non lur la cholè ; moyen d’alonger tant qu’on veut
une fcène oifive, où Ibuvent l’intrigue n’a pas fait
le plus petit chemin au bout d’ un quart-d’heure de
converlàtion.
La repartie fiir le mot ell quelquefois plallante,
mais ce n’ell qu’autant qu’elle va au fait. Qu’un valet,.
pour appailèr Ion maître qui menace un homme
de lui couper le nez, lui dite,
Que feriez-vous , 'Monjieur, du ne\ d'un mar-
guillier?
le mot ell luî-même une raifon ; la lune toute entière
de Jodelet ell encore plus comique.
Les écarts du Dialogue viennent communément
de la Hérilité du fond de la Icène, & d’un vice de
conftitution dans le lùjet. Si la dilpofition en étoit telle
qu’ à chaque Icène on partît d’un point, pour arriver
à un point déterminé , en forte que le Dialogue ne
dût jfèrvir qu’au progrès de l ’aâion, chaque répli-
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que ferait à la Icène , ce que la Icène ell à I’ade ÿ
c ell a dire, un nouveau moyen de nouer ou de dénouer.
Mais dans la dillribution primitive on lailTe
des intervalles vides d’adion ;■ ce font ' ces vides
qu’on veut remplir; & de là les excurfions & les lenteurs
du Dialogue. On demande combien d’adeurs
on peut faire dialoguer enlèmble : Horace dit, trois
tout au plus , mais rien n’empêche de palîèr ce nombre
, pourvu qu’il n’y ait dans la Icène , ni confufion,
ni longueur. Voyez l ’expofîtion du Tartufe. (Af*
M a r m o n t e l . )
(N.) DIASYRME. fi m. Efpèce d’ironie dédain
gneulè ou maligne, qui par une raillerie humiliante
dévoue au mépris la perfonne qui en ell l ’objet.
Selon le Dictionnaire de Trévoux, c’ell une efc
pece d’Hyperbole , & une exagération d’une choie,
balîè & ridicule. Geci peut bien être urte des formes
que prend le Diajyrme ; mais rien n’empêche qu’il
ne puiflè en prendre d’autres.
On dit dans C Encyclopédie que c’ell une figure ,
par laquelle on élude une quellion à laquelle il fèroit
ennuyeux de répondre. On peut, fàns doute, éluder
cette réponfè par un Diafyrme ; mais on peut le
faire auffi par toute autre figure ou même fans au-<
eu ne figure.
Toutes ces idées font prifês deLongin, quiadéfigné
fous le nom de Diajyrme les différents ufàges qu’on
en failoit. Voy. la Tradudion de ce rhéteur par Boileau
( ch. xxviij. not. 9. & ch. xxxj. nou 17. dans
l’édition de M. de^S. Marc, 5. vol. 8°. 1747.)
Je crois donc devoir m’en tenir , avec Voffius
( Khét. contracî. IV , x. 3 . ) à l’idée d’une raillerie
maligne , inimica irrifeo, fed extra coedem. Cela
d’ailleurs eft précisément indiqué nar la valeur littérale
des mots : Aiuo-vpfios a pour racines f ia , per %
& truolZfù), (ibilo ; en forte que ce nom grec répond
littéralement au nouveau mot ’françois P erfifflage.
L ’idée attachée à ce dernier mot n’efl pourtant pas
précisément la même. Foye^ Persifflage.
Notre bon roi Henri IV difputant un jour avec
un ambaiïàdeur d’Efpagne , il lui dit en colère ;
» J ’irai jufqu’à Madrid « Pourquoi non, Sirel lui
répliqua froidement l’ambaffadeur ; François I y a
bien été. C’étoit un Diafyrme piquant, qui, en rappelant
l’idée de la prifôn de François I en Efpagne,
laifïoit entendre clairement qu’il pouvoit en arrivée
autant à Henri IV. L ’orgueil de l’efpagnol lui avoit
fùggéré cette ironie maligne.
En voici un autre exemple, où une jufte confiance
dans fà propre caufè in (pire à l’orateur un Diafyrme
Amplement dédaigneux ; c’efl l’auteur de 1 'Avertijfe-
ment du Clergé de France aux fidèles du royaume
en 1770, qui, après l’expofition des idées confêlantes
que nous préfènte la fo i, & la jufle appréciation
des vaines refîources de l’ Incrédulité, s’écrie :
» O vous qui ofèz douter des vûes bienfaifantes de
» la Providence & du miracle fùblime de notre ré-
» demption , venez donc offrir vos froides confôla*
» lions à ce misérable Habitant de la campagne,
d 1 c
- qui acheté à la Tueur de Ton front le foible aliment
» qui prolonge Tes trilles jours ; à cette mère înfor-
» tunée , à-qui le Ciel a donne un coeur fenfÿle ,
» des enfants à élever, & nulfecours a leur offrir ;
» à cet homme puiffant, qui a étonné l’univers par
„ fa chute comme il l ’avoit étonné par Ion eleva-
„ tion : à cet homme de plaifit, à qui il ne relie
» que des remords dévorants & de cruelles inürmi-
» tés ; à ce malade languiffant, qui ne fan que -
» choifir entre les dangers des remedes & ceux de
» la maladie, entre les douleurs qui retardent
» le moment de fa mort & celles qui 1 accélérait...
» Dites à celui qui manque de tout, quri n elt
» point d’autres biens que ceux qu’on pofsedelur la
M terre . à celui dont la maladie & la débauché ont ,
» affoibli' les fens, qu’il ne peut être heureux que
» lorfqu’iis feront fatisfaits : dites à celui qui eft
» la vidime de la fraude & de l’injuftice, que 1 m-
.» térêt doit être le premier mobile de 1 homme , &
» que tout eft dans l’ordre lorfque les vûes de cet
» intérêt font remplies : dites furtout a ce malheu-
» reux étendu fur le lit de la mort, qu elle emporte
» avec elle une deftrudion total? , que le néant va
» devenir fon partage, qu’il perd tout & n a rien
» à efpérer. « ( M . B e a u z é e . )
(N.) DIATYPOSE. fi f. Terme employé par
quelques rhéteurs pour celui d'Hypotypofe : Aia-
TU7M)<ns , delineatio ( image ) ; RR. fi* » & tv-tcocù ,
fig u rO y de 7 un-os > venu de rM * , verbero , quia
figura pereuffione ejficitur. Le mot Hypotypofe eft
plus généralement reçu. f^oye\ H y po t y po s b . (M.
JBe a v z è e *')
(N.) DICHORÉE. fi m. Terme de la Poéfîe grè-
que & latine-. On appelle ainfi un pied composé de
deux Chorées consécutifs ( Voye\ C h o r é e ) , c eft
à dire, de quatre fyllabes, dont la première eft longue
& la féconde brève , la troifième longue & la
quatrième brève ; comme dans Cantilena, Compro-
bare, Contïnenter, &c. Ce mot eft en grec Ate-^oftios ;
de , b is , ou de JwW , duplex , & %opeïos, cho-
rceus : c’efl en effet un double Chorée. F~>ye\ C ho-
HÉE. ( M . Ü E A U Z É E . )
/N .) DICTION- f. f. On regarde affez communément
comme fynonynes, les mots Elocution ,
Diction, & Style; je ferai voir ailleurs combien il
font éloignés d’avoir le même fens. ( Foye\ É lo-
• cution , Diction , St y l e . ) Mais je traiterai cle
chacun d’eux à fà place , & je vas commencer ici
. par le mot Diction.
L a Diction eft la forme conftitutive des parties
& de l’enfèmble de l’Oraifon. Foye\ O r a iso n .
Par rapport aux parties de l’Oraifon, la Diction eft
la détermination du fèns primitif qu’on y a attache ,
des fons élémentaires qui compofent les fyllabes, de
l ’accent profodique & de la quantité de ces fyllabes,
& des caractères exigés par l’orthographe pour re-
préfenter toutes ces chofes. Par rapport à l’enfèmble
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de l’Oraifon , 1a D ic tio n , eft la détermination ^ des
accidents dont les mots font fufçeptibles relativement
aux vûes de l ’Oraifôn. . .
L ’Euphonie ( F oye\ ce mot) eft, non pas , fans
doute , le premier principe, mais le principe dominant
qui détermine les combinaifons des fèns par
rapport aux mots primitifs , ainfi que les formes qut
donnent naiffance aux mots dérivés ou qui caraÇte-«
rifènt les accidents" grammaticaux des uns & des
autres. C ’eft donc à la Diction que fè rapporte l’Eu-
phônie & tout ce qui contribue à l’harmonie du diP
coursm, c’eft la Diction qui fait que les langues? font
plus ou moins douces j plus ou moins rudes, plus oit
moins chantantes, &c.
Les Métaplafmes ( Foye'ç ce mot ) font des figures
de Diction, puifqu’ils fè font par l’alteration du
matériel des mots* ‘ _ '
Les caraâères effenciels de la\Diction font la pureté
& la correction ; la pureté , qui n’admet que
les mots autorisés par le bon ufàge & dans le fèns que
cet ufàge a fixé, & les aflbciations de termes qu’il a
1 permîtes; la correction, qui obfèrve exactement les
règles de fyntaxe & d’orthographe reçues dans la
langue. Le Barbarifme eft donc un vice contraire à
la pureté de la Diction; & le Solécifme, un vice
opposé à la correction.’ F o y e \ Ba r b a r ism e & Sol
é c ism e . (M . jB e a u z é e .),
D ic t io n . Belles-Lettres. Manière de s’exprimer
d’un écrivain ou d’un auteur : c’eft ce qu’on!
nomme autrement Élocution & Style.
On convient que les différents genres d'écrire
exigent une Diction différente ; que le ftyle d’un hif-
torien, par exemple, ne doit pas être le même que
celui d’un orateur ; qu’une differtation ne doit' pas
être écrite comme un panégyrique; & que le ftyle-
d’un profateur doit être tout à fait diftîngué de celui
d’un poète : mais on n’eft pas moins d’accord fur le»
qualités générales communes à toute forte de Dic--
tion\ en quelque genre d’ouvrages que ce foit. i°*
Elle doit être claire, parce que le premier but de
la parole étant de rendre les idées, orf doit parler y
non feulement pour fè faire entendre , mais encore-
de manière qu’on ne puiffe point ne pas être entendu»
z ° Elledoit être pure , c’eft à dire, né confifter qu’en
termes qui fbient en ufàge & corrects ; places dans
. leur ordre naturel ; également^ dégagée & de termes
nouveaux, à moins que la néceflité ne l’exige, &
de mots vieillis ou tombes en diferédit. 3 °. t lié doit
être élégante , qualité qui confifte principalèmenfe
dans le choix, l’arrangement, & l'Harmonie des mots 5
ce qui produit auffi la variété. 40. Il faut qu’elle loit
convenable , c’eft à dire affortie au fufet q.ue l’ on;
traite* .
L ’Éloquence , ta Poéfîe, l’Hiftoire, laPhilofophie,
la Critique, &c. ont chacune leur D ic tio n propre &
particulière, qui fè fubdivife & fè diverfifié encore v
relativement aux differents objets qu embraffent 8c
que traitent ces Sciences. Le ton d’un panégyrique &
celui d’un plaidoyer font auffi différents entre «us*